Intervention de Françoise Laborde

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 7 février 2019 à 11h00
Audition de l'association « la parole libérée » : Mm. François deVaux président alexandre hezez co-fondateur de l'association et maître nadia debbache avocate au barreau de lyon

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Il faut réfléchir à des mesures de prévention, de punition réelle, d'éviction. Nous avons entendu de nombreuses personnes, lu beaucoup de livres, notamment celui de Christine Pedotti, Qu'avez-vous fait de Jésus ?, qui décrit de façon saisissante la hiérarchie et la chape de plomb au sein de l'Église, cette famille particulière, dans laquelle intervient une dimension de spiritualité, mais aussi d'emprise, voire de dérive sectaire, sujet sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé.

En va-t-il pareillement des autres religions ? Nous n'avons pas encore entendu leurs représentants. Ne doit-on pas s'interroger sur la sexualité peut-être immature (je ne parle pas du célibat) des prêtres ? N'y a-t-il pas lieu de préconiser une formation durant leur cheminement pour devenir prêtre ? Aucune religion n'est au-dessus des lois de la République, tout fidèle est d'abord un citoyen de la République française. Je n'ai pas assisté à l'audition de M. Jean-Marc Sauvé, mais durant celle de M. Christnacht, j'ai été frappée par un discours très policé, très prudent. Il y a des victimes. Pour moi, la mission d'information doit être ferme : n'hésitons pas à taper du poing sur la table !

Me Nadia Debbache. - Parmi les mesures concrètes que vous pourriez promouvoir, la première concerne le secret professionnel. Dans notre dossier, on nous a opposé le secret de la confession - mais aussi un secret professionnel qui incluait des confidences, des discussions entre victimes et responsables de l'Église. Il faut le dire sans ambiguïté : il n'y a pas d'option de conscience à appliquer dans ce type de situations. Lorsque l'on est informé de faits d'agression sur mineurs ou personnes vulnérables, il est obligatoire de les dénoncer à la justice. Dans trois procédures où des évêques ont été mis en cause, celles impliquant Mgr Pican et Mgr André Fort et notre affaire, les tribunaux ont dit en substance qu'il n'était pas possible d'opposer le secret professionnel. Il faut être parfaitement clair, afin qu'il n'y ait plus de discussion ni d'hésitation possibles.

Quant à la prévention, une formation des futurs prêtres sur la sexualité, la pédocriminalité, les mesures à prendre, les mises en garde, elle me paraît indispensable. Une information nette et précise doit également être prévue sur les obligations liées à la justice de la République, sur le rapport entre droit canon et respect de la justice républicaine.

Notre association a travaillé pour proposer des réformes, car il est très difficile pour l'Église de prendre elle-même des mesures qui soient réellement efficaces. Dans notre dossier, nous avons pu pointer les dysfonctionnements, or aujourd'hui, il n'y a toujours pas de discussions sur les mesures à prendre au-delà de l'indemnisation des victimes. Par exemple, il convient, dès la révélation d'une affaire, de dépayser celle-ci vers un tribunal compétent, spécialisé, et loin du diocèse. Enfin, la responsabilité morale des diocèses doit être reconnue, comme elle l'est dans d'autres pays, mais pas encore en France.

Alexandre Hezez. - Comment cela a-t-il pu se passer ? Le phénomène n'est pas spécifiquement français. Nous avons rencontré des associations représentant vingt nationalités différentes. On le constate : partout, c'est le même mécanisme d'omerta, de crainte, notamment la crainte d'être exclu de l'institution. Dans les petites villes, à la campagne, l'omerta est encore plus forte que dans les grandes villes. Les personnes ne peuvent pas parler, parce que la communauté, c'est leur vie : l'Église représente toute leur existence sociale.

Que faire ? Éduquer les enfants et les adolescents, car il y a un problème évident de connaissance et d'éducation. Les programmes scolaires devraient inclure le sujet, non comme une matière en soi, à part, anxiogène, mais au sein des divers enseignements. Liberté du consentement, en philosophie ; droit de cuissage dans l'ancien temps, violences sexuelles comme arme de guerre, en histoire ; statistiques, en géographie, etc. Cela favoriserait une prise de conscience qui n'existe pas encore aujourd'hui. En sciences de la vie et de la Terre (SVT), on pourrait aussi étudier les mécanismes de sidération. Nous n'avions pas conscience de tout cela. L'aspect éducatif est fondamental.

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