Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 6 février 2019 à 14h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 57

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Ce débat sur l’intéressement aurait pris une tout autre tournure si nous n’étions pas dans une période où le niveau salarial moyen dans ce pays n’était pas si détérioré, et si nous n’avions pas tant de salariés qui ne peuvent pas vivre dignement de leur travail à cause de leur précarisation croissante et du faible niveau du SMIC.

Le cœur du problème, c’est la revalorisation des salaires via une hausse du salaire horaire. C’est d’ailleurs la tendance que l’on observe autour de nous, tant la pression populaire devant le poids des inégalités a rendu nécessaire une relance par la consommation. On peut juste regretter que nos voisins n’aillent pas suffisamment loin.

L’intéressement, tel qu’il est mis en œuvre, est un mécanisme qui accroît les inégalités entre salariés. En effet, dans les petites PME, les salariés ont beau être hyperperformants, il n’y a pas d’intéressement. Pis, ce mécanisme est parfois source de concurrence déloyale pour attirer les compétences entre la PME, qui ne peut pas offrir ce genre de prestation, et la grande entreprise.

Il faut aussi avoir à l’esprit qu’il y a des cycles pour les entreprises. Elles ne sont pas toujours hyperrentables ; à certains moments, elles vont moins bien. Est-ce la faute des salariés si le marché mondial est en recul ? Les trois quarts du temps, ils ne sont pas responsables des difficultés de l’entreprise. Or ils subissent à ce moment-là une chute de leur intéressement, à laquelle ils ne s’attendent pas, et dont ils ne sont pas responsables.

Si l’intéressement était marginal, et que l’on avait des politiques salariales offensives, je n’aurais rien contre le fait d’ajouter un peu de revenus. Seulement, force est de constater que, culturellement, c’est devenu un substitut à la hausse des salaires. Quand, en plus, on trouve un prétexte pour réduire les capacités de la sécurité sociale, qui, je vous le rappelle, est déjà rabotée par le Gouvernement, en particulier pour compenser la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, c’est d’un véritable assèchement progressif qu’il s’agit.

Avez-vous vu dans quel état sont nos urgences, notre hôpital public, notre système de santé ? Ils se dégradent « à la vitesse grand V ». Ce n’est donc pas le moment d’assécher les ressources de la sécurité sociale. Pour toutes ces raisons, le choix fait par le Gouvernement n’est pas le bon. Comme le disait ma collègue, la plupart des salariés préféreraient ne pas avoir à payer des mutuelles onéreuses, faute d’être bien couverts en matière de droits sociaux, plutôt que de bénéficier d’un intéressement très aléatoire et très injuste, car très inégalement réparti.

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