Je voudrais tout d’abord dire un mot à M. le rapporteur Buffet. Je crains d’avoir eu un mot qui a peut-être été mal compris : celui de « slogan ». Je faisais allusion à des propos que j’ai trop entendus – justice déshumanisée, justice robotisée – sans qu’ils soient réellement argumentés. Je ne les ai pas entendus dans votre bouche, monsieur le rapporteur, mais j’ai estimé qu’ils relevaient du slogan. Il va de soi que j’ai bien trop de respect pour le travail accompli par les parlementaires, en particulier dans cette maison, pour vous les attribuer, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur Masson, je considère que les arguments que vous avez développés avec beaucoup de force ne sont pas recevables.
Le premier portait sur les moyens. Il est irrecevable, car notre budget augmente de 24 % en cinq ans. C’est plus que les augmentations réalisées dans la décennie précédente et même au-delà. Rien n’est jamais assez pour la justice, j’en conviens avec vous, mais il faut aussi s’inscrire – je le répète – dans des contraintes globales. Or 25 % de crédits supplémentaires, monsieur le sénateur, permettent de payer tous les frais de justice. À la fin de l’année 2018, il ne restait plus de frais de justice qui n’aient pas été réglés. Je m’inscris donc en faux par rapport à vos propos.
Vous avez également laissé entendre qu’il n’y avait pas assez de personnel. Or 100 magistrats supplémentaires seront affectés dans les juridictions en 2019 ; il y en a déjà eu un nombre important en 2018. Cela fait qu’aujourd’hui, si les juridictions demandent toujours, bien sûr, des magistrats, elles le font de manière moindre que par le passé. Les tribunaux ont surtout besoin de personnel de greffe ; nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur ce point auquel j’accorderai toute mon attention. Je vous affirme donc que les moyens sont au rendez-vous pour la justice ambitieuse que nous voulons.
Je ne partage pas non plus votre opinion, monsieur le sénateur, quand vous déclarez que nous avons besoin de moyens, et non de réformes. Cela n’est pas possible. Il faut faire évoluer nos process de jugement et les secteurs sur lesquels nous intervenons, parce que cela répond aux attentes des justiciables et aux évolutions générales de notre monde. On ne peut pas se contenter d’abonder la justice en moyens sans jamais s’interroger sur la manière dont ces moyens sont utilisés.
J’en viens à mon dernier point, que je ne développerai pas, parce que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de ce débat. Monsieur le sénateur, je l’ai dit et je le redis de nouveau, je suis même allée à Metz pour le dire, d’ailleurs : aucune cour d’appel ne sera fermée !
Quand vous évoquez une seule cour d’appel par région administrative, les bras m’en tombent. Rien dans ce projet de loi, si ce n’est quelque fantasmagorie, ne vous permet de dire cela. Il faut un peu d’honnêteté intellectuelle quand on lit un texte. Je suis certaine que vous en avez, et c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cette motion.