Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter de deux projets de loi complémentaires, l’un organique, l’autre ordinaire, portant sur le statut, les institutions, le droit et les pratiques administratives de la Polynésie française.
Ces projets de loi ont été déposés au mois de décembre dernier après un important travail de concertation et de préparation. Ce dernier s’appuyait à la fois sur la consultation des élus polynésiens, notamment ceux de l’assemblée de Polynésie, sur l’expertise des services du ministère des outre-mer, naturellement, et sur les résultats des travaux des assemblées. À cet égard, je tiens à mentionner tout particulièrement le rapport remis en décembre 2017 par nos collègues Catherine Troendlé et Mathieu Darnaud – une fois de plus – et intitulé La Polynésie française : allier autonomie dans la République et subsidiarité dans la collectivité.
Cet intitulé résumait bien les enjeux dont nous traitons aujourd’hui : en effet, la situation de la Polynésie française est éminemment singulière et reflète les héritages tant historiques, géographiques que culturels qui lui sont propres. Ce territoire est un magnifique condensé de France, éparpillé sous forme d’une myriade d’îles dans le Pacifique Sud, le tout sur une surface équivalente à une bonne partie de l’Europe.
Dès lors, afin de prendre en compte ces particularités, la Constitution et la loi attribuent à la collectivité polynésienne un large niveau d’autonomie.
Il est forcément compliqué d’édifier le cadre juridique d’une organisation efficace et respectueuse de l’autonomie d’un territoire ultramarin comme la Polynésie française. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a constitué un grand pas en avant, mais elle n’est pas pour autant parfaite : l’instabilité politique et les difficultés administratives ont vite rendu des ajustements nécessaires.
En outre, même si la question de l’instabilité politique semble résolue depuis 2007, le Parlement demeure attentif à la situation de la Polynésie française. Il convient de parfaire le statut et le fonctionnement du territoire, sans toutefois les bouleverser.
C’est dans cette démarche que s’est inscrit l’examen par le Sénat de ces deux projets de loi.
Tout d’abord, sur le plan institutionnel, le projet de loi organique procède à divers ajustements, qu’il s’agisse des règles de fonctionnement de l’assemblée de Polynésie ou des dispositions relatives aux délégations de signature des plus hautes autorités du pays. Ce texte organique élargit également les compétences de la collectivité, par exemple en lui permettant de participer, comme membre associé ou observateur, à des organisations internationales situées en dehors de la région Pacifique, ou encore en explicitant la compétence territoriale de fixation des règles d’exploitation des terres rares. Ces dernières constituent un enjeu économique majeur, que nous ne pouvions laisser dans l’incertitude juridique.
Ce texte procède également à des simplifications et ajustements de la norme applicable à la Polynésie française, pour ce qui concerne, par exemple, le droit de la fonction publique, ou encore l’établissement et le fonctionnement des sociétés publiques locales et des syndicats mixtes.
Enfin, l’article 1er du texte organique a pour objet les essais nucléaires.
Les près de deux cents essais nucléaires menés à Mururoa et Fangataufa ont contribué à la construction de la dissuasion nucléaire française. Disons-le : ils ont également laissé des traces sur ce territoire et ses habitants. La France l’a enfin reconnu en 2010, à travers la loi Morin, et a prévu l’indemnisation des victimes de ces essais.
À cet égard, nul doute n’est possible : il est essentiel de reconnaître le fait nucléaire en Polynésie. C’est l’obligation morale de l’État, et c’est l’honneur de la France !
Je relève toutefois que ces dispositions ne se rattachent normalement pas aux règles qui, selon l’article 74 de la Constitution, peuvent être fixées par la loi organique, comme le Conseil d’État l’a d’ailleurs souligné dans son avis. La volonté d’affirmer la spécificité du fait nucléaire en Polynésie française dans la loi organique régissant ce territoire est donc compréhensible, mais juridiquement peu satisfaisante.
Le projet de loi ordinaire a, quant à lui, été considérablement amendé en commission. Ses dispositions initiales visaient à simplifier la situation des communes et intercommunalités polynésiennes, qui souffrent parfois du fonctionnement complexe du droit des collectivités territoriales en Polynésie, alors même que l’insularité et les distances leur imposent des contraintes fortes.
Le travail accompli par notre commission a enrichi le projet de loi initial d’autres dispositions : sur l’initiative de notre collègue Lana Tetuanui, notamment, certaines d’entre elles sont issues des travaux accomplis par le Sénat au printemps de 2018, au titre de la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale en outre-mer. Ces éléments viendront utilement répondre aux formes proprement polynésiennes que prennent les problématiques successorales, foncières et locatives.
Il s’agit donc de deux textes importants pour l’avenir de la Polynésie française. Ils n’ont pas vocation à bouleverser l’organisation de ce territoire, mais bien au contraire à l’affiner, à l’améliorer, ce que seul le législateur peut faire. Ils comprennent également diverses dispositions répondant aux besoins qu’expriment, sur le terrain, les élus et les agents publics, au service des habitants.
Enfin, ces projets de loi ont été améliorés par le Sénat : toutes les raisons sont donc réunies pour que mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même les votions !