Cet amendement tend à revenir sur la disposition relative au niveau de prise en compte de la valeur de la résidence principale dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, votée dans le cadre de la loi TEPA. Nous souhaitons revenir à la situation antérieure à ladite loi.
Tout d'abord, relevons le problème des pourcentages, qui, bien souvent, ont plus de valeur absolue quand la valeur absolue est élevée. Prenons l'exemple d'un appartement parisien d'une valeur de 900 000 euros ; l'abattement sur la valeur de ce bien passera de 180 000 euros à 270 000 euros, ce qui conduit à une valeur nette réduite de 720 000 euros à 630 000 euros, permettant peut-être au propriétaire d'échapper à l'imposition au titre de l'ISF. Mais la question prend une tout autre tournure quand la résidence principale est un château classé, dont la valeur est d'un tout autre calibre.
Désormais, il nous faut faire litière de quelques-uns des éléments principaux du débat qui nous préoccupe. Rappelons, tout d'abord, la valeur des biens immobiliers aujourd'hui soumis à l'ISF. Les éléments disponibles sont sans équivoque sur ce point. Dans le courant de la législature écoulée, la valeur des actifs immobiliers imposés a quasiment doublé, passant, en effet, de 192 milliards d'euros à 374 milliards d'euros.
Abstraction étant faite de l'augmentation importante du nombre des redevables de l'impôt, qu'est-ce qui a pu provoquer cette flambée de la valeur des biens immobiliers ? Si l'on rapporte le patrimoine immobilier détenu à chaque déclaration déposée, on passe, entre 2002 et 2006, d'une base imposable moyenne de 672 800 euros à une base de 819 300 euros. En clair, à l'effet lié à l'accroissement du nombre des redevables de l'impôt, s'ajoute celui qui est attaché à l'accroissement de la valeur unitaire des biens, dépassant les 20 % en quatre ans.
Tout cela est peut-être bien embêtant pour le cadre supérieur parisien, mais c'est autrement plus bénéfique pour le très riche contribuable qui, souvent, dispose de biens immobiliers de rapport, consistant parfois en plusieurs dizaines d'appartements à louer.
Au demeurant, la mesure portant sur l'abattement relatif à l'habitation principale est, pour dire les choses un peu plus clairement encore, destinée à solder l'impôt des petits contribuables de l'ISF, ceux qui sont compris dans la première tranche d'imposition. Cependant, pour illustrer le caractère confiscatoire de l'ISF, rappelons, par exemple, qu'un assujetti à cet impôt qui dispose d'un patrimoine de 1 million d'euros acquitte aujourd'hui une contribution de 1 320 euros ; pour un contribuable disposant d'un patrimoine de 850 000 euros, le montant de sa contribution s'élève à 495 euros.
Quant au poids de l'habitation principale dans le patrimoine imposable, là encore, il faut dire et redire l'essentiel : si la valeur de l'habitation principale compte pour un peu plus du quart de l'assiette imposable pour les contribuables de la première tranche, elle se réduit au fur et à mesure que l'on s'élève dans le barème.
Enfin, comment ne pas souligner que la somme engagée dans l'allégement de l'assiette imposable - 120 millions d'euros - peut être utilement comparée avec une partie de la dépense publique affectée au logement ? Ainsi, la moins-value fiscale que nous nous autorisons à enregistrer est quatre à cinq fois plus importante que les sommes que le budget que l'État consacre à la résorption de l'habitat insalubre.
Je ne peux manquer de souligner également que la pleine mise en oeuvre de cette disposition intervient alors même que la crise du logement s'accentue dans notre pays, puisque moins de 2 % des logements réalisés en France en 2006 étaient compatibles avec la situation de ressources de 70 % des demandeurs de logement social.
Et comment ne pas reprendre le signal d'alarme tiré par Mme Boutin elle-même, qui s'est largement exprimée dans la presse ces dernières semaines ? Elle a indiqué que le niveau de la construction de logements en 2007 était en chute et que cette situation était préoccupante.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous ne pouvons évidemment que vous inviter à adopter cet amendement.