Intervention de Julia Mouzon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 janvier 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur la parité dans les intercommunalités

Julia Mouzon, présidente du réseau Élueslocales.fr :

Je remercie la délégation pour cette invitation.

Élues locales existe depuis 2012. Nous animons la communauté des femmes élues. Notre réseau compte plusieurs milliers de femmes élues à travers la France, ainsi qu'une cinquantaine de réseaux départementaux menés par des référentes locales. Certaines d'entre elles nous ont fait l'honneur de venir aujourd'hui. Ces réseaux organisent des rencontres chaque année ; plus d'une dizaine de rencontres sur la question de la parité en intercommunalités sont déjà prévues d'ici mars au sein de nos réseaux locaux.

En 2018, nous avons formé plus de 1 000 femmes élues sur les mandats locaux et leurs enjeux, notamment dans le développement personnel, l'affirmation de soi et la communication.

Dans notre réseau, nous sentons une attente extrêmement forte en matière de parité dans les intercommunalités. Les problèmes des femmes sont, en réalité, les problèmes de tous. Je pense notamment à la question des horaires et de l'investissement dans le mandat local.

Je me suis rendue il y a quelques mois à Saint-Estève, une petite commune rurale du Médoc, pour une réunion d'élus. Un maire, élu depuis plus de vingt ans, m'indiquait qu'il n'avait pas vu ses enfants grandir. Il estimait que, si c'était à refaire, il ne le referait pas. Sans parler du blues des maires, cette problématique est réelle. Les femmes, plus particulièrement, peuvent se poser ces questions. Ce constat reflète les difficultés du statut de l'élu et de l'investissement extrêmement lourd demandé dans les intercommunalités. Dans un second temps, nous devrons également nous interroger sur les raisons pour lesquelles les femmes sont si peu présentes dans les intercommunalités et, de fait, pourquoi si peu s'impliquent dans la vie politique locale.

Les gens ignorent ce qu'est une intercommunalité. Ce point est particulièrement frappant. Nous sommes un cercle d'experts, mais nous faisons de la politique pour les personnes à l'extérieur. Par curiosité, j'ai récemment interrogé mon père sur le sujet. Je lui ai demandé s'il connaissait l'intercommunalité à laquelle appartient la ville où il réside. Sa première réponse a été que cette ville se trouve dans le département des Hauts-de-Seine. Lorsque j'évoque le Grand Paris Seine Ouest, il me dit : « C'est un regroupement d'entreprises ».

Cécile Gallien mentionnait les intercommunalités qui préparent l'avenir de nos territoires. Le choix est posé entre :

- des intercommunalités prenant la forme de structures politiques, qui développent des visions politiques d'un territoire, d'un bassin de vie ou d'emploi, d'activité économique ou d'investissement en matière de transition énergétique ;

- une structure gestionnaire s'apparentant davantage à un syndicat mixte, qui serait en charge de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), sans porter de vision politique.

Ces questions conditionnent les réponses que l'on peut apporter au sujet de la parité et à la place des femmes dans les intercommunalités.

Une première réponse a été évoquée par l'Association des maires de France et le HCE. Je ne reviens pas sur l'éventail de solutions opérationnelles proposées. Élues locales y souscrit. Vous avez conduit un excellent travail, et nous sommes très heureuses de pouvoir soutenir ces solutions grâce au constat fait par Elles aussi. Sur le court terme, il faut aller plus loin, d'autant plus que l'on n'est pas toujours certain que le meilleur gestionnaire soit élu. Il est important de fixer des règles, des lois et des contraintes pour que d'autres personnes puissent entrer dans la vie politique et ainsi la renouveler.

Sur les moyen et long termes, une question plus profonde se pose sur la place des intercommunalités dans notre paysage politique. Elles ne sont pas toujours le lieu où se prépare l'avenir de nos territoires. Souvent, elles sont le théâtre d'affrontement des maires, qui répondent de leur gestion dans leur commune, tandis que personne ne rendra de comptes à la population globale du bassin de l'intercommunalité des années après les initiatives mises en oeuvre en matière de développement durable et économique.

Les intercommunalités sont parfois issues de regroupements réalisés, non pas au regard de la cohérence du bassin de vie ou du bassin économique, mais en fonction de la connivence et de l'entente entre les maires de différentes communes. C'est aussi le cas pour les communes nouvelles. Ce phénomène pose un problème de cohérence des politiques publiques développées dans les EPCI.

Dès lors, nous nous interrogeons sur la pertinence du suffrage universel ou sur la délégation, au sein de l'EPCI, d'un élu qui ne soit pas le maire. Ce représentant porterait la voix de l'EPCI dans la commune et pourrait consacrer davantage de temps à l'intercommunalité.

Il nous semble impératif d'agir sur le temps court, avec les élections de 2020 en ligne de mire. Des actions sont également nécessaires sur un temps plus long afin d'accompagner les élus locaux dans ces mandats passionnants, mais difficiles. Ils doivent être menés le mieux possible, car l'avenir de nos territoires en dépend.

Merci beaucoup.

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