J'interviendrai pour ma part sur les deux procédures judiciaires en cours, l'une contre le prêtre Bernard Preynat, dont l'instruction est en train de se terminer, et l'autre contre le cardinal Barbarin.
Il faut savoir que si ce prêtre a toujours reconnu les faits révélés par les victimes, il a tenté d'échapper à sa responsabilité au motif qu'ils étaient prescrits. Les procédures qu'il a diligentées ont été ressenties de manière violente par les victimes. Même si ces démarches étaient légitimes juridiquement parlant, il a été difficile pour les victimes, au moment où leur parole se libérait, où elle était reconnue, de voir qu'elle était dans le même temps contestée en justice. Il leur a fallu batailler sur le plan juridique, jusqu'à la Cour de cassation.
Au départ, il y avait quatre victimes non prescrites. Au total, trente-six victimes ont déposé plainte, mais seules douze d'entre entre elles sont non prescrites aujourd'hui et se sont constituées parties civiles. En outre, une victime prescrite s'est elle aussi constituée partie civile.
Il y a ensuite la procédure relative à l'affaire dite « du cardinal Barbarin ». Pour notre part, ce n'est pas « que » son affaire. Dès le début de la procédure, nous avons mis en cause plusieurs personnes du diocèse de Lyon et des autorités du Vatican. Les victimes ont réclamé un réquisitoire supplétif afin que ce dossier soit joint à la procédure d'instruction. Le procureur et le juge d'instruction n'ont pas accepté cette demande, peut-être pour ne pas créer d'amalgame entre les deux situations et permettre une enquête rapide. Il est pourtant clair que les deux affaires sont connexes, les éléments de l'une permettant de comprendre l'autre.
Une enquête préliminaire a été ouverte, à l'issue de laquelle le procureur de la République a décidé de classer sans suite cette affaire, les faits étant prescrits, mais aussi parce qu'il estimait que les faits n'étaient pas constitués, que l'élément moral justifiant l'obligation de dénoncer les faits d'agression sexuelle n'était pas constitué et qu'il n'y avait pas péril imminent.
Nous n'avons pas fait de recours contre ce classement sans suite, car on s'imaginait bien que si le procureur de la République avait pris cette décision, qui était certainement remontée au niveau du procureur général, la décision resterait la même. Nous avons demandé au procureur de la République que cette affaire parte à l'instruction afin que d'autres investigations puissent être effectuées, certaines personnes n'ayant pas été interrogées, mais il a refusé de nous suivre sur ce fondement. Nous avons finalement décidé d'utiliser une troisième voie, la citation directe par les victimes.
Nous avons au préalable lancé des consultations juridiques auprès d'universitaires, notamment du professeur Bonfils, sur la nature juridique de l'obligation de dénoncer les faits. Il nous paraissait aberrant, au regard des éléments de ce dossier si particulier, d'estimer, comme l'avait fait la Cour de cassation, que la non-dénonciation était une infraction instantanée et non pas continue. La loi du 3 août 2018 prévoit désormais qu'il s'agit d'une infraction continue.
Dans le cadre de cette procédure, nous avons cité à comparaître Luis Ladaria, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi au moment des faits. C'est lui qui a signé le courrier adressé au cardinal Barbarin dans lequel il lui demandait de faire en sorte que le prêtre ne soit plus au contact d'enfants et d'éviter le scandale public. C'est lui qui a donné des instructions pour que cette affaire reste au sein de l'Église.