La modification de l’article 1833 du code civil, qui remonte à un peu plus de deux cents ans, vise d’abord à consacrer une notion juridique et jurisprudentielle, à savoir celui de l’intérêt social.
Afin de conserver la souplesse de son application, le projet de loi n’introduit pas de définition rigide de l’intérêt social, mais tend plutôt à en consacrer la notion dans la loi. Les sociétés ne sont pas gérées en vue de satisfaire des intérêts particuliers, comme celui de tel ou tel actionnaire ou d’une catégorie de salariés, mais dans leur propre intérêt, dans la poursuite des fins qu’elles se sont fixées.
Je le précise, la rédaction proposée avant la modification introduite par la commission spéciale a été pesée au trébuchet avec le Conseil d’État. Elle reprend une analyse portée par le rapport Notat-Senard, qui a proposé cette évolution du droit, dont l’importance a été évaluée. M. Senard est en effet un grand patron, qui a beaucoup consulté, dans le cadre de ce rapport, s’agissant de la portée juridique de la disposition.
Une telle avancée, il faut savoir le reconnaître, correspond non seulement à une évolution sociétale, mais aussi à une réalité juridique. Les entreprises pourront désormais ajouter, si elles le souhaitent, dans leur objet social, la mention d’enjeux sociaux et environnementaux. Cette évolution correspond assez bien au positionnement des chefs d’entreprise et à leur volonté de faire évoluer l’entreprise. Aujourd’hui, une telle ouverture n’est pas possible, compte tenu de la manière dont est défini l’objet social.
Cet article, qui consacre une jurisprudence, nous paraît donc équilibré. Il ne présente pas de risque, n’ouvre aucune boîte de Pandore, tout cela ayant été fortement analysé. Il faut avoir le courage de faire évoluer notre vision de l’entreprise, comme le Gouvernement le propose. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.