Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 février 2019 : 1ère réunion
Échange de vues sur la parité dans les élections municipales

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Je n'ai aucun état d'âme s'agissant de la parité, des quotas ou des dispositions légales contraignantes qui peuvent favoriser l'accès des femmes aux fonctions électives, d'autant plus que beaucoup d'entre nous, y compris moi-même, ne seraient pas présentes au Sénat en l'absence de telles dispositions.

Toutefois, ainsi que les femmes élues de mon département me l'ont précisé, la question de leur représentation au sein des organes des intercommunalités demeure un enjeu prioritaire par rapport à celui de la parité dans les communes faiblement peuplées, où les femmes sont diversement représentées parmi les élus.

J'avoue que ma réflexion achoppe encore sur la conciliation entre l'exigence de parité dans les intercommunalités et la nécessité d'y représenter les communes dont les premiers magistrats sont majoritairement des hommes.

Les communes de moins de 1 000 habitants sont membres d'intercommunalités regroupant au moins 70 communes, auquel cas tous les maires ne sont pas vice-présidents. Les communes plus peuplées, concernées par les dispositions relatives à la parité sont, quant à elles, regroupées au sein d'intercommunalités composées d'un plus faible nombre d'entités. Toutefois, l'application des mesures de parité dans la constitution des listes n'est pas suffisante pour assurer une représentation paritaire des maires sur l'ensemble de ces communes.

Ce premier écueil se double d'un problème politique. Laurence Cohen et Maryvonne Blondin, qui ont aussi participé aux débats lors de l'examen, en 2013, des dispositions légales sur l'élection des conseillers départementaux4(*), se souviennent sans doute de certains propos alors tenus dans l'hémicycle. Qui appelait à voter pour des dispositions paritaires temporaires demandant à être réexaminés à l'aulne des compétences dont les femmes élues auraient fait preuve dans l'exercice de leur mandat. Qui proposait d'instituer une bien singulière parité, réduite à une représentation des femmes cantonnée à 30 %...

Bref, nous avons assisté à un concours Lépine des meilleurs idées pour contourner l'application d'une représentation paritaire dans les conseils départementaux !

Je m'interroge donc sur notre capacité à faire adopter cette proposition de loi de la délégation aux droits des femmes par le Sénat, même si j'y suis favorable. Qui d'entre nous peut assurer que son groupe politique consentira à céder sa niche pour permettre d'en débattre ? Par ailleurs, même si les travaux de la délégation sont examinés de manière sereine et consensuelle, je n'ai pas retrouvé lors de certains votes et débats dans l'hémicycle le même soutien affiché pendant nos réunions plénières. Je me suis parfois sentie bien seule pour affronter les interventions d'opposants à nos thèses ! Nous en avons eu un exemple récemment...

Des élections sénatoriales vont se dérouler en 2020 : il ne faudrait pas que les adversaires de notre proposition de loi se posent en défenseurs des petites communes que les auteures de la proposition de loi auraient malmenées !

Les débats animés sur l'élection des conseils départementaux, dont je parlais tout à l'heure, ont bien montré que les dispositions visant à instituer la parité ne sont vraiment acceptées qu'une fois votées. En témoignent les anciens adversaires de l'introduction de dispositions paritaires pour l'élection des conseillers départementaux : ils reconnaissent désormais qu'elles ont changé les choses et ne songent aucunement à suggérer que l'on revienne sur ces mesures.

Nous devons donc être certains que cette proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat avant les élections sénatoriales, sinon elle se retournera contre les audacieux - ou plutôt les audacieuses - qui l'auront portée, au grand bénéfice des collègues raisonnables, qui se seront érigés en protecteurs des petites communes.

J'en suis à ce stade de ma réflexion. Je vous la livre à titre personnel, indépendamment de la décision que mon groupe est susceptible de prendre sur ces questions.

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