Intervention de Nicolas Portier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 janvier 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur la parité dans les intercommunalités

Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France :

Merci, Madame la présidente.

Je suis chargé de vous prier d'excuser notre président, Jean-Luc Rigaut, de Haute-Savoie, et notre président délégué, Loïc Cauret, des Côtes-d'Armor, empêchés de participer à cette réunion.

Notre association essaie de promouvoir la parité, encore hors de portée pour les raisons que vous venez d'évoquer, et une plus large féminisation des instances communautaires. Les intercommunalités procèdent des communes : leur féminisation dépend donc des personnes qui sont élues à l'échelon municipal. Il est très difficile de préjuger, avant la recomposition des assemblées communales, des personnes qui représenteront les communes au sein des conseils intercommunaux.

Je me félicite des travaux conduits par le HCE et de ceux que nous réalisons depuis plusieurs années avec Elles aussi pour mesurer les progrès accomplis en matière de féminisation, les petites régressions que nous avons perçues en novembre 2017 et les constats qui en découlent.

L'année 2017 a été marquée par une recomposition considérable de la carte intercommunale, qui a élargi les conseils communautaires. J'insiste sur ce point : beaucoup de communes n'ont plus qu'un seul siège au sein de ces conseils. Il nous semble très difficile de remettre en cause la liberté de choix des communes dans le fléchage ou la désignation des élus au deuxième degré. Il est un principe d'égalité pour une assemblée, quelle qu'elle soit, de pouvoir choisir son représentant ou sa représentante. Si la féminisation progresse, les règles de parité fonctionneront dans les deux sens.

Dans la composition des conseils communautaires, nous sommes donc tributaires de la situation des communes, de ce que M. Éric Kerrouche, sénateur, dénomme « palier communal »6(*).

À l'instar de l'AMF, notre association ne souhaite absolument pas détacher les organes délibérants des intercommunalités de la réalité municipale dans laquelle elle s'ancre. L'institution nouvelle à double étage que nous avons fait émerger est un choix français, qui n'est pas incompatible avec les recompositions de l'échelon élémentaire que constitue la commune. Le modèle intercommunal français est fondé sur cet ancrage et ce partage de compétences et de recettes. La scission entre les deux entités serait totalement contradictoire et contre-productive à nos yeux. Nous devons rester ancrés dans ces réalités municipales.

Le fléchage évoqué reste un scrutin direct, puisque les citoyens élisent désormais leurs conseillers communautaires, qui ont, dans un premier temps, été élus conseillers municipaux. Il existe donc une sorte de cumul de mandats presque structurel, l'un étant le prolongement de l'autre. Ce cumul entre mandat municipal et mandat communautaire n'est pas de même nature qu'un cumul entre deux collectivités complètement différentes. Il est important de montrer la spécificité de ce cumul qui n'en est pas un ; il s'agit d'une prolongation de mandat entre les décisions communautaires et les prérogatives municipales.

Pour améliorer la situation des assemblées communautaires en matière de féminisation et de parité, il convient d'agir au préalable sur les communes.

Vous citiez les propos de notre président Jean-Luc Rigaut. Nous sommes bien conscients que nous devenons l'institution locale la plus en retard en termes de parité. L'élection en binôme a mécaniquement fait progresser la composition des assemblées départementales. Outre la féminisation, Jean-Luc Rigaut a évoqué la diversification sociologique de nos élus et leur rajeunissement. Ces évolutions rejoignent le sujet du statut de l'élu et de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, tant pour les hommes que pour les femmes. La diversification du profil des élus est importante dans les intercommunalités comme dans l'ensemble des collectivités.

Je souhaite insister sur les progrès accomplis. Les comparaisons effectuées entre 2015 et 2017 portent sur les mêmes mandats, avec les effets de la fusion des intercommunalités. Nous aurions observé des avancées beaucoup plus conséquentes en comparant 2008 et 2014. Ces progrès ont été intégralement attribuables à la loi Valls de 20137(*) et au fléchage, notamment, dans les communes de plus de 1 000 habitants. Le scrutin de liste a été institué à partir de ce seuil. L'AdCF souscrit et se félicite de la position de l'AMF. Nous avons toujours été favorables à un scrutin de liste au premier habitant. Au moment de la discussion de la loi de 2013, le seuil de 500 habitants a été proposé à titre de compromis. Les débats, ici même au Sénat, s'étaient portés sur 1 000 habitants. Pourtant, même avec un fléchage et le scrutin de liste dès le premier habitant, il faut avoir conscience qu'il sera difficile de garantir la parité au sein des assemblées, dès lors que certaines communes ne désignent qu'un seul représentant.

Cet effet de structure de l'intercommunalité rend évidemment très complexe la garantie absolue d'une assemblée totalement paritaire.

Pour cette raison, il a paru difficile de progresser en matière de parité des exécutifs dès lors que la parité des conseils communautaires n'est pas susceptible d'être assurée. De même, il ne peut pas être garanti, au niveau national, que les présidences (présidents et premiers vice-présidents) seront paritaires. On peut entendre les réserves, ce qui n'empêche pas d'essayer de progresser.

Depuis 2008, les assemblées communautaires se sont largement féminisées. Une progression est observée. En revanche, s'agissant des présidences d'intercommunalité, aucun progrès n'a été enregistré. Nous étions à 7 % en 2008 et restons à ce même niveau en 2017. Une différence importante demeure ainsi entre le niveau de féminisation des assemblées et celui des présidences, qui n'a guère avancé en une décennie !

Les départements disposent désormais d'assemblées totalement paritaires. Pourtant, en termes de présidence d'exécutifs départementaux, leurs résultats sont identiques aux nôtres. Cela montre bien qu'une assemblée paritaire ne garantit pas la féminisation des présidences. Ce point doit nous interroger.

Entre la présidence et l'assemblée se trouvent deux cercles concentriques : les vice-présidences et les bureaux. L'AMF et le HCE ont émis des propositions pour intervenir sur ces niveaux de responsabilité. Un débat existe dans nos instances pour définir si l'on doit tendre vers un scrutin de liste pour élire les vice-présidents et le bureau. Cette question est également soumise au débat parlementaire. Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités territoriales, portait un texte sur le sujet en 2006. Alors que l'exécutif ne désignait que le président, il est désormais obligatoire d'élire des exécutifs régionaux, par exemple, avec une liste paritaire. Quant à l'élection des vice-présidents d'intercommunalités, elle s'effectue au scrutin uninominal. Si l'on passait à un scrutin de liste pour constituer une véritable équipe, les règles de parité s'imposeraient. Nous devons toutefois nous assurer que des femmes sont bien présentes dans les assemblées pour constituer l'exécutif. Compte tenu des progrès observés, nous devrions parvenir à la désignation d'un exécutif plus féminisé.

Avec Elles aussi, nous craignions de plus fortes régressions en 2017. Nous assistons finalement à un resserrement vers la moyenne. Les exécutifs exclusivement masculins se sont réduits. J'insiste sur les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la loi NOTRe8(*) en raison des délais imposés aux élus en cours de mandats. Beaucoup de vice-présidents et vice-présidentes de communautés ont perdu leur mandat. Les fusions à cinq ou six communautés ont été très brutales. Plusieurs mois après la mise en oeuvre des fusions, nous recevons des remontées négatives. Deux intercommunalités sur trois ont fusionné, dans un temps record, souvent à très grande échelle. La féminisation des exécutifs, mais aussi la représentation de certains territoires, ont souffert de ces évolutions.

La composition des exécutifs communautaires a ainsi été très compliquée en 2017. Elle le sera sans doute également en 2020, car l'intercommunalité prend de plus en plus de responsabilités. Le mandat devient très lourd. Des équilibres importants doivent être respectés, en termes de parité, mais aussi entre les coeurs urbains et les anciens secteurs géographiques. J'insiste sur la nécessité d'être attentifs et prudents sur ce sujet. Le respect des territoires dans l'intercommunalité est un enjeu important, or les équilibres territoriaux se concrétisent souvent au sein de l'exécutif.

Il est intéressant d'avoir travaillé sur les attributions de délégation au sein des exécutifs. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Sur une longue période, il peut être caricatural de parler d'une spécialisation des élues dans le domaine de la petite enfance. Toutefois, les hommes aussi doivent s'intéresser à ces sujets. On constate une diversification progressive de ces délégations - nous mettons des statistiques à votre disposition. Nous sommes frappés par la montée en puissance de vice-présidentes sur les sujets de finance et de développement économique. Je constate, il est vrai, que les thèmes des déchets, de l'eau et de l'assainissement restent encore très massivement masculins. Néanmoins, les pratiques de répartition des vice-présidences évoluent sensiblement.

Vous évoquiez le scrutin des métropoles. Je pense que les avancées sur ce point seront limitées. Il reste peu de temps pour apporter des correctifs législatifs. Sans parler de remise en cause, nous aurions besoin d'un assouplissement des règles de fléchage. Nous avons émis une demande en ce sens lors de notre congrès d'octobre 2018. Il reste peu de temps au législateur pour agir, car les règles du jeu doivent être fixées plusieurs mois à l'avance. Je ne dirai pas qu'une année d'anticipation est nécessaire, puisque la loi de mai 20139(*) est intervenue moins de douze mois avant le scrutin. Si les deux assemblées parlementaires veulent apporter quelques correctifs aux textes, elles doivent toutefois avancer rapidement, d'autant que les propositions devront être avalisées par des assemblées locales. Le sujet de l'abandon du panachage est un sujet sensible, y compris pour nos concitoyens. En cas d'élargissement du scrutin de liste, le calendrier sera très contraint. Il en sera de même en cas de modification des règles de désignation des membres des exécutifs.

Nous partageons plusieurs des positions décrites, mais le temps pour agir est très limité. Pour autant, rien ne nous empêche de promouvoir avec force ces mesures. Pour l'année 2019, nous devons sortir de la thématique du blues des maires et des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Je doute que nous trouvions beaucoup de candidates et de candidats pour s'investir si cette vision d'horreur continue à dominer. Pour faire un bon travail avec les équipes municipales, les mandats communautaires exécutifs de président et de vice-président sont extrêmement accaparants. Si un plan local d'urbanisme (PLU) a été bâti, la vice-présidence à l'urbanisme dans une intercommunalité doit être conduite en lien très étroit avec les équipes municipales. Tous les sujets de conciliation des temps, d'implication et de non-cumul sont posés. Les élus qui s'engageront, qu'ils soient hommes ou femmes, jeunes ou plus âgés, doivent avoir conscience de cet investissement.

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