Mes chers collègues, en accord avec Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, co-rapporteures en 2018 de notre travail sur les mutilations sexuelles féminines, il m'a paru souhaitable d'envisager sur ce sujet l'élaboration d'une proposition de résolution faite dans le cadre de l'article 34-1 de la Constitution.
Ce type de texte permet en effet de donner de la substance à des prises de position de notre institution qui ne relèvent pas des compétences législatives.
Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et moi avons pensé que nous devions, en cette semaine dédiée à la thématique de la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, du fait de la Journée onusienne du 6 février, « Journée internationale de tolérance zéro contre les mutilations sexuelles féminines », nous inscrire dans ce combat, comme nous l'avions fait il y a précisément un an, en organisant une table ronde ouverte au public qui a servi de fil conducteur aux réflexions de nos co-rapporteures.
Le projet de texte qui vous a été adressé par courriel préalablement à cette réunion rassemble en un document unique une synthèse de nos conclusions sur deux sujets liés : les mutilations sexuelles féminines et le mariage des enfants. Je rappelle que le mariage des enfants a pour corollaire les grossesses et accouchements précoces, qui constituent la deuxième cause de décès dans le monde pour les jeunes filles de 15 à 19 ans.
Les constats statistiques concernant ces pratiques sont effroyables. Nous les connaissons, mais je vous les rappelle : toutes les sept secondes dans le monde, une jeune fille de moins de 15 ans est mariée, toutes les 15 secondes, une fillette ou une femme est excisée, une fille sur cinq donne naissance à son premier enfant avant l'âge de 18 ans et 70 000 décès dans le monde sont causés chaque année par les grossesses précoces.
Nos précédents travaux sur les mutilations sexuelles féminines nous ont alertés des conséquences dramatiques de l'excision sur la santé physique et psychologique des victimes. Ils nous ont confirmé que ces pratiques s'inscrivaient dans le continuum des violences faites aux filles et aux femmes.
Quant à la table ronde du 11 octobre dernier, organisée avec l'UNICEF à l'occasion de la Journée internationale des droits des filles, elle nous a alertés sur les conséquences du mariage précoce et forcé, qui en empêchant les filles d'aller à l'école, les condamne à une vie de dépendance et de précarité économique et prive les pays concernés d'un potentiel de développement et de croissance évident.
Le bref rapport d'information que nous avons adopté lors de notre dernière réunion rappelle ces enseignements. Il souligne la nécessité d'une vigilance accrue contre le mariage des enfants, dont on relève l'amplification depuis quelques années, y compris dans des régions où cette pratique avait diminué. Ce fait tient, selon les observateurs, à la multiplication des zones de crise, qu'elles résultent de conflits ou de catastrophes naturelles et environnementales.
La proposition de résolution reprend la plupart des constats et des points de vigilance que nous avons formulés dans ces précédents travaux. Pour ma part, je tiens à souligner la nécessité absolue d'impliquer les hommes dans ce combat.
Je précise que ce texte est destiné à devenir, sous réserve de son inscription à l'ordre du jour et de son adoption, une résolution du Sénat et non pas un travail de la délégation. J'attire aussi votre attention sur le fait que la délégation ne saurait déposer collectivement une proposition de résolution et que, de ce fait, nous agissons dans ce domaine dans le cadre d'initiatives individuelles.
Si vous m'y autorisez, je la déposerai donc dès aujourd'hui avec Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, qui en sont les co-auteures, et vous invite à la cosigner avec nous. Notre collègue Claude Malhuret m'a dès hier indiqué son souhait de faire partie des cosignataires. Il est évident que les cosignataires non membres de notre délégation seraient plus que les bienvenus.
L'objectif est en effet de montrer l'implication du Sénat tout entier dans la lutte contre ces fléaux, qui sont autant d'atteintes aux droits fondamentaux de la moitié de l'humanité. Il est aussi de marquer la considération de notre institution pour tous les acteurs, professionnels et bénévoles qui, partout dans le monde, agissent pour défendre ces droits.
Je donne sans plus tarder la parole à Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, en tant que co-auteures.
C'est une très grande satisfaction pour moi de voir notre travail sur les mutilations sexuelles féminines prendre la forme d'une proposition de résolution et je remercie notre présidente d'avoir porté cette initiative. Notre assemblée doit être impliquée dans ce combat, et une proposition de résolution manifestera l'engagement de notre institution en faveur de cette cause. Nous l'avons vu avec le Parlement européen et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. D'ailleurs, quand j'ai évoqué cette proposition de résolution lors de notre dernière réunion de groupe, des collègues qui ne font pas partie de la délégation ont manifesté de l'intérêt pour notre démarche. Nous devons rassembler le plus possible de signataires ! De plus, je rejoins notre présidente, il est primordial que les hommes s'impliquent. À cet égard, je voudrais mentionner l'initiative d'un jeune homme (il n'a que vingt ans) originaire de Concarneau qui vient de remporter des prix prestigieux récompensant le court métrage qu'il a réalisé sur les mutilations féminines, intitulé « J'avais neuf ans » : je vous invite à le regarder en ligne.
Je tiens moi aussi à remercier très chaleureusement notre présidente d'avoir pris l'initiative de l'élaboration de ce texte. Son dépôt sera un aboutissement très appréciable de nos travaux, qui ne peuvent pas toujours se traduire dans le cadre de nos compétences de législateur. Une résolution prise sur le fondement de l'article 34-1 de la Constitution donnera une véritable substance à nos réflexions sur des sujets si graves. Il faut en avoir conscience, tant le mariage des enfants que l'excision s'inscrivent dans un parcours traumatique qui comporte tout le spectre des violences faites aux femmes. Maintenant, il nous faut réunir le plus grand nombre possible de cosignatures, dans tous les groupes !
Je vous remercie, chères collègues. Je suggère donc que ce texte soit proposé dans un premier temps à la signature de l'ensemble de la délégation, et que nous portions ensuite notre initiative dans nos groupes respectifs, afin de réunir des cosignatures de la manière la plus large possible. Dès aujourd'hui, cette proposition de résolution sera déposée avec les cosignataires qui se seront manifestés d'ici cet après-midi. Nous pouvons considérer, d'après nos échanges, que toutes et tous, vous êtes d'ores et déjà compris dans la liste des cosignataires en vue du dépôt. Je vois que vous le confirmez !
Sommes-nous bien d'accord pour que l'intitulé de cette proposition de résolution fasse référence à notre volonté de « soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines » ? Je ne vois pas d'objection, ce titre fait l'unanimité.
Cette proposition, ainsi intitulée, sera donc déposée en fin d'après-midi. Ce dépôt sera assorti d'un communiqué de presse faisant référence à notre souhait d'apporter, par ce texte, notre contribution à la Journée internationale « Tolérance zéro contre les mutilations sexuelles féminines », ce qui implique son dépôt à une date proche du 6 février.
Cette thématique est terrible. J'assistais récemment à une manifestation sur ce sujet, organisée par l'association Femmes solidaires afin de faire connaître un foyer pour jeunes filles créé en Éthiopie pour protéger les adolescentes menacées d'excision et leur permettre de poursuivre leur scolarité. Un documentaire a été réalisé pour soutenir ce projet. Comment pouvons-nous, en tant que parlementaires, aider ces associations qui ont besoin de moyens pour mener leur combat ? Nous savons à quels problèmes se heurtent les associations demandant des subventions. Par-delà nos sensibilités politiques, nous devons être des porte-voix pour apporter notre soutien aux associations, actrices incontournables de la lutte contre les violences.
Merci, mes chers collègues. Nous pouvons donc passer au second point de notre ordre du jour.
Mes chers collègues, nous en venons au second point de notre ordre du jour : un échange de vues sur les suites de la table ronde du 17 janvier sur la parité dans les intercommunalités et de notre réunion du 22 janvier dernier.
Je rappelle qu'au cours de la table ronde du 17 janvier, nous avons entendu l'AMF, l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et le Haut conseil à l'égalité ainsi que l'association Elles aussi.
Chaque intervenant a alors insisté sur le fait que le levier des élections municipales était essentiel pour renforcer la féminisation des instances communautaires, affectée par les fusions intervenues en lien avec la loi NOTRe1(*). Nous le savons, quand une commune ne dispose plus que d'un siège dans l'intercommunalité, elle y est représentée par son maire. Or 84 % des maires sont des hommes.
Par un communiqué de presse publié le 18 juillet 2018, l'AMF s'est prononcée en faveur de l'élargissement du scrutin de liste paritaire et alternée femme/homme à toutes les communes, même à celles de moins de 1 000 habitants, de l'élection des maires adjoints à partir d'une liste alternant hommes et femmes, et de l'obligation de désigner au poste de premier adjoint un candidat de sexe différent de celui du maire.
Au cours de notre réunion du 22 janvier, nous nous sommes posé la question de la traduction, par une proposition de loi, des recommandations de l'Association des maires de France. J'ai alors constaté le souhait de la majorité des présents de ne pas se limiter aux questions de droit électoral, mais d'étendre notre propos aux exécutifs. Sur la base de ces réflexions, j'ai demandé à la division de soutien à l'initiative parlementaire, en lien avec le secrétariat de la délégation, de travailler à un projet de texte tirant les conséquences de nos précédents échanges.
Je rappelle que les délégations ne sont pas habilitées à déposer collectivement des propositions de loi : une telle démarche relève de l'initiative personnelle de ses membres.
Le dépôt éventuel de cette proposition de loi par des membres de la délégation poserait toutefois différents problèmes que nous devons aborder ce matin.
Tout d'abord un problème de délai.
Certes, on peut se demander si ce texte pourrait être adopté en temps voulu pour modifier les règles applicables aux prochaines élections municipales de 2020, compte tenu des contraintes afférentes à l'inscription à l'ordre du jour et à la navette parlementaire. Toutefois, il ne semble pas que l'usage consistant à s'abstenir de modifier les règles d'un scrutin au cours de l'année qui le précède soit de nature à nous empêcher de déposer ce texte. Rappelons en effet que la loi du 17 mai 2013 a modifié les règles applicables aux élections municipales de mars 2014. De plus, le Conseil constitutionnel ne semble pas considérer que le respect de ce délai d'un an conditionne la constitutionnalité des lois modifiant le code électoral, si l'on se réfère à une décision du 21 février 2008 concernant la loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général2(*).
Cette interrogation relative aux délais ne devrait pas nous décourager à l'excès : nous serions dans notre rôle en proposant de telles mesures, a fortiori en raison de la prise de position de l'AMF. Nous aurions de plus apporté notre contribution au débat sur la parité dans les élections municipales.
Un autre problème à débattre est le périmètre d'une éventuelle proposition de loi.
1er point : faut-il viser aussi la gouvernance des intercommunalités ou nous concentrer sur l'échelon communal ?
2e point : faut-il nous en tenir à l'élection des conseillers municipaux ou élargir ces propositions à la désignation des maires adjoints ? Le texte qui vous est distribué, et qui constitue notre base de discussion ce matin, prévoit les deux hypothèses. Il aborde donc aussi les autres collectivités (départements, région, Corse, métropole de Lyon) pour lesquelles la loi n'a pas prévu de règle de parité au sein des vice-présidents. Or il me semble difficile de définir des règles plus strictes pour les communes que pour les départements et régions.
Je persiste à m'interroger sur l'opportunité de ces dispositions, dès lors que notre sujet est de traiter la situation dans les intercommunalités...
Serait-il pertinent, par ailleurs, d'intégrer cette problématique, alors même que la seule question de l'extension du scrutin de liste paritaire aux petites communes est déjà plus complexe que l'on ne pourrait croire au premier abord ? Je pose la question.
Je vous propose de commenter rapidement le texte qui vous est distribué. Celui-ci constitue une base de discussion. Puis nous aurons un échange entre nous.
Je souhaite préciser d'emblée que ce texte ne prévoit pas d'extension aux collectivités ultramarines : cela supposerait la consultation des autorités locales, de la compétence du Gouvernement. Il m'a donc semblé préférable de nous en tenir, dans un premier temps du moins, à la métropole.
La proposition de loi dont le texte vous a été distribué étend aux communes de moins de 1 000 habitants le mode de scrutin applicable aux communes de plus de 1 000 habitants.
Ensuite, ce texte propose des adaptations de ce mode de scrutin aux spécificités des petites communes.
Ainsi, il permet aux listes candidates dans les communes de moins de 1 000 habitants d'être incomplètes, comme c'est le cas actuellement3(*). Cela répond à la difficulté de trouver autant de candidats que de sièges à pourvoir, souvent mise en avant pour contester la parité dans ces communes. L'idée est que le manque allégué de candidats, susceptible d'être aggravé par l'exigence de parité, ne revienne pas à priver une partie des électeurs de la possibilité de désigner leur conseil municipal et, indirectement, à les empêcher de participer à l'élection des sénateurs.
Par ailleurs, bien que les listes puissent être incomplètes, la proposition de loi écarte explicitement les candidatures isolées qui pourraient encourager des stratégies de contournement, sauf dans les communes de moins de 50 habitants où des dérogations sont nécessaires. Nous devons voir entre nous si une telle dérogation est souhaitable et quel est le seuil le plus pertinent à cet égard.
En outre, ce texte pose le principe d'un nombre minimal de candidats, fixé à un tiers du nombre de sièges à pourvoir.
De plus, la proposition de loi propose, pour départager les listes ayant obtenu un nombre égal de voix, d'avantager celles qui comporteraient le plus de candidats, afin d'encourager la constitution de listes aussi complètes que possible.
Enfin, une autre adaptation est proposée pour les communes de moins de 50 habitants (là encore, nous devons discuter du seuil le plus adapté) : il s'agit de les exonérer de l'obligation d'avoir un nombre minimum de conseillers résidant dans la commune. Cet assouplissement vise à prendre en compte les difficultés supplémentaires qui pourraient résulter, du fait de la parité, dans ces très petites communes où, semble-t-il, il n'est pas garanti de trouver des candidats. À mon avis, cette objection vaut autant pour les hommes que pour les femmes, en réalité.
Cela vous paraît-il utile ?
Le texte comporte également des dispositions déclinant la parité dans les exécutifs. Les autres dispositions (articles 3 et 4) sont des coordinations techniques et des mises à jour.
Le débat est ouvert.
Merci, Madame la présidente. Mon intervention portera sur la dérogation que le texte prévoit au profit des petites communes. Nous avons tous fait le constat dans nos territoires de la difficulté à trouver des candidats sur les listes municipales des plus petites communes. Le seuil de 50 habitants me semble beaucoup trop bas et les dispositions proposées ne feraient qu'entraîner des contraintes supplémentaires pour les communes concernées. Pour moi, il faudrait peut-être fixer ce seuil à 300 habitants.
Je vous remercie de nous faire des propositions pour avancer sur la parité dans les communes et les intercommunalités. En écoutant votre intervention, j'ai pris conscience de toute la complexité du sujet !
Pourriez-vous repréciser les raisons qui justifient l'urgence de déposer un texte maintenant ?
Cela tient au calendrier électoral, sachant que les élections municipales auront lieu en mars 2020 et qu'en vertu d'un usage, il est préférable d'éviter de légiférer sur les règles électorales moins d'un an avant l'échéance. Pour autant, j'ai expliqué que le Conseil constitutionnel avait déjà admis des dérogations à cette tradition républicaine. Malgré tout, quelle que soit l'appréciation des délais, nous serions dans notre rôle en promouvant une initiative législative dans ce domaine.
Nous avons tous reçu un communiqué de presse de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui représente les petites communes, et qui nous enjoint, de façon prioritaire, à avancer sur le statut de l'élu plutôt que sur une modification des règles électorales.
Il ne suffit pas de déposer une proposition de loi, encore faudrait-il qu'elle soit adoptée, ce qui reste incertain au regard de la complexité du sujet et des questions que le texte soulève. Pour ma part, malgré la très grande importance que j'attache à la parité dans les intercommunalités et à la nécessité de renforcer la féminisation de la fonction de maire, j'ai besoin d'un temps de réflexion pour examiner ces propositions de façon plus approfondie avant de me prononcer.
La question du seuil soulevée par notre collègue Chantal Deseyne est une difficulté évidente ; les aspects juridiques sont très techniques, ce qui rend le sujet particulièrement compliqué...
À titre personnel - je ne sais pas dans quel sens se prononcera mon groupe -, j'estime qu'il faudrait déposer une proposition de loi le plus rapidement possible.
Je suis favorable aux dispositions qui concernent l'échelon municipal, dans le texte commenté par notre présidente. L'échelon communal est le plus important ! La question de l'intercommunalité pourrait être discutée au sein des groupes et donner lieu, le cas échéant, à des amendements.
S'agissant du seuil à fixer pour les petites communes, je pense que la parité doit s'imposer partout, d'autant plus que, comme vous l'avez dit, il est très difficile de fixer un seuil qui ne soit pas arbitraire.
Je voudrais rappeler que depuis le début de notre combat pour la parité, ses détracteurs nous ont toujours opposé des difficultés et des obstacles pour ne pas avancer, mais nous y sommes néanmoins parvenues ! La difficulté supposée de trouver des candidates est un argument très fréquemment avancé. Pourquoi ne serait-il pas possible d'imposer la parité, y compris dans les communes de 50 habitants ?
Notre démarche doit être une action aussi forte que symbolique !
J'estime moi aussi que nous ne devons pas nous censurer. Faire progresser la parité a toujours été compliqué. Agir sur le seul échelon communal me semble tout à fait insuffisant. Par exemple, dans mon territoire, nous atteignons la parité à cet échelon, ce qui est en revanche loin d'être le cas à l'échelon intercommunal. De même, la parité est réelle au niveau du département, car nous l'avons imposée. C'est une question de volonté politique.
Néanmoins, je suis consciente de la difficulté de l'exercice et je sais que nous aurons toujours des détracteurs. C'est bien notre rôle, à la délégation, de faire progresser la parité ! Je ne vois pas pourquoi les citoyennes, qui payent des impôts comme les hommes, et qui sont également impactées par les décisions financières prises par les communes, n'auraient pas droit de cité pour peser sur ces décisions !
J'aimerais bien être dans un monde où rien n'est imposé et où les choses se mettent en place naturellement, mais nous n'en sommes pas encore là...
À cet égard, je ne peux que manifester mon chagrin face au constat que, à chaque fois que le conseil municipal doit arbitrer en matière d'équipement sportif, c'est le foot qui l'emporte systématiquement ! C'est peut-être un cliché, mais ce point est révélateur d'un mode de fonctionnement au sein de nos communes et intercommunalités.
Dans mon territoire, la parité existe à l'échelle des communes, mais le bureau de l'intercommunalité compte dix-huit hommes sur vingt membres !
Il faut introduire des dispositifs permettant aux élues de s'exprimer et de peser autant que leurs collègues masculins dans les décisions, sinon nous n'irons pas au bout de l'exercice.
J'exprime une position personnelle que j'assume parfaitement.
Je comprends vos remarques. Cependant, je crois qu'il faut garder à l'esprit un principe de réalité. J'ai rencontré récemment les représentants de l'Association des maires ruraux du Finistère, département qui ne compte aucune commune de moins de 50 habitants. Si j'adhère bien évidemment au principe de la proposition de loi, j'ai quelques doutes sur le fait qu'elle puisse s'appliquer dans la réalité. Ne sous-estimons pas le désarroi des élus, qui pousse de nombreux « dauphins » à abandonner l'idée de succéder à leurs maires, tant la tâche est difficile. Je ne pense pas que les maires, notamment ceux des petites communes rurales, accueilleraient favorablement des contraintes supplémentaires dans le contexte actuel.
Il est nécessaire d'exonérer les petites communes des obligations de parité que nous préconisons. Je pencherais pour ma part pour un seuil fixé à 500 habitants.
Il me semblerait utile, pour notre réflexion, de disposer de statistiques relatives au nombre de communes comptant respectivement moins de 500, de 300 et de 100 habitants en France. Cela pourrait nous aider à la prise de décision.
Nous sommes en contact toutes les semaines avec des maires, nos territoires sont variés. Si nous devons déposer une proposition de loi, il faut qu'elle ait une chance d'aboutir et, surtout, qu'elle ne suscite pas le mécontentement des maires des petites communes !
En Guadeloupe, nous comptons 50 % de femmes présidentes de communautés d'agglomérations et de communes (trois sur six). Par ailleurs, beaucoup de femmes sont maires.
Plutôt que de prévoir des contraintes, ne serait-il pas plus judicieux d'inciter les femmes à déposer des listes qu'elles constitueraient elles-mêmes, sans que leur candidature soit conditionnée par les décisions des hommes ? Ces derniers vivent parfois mal cette logique de parité, comme si on leur enlevait quelque chose.
Je suis favorable à la promotion des femmes, dans une logique d'incitation plutôt que de contrainte.
Beaucoup de femmes ne tiennent pas à s'opposer aux hommes. Si nous mettions en avant les compétences des femmes et leurs capacités à diriger, le discours serait plus positif.
Je vous remercie pour vos remarques. Les associations de femmes élues font un travail remarquable pour promouvoir les femmes en politique.
Je rappelle que notre démarche se voulait une réponse à l'impact de la loi NOTRe sur la parité dans les intercommunalités, en réponse à l'appel qui nous a été adressé par des associations. Pour que la parité progresse dans les intercommunalités, il faut d'abord qu'il y ait davantage de femmes maires. Je précise à cet égard que je suis entrée il y a vingt ans dans un conseil municipal grâce aux lois sur la parité, et je ne pense pas être la seule...
Dès lors que l'outil qu'est la loi est essentiel dans la lutte pour obtenir l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment en matière de parité, usons-en, d'autant que cette proposition de loi aurait un effet d'entraînement.
Plusieurs problématiques doivent cependant être examinées, notamment la répartition territoriale différenciée de la démographie communale. Par exemple, le Val-de-Marne ne comptant aucune commune de moins de 50 habitants, il m'est difficile de me prononcer sur des dispositions qui concernent spécifiquement ces communes où ne sont élus que sept conseillers municipaux ; je partage les propos de Chantal Deseyne sur ce point.
Définir un seuil d'au moins 100 habitants serait peut-être préférable, sous réserve de dénombrer au préalable les communes qui seraient concernées.
Les avancées en matière d'égalité entre les hommes et les femmes ne sont pas spontanées, mais résultent bien souvent d'une obligation légale, nous le savons bien ! Je souscris donc à l'adoption de mesures contraignantes, afin d'obliger les élus, notamment les maires, à prendre pleinement conscience de cette problématique.
Les intercommunalités en sont une parfaite illustration, car en l'absence de règles contraignantes, le nombre de femmes qui y siègent est très réduit, au prétexte - fallacieux - que le nombre de candidates est restreint.
En outre, les femmes qui se voient proposer des postes à responsabilité tendent généralement à décliner l'offre, estimant bien souvent ne pas en avoir les compétences ou les capacités ; je constate que les hommes font rarement montre d'autant de retenue...
Faire en sorte que les titulaires des fonctions de maire et de premier adjoint soient de sexes différents serait intéressant : de tels binômes faciliteraient l'accès des femmes aux responsabilités. Toutefois, le binôme maire-maire adjoint exige aussi l'existence d'affinités. La majorité des maires et des têtes de listes demeurent cependant encore masculines et les contournements possibles des dispositions légales existantes sont multiples.
Les éléments statistiques relatifs à la démographie communale sont les suivants :
- de 0 à 499 habitants : 19 996 ;
- de 500 à 1 999 habitants : 11 570 ;
- de 2 000 à 3 499 habitants : 2 155 ;
- de 3 500 à 4 999 habitants : 911 ;
- de 5 000 à 9 999 habitants : 1 100 ;
- de 10 000 à 19 999 habitants : 500 ;
- de 20 000 à 49 999 habitants : 319 ;
- de 50 000 à 99 999 habitants : 83 ;
- 40 communes comptent plus de 100 000 habitants.
Aussi, moins de 1 000 communes ont plus de 10 000 habitants, et presque 20 000 moins de 500 habitants. 94,5 % des communes comptent moins de 5 000 habitants et seulement 942 ont plus de 10 000 habitants.
Ces données devront cependant être affinées pour s'intéresser aux seuils de 100 et de 300 habitants.
Je n'ai aucun état d'âme s'agissant de la parité, des quotas ou des dispositions légales contraignantes qui peuvent favoriser l'accès des femmes aux fonctions électives, d'autant plus que beaucoup d'entre nous, y compris moi-même, ne seraient pas présentes au Sénat en l'absence de telles dispositions.
Toutefois, ainsi que les femmes élues de mon département me l'ont précisé, la question de leur représentation au sein des organes des intercommunalités demeure un enjeu prioritaire par rapport à celui de la parité dans les communes faiblement peuplées, où les femmes sont diversement représentées parmi les élus.
J'avoue que ma réflexion achoppe encore sur la conciliation entre l'exigence de parité dans les intercommunalités et la nécessité d'y représenter les communes dont les premiers magistrats sont majoritairement des hommes.
Les communes de moins de 1 000 habitants sont membres d'intercommunalités regroupant au moins 70 communes, auquel cas tous les maires ne sont pas vice-présidents. Les communes plus peuplées, concernées par les dispositions relatives à la parité sont, quant à elles, regroupées au sein d'intercommunalités composées d'un plus faible nombre d'entités. Toutefois, l'application des mesures de parité dans la constitution des listes n'est pas suffisante pour assurer une représentation paritaire des maires sur l'ensemble de ces communes.
Ce premier écueil se double d'un problème politique. Laurence Cohen et Maryvonne Blondin, qui ont aussi participé aux débats lors de l'examen, en 2013, des dispositions légales sur l'élection des conseillers départementaux4(*), se souviennent sans doute de certains propos alors tenus dans l'hémicycle. Qui appelait à voter pour des dispositions paritaires temporaires demandant à être réexaminés à l'aulne des compétences dont les femmes élues auraient fait preuve dans l'exercice de leur mandat. Qui proposait d'instituer une bien singulière parité, réduite à une représentation des femmes cantonnée à 30 %...
Bref, nous avons assisté à un concours Lépine des meilleurs idées pour contourner l'application d'une représentation paritaire dans les conseils départementaux !
Je m'interroge donc sur notre capacité à faire adopter cette proposition de loi de la délégation aux droits des femmes par le Sénat, même si j'y suis favorable. Qui d'entre nous peut assurer que son groupe politique consentira à céder sa niche pour permettre d'en débattre ? Par ailleurs, même si les travaux de la délégation sont examinés de manière sereine et consensuelle, je n'ai pas retrouvé lors de certains votes et débats dans l'hémicycle le même soutien affiché pendant nos réunions plénières. Je me suis parfois sentie bien seule pour affronter les interventions d'opposants à nos thèses ! Nous en avons eu un exemple récemment...
Des élections sénatoriales vont se dérouler en 2020 : il ne faudrait pas que les adversaires de notre proposition de loi se posent en défenseurs des petites communes que les auteures de la proposition de loi auraient malmenées !
Les débats animés sur l'élection des conseils départementaux, dont je parlais tout à l'heure, ont bien montré que les dispositions visant à instituer la parité ne sont vraiment acceptées qu'une fois votées. En témoignent les anciens adversaires de l'introduction de dispositions paritaires pour l'élection des conseillers départementaux : ils reconnaissent désormais qu'elles ont changé les choses et ne songent aucunement à suggérer que l'on revienne sur ces mesures.
Nous devons donc être certains que cette proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat avant les élections sénatoriales, sinon elle se retournera contre les audacieux - ou plutôt les audacieuses - qui l'auront portée, au grand bénéfice des collègues raisonnables, qui se seront érigés en protecteurs des petites communes.
J'en suis à ce stade de ma réflexion. Je vous la livre à titre personnel, indépendamment de la décision que mon groupe est susceptible de prendre sur ces questions.
L'accroissement de la représentation des femmes dans les intercommunalités procédera d'une volonté politique des communes ; il faut donc présenter cette proposition de loi, en augmentant toutefois le seuil proposé de 50 habitants et argumenter pour la défendre.
Je souscris à l'analyse de Laurence Rossignol présentant l'enjeu de la place des femmes au sein des intercommunalités comme prioritaire. Le combat sera difficile, ce qui appelle à conduire une réflexion pour que ceux d'entre nous, renouvelables aux élections sénatoriales de 2020, ne soient pas pénalisés.
Le bureau de l'intercommunalité à laquelle j'appartiens compte dix-huit hommes pour deux femmes. Je vous laisse donc imaginer la place réservée aux femmes au sein des organes de l'intercommunalité ! Quant au mécanisme proposé pour y promouvoir les femmes, il pourrait s'agir de préciser que le représentant de la commune au sein de l'intercommunalité soit le premier adjoint, celui-ci et le maire devant être de sexes différents.
La Drôme compte 56 % de communes de moins de 500 habitants. La représentation des petites communes au sein d'une intercommunalité est déjà un sujet en soi, auquel vient se greffer celui de la représentation des femmes dans les organes de l'intercommunalité, sachant que peu de femmes sont maires. Remédier à ce problème demandera un long travail.
Je complète mes propos précédents en précisant que 31 communes (11 %) de mon département du Finistère ont moins de 500 habitants et aucune moins de 50 habitants.
Quel que soit le contenu d'une éventuelle proposition de loi, il faut toutefois s'attendre à rencontrer des réticences, l'adhésion totale de nos groupes respectifs sur ce sujet étant loin d'être acquise.
À la lumière de vos remarques, plus nuancées que celles qui avaient émergé de nos échanges du 22 janvier, le sujet des intercommunalités pose problème, notamment dans celles qui regroupent un grand nombre de petites communes représentées seulement par des hommes et où il est donc difficile d'imposer la parité.
Comme l'urgence de cette proposition est relative, je suggère que nous nous donnions le temps de la réflexion.
J'ai noté votre volonté d'avancer sur ce sujet où la délégation est dans son rôle, d'autant que l'AMF et l'AdCF défendent aussi les dispositions proposées ce matin. Toutefois, des élus qui ont longtemps siégé au sein de ces instances semblent estimer que cette position ne serait pas unanimement partagée en leur sein.
Je profite de cette réunion pour vous informer que j'ai invité au Sénat, en salle Clemenceau, trois associations à l'occasion du 8 mars : l'Assemblée des femmes, dont j'assure désormais la présidence, Femmes solidaires et les ateliers du féminisme populaire, dans le cadre d'un forum ouvert au public sur le thème « le grand débat des femmes des banlieues, des villes, des campagnes et des ronds-points ». Cette initiative s'inscrit dans le Grand débat national, en donnant la parole aux femmes qui y sont invisibles. À cette occasion sera diffusé le film « On nous appelait beurettes ». Les sujets de la précarité, des violences économiques, de la pauvreté, de l'isolement mais aussi d'émancipation seront débattus.
Je voudrais porter à votre connaissance que l'Union interparlementaire (UIP) et l'Assemblée du Conseil de l'Europe (APCE) ont publié un très intéressant bulletin thématique « Sexisme, harcèlement et violence à l'égard des femmes dans les parlements d'Europe» qui analyse le phénomène, ses causes, les facteurs de risque et les conséquences.
Je remercie Laurence Rossignol de son invitation. Je vous rappelle que la délégation aux droits des femmes organise quant à elle, le 20 février, un colloque commun avec la délégation à l'outre-mer, dans le cadre du 8 mars.
* 1 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
* 2 Le Conseil constitutionnel a estimé que la « tradition républicaine en vertu de laquelle les règles électorales ne pourraient être modifiées dans l'année qui précède un scrutin et, a fortiori, lorsque le processus électoral a débuté » ne saurait être invoquée, que « cette tradition [n'a pas] donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République » et que « diverses lois antérieures ont, au contraire, modifié les règles électorales dans l'année précédant le scrutin ». Il a donc jugé ce grief « inopérant ».
NB : l'objectif de la loi n° 2008-175 du 26 février 2008 déférée était, à la suite de la loi n° 2007-128 d 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui avait dans son article 4 institué pour l'élection au conseil général un « ticket paritaire », d'éviter le recours à des élections partielles afin de remplacer un parlementaire démissionnaire pour cause de cumul des mandats d'élections partielles qui suit directement un renouvellement général sera limité. Elle prévoyait pour ce faire d'étendre les cas de remplacement du conseiller général titulaire par le suppléant d'un autre sexe aux cas de démission pour cause de cumul lorsqu'est concerné un député ou un sénateur.
* 3 Ce risque est même certain pour les toutes petites communes : sachant que tout conseil municipal doit compter au moins 7 membres (dont au moins trois doivent résider dans la commune) et que plusieurs dizaines de communes comptent moins de 20 voire moins de 10 habitants (22 communes de moins de 10 habitants selon le site service-public), on peut s'attendre à ce que la constitution de listes « 4 + 3 », et à plus forte raison de deux listes, soit irréalisable malgré la meilleure volonté des initiateurs.
* 4 Loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.