Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 janvier 2019 à 9h05
Recherche et propriété intellectuelle — Stratégie de l'union européenne pour l'intelligence artificielle : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. andré gattolin claude kern pierre ouzoulias et cyril pellevat

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur :

On est beaucoup revenu sur les questions éthiques. Quelles sont-elles ? Ne handicaperont-elles pas l'industrie européenne de l'intelligence artificielle ? L'Union européenne a décidé de ne pas fixer des règles éthiques, mais des lignes éthiques. Nous en avons besoin pour établir des limites afin de protéger nos données personnelles par rapport aux autres acteurs, notamment la Chine et les Gafam qui ne feront pas dans la dentelle ! Une des règles éthiques est non pas la transparence des algorithmes, mais la capacité à les recomposer. Il existe plusieurs types d'intelligence artificielle. Il y a tout d'abord le machine learning qui brasse beaucoup de données et apporte des réponses très intelligentes. Il y a ensuite la logique du système expert. En gros, pour les statisticiens, c'est toute la différence entre une segmentation et une analyse factorielle.

Amazon, qui est une des entreprises les plus performantes en matière de recherche sur l'intelligence artificielle, a voulu optimiser ses critères de recrutement. Or la machine avait un biais : elle choisissait de préférence des hommes, tout simplement parce que l'entreprise compte 80 % de salariés hommes ! Cela prouve que l'intelligence artificielle toute seule n'existe pas : derrière elle, il y a l'intelligence humaine.

On a longtemps parlé d'économie numérique. Maintenant on parle d'économie numérisée. Ici c'est exactement la même chose : il existe un secteur de l'intelligence artificielle et cette intelligence artificielle va se diffuser partout. Pierre Ouzoulias a raison : l'organisation du travail, même dans une entreprise classique, s'en trouvera transformée. Nous avons auditionné hier une personne de France Stratégie qui a étudié l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les systèmes de santé. Une société qui gère près de 10 millions d'usagers santé aux États-Unis, Kaiser, s'est rendu compte que le moyen le plus efficace pour bien gérer un système de santé était l'inter-échange entre tous les membres. Certes, l'intelligence artificielle peut traiter un grand nombre de données ; en ce sens, son analyse est meilleure que celle d'un expert pour la détection de certaines maladies. Pour autant, ce n'est pas elle qui fera l'accompagnement aux soins. En bref, l'intelligence artificielle s'immiscera dans la structure dans le sens plutôt d'une organisation apprenante.

Lors de son audition passionnante, Charles-Édouard Bouée, PDG du cabinet de conseil Roland Berger, a souligné que chaque révolution industrielle se faisait sur des bases différentes. À l'intérieur du numérique, tous les grands leaders de la révolution précédente veulent préparer la révolution d'après, mais souvent ils s'orientent vers des solutions qui ne seront pas forcément celles de la vague suivante. On va vers des formes d'intelligences personnalisées augmentées. Un téléphone portable est beaucoup plus puissant que toute la capacité informatique de l'administration américaine dans les années soixante-dix. Il existera peut-être demain des applications qui, sans divulguer à l'extérieur nos données personnelles, guideront nos choix en tenant compte de nos goûts, de nos préférences et de nos aspirations.

Je pensais que l'intelligence artificielle représentait de grands espoirs pour les maladies orphelines. Pas du tout ! Elle donnera plutôt de bonnes réponses pour les pathologies globales, mais elle n'identifiera pas mieux qu'un bon médecin une maladie rare. Nous aurons donc du mal à nous passer de l'expertise humaine. Il existe des machines qui agissent toutes seules - j'en veux pour preuve le trading à haute fréquence -, mais pas encore des machines qui pensent toutes seules.

J'ai beaucoup échangé avec des ressortissants de pays du nord, notamment les Norvégiens. Tout le monde a les mêmes projets novateurs sur la santé, les mobilités, l'énergie. Où est l'innovation dans l'innovation ? Pourquoi ne pas plutôt réfléchir à l'impact de l'intelligence artificielle dans l'agriculture et dans l'aquaculture ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion