Intervention de Cyril Pellevat

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 janvier 2019 à 9h05
Recherche et propriété intellectuelle — Stratégie de l'union européenne pour l'intelligence artificielle : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. andré gattolin claude kern pierre ouzoulias et cyril pellevat

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat, rapporteur :

La Commission européenne ne possède pas de compétence particulière en matière d'intelligence artificielle. Pourtant, les États membres se sont accordés sur la nécessité d'agir de concert dans ce domaine. La Commission a donc présenté une communication en avril dernier fixant les grands axes de sa stratégie. Elle a ensuite mis en place un groupe d'experts à haut niveau, dans lequel siègent plusieurs Français. Enfin, à la fin de l'année 2018, elle a présenté un plan d'action coordonné avec les États membres et des lignes éthiques. Son idée maîtresse est que l'intelligence artificielle va entraîner une nouvelle révolution industrielle, créer des opportunités pour les entreprises et des transformations sociales. L'Europe doit donc à la fois être acteur de cette révolution et se préparer pour éviter que les transformations ne deviennent des déséquilibres.

Comme la réponse à ces questions ne peut être issue des seules politiques européennes, la Commission propose d'agir avec les États membres. Plusieurs ont déjà adopté une stratégie pour l'intelligence artificielle : la France depuis mars 2018 et l'Allemagne depuis novembre de la même année. La Commission demande aux pays qui ne l'ont pas encore fait d'adopter une stratégie nationale d'ici à la mi-2019. Ils devront indiquer le montant qu'ils comptent investir et les mesures de mise en oeuvre prévues.

Pour sa part, la Commission propose trois axes d'action. Il s'agit d'abord de renforcer la capacité industrielle et technologique de l'Union européenne en entraînant les acteurs publics et privés. Un nouveau partenariat associant États membres, entreprises, laboratoires et universités serait créé sur la base des collaborations existant dans la robotique et les mégadonnées. En complément, un réseau de centres d'excellences serait mis en place. En France, devraient logiquement y participer les instituts pluridisciplinaires retenus dans la stratégie française pour l'intelligence artificielle : Paris, Grenoble, Toulouse et Nice.

En matière d'investissement, la Commission a décidé de mobiliser des fonds de l'actuel programme cadre de recherche et d'innovation Horizon 2020, notamment dans la phase pilote du futur Conseil européen de l'innovation, consacré à l'innovation de rupture. L'apport est conséquent, puisque 1,5 milliard d'euros bénéficiera à l'intelligence artificielle, auquel s'ajouteraient 500 millions d'euros du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), dans le but d'entraîner le secteur privé et de parvenir à 20 milliards d'euros d'investissement d'ici à fin 2020. Au-delà, la Commission européenne prévoit qu'un milliard d'euros du futur programme de recherche Horizon Europe irait chaque année à l'intelligence artificielle. L'objectif, ambitieux, est de dégager d'ici à 2030, 20 milliards d'euros d'investissement par an. Même si le FEIS connaît une certaine réussite, la perspective est optimiste, bien que nécessaire si nous souhaitons rivaliser avec les États-Unis et la Chine. Notre proposition de résolution propose d'aller plus loin.

Le deuxième axe d'action de la Commission européenne consiste à bâtir une intelligence artificielle de confiance fondée sur un cadre juridique approprié. Il convient à cet égard de souligner les avancées de la stratégie pour le marché unique numérique en ce qui concerne les données. Outre le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui protège les données à caractère personnel, trois textes importants régissent le partage et l'exploitation des données en Europe : le règlement sur la libre circulation des données à caractère non personnel, le texte en cours d'adoption sur la réutilisation des données du secteur public et le règlement sur la cybersécurité qui imposera des normes robustes de sécurité des services et objets qui seront mis sur le marché. Les données issues des programmes spatiaux européens d'observation de la terre et de géolocalisation seront employées dans divers de secteurs comme l'agriculture, la mobilité, l'aménagement du territoire ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. En complément, la Commission propose de créer avec les États membres des espaces européens communs de données, sortes de bases de données communes par secteur. Par exemple, une première base de données pourrait concerner les images médicales pour améliorer le diagnostic et le traitement des cancers. Ces images seraient anonymisées et transmises sur la base d'un don des patients. Concernant l'éthique, la Commission a compris les inquiétudes que pouvait susciter l'irruption de machines toujours plus performantes dans nos vies. Elle souhaite en conséquence favoriser un climat de confiance et de responsabilité. Le groupe à haut niveau a présenté un projet de lignes directrices qui établissent un schéma de responsabilité fondé sur la transparence, qui ne bride pas l'innovation et trouve une application concrète dans le travail des chercheurs. Il pourrait constituer le point de départ d'une intelligence artificielle fondée sur les valeurs européennes.

Le troisième axe porte sur la préparation de la société à l'intelligence artificielle et sur la formation de chercheurs de très haut niveau en Europe, où manquent environ 600 000 spécialistes des technologies de l'information et de la communication. Le président de STMicroelectonics France se plaint de ne pas pouvoir recruter, tandis que l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) voit ses annonces de recrutement systématiquement concurrencées par des offres américaines ou canadiennes plus généreuses. Nous devons donc former plus d'ingénieurs en informatique et faire en sorte qu'ils bénéficient de meilleures conditions de recrutement. En outre, si notre formation en intelligence artificielle apparait d'excellente qualité, elle reste confinée à l'élite. Elle mériterait d'être généralisée pour préparer et, peut-être, créer les métiers de demain dans tous les secteurs d'activité. La Commission a identifié le défi, mais elle ne peut venir qu'en appui des politiques nationales. Mobilisons-nous sans attendre !

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