Séance en hémicycle du 12 février 2019 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, dans ces périodes de désarroi, chacun peut comprendre les souffrances exprimées. La crise que traverse notre pays depuis l’automne dernier montre les fractures auxquelles le Gouvernement, les élus nationaux et les élus locaux doivent répondre : fracture sociale et fracture territoriale, mais aussi crise de confiance.

Face au malaise exprimé par nos concitoyens, chacun essaie de mieux écouter. C’est ce que nous faisons tous actuellement : les maires, élus de proximité, en premier lieu, mais aussi les parlementaires et le Gouvernement.

Toutefois, je veux le réaffirmer solennellement : rien – j’insiste sur ce terme ! – ne justifie le recours à la violence ; rien ne justifie de bafouer l’État de droit ; rien ne justifie les provocations contre la République.

Quand plus aucun symbole n’est respecté, comment s’étonner de la résurgence de comportements que nous pensions définitivement appartenir au passé ? La nausée que nous inspire la résurgence de l’antisémitisme, tout comme les récentes profanations d’églises, renforce notre détermination à ne jamais rien céder quand l’essentiel est en jeu.

Un certain nombre d’élus – députés, sénateurs, élus locaux – ont récemment été victimes d’agressions ou de menaces. Certains ont vu leurs locaux vandalisés. Je veux exprimer ici la solidarité du Sénat à leur égard et adresser un message de soutien tout particulier au président de l’Assemblée nationale, notre collègue Richard Ferrand.

Attaquer des hommes et des femmes qui investissent une grande partie de leur vie dans la défense de l’intérêt général et qui s’engagent au service de leurs concitoyens, c’est nier la démocratie, c’est malmener la République.

Applaudissements prolongés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (projet n° 28, texte de la commission spéciale n° 255, rapport n° 254, rapport d’information de la commission des affaires européennes n° 207).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il me revient d’ouvrir cette dernière discussion sur le projet de loi PACTE, ce qui est un plaisir et un honneur.

Je rappelle que ce projet de loi a pour objet d’aider les entreprises à se développer, en particulier les PME et les TPE, qui constituent le maillon faible de l’économie française. Il vise à simplifier leur vie administrative, financière et fiscale et à renforcer leurs sources de financement en fonds propres. Il tend aussi – j’y reviendrai – à développer leur « vocation sociale », pour reprendre les termes du rapport Notat.

Trois mois de débats préparatoires, un mois de débats en ligne, une discussion approfondie en commission spéciale à l’Assemblée nationale comme au Sénat, des échanges nourris dans les deux chambres et plus de 1 000 amendements examinés dans cet hémicycle : le travail a été sérieux et approfondi.

Pas moins de 47 articles ont été adoptés conformes, qui sont relatifs notamment au régime du VIE, le volontariat international en entreprise, aux experts-comptables, à la réforme de l’agrément des entreprises solidaires d’utilité sociale, à la création d’une procédure d’opposition aux brevets, ou encore à la représentation plus équilibrée des femmes dans les fonctions exécutives des sociétés.

De façon moins positive, 43 articles ont été supprimés, sur la réforme de la gouvernance de Business France, la limitation à trois du nombre de mandats d’un président de chambre de commerce et d’industrie, ou CCI, l’assouplissement du régime du prêt interentreprises ou encore la suppression de la délégation parlementaire à la sécurité économique, unanimement demandée par l’Assemblée nationale.

Le texte s’est enrichi de 47 articles nouveaux portant notamment sur l’interdiction de la mise à disposition et de l’usage de certains produits en plastique – nous avons eu un long débat sur ce sujet –, la suppression de l’interdiction de la fabrication de certains produits phytopharmaceutiques, l’autorisation, sous conditions, de l’ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi, ou encore les mesures relatives au réseau des CCI.

De nombreux points de divergence subsistent encore avec l’Assemblée nationale, notamment sur la suppression de l’obligation de stage préalable à l’installation des artisans – les discussions ont été nourries sur ce point –, la réforme de la gouvernance de Business France, le relèvement de 200 à 250 salariés du seuil pour l’obligation de mise à disposition d’un local syndical, ou encore le relèvement à 100 salariés de tous les seuils fixés à 50 salariés dans le code du travail. S’agissant de ces derniers points, le Sénat envoie ainsi deux messages négatifs au monde du travail.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Chers collègues, vous verrez, on vous demandera pourquoi vous avez voté ces dispositions !

Je pourrais citer encore des divergences sur la durée des soldes ou l’adaptation des règles relatives à l’ouverture dominicale des commerces.

Enfin, l’article 44 du texte, qui vise, selon le vocable que l’on privilégie, à ouvrir le capital ou à privatiser ADP, c’est-à-dire Aéroports de Paris, ainsi que La Française des jeux, a suscité de vifs débats et une forte opposition dans cet hémicycle.

Pour ce qui concerne ADP, le Sénat a rayé d’un trait de plume toutes les améliorations que le rapporteur avait apportées au dispositif adopté par l’Assemblée nationale : cahier des charges, conditions de la régulation, surveillance des différents tarifs. Chers collègues, permettez-moi de vous le dire, l’article 44 a été supprimé par une majorité pour le moins hétéroclite.

Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

C’est la preuve qu’il était bien de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier. C’est cela, le nouveau monde !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur Yung, est-ce ainsi que vous concevez la politique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Vous ne faites pas de politique, mais moi oui !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Ce n’est pas de la politique, c’est de l’idéologie !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Chers collègues, ce n’est pas parce que l’on crie que l’on a raison !

La suppression de l’article 44, disais-je, a été votée par 124 sénateurs Les Républicains, 20 RDSE, 74 socialistes et 16 CRCE… C’est l’arche de Noé !

Huées sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, revenons à bord…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Dix sénateurs Les Républicains et les trois quarts des sénateurs de l’Union Centriste ont toutefois voté cet article.

S’agissant de La Française des jeux, nous n’avons pas compris…

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… en quoi cette entreprise engageait des orientations stratégiques, ni pourquoi vous n’avez pas pris en compte les 20 000 buralistes, qui pourront devenir actionnaires, ainsi que la possibilité d’homogénéiser et de concentrer la régulation.

Pour toutes ces raisons, il me semble difficile de parvenir à un accord avec l’Assemblée nationale.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Avec le groupe La République En Marche de l’Assemblée nationale, plutôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Je doute en effet que les deux bords de cet hémicycle soient prêts à faire les compromis nécessaires.

M. Martin Lévrier applaudit. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe La République En Marche ne votera pas le texte issu du Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de plus de deux cents articles aurait pu être découpé en au moins dix projets de loi, comme le prouvent les nombreuses et longues interventions qui ont eu lieu au début de chaque article essentiel – il y en a même eu une, relative à la privatisation d’ADP, qui ressemblait davantage à un meeting de campagne macronien qu’à une prise de parole sur article…

Pour notre part, nous sommes heureux qu’une majorité d’idées se soit dégagée pour refuser la privatisation et le bradage du monopole naturel que constitue ADP.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. Monsieur Yung, ce n’est pas une majorité hétéroclite qui s’est exprimée, mais une large majorité d’idées, pour défendre l’intérêt général. Voilà ce qui s’est passé, tout simplement !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Après le scandale des autoroutes, celui de l’aéroport de Toulouse-Blagnac et celui à venir de nos barrages hydroélectriques, voilà un premier coup d’arrêt dans la vente de nos actifs dans des secteurs stratégiques de l’État. Non, en France, tout n’est pas à vendre, surtout pour aller engraisser quelques multinationales comme Vinci !

M. le ministre de l ’ économie et des finances manifeste sa désapprobation.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Mes chers collègues, rendez-vous le 7 mars prochain : dans le cadre de son ordre du jour réservé, le groupe CRCE vous proposera de renationaliser les autoroutes…

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Quant à vous, monsieur le ministre, il vous faudra respecter la voix du Sénat. Il est inconcevable, dans le moment politique que nous traversons, que vous puissiez passer outre cette quasi-unanimité. Envoyer un message contraire serait désastreux, au moment où vous prônez le dialogue partout dans le pays.

Nous vous faisons une proposition : sortez de ce projet de loi les privatisations et intégrez cette question dans le grand débat national. Êtes-vous d’accord pour que l’État continue à céder des parts pour engraisser le privé ? Et comme vous êtes en train de réfléchir à un référendum à questions multiples, n’hésitez pas à poser cette question, à côté de celles qui porteront sur l’augmentation des salaires et le rétablissement de l’ISF !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Pour le reste du texte, il y a un fil rouge cohérent : amplifier, sous couvert de vouloir « moderniser et simplifier », le détricotage du code du travail. En réalité, vous voulez créer un nouveau western social, où la loi du plus fort deviendra la norme. Par exemple, en deux cents articles, il n’y a aucun droit nouveau pour les salariés ! L’entreprise serait au cœur de votre projet de loi, mais pas les entrepreneurs, ni les salariés, ni les sous-traitants, ni les collectivités territoriales !

Comment comprendre qu’un certain nombre de nos amendements répondant à l’intérêt général, faisant écho à la crise sociale que nous traversons et en lien avec le texte aient été déclarés irrecevables ou refusés ?

Augmenter le SMIC ? Pas à l’ordre du jour ! Augmenter les salaires ? Pas à l’ordre du jour ! Donner un droit d’intervention aux salariés ? Pas question, irrecevable ! Conditionner le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ? Pas de réponse ! Apporter de la transparence et encadrer les rémunérations des hauts revenus et les dividendes ? Votre réponse : « Vous n’y pensez pas, nous ne sommes pas en Union soviétique ! »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Au terme de cette discussion, on ne sait plus, in fine, si ce texte sert l’intérêt général ou des intérêts particuliers !

Comment comprendre que nous ayons passé près de deux heures de débat pour renforcer la place de Paris au bénéfice de quelques centaines de traders londoniens qui seraient tentés de venir chez nous en raison du Brexit, alors que nous n’avons, à aucun moment, traité de la question de la relation entre donneurs d’ordres et entreprises sous-traitantes ? Pourtant, cette question concerne directement nos TPE et nos PME, qui, elles, représentent des centaines de milliers d’emplois dans le pays.

Les dégâts sont énormes avec ce nouveau texte : financiarisation accrue des entreprises, renforcement du secret des affaires via l’opacité des comptes, attaques contre nos mécanismes nationaux de solidarité et fragilisation des droits des salariés, changements de gouvernance pour la Caisse des dépôts et consignations et La Poste, ou encore casse des seuils sociaux.

Le Medef en rêvait, la droite ne l’avait pas fait, vous l’avez enfin réalisé !

Rires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Mettre à bas les seuils sociaux ! Cette mesure devrait autant participer à la création emploi que le CICE, c’est-à-dire à un niveau proche de zéro.

M. le ministre fait un geste de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

C’est d’autant plus dogmatique que, en 2017, les 47 % d’entreprises interrogées par l’INSEE déclarant rencontrer des « barrières à l’embauche » les associaient davantage à l’incertitude sur la situation économique et à la difficulté de trouver une main-d’œuvre qualifiée qu’à la suppression des seuils sociaux.

Un jour, monsieur le ministre, il faudra nous dire quelle est votre vision de la société. Une société où il n’y a en fait qu’une seule règle : l’absence de règles ! Vous prolongez les mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et vous détruisez notre système de solidarité nationale. Pour vous, la protection des salariés et les cotisations sociales sont insupportables et deviennent des obligations, des règles, des contraintes, dont les entreprises devraient être libérées, car elles empêcheraient l’embauche dans notre pays.

Pourtant, nous devrions être fiers de notre modèle social et le défendre plutôt que tout faire pour le tuer à petit feu. Le monde entier nous l’envie ! Les cotisations sociales permettent de remplir les caisses de la sécurité sociale, et nous savons bien qu’un salarié bien soigné et bénéficiant d’une protection sociale est un salarié compétitif.

Enfin, sur nombre d’articles, votre texte tombe à plat. Vous parlez d’intéressement et de participation sans parler de partage de richesses ni de salaires. Nous avons travaillé sur une légère refonte de l’épargne retraite, alors que, en ce moment même, M. Delevoye conduit une consultation pour mettre à bas notre système par répartition.

Vous évoquez le statut d’auto-entrepreneur sans, à aucun moment, mentionner le fait que ce statut est dévoyé par des plateformes comme Uber ou Deliveroo pour exploiter des jeunes sans protection sociale. Heureusement que, parfois, les tribunaux vont plus vite que le législateur pour considérer que ces jeunes sont des salariés à part entière.

Votre texte, monsieur le ministre, connaîtra le même sort que les cinq derniers qui étaient relatifs aux entreprises : il ne résoudra rien ! Au contraire, il aurait fallu écouter le murmure qui monte dans le pays : « Partagez le gâteau ! Partagez le gâteau ! Partagez le gâteau ! »

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Je ne sais pas si c’est pour demain ou pour après-demain, mais ce jour arrive à grands pas. Les peuples en ont assez de souffrir pendant que d’autres accumulent des richesses. Alors, continuez à ne pas voir que ce système libéral s’écroule sous vos yeux et que l’espoir est revenu !

Comme le dit le poète Gibran Khalil Gibran, « les fleurs du printemps sont les rêves de l’hiver racontés le matin à la table des anges ».

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi avait pour ambition de transformer notre économie. Cette ambition est louable, mais encore faut-il clairement identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans notre système. Et c’est peut-être là que le bât blesse !

Dans ce débat, le Sénat a eu un rôle essentiel : supprimer les privatisations d’ADP et de La Française des jeux. C’est vraiment une avancée essentielle, qui a été obtenue après des journées et des soirées de débats. En ce qui me concerne, je trouve très intéressant que la gauche et la droite défendent ensemble l’intérêt national, lorsqu’il s’agit de pépites publiques comme ces deux entreprises !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

La chambre haute, chambre des territoires, avec ses contradictions…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… et avec ses différents courants de pensée, a voulu, à une large majorité, garder dans le giron de l’État ces deux grandes entreprises publiques.

Nous, sénateurs socialistes, pensons profondément que privatiser des entreprises publiques florissantes, c’est privatiser des rentes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Et vous ne l’avez jamais fait quand vous étiez au pouvoir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Ces rentes doivent revenir à l’État et peuvent permettre à notre économie, monsieur le ministre, d’être plus innovante ! On ne vend pas des bijoux de famille à des intérêts privés. Ces privatisations sont une aberration économique et une erreur politique. Certes, je sais bien que, après l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, on peut être tenté de faire un cadeau royal à Vinci, mais cela ne servirait pas l’intérêt national !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Dans les courriers relatifs au grand débat et lors de nos discussions avec les « gilets jaunes » reviennent sans cesse des reproches liés au bradage d’intérêts stratégiques, aux privatisations ratées des autoroutes et de l’aéroport de Toulouse et à l’abandon de notre industrie. En privatisant ses entreprises, la France perd la maitrise de son destin et de ses moyens d’action.

Monsieur le ministre, nous pensons que ce projet de loi PACTE est une occasion manquée. Nous regrettons que nos amendements, ambitieux, aient été rejetés. Ils visaient notamment à redéfinir l’entreprise du XXIe siècle et à créer une véritable codétermination avec les salariés. Nous pensons que le salarié doit être le sujet de la transformation de l’entreprise et du monde du travail, pas son objet !

Nous regrettons aussi l’acharnement contre l’économie sociale et solidaire, qui est symptomatique du caractère néolibéral de ce projet de loi. À l’heure où la sauvegarde de notre planète est devenue une priorité, les insuffisances de ce texte quant à l’environnement et au développement durable sont tout à fait incompréhensibles.

Monsieur le ministre, vous demandez aux salariés de participer au financement de l’investissement, alors que vous ne prenez aucune mesure contre les impressionnants dividendes des entreprises du CAC 40, qui ne participent pas, ou si peu, à l’investissement. Vous avez refusé de limiter les hauts salaires, qui sont un vrai scandale, mettent à mal notre cohésion sociale et renforcent le sentiment d’injustice.

La désindustrialisation est toujours en marche, malheureusement ! Et même si les « marcheurs » dirigent l’État, elle se poursuit, implacablement et inexorablement. J’ai une liste, longue, d’entreprises, notamment dans les Hauts-de-France, en Franche-Comté et dans plusieurs autres bassins industriels, qui connaissent de graves difficultés.

Le Gouvernement n’a pas de politique industrielle ! Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et c’est vraiment dommage, parce que, face au Made in China ou au « Rendre sa grandeur à l’Amérique », il est plus que jamais nécessaire d’avoir un État stratège et une Europe capable de rivaliser avec ces deux continents.

Monsieur le ministre, ce gouvernement fait sans cesse référence à l’Allemagne, notre modèle économique, mais que fait ce pays aujourd’hui ? Après l’échec de Kuka, il a décidé de protéger ses entreprises stratégiques, en ramenant à 10 % du capital, contre 25 % auparavant, le seuil lui permettant de mettre à l’étude ou de bloquer des acquisitions étrangères dans des entreprises allemandes. Et nous, nous faisons tout l’inverse, en nous retirant de nombreuses entreprises stratégiques, dont l’État est actionnaire.

Il est plus que jamais nécessaire de mener un débat sur cette question et, plus généralement, sur la politique industrielle de notre pays. Il faut laisser les choix ouverts en matière de technologie industrielle, par exemple dans le secteur de l’automobile. Le tout-diesel a été un choix politique ; on va dorénavant nous imposer le tout-électrique ! Un tiers de nos sites industriels et les emplois qui vont avec risquent ainsi de disparaître. Sur ces questions, nous n’avons malheureusement pas eu beaucoup de débats.

En conclusion, le groupe socialiste et républicain, malgré quelques avancées sur la sauvegarde du stage de préparation à l’installation pour les artisans et l’adoption de nos amendements visant à mieux protéger les consommateurs, votera contre ce projet de loi.

Monsieur le ministre, nous avons une plus haute ambition pour nos entreprises et l’avenir économique de notre pays. Nous pensons que de nouvelles régulations doivent s’imposer, avec un État stratège omniprésent. Ce dernier prendrait tout de suite en main la question d’Alstom, dont le projet a été refusé par la commission européenne, en proposant une solution française, afin de garder cette pépite, qui est une entreprise stratégique.

Ce projet de loi oublie également les TPE et les PME, qui en sont finalement les grandes perdantes – je pense notamment à la mise en cause de l’allotissement, qui était une avancée considérable proposée par l’Union européenne.

Je le répète, nous voterons contre ce projet et nous sommes heureux d’avoir évité qu’ADP et La Française des jeux ne soient privatisées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans la discussion générale, j’avais fait part de l’accueil favorable de ce texte par le groupe du RDSE, avec, bien sûr, quelques réserves, et en espérant que des améliorations et des enrichissements puissent être apportés par notre assemblée.

L’une des difficultés rencontrées portait sur le champ extrêmement large de ce texte, ce qui a pu nuire à l’identification d’une ligne directrice claire. À mon sens, la cession des participations publiques et la gouvernance des grands groupes publics comme la Caisse des dépôts et consignations et La Poste auraient pu faire l’objet d’un texte distinct ; cela aurait été plus clair et plus cohérent.

Sur l’ensemble, on ne pouvait que se féliciter des objectifs annoncés de transformation économique avec plus de liberté, de simplicité et d’efficacité pour les entreprises et les entrepreneurs.

Finalement, le texte qui nous est proposé aujourd’hui répond-il à ces objectifs et a-t-il été vraiment amélioré pendant ces deux semaines de débat ? Permettez-moi d’en douter.

Si le Sénat, par le texte adopté par sa commission spéciale ou par la voie d’amendements, a apporté un certain nombre de précisions utiles et d’enrichissements pertinents, ceux-ci concernent principalement des aspects techniques et ne portent pas sur l’essentiel.

Il est impossible de balayer l’ensemble des thèmes abordés. Je n’évoquerai donc que ceux qui ont le plus animé les débats.

En premier lieu, la cession et la modification du régime juridique d’Aéroports de Paris, approuvées avec un encadrement plus strict par la commission spéciale – je lui rends d’ailleurs hommage, parce que son travail était difficile –, ont finalement été rejetées par la majorité de notre assemblée, avec, au passage, quelques moments de flottement durant le débat, reconnaissons-le.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Si la concession de soixante-dix ans pouvait paraître un peu longue – monsieur le ministre, nous ne serons certainement pas là pour en constater tous les effets –, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre de l ’ économie et des finances. C’est probable !

Sourires sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

… le Sénat s’est sans doute privé de pouvoir peser sur le texte final, car cette position ôte à la commission mixte paritaire toute possibilité d’aboutir à des conclusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La privatisation de La Française des jeux ayant été évacuée d’emblée par la commission spéciale, le Gouvernement devra se consoler avec la seule validation du retrait de l’État d’Engie. Tout cela est-il cohérent ? Je n’en suis pas certain.

Nous pouvons tout de même nous retrouver sur l’exonération du loto du patrimoine de tout prélèvement ou contribution, ce qui devrait réjouir tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

J’espère en tout cas que le Gouvernement acceptera cette disposition !

En ce qui concerne les chambres de métiers et de l’artisanat, l’acceptation d’une seule structure régionale a été obtenue à la suite d’un débat quelque peu confus, et je ne suis pas certain que le vote ait vraiment reflété la position de la majorité des sénateurs présents ce soir-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Toutefois, cette évolution, comme c’est le cas pour de nombreuses autres structures économiques, professionnelles, administratives, associatives, sportives ou culturelles, s’inscrit dans une tendance lourde de centralisation des pouvoirs et des moyens financiers à l’échelon de la région. C’est une conséquence de la loi NOTRe, même si le processus était déjà engagé auparavant.

C’est une voie qui va continuer d’affaiblir les territoires périphériques, notamment ruraux, sans nécessairement gagner en efficacité. À mon sens, c’est tout l’inverse d’une politique de décentralisation et de proximité.

Le troisième thème de ce texte, « Des entreprises plus justes », contient des mesures très positives concernant l’épargne salariale et l’actionnariat des salariés avec un apport significatif du Sénat.

Je ne ferai que regretter le rejet d’un amendement visant à élargir le champ d’application de l’intéressement obligatoire à toutes les entreprises de plus de dix salariés. Je suis persuadé qu’un jour cette mesure s’imposera d’elle-même, mais le Gouvernement et le Sénat se refusent pour l’instant à aller plus vite dans ce domaine, sachant pourtant que la méthode incitative n’aura que des effets limités sur le nombre de salariés bénéficiaires de ce dispositif. Je suis prêt à prendre le pari qu’une telle mesure sera prise dans les deux ou trois ans à venir.

Enfin, dernier point chaud, si je puis m’exprimer ainsi, le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés. C’était une mesure emblématique, apparemment séduisante pour les entreprises et à laquelle je pourrais a priori souscrire.

Même si ce n’est qu’un affichage, dont les auteurs savent qu’il n’a que peu de chances d’être retenu à l’Assemblée nationale, cette disposition contient quelques effets pervers qui, me semble-t-il, ont été sous-estimés.

Cette mesure est finalement assez discutable, car elle se justifie moins du fait de la fusion des instances de représentation du personnel en une seule structure depuis les ordonnances Travail. En outre, elle risque de rendre plus difficile la définition de mesures spécifiques en faveur des petites entreprises et elle supprime la garantie pour tous les salariés des entreprises de 50 à 100 salariés de bénéficier de la participation ; c’est donc une régression en termes de partage des résultats. Je ne suis pas sûr que ceux qui ont voté cette mesure ne souhaitent pas aujourd’hui que l’Assemblée nationale ne nous suive pas sur ce point…

Parmi mes regrets, je pourrais encore citer le report de 2020 à 2021 de l’application du relèvement des seuils du contrôle légal des comptes des sociétés. Cette décision n’est pas compréhensible pour les entreprises, mais il convient de reconnaître que la profession de commissaire aux comptes est bien organisée.

La majorité des membres du RDSE – groupe divers, qui respecte la liberté de vote de chacun – reste assez perplexe et estime que ce texte, qui n’a pas gagné en cohérence, montre tout à la fois un excès de conservatisme, de libéralisme et de frilosité. C’est pourquoi elle s’abstiendra.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme je l’avais indiqué lors de la discussion générale, ce texte aurait gagné en cohérence, si son périmètre avait été mieux ajusté.

Pour autant, il faut reconnaître que le travail de la commission spéciale et de la Haute Assemblée l’a amélioré sur de nombreux points, même si, à titre personnel, je regrette que des sujets importants n’aient pas été suffisamment pris en compte ou écartés à tort – j’y reviendrai…

Indiscutablement, le point fort de ce texte porte sur la modification des seuils. Je souhaite que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne reviennent pas sur les décisions que nous avons prises, car elles représentent, à elles seules, la bouffée d’oxygène réglementaire qu’attendent nos entreprises. La France et les Français iraient mieux si l’économie et l’emploi étaient plus performants. Ces mesures n’ont pas de coût budgétaire pour le Gouvernement, mais elles peuvent changer l’état d’esprit et les résultats de nos entreprises. Nous en avons grand besoin !

S’agissant des chambres consulaires, même si nous y avons apporté des modifications, je regrette que le texte final ne donne pas plus d’importance à la liberté d’organisation et à la responsabilisation des acteurs de terrain. Toutes ces nouvelles organisations vont, finalement, amener les chambres à facturer leurs services pour compenser les ponctions opérées sur leurs budgets, alors même qu’il n’y a aucune baisse ni suppression des taxes qui les alimentaient. Les entreprises paieront donc deux fois !

En ce qui concerne ADP et La Française des jeux, la suppression des privatisations me paraît être une bonne chose, car ces dossiers n’étaient pas suffisamment élaborés. Nous avons bien vu ce qu’a donné la privatisation mal maîtrisée des autoroutes.

Je regrette que le Sénat ne m’ait pas suivi sur l’intérêt d’avoir un brevet de qualité face à nos voisins. Je pense que nous y reviendrons. La France n’a pas intérêt à être le réceptacle des brevets de faible intérêt, tandis que les bons brevets seraient pris ailleurs.

Je regrette enfin que trop de nos propositions d’amendements se soient vues opposer une nouvelle lecture de l’article 45 et aient été déclarées irrecevables à ce titre.

L’obligation qui nous a été faite de ne partir que du texte initial du Gouvernement me paraît en contradiction avec la lettre de la Constitution, qui nous demande de partir du texte de la commission de l’Assemblée nationale. Cette méthode aura pour conséquence de priver le Sénat d’une capacité de peser sur les nouveautés apportées par les députés, donc de réduire notre poids, ce qui me paraît, à l’heure actuelle, de mauvaise politique. Monsieur le président, il nous faudra réexaminer l’application de l’article 45, qui met en danger notre assemblée.

Voilà, mes chers collègues, des motifs de satisfaction et de regrets. Mais il y a aussi un constat : le Sénat est bien indispensable à un travail de qualité. Je voterai le texte ainsi amendé.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe Union Centriste a abordé l’examen de ce texte avec enthousiasme, tant il est important que nous puissions soutenir le développement économique de notre pays.

Nous avons entrepris de travailler sur ce texte dans cet esprit et, comme vient de le dire Philippe Adnot à l’instant, dans un souci de liberté et de responsabilité.

Nous tenons à remercier les deux rapporteurs, Jean-François Husson et Élisabeth Lamure, de l’excellent travail qui a été réalisé, ainsi que Mme la présidente de la commission spéciale. Je rappelle que cette dernière connaît bien le sujet des entreprises, puisqu’elle préside la délégation sénatoriale aux entreprises depuis quatre ans ; elle a d’ailleurs pu traduire dans ce texte un certain nombre de propositions formulées par la délégation.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Ce projet de loi visait plusieurs objectifs : simplifier la vie des entreprises – c’est pour nous un objectif constant –, mieux orienter l’épargne vers ces dernières et rendre les entreprises plus justes.

En ce qui concerne l’épargne, si tant est que l’on se satisfasse de la manière dont les banques concourent au développement économique, il faut pouvoir orienter l’épargne à plus long terme vers les entreprises.

Sur le troisième volet que j’ai indiqué, n’en déplaise à certains qui considèrent qu’il n’y a pas eu suffisamment d’avancées, j’ai plutôt tendance, pour ma part, à considérer que nous avons progressé. En tout cas, le texte est relativement fondateur en la matière. Nous avons notamment souhaité qu’il n’impose pas de contraintes supplémentaires aux entreprises, comme l’avait voulu le ministre, mais, au contraire, qu’il leur permette de prendre des initiatives.

En ce qui concerne la simplification de la vie des entreprises, nous avons beaucoup débattu de la question du registre dématérialisé – il faudra que les coûts issus de toutes les formalités administratives puissent être réduits –, ainsi que du contrôle des comptes – je n’y reviens pas.

Je voudrais m’arrêter quelques instants sur la question des chambres consulaires. Le groupe Union Centriste estime que le rôle de ces dernières est particulièrement important pour irriguer le tissu rural et faire en sorte que les entrepreneurs soient accompagnés sur l’ensemble du territoire, dans tous les départements, et qu’ils puissent travailler en réseau.

Dans un monde où s’opposent les gros et les petits, les chambres consulaires constituent aujourd’hui un rempart pour les petits !

Que ce soient les chambres d’agriculture pour les agriculteurs, les chambres de métiers et de l’artisanat pour les artisans, les chambres de commerce et d’industrie pour les commerçants et ceux qui travaillent dans le secteur des services, elles jouent toutes un rôle important pour les entreprises individuelles ou celles qui n’emploient que peu de salariés, face à la tentation de quelques grosses entreprises de vouloir tout régenter. Soyons attentifs à ce que ces organisations consulaires, qui sont représentatives des employeurs, poursuivent leurs missions.

Le groupe Union Centriste partage l’essentiel des orientations et des propositions formulées, mais il a deux regrets.

Tout d’abord, nous déplorons le refus de la privatisation d’ADP, car, selon nous, il s’agissait d’une véritable chance pour notre pays, qui ne vit pas dans un régime d’économie administrée.

M. Pierre-Yves Collombat s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il faut laisser les acteurs économiques respirer, et, en l’occurrence, offrir à l’outil aérien une chance de se développer. Ne l’oublions pas, nous vivons dans un contexte de concurrence internationale ; nous pouvons toujours nous dire que nous sommes bien chez nous, mais il faut garder cette réalité à l’esprit. Aussi, la majorité du groupe de l’Union Centriste considérait que la privatisation d’ADP était un moyen de rendre cet outil un peu plus compétitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est même pour cela que vous voulez le vendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Le second regret que nous voulons exprimer porte sur l’article 61 et la responsabilité sociétale des entreprises.

Mes chers collègues, nous vivons dans un monde en pleine évolution. Nous ne pouvons plus envisager notre code civil, et plus généralement notre droit, comme lorsque nous avons élaboré ces règles voilà quelques décennies, voire quelques siècles. Il faut savoir évoluer avec son temps. Aujourd’hui, nous le savons, la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux est absolument essentielle. Même le MEDEF va se doter d’une raison d’être.

Vendredi dernier, j’étais à l’assemblée générale de Produit en Bretagne, une association comprenant plus de 1 000 entrepreneurs et qui affirme clairement que la responsabilité sociétale de l’entreprise doit être mise en avant, à travers notamment la définition d’une raison d’être.

C’est dire si les entrepreneurs ont pris conscience du rôle et de la place des entreprises. Il faut que nous puissions accompagner, sans être à leur remorque, ces entrepreneurs qui vont de l’avant et qui font en sorte, grâce à la juste rémunération du travail, à l’intéressement, à la participation, à l’actionnariat salarié, que la valeur produite soit mieux répartie entre les actionnaires et les salariés.

Je crois que les dispositifs mis en place au travers de ce texte – dès lors qu’ils ne sont pas coercitifs, cher Jean-Marc Gabouty, car il faut laisser aux acteurs économiques leur liberté d’entreprendre, d’innover et de s’organiser – peuvent être générateurs de bien-être pour les salariés et de développement pour les entreprises. C’est en tout cas l’un des objectifs visés, et je ne doute pas qu’il sera atteint, notamment grâce aux mesures que le Gouvernement entend prendre pour mieux faire connaître ces dispositions.

Mes chers collègues, pour conclure, j’émets le vœu que l’Assemblée nationale reprenne l’essentiel du travail fait au Sénat. Le groupe de l’Union Centriste votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises.

Je tiens tout d’abord, au nom du groupe Les Indépendants, à saluer à mon tour le travail mené par la commission spéciale, sous la présidence de notre collègue Catherine Fournier, et par ses trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Jean-François Husson et Michel Canevet, qui n’a pas pu se féliciter lui-même.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Ce travail a grandement contribué à la qualité de nos débats.

Ce vote va intervenir après une nouvelle vague d’agitation sociale. À ce sujet, monsieur le président, nous saluons votre condamnation extrêmement claire de toutes les violences et de tous les outrages, qui sont proprement inacceptables.

Dans cette agitation, je vois une raison supplémentaire pour agir vite et apporter la preuve de l’efficacité du travail parlementaire. À la source de cette situation se trouvent en effet certains des problèmes que ce projet de loi se donne précisément l’ambition de résoudre.

C’est le travail, qui ne paie pas assez, et ne permet plus toujours de vivre décemment. C’est l’administration, qui décourage inutilement les efforts accomplis. C’est le sentiment, enfin, que partagent nombre de nos concitoyens, d’être les perdants de la mondialisation.

Le texte que nous nous apprêtons à voter redonnera du souffle à nos entreprises. C’est notre conviction. Il fera respirer notre économie en relâchant les carcans dans lesquels nous avons progressivement enfermé l’initiative individuelle. Nous pensons, enfin, qu’il contribuera utilement à restaurer la confiance dans la liberté d’entreprendre.

La contribution du Sénat dans la construction de ce texte permet d’aller plus avant dans cette direction. Je pense notamment au relèvement des seuils de 50 salariés à 100 salariés, afin de donner à nos PME plus de temps pour répondre à leurs obligations légales. Cette disposition, couplée à la période de mise en conformité pour le franchissement des seuils, allégera fortement la pression normative qui contraint encore la croissance de nos PME.

Le Sénat a aussi porté la voix des territoires dans ce débat. C’est notamment le sens d’un amendement que nous avons déposé avec d’autres collègues sur ces travées.

Cet amendement visait à réintroduire la généralisation de l’organisation administrative du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat autour d’un établissement unique de région, tout en précisant les moyens d’action des chambres de niveau départemental. Il faut maintenir un réseau dense pour ces structures d’accompagnement, qui donnent accès à la création d’entreprise au cœur de nos territoires.

Je me réjouis que le Sénat puisse ainsi se faire l’écho de ces voix des territoires. Elles nous alertent contre le risque d’une rupture toujours plus marquée entre les centres et les périphéries, entre la France qui trouve sa place dans la mondialisation et celle qui a l’impression d’y perdre.

C’est notre rôle de veiller à ce que les lois n’ajoutent pas au sentiment d’abandon qui nourrit la frustration de tant de nos concitoyens. Il y va de la cohésion de notre société.

Pourtant, mes chers collègues, nous devons également avoir conscience que, à l’issue de ces débats, la position du Sénat n’apparaîtra pas clairement sur certains sujets structurants, comme Michel Canevet l’a rappelé. En particulier, nous n’avons pas apporté de réponse univoque à une question essentielle qui nous était posée : dans quelle mesure souhaitons-nous voir l’État intervenir dans notre économie ?

Une majorité d’entre nous a ainsi refusé la privatisation de La Française des jeux, souhaité encadrer celle d’Aéroports de Paris et choisi de confirmer celle d’Engie. Sur le fond, ma position personnelle reste constante : ce qui relève du pouvoir régalien doit être géré par l’État ; le reste doit être délégué.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

J’ai du mal à voir, mes chers collègues, en quoi la gestion de l’énergie serait moins stratégique pour l’État que celle du tourisme…

Il nous faut admettre que même une chatte n’y retrouverait pas ses chatons. En vérité, mes chers collègues, et pour être plus précis, je ne crois pas que nous ayons mal répondu à la question : en fait, nous l’avons mal posée.

Au fond, il ne s’agit pas tant de savoir s’il nous appartient, à nous, législateurs, de décider si nous devons conserver ou non des actifs stratégiques pour l’État, que de déterminer si l’intervention de l’État se révèle stratégique pour ces actifs, dès lors que l’État ne faillit pas à l’exercice de ses missions régaliennes.

Plus prosaïquement, je pense que nous remplirions mieux notre rôle en prenant une part active et constructive à la définition des modalités dans lesquelles les cessions d’actifs pourront s’opérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

J’ai déjà eu l’occasion de le dire alors que nous commencions l’examen de ce projet de loi : la transformation de notre économie ne se décrète pas ; ce sont les entreprises qui s’en chargeront elles-mêmes.

Notre rôle doit d’abord consister à leur donner les outils les mieux adaptés aux évolutions de notre économie et en assurer un cadre juste. Nous devons laisser plus de liberté pour innover et inventer de nouvelles solutions aux problèmes de notre temps.

À cet égard, je suis convaincu que des outils, tels que le statut d’entreprise à mission, dont le Sénat a tenu à clarifier et simplifier le régime, ainsi que la réduction du forfait social sur la participation et l’intéressement constituent des moyens concrets et efficaces de répondre à ces enjeux. Je suis certain que nos entreprises sauront s’en emparer pour façonner un modèle plus en phase avec les aspirations des Français, c’est-à-dire plus inclusif, plus juste et plus durable.

C’est en nous efforçant de restaurer la confiance dans la société, plutôt qu’en créant de nouvelles barrières, que nous parviendrons, aujourd’hui et demain, à dynamiser la compétitivité de notre économie, tout en assurant la cohésion sociale.

C’est le cas, aujourd’hui, avec la loi PACTE, et ce sera le cas, demain, avec d’autres projets de loi que nous aurons à examiner et qui se révéleront également déterminants pour la France. Nous devrons alors miser de nouveau sur la confiance, pour accélérer la transformation de notre société.

C’est la raison pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, qui va, selon nous, globalement dans le bon sens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au terme de l’examen de ce texte, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail de la commission spéciale, de sa présidente et de ses trois rapporteurs.

Ce texte est présenté par le Gouvernement comme le grand texte économique de ce quinquennat, paré d’un titre et de chapitres ambitieux : « Des entreprises libérées, plus innovantes, plus justes »… Pour un peu, on chanterait.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Pourtant, l’extrême diversité des sujets traités dans ce texte et leur inégale importance ne dégage pas, nous semble-t-il, le souffle nécessaire susceptible d’impulser le choc de compétitivité espéré par de nombreux chefs d’entreprise.

Sur la forme, le texte est passé de 73 articles à près de 200 articles à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale. Ainsi, nombre de dispositions, parfois sur des sujets majeurs, ont échappé à une véritable étude d’impact, l’exemple le plus flagrant étant cet amendement « anti-Huawei », annoncé par voie de presse et déposé pour le moins tardivement par le Gouvernement, pendant l’examen même du texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Sans nier l’importance du sujet, convenez qu’il était nécessaire d’expertiser sérieusement, a minima, la solution proposée. Le Sénat l’a rejetée à regret, mais en toute responsabilité.

Sur le fond, nous nous retrouvons, monsieur le ministre, sur le constat : les obstacles rencontrés par les entreprises, essentiellement les petites et les moyennes, pour se développer, créer des emplois, se sont sédimentées au fur et à mesure de l’évolution de la législation et de son adaptation aux nouveaux enjeux économiques. Bien des scories normatives entravent aujourd’hui une croissance agile et efficace des PME. Ce texte permet d’en simplifier un nombre certain.

C’est dans cette perspective que les travaux du Sénat ont renforcé sensiblement le texte, tant en commission qu’en séance. En particulier, nous sommes allés plus loin sur la rationalisation des seuils, en relevant les obligations liées au passage de 50 salariés à 100 salariés. C’est le seuil le plus emblématique en matière de croissance des entreprises. Il serait souhaitable que la CMP puisse trouver un bon équilibre sur ce point, car c’est une mesure très attendue.

Nous avons également rendu les dispositifs relatifs à l’épargne salariale encore plus attractifs, en alignant les taux dérogatoires du forfait social sur le taux de 10 %, tant pour le plan épargne retraite que pour la participation ou l’intéressement, des sujets auxquels le Sénat est particulièrement attaché. Nous nous félicitons de ces dispositions.

En outre, nous avons renforcé le poids des élus dans le conseil d’administration de La Poste, en accompagnant sa transformation. Nous sommes allés plus loin pour sécuriser davantage le développement des levées de fonds en actifs numériques, avec une sanction pénale pour ceux qui tromperaient les épargnants. Enfin, nous avons permis une meilleure information et une meilleure protection des consommateurs dans le cadre de la fin des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.

En revanche, plusieurs sujets ont fait l’objet de désaccords entre le Gouvernement et notre Haute Assemblée, le Sénat ayant souhaité poser un regard différent sur le débat.

Oui, nous avons supprimé la définition de l’intérêt social et de la raison d’être de l’entreprise dans le code civil : si nous partageons la volonté de voir nos entreprises se transformer et le souhait de les accompagner vers de nouveaux modèles de croissance plus sociaux, plus tournés vers les préoccupations environnementales, il nous est apparu que l’imprécision des termes de cet article allait fragiliser les entreprises et faire peser sur elles un risque de contentieux accru, alors que la législation française sur la responsabilité sociale et environnementale, la RSE, est déjà très poussée.

D’ailleurs, certaines entreprises et organisations représentatives se sont d’ores et déjà dotées d’une raison d’être, en toute liberté, cher Michel Canevet, preuve, s’il en était besoin, qu’il n’y a pas besoin d’une loi pour le faire. Produit en Bretagne en est un bon exemple.

La stratégie d’une entreprise, monsieur le ministre, est sa responsabilité, sa liberté, son ADN, et elle s’exprime dans son projet d’entreprise. Nous pensons que les lois doivent être normatives, plutôt que bavardes. Lorsque la loi ouvre de tels espaces d’interprétation, c’est la jurisprudence qui prend le pas sur le pouvoir politique. En ces temps de confusion institutionnelle, chacun doit être attentif à son rôle.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons bien sûr, au terme de longs débats ayant mené à un quasi-consensus, renoncé aux privatisations d’Aéroport de Paris et de La Française des jeux.

Tout d’abord, la motivation présentée par le Gouvernement nous semblait peu convaincante : le rendement attendu du fonds de rupture est d’ores et déjà équivalent aux dividendes perçus par l’État au titre de ces sociétés. Nous comprenons que des dividendes peuvent naturellement fluctuer, mais admettez, d’une part, qu’il en va de même pour le rendement des fonds de placement

M. le ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Pour ADP, ensuite, le débat s’est beaucoup focalisé sur le fait de savoir s’il s’agissait de la privation d’un monopole ou bien d’infrastructures en situation concurrentielle. Si ce débat n’est pas tranché, tout au moins sommes-nous d’accord pour considérer qu’ADP est une infrastructure stratégique.

Alors que, dans quelques jours, l’Europe va se doter d’un mécanisme de filtrage permettant d’évaluer le risque pour les infrastructures européennes stratégiques de tomber dans les mains d’actifs extra-européens, monsieur le ministre, il nous semble imprudent de laisser partir ADP sans en mesurer toutes les dimensions stratégiques.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Or aucune garantie n’a été apportée sur les mécanismes de cessions des actifs à court, moyen et long termes : qui peut dire, monsieur Yung, quel sera le sort d’un futur acquéreur privé, « opéable » une fois, deux fois, dix fois dans les 70 prochaines années ? Qui sera maître du jeu dans le ciel français ?

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Pour La Française des jeux, la FDJ, si le sujet de la santé et du rôle nécessaire de la régulation a été au cœur des discussions, c’est aussi le manque de réponse sur le financement de la filière équine et l’aménagement du territoire qui ont motivé notre avis.

Pour autant, au sujet de ces deux sociétés, nos rapporteurs ont beaucoup travaillé pour améliorer, dans le cas d’ADP, le calcul des redevances aéroportuaires, ainsi que la régulation du secteur, et nous avons accepté la réforme de la fiscalité des jeux de la FDJ et des paris sportifs en ligne.

Voilà quelques points, non exhaustifs, que le Sénat a améliorés au cours de ses travaux, ou sur lesquels il a marqué sa différence. C’est pour cette raison que le groupe Les Républicains votera le texte issu de nos travaux. Mais que dire du projet de loi dans sa globalité ? Il nous semble difficile aujourd’hui d’estimer correctement quel sera l’effet de ce texte protéiforme sur la croissance des entreprises. Si de nombreuses dispositions techniques sont attendues, il reste urgent, maintenant, de tenir les engagements sur la compétitivité.

Les impôts de production ne baissent pas, et la France reste championne d’Europe en matière de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques ; le déficit commercial se dégrade. Enfin, monsieur le ministre, les promesses de baisse de l’impôt sur les sociétés ne risquent-elles pas, à court terme, de se briser sur le mur jaune des réalités sociales.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. À mon tour, je tiens à remercier les membres de la commission spéciale, sa présidente, Catherine Fournier, ainsi que ses trois rapporteurs, Michel Canevet, Jean-François Husson et Élisabeth Lamure. Cette procédure spéciale d’examen parlementaire a été parfaitement conduite.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Annie Guillemot, Mireille Jouve et Guy-Dominique Kennel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et je suspends la séance jusqu’à seize heures cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 54 :

Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés324Pour l’adoption207Contre 117Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission modifié, le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre de l ’ économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un scrutin difficile à décrypter, puisque, d’une certaine façon, ceux qui étaient pour le texte initial du Gouvernement ont voté contre, et ceux qui étaient contre le texte du Gouvernement ont voté pour.

Pas nous ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Au bout du compte, nous sommes dans une très grande confusion. Dans cette obscure clarté qui tombe des étoiles

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Au préalable, je veux saluer la qualité exceptionnelle du travail de la présidente de la commission, Catherine Fournier, et des trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Jean-François Husson et Michel Canevet, que je tiens tous à remercier.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Nous avons fait ici, pendant de longues heures de discussions parfois animées, un travail que j’estime utile. J’espère bien que certaines des propositions – je pense en particulier à tous les dispositifs d’encadrement et de renforcement des garanties autour des privatisations proposés par Jean-François Husson – pourront être reprises dans le texte définitif de la loi PACTE.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Enfin, je veux rappeler quelques convictions et remettre quelques pendules à l’heure par rapport à ce que j’ai pu entendre. J’y insiste, ce texte est essentiel pour notre économie.

Il est d’abord essentiel pour les salariés. Je peux tout entendre, car nous sommes en démocratie, mais je ne laisserai pas dire que le projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises n’est pas une bonne nouvelle pour les salariés !

Ou alors, il faudra m’expliquer que la simplification de l’épargne salariale n’est pas une bonne nouvelle pour les salariés ; il faudra m’expliquer que le développement de l’actionnariat salarié n’est pas une excellente nouvelle pour les salariés §il faudra m’expliquer que les garanties qui sont apportées aux femmes conjointes de collaborateurs, qui vont désormais bénéficier d’une protection renforcée, ne sont pas une bonne chose pour les salariés ; enfin, il faudra expliquer aux 10 millions de salariés qui vont enfin avoir accès à l’intéressement et à la participation grâce à la suppression du forfait social pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés, qu’il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Ne vous inquiétez pas, on le leur expliquera !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ma part, je crois exactement le contraire : PACTE est un grand texte pour les salariés, parce qu’il va permettre à ceux qui travaillent de vivre plus dignement de leur travail et de leur salaire.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je crois également qu’il s’agit d’un bon texte pour les entrepreneurs, et même d’un texte essentiel, puisqu’il va simplifier en profondeur les mesures de création des entreprises et les procédures administratives en créant un guichet unique ; il va alléger un certain nombre de charges coûteuses ; il va nous remettre à niveau au regard des règles européennes pour tout ce qui est contrôle des comptes. En effet, je ne vois aucune raison pour que les entrepreneurs français aient des obligations en matière de certification des comptes plus strictes que celles de leurs voisins et concurrents espagnols, italiens, belges ou néerlandais.

M. Loïc Hervé approuve.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Nous remettons la compétitivité française à l’heure de l’Europe, en rappelant que les procédures françaises ne doivent pas être plus strictes que celles des concurrents européens.

C’est une bonne chose pour les entrepreneurs également, puisque nous allons simplifier les seuils sociaux, en permettant à tous les entrepreneurs ayant 48 ou 49 salariés, lorsqu’ils franchissent la barre des 50 salariés, jusqu’à 55 ou 60, parce qu’ils auraient des commandes ou des perspectives économiques plus favorables, d’être dispensés d’obligations supplémentaires pendant les cinq années suivant le jour où ils auront franchi ce seuil.

Je suis convaincu que cela permettra de débloquer l’acte d’embauche dans notre pays et de créer les emplois dont les Français ont besoin. Désormais, avec la loi PACTE, il n’y aura plus que trois seuils, là où il y en avait une dizaine : 11 salariés, 50 salariés, 250 salariés. C’est une simplification fondamentale pour les entrepreneurs et pour la création d’emplois dans notre pays.

Nous avons aussi eu un grand débat sur la question de la raison d’être. Faut-il introduire cette notion dans notre droit ?

Tout d’abord, je rappelle qu’aucun dispositif n’est obligatoire pour les entrepreneurs dans ce texte. Tout est une faculté, rien n’est une obligation, parce que je pense que c’est ainsi que l’on fait progresser une société.

Pour autant, croyez-moi, pour avoir discuté avec de jeunes entrepreneurs, avec de jeunes créateurs d’entreprise, que ce soit dans le domaine de l’artisanat, du commerce ou des start-ups techniques les plus pointues, je puis vous dire que tous veulent donner une raison d’être à leur société, parce que tous ont bien compris que l’entreprise ne se limite plus à la création de profit, mais doit répondre à des attentes : une attente sociale, une attente environnementale, une attente d’égalité entre les femmes et les hommes, une attente de plus de place pour les personnes en situation de handicap, une attente pour transformer la société dans le sens de plus de justice.

La raison d’être, c’est l’avenir de l’entrepreneuriat en France, et je suis convaincu que notre pays peut donner l’exemple à toute l’économie européenne en la mettant en place, c’est-à-dire en donnant un sens à l’activité économique.

Je me suis battu, avec Jean-Dominique Senard, avec Nicole Notat, avec un certain nombre de députés, avec des sénateurs, ici, pour que l’économie française prenne du sens : la raison d’être accordée aux entreprises, c’est du sens donné à notre modèle économique.

M. Fabien Gay s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je pense, en dernier lieu, que ce texte est essentiel aussi pour l’innovation. C’est d’elle, monsieur Bourquin, que dépendra notre capacité à réindustrialiser notre pays.

Je peux tout entendre, mais certainement pas que nous n’avons pas une politique industrielle pour notre pays, Agnès Pannier-Runacher et moi-même ; certainement pas que notre industrie continue son déclin, à un moment, monsieur Bourquin, où vous devriez partager avec moi la fierté des entrepreneurs industriels français, qui, pour la première fois depuis dix ans, recréent des emplois et rouvrent des entreprises dans nos territoires.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

À ces entrepreneurs, à ces industriels, qui se sont retroussé les manches, qui se sont battus, qui ont investi, digitalisé, robotisé, créé des emplois, même si ce n’est pas assez et s’il faut aller beaucoup plus loin, nous devons la reconnaissance d’avoir eu le courage de réindustrialiser nos territoires et notre nation.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-François Husson, rapporteur, et Jean-Paul Émorine applaudissent.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Si nous voulons aller plus loin, il faut aussi donner à l’innovation davantage de perspectives. Tout ce qui figure dans le texte sur les liens entre recherche et entreprises est à cet égard fondamental. Tout ce qui vise à valoriser la qualité du brevet français, qui, aujourd’hui, souffre de certaines insuffisances, est absolument fondamental.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le maintiens, la cession d’actifs dans des activités qui peuvent parfaitement être traitées par des acteurs privés, de manière encadrée et régulée – en d’autres termes, les privatisations d’ADP, d’Engie et de La Française des jeux –, est une nécessité absolue pour financer le fonds pour l’innovation de rupture de dix milliards d’euros, qui nous permettra d’investir dans l’intelligence artificielle et dans les technologies nouvelles.

Au XXIe siècle, il y aura des vainqueurs et il y aura des vaincus !

Dans le camp des vainqueurs, vous aurez les nations qui auront investi pour l’innovation, celles qui auront la maîtrise de l’intelligence artificielle, des logiciels, des algorithmes, des données. Et dans le camp des vaincus, vous aurez les nations qui auront baissé les bras, continuant de gérer des rentes plutôt que d’investir dans l’avenir du pays.

Je préfère que notre nation soit championne dans les domaines de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies ! Je préfère que notre nation soit dans le camp des vainqueurs plutôt que dans le camp des vaincus !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vous remercie, monsieur le ministre. Vous avez été très présent dans les débats et proactif, comme nous venons de l’entendre. Je tenais à le souligner.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 269, texte de la commission n° 288, rapport n° 287) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au renforcement de l’organisation des juridictions (projet n° 268, texte de la commission n° 289, rapport n° 287).

Dans la discussion générale commune, la parole la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine donc, en nouvelle lecture, les deux projets de loi qui constituent la réforme de la justice que je vous ai présentée au nom du Gouvernement au mois d’octobre dernier.

Cette nouvelle lecture intervient après que le Sénat et l’Assemblée nationale n’ont pu trouver d’accord en commission mixte paritaire. Cet échec a traduit des divergences fortes entre les deux assemblées.

Il faut constater qu’en première lecture votre commission des lois, puis votre assemblée avaient fait, pour l’essentiel, le choix de s’éloigner de la plupart des propositions formulées par le Gouvernement, propositions soutenues par la majorité de l’Assemblée nationale.

Sans aller jusqu’à dire que deux projets s’opposaient, ce qui serait contraire à la réalité et sans doute trop caricatural, je constate que sur des questions essentielles, nous n’avons pas pu trouver de solutions communes. Je l’ai regretté au mois d’octobre, ici même, en observant que le Sénat avait fait le choix de ne pas partager les principales orientations contenues dans le projet initial du Gouvernement. Dès lors, les conditions d’un accord étaient presque impossibles à réunir. C’est la situation devant laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

Pourtant, la volonté de donner à la justice les moyens d’accomplir son office est une ambition partagée par tous, je le sais. Sur chacune des travées dans cet hémicycle, comme au Palais-Bourbon, nous souhaitons que la justice dispose réellement des moyens de fonctionner de manière efficace sans rompre, en aucune manière, avec les principes qui la fondent.

Toutefois, si les moyens sont essentiels – et le Gouvernement a prévu, dans la présente loi de programmation, de les lui attribuer à une hauteur tout à fait importante –, ils ne peuvent suffire à eux seuls pour assurer une amélioration du fonctionnement de la justice. J’entends bien que nous venons de loin – de très loin même !–, sur le plan budgétaire et que la justice doit disposer, c’est évident, à la fois de personnels plus nombreux et de moyens budgétaires plus importants. Je l’entends. Le Gouvernement l’a entendu lui aussi et y a répondu puisque ce budget progressera de 24 % sur cinq ans et permettra de recruter 6 500 emplois supplémentaires.

Cependant, la justice a également besoin d’être réformée. Il faut qu’elle s’adapte aux situations actuelles sans renier les principes fondamentaux qui la structurent. Réformer ne veut pas dire adopter une logique comptable ou une logique « d’économie de gestion », comme vos rapporteurs ont pu l’écrire. Ce n’est pas non plus déshumaniser la justice, ni même la robotiser. C’est encore moins l’éloigner du justiciable. Je ne m’arrête pas à ces termes qui relèvent, de mon point de vue, plus de slogans que d’une analyse rigoureuse du projet de loi que je porte.

Ce qui me préoccupe, en réalité, c’est que les Français expriment une grande défiance à l’égard de la justice. Il est, pour moi, en tant que garde des sceaux, très difficile d’entendre nos concitoyens trouver la justice de ce pays trop éloignée, trop lente, parfois inefficace, quand on sait le dévouement des magistrats et de l’ensemble des personnels dont l’engagement est exemplaire.

Adapter notre justice, c’est avant tout lui permettre de répondre aux besoins des justiciables. Je mesure évidemment les attentes des professionnels avec lesquels j’ai beaucoup dialogué, à de nombreuses reprises. Je comprends leurs craintes face à des évolutions parfois difficiles à appréhender et qui peuvent même inquiéter. Je ne néglige pas l’ampleur de ces préoccupations qui se sont exprimées devant vous. Et au cours de l’élaboration du texte qui vous est soumis, au cours de son examen, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, de nombreux éléments nouveaux de compromis ont été apportés pour répondre aux demandes des avocats, des magistrats et des personnels de la justice.

J’observe ainsi que si l’Assemblée nationale a, comme je le disais voilà un instant, apporté son soutien aux propositions du Gouvernement, elle a, en outre, fait évoluer le texte sur des points importants. Et j’ai soutenu cette démarche.

Dans cette perspective, l’Assemblée nationale a d’ailleurs préservé un certain nombre d’avancées qui avaient été adoptées par le Sénat. Tel est le cas des garanties relatives aux services en ligne, qui ne pourront pas proposer des consultations juridiques sans le concours d’un avocat. Il en est de même pour le renforcement des obligations imposées aux plateformes.

Je pourrais également citer la suppression de la représentation obligatoire devant les tribunaux paritaires des baux ruraux, l’inscription dans la loi des conditions d’expérimentation de la procédure de révision des pensions alimentaires, là où le Gouvernement demandait initialement une habilitation.

À ces points se sont ajoutées d’autres évolutions apportées au texte par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je citerai, à titre d’exemple, le délai imposé à une victime pour se constituer partie civile devant le juge d’instruction à la suite d’une plainte laissée sans réponse. Ce délai a été maintenu à trois mois en permettant au procureur de la République de solliciter du juge d’instruction un délai complémentaire de trois mois afin de poursuivre les investigations en cours.

En matière d’alternative aux poursuites, l’actuelle limitation du champ d’application de la composition pénale aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans a également été maintenue.

Des éléments destinés à mieux encadrer le rôle de la caisse d’allocations familiales ont été adoptés pour l’expérimentation, dont je parlais, que le projet de loi prévoit d’ouvrir en matière de révision des pensions alimentaires.

Je pourrais citer, outre les dispositions qui ont clarifié certains points portant sur la répartition des contentieux spécialisés entre tribunaux judiciaires sur la base de projets locaux, la consultation des conseils de juridiction, désormais prévue dans le texte.

Ces différents points récapitulent des demandes souvent formulées par des professionnels du droit auxquelles il a été répondu, comme cela avait d’ailleurs été le cas sur plusieurs autres points lors de l’élaboration du projet de loi.

Le texte a donc évolué très sensiblement. En revanche, le Gouvernement, et la majorité qui le soutient, a souhaité préserver les lignes de force de cette réforme. C’est ici que, pour l’essentiel, nous divergeons.

Je ne veux pas y revenir très longuement, car j’ai eu l’occasion de l’évoquer en première lecture, puis lors de mon audition par votre commission des lois il y a seulement quelques jours dont vos rapporteurs feront sans doute état. Je me contenterai de faire rapidement observer les éléments suivants.

Sur la partie budgétaire, le Gouvernement a une approche à la fois ambitieuse et réaliste. Nous prenons en compte les contraintes d’ensemble de nos finances publiques et notre capacité concrète à réaliser un certain nombre d’équipements sur cinq ans, durée de la loi de programmation. Ce texte préserve d’ailleurs – je tiens ici à le souligner – les équilibres entre les moyens affectés aux juridictions judiciaires et ceux qui sont alloués à l’administration pénitentiaire.

Sur la procédure civile, le projet que je défends a deux objectifs principaux : d’abord, simplifier l’accès du justiciable à la justice, ensuite, recentrer le juge sur son cœur de métier ; là où son rôle est essentiel, le juge doit être renforcé, notamment par les outils et les moyens qui lui sont alloués.

J’avais d’ailleurs regretté, en octobre dernier, que votre assemblée soit revenue sur plusieurs mesures proposées par le Gouvernement. J’avais indiqué que je ne partageais pas un certain nombre de préventions du Sénat quant au recours au numérique et à la dématérialisation. Ces éléments me semblent constituer, au contraire, un très grand progrès en termes de modernité et de simplicité d’accès au droit et à la justice, si – et j’insiste sur cette condition –, les garanties nécessaires sont apportées pour que la justice demeure « humaine », au sens où elle nécessiterait la présence physique des magistrats et des personnels de justice. Le projet que je porte fournit ces garanties. Pour les assurer totalement, nous y avons d’ailleurs intégré un certain nombre de demandes exprimées par la profession d’avocat.

Mais je défends aussi des positions réalistes, par exemple sur les plateformes qui constituent, je le crois, une évolution à la fois importante et inéluctable. Cela ne doit pas signifier que ces plateformes ne peuvent être en aucun cas régulées, mais il faut tenir compte de ce qu’est la réalité de l’économie du Net. C’est ainsi, me semble-t-il, que l’on apportera des garanties réelles aux justiciables qui auront recours à ces plateformes de plus en plus nombreuses.

Sur la procédure pénale, nous avons aussi des divergences qui ont été exprimées à diverses reprises. Le texte que je propose ne constitue pas, contrairement à ce qui a pu être dit, une rupture avec les réformes qui se sont succédé depuis un quart de siècle. Ces réformes ont toujours entendu renforcer la capacité d’action des parquets pour adapter la réponse judiciaire à de nouvelles formes de délinquance mais en maintenant les droits de la défense et les garanties apportées aux justiciables.

L’originalité de ma démarche ne vient donc pas de ce qu’elle inscrirait une rupture dans cette logique. Elle vient plutôt de ce que les propositions de simplification pénale contenues dans ce texte sont le fruit des propositions venues des acteurs de terrain, des policiers qui interviennent lors de la phase d’enquête, des magistrats du parquet et des magistrats qui ensuite jugent les litiges qui leur sont soumis.

J’assume ma volonté de mieux protéger les Français tout en préservant la garantie des droits. Et ces garanties sont bien là, j’y ai veillé. Le Conseil d’État l’a amplement confirmé dans son avis. Au renforcement des pouvoirs des enquêteurs répond un contrôle des magistrats du parquet et du siège sur les actes d’enquête. Je rappelle que les magistrats du parquet sont avant tout des magistrats, indépendants et également garants, à ce titre, de la liberté individuelle. Quant aux juges des libertés et de la détention, les JLD, je sais que les contrôles qu’ils exercent ne sont pas de nature purement formelle. Par l’intervention de ce juge statutaire, la garantie des droits est bien assurée.

Le Sénat a très sensiblement modifié ce texte dans un sens qui m’a semblé, ainsi qu’à plusieurs observateurs, parfois éloigné des attentes exprimées par les juridictions, par les enquêteurs et par les justiciables.

En tout état de cause, il faut que nous répondions à ce besoin clairement exprimé par nos concitoyens : le droit à la sécurité doit être pleinement garanti, dans des principes qui respectent l’État de droit.

Nous nous sommes, en outre, éloignés sur la partie consacrée aux peines. Les objectifs que nous poursuivons avec ce texte sont simples. Je le redis devant vous, l’idée, c’est que la peine de prison ne soit plus la seule peine de référence. Il faut que soient effectivement incarcérés ceux qui le méritent et pour lesquels c’est une nécessité, mais il faut punir autrement ceux pour qui la prison s’avérera inutile, désocialisante et source de récidives.

C’est pourquoi j’ai proposé que les peines soient désormais réellement exécutées ; des peines également adaptées au profil de chaque délinquant, des lieux d’incarcération nouveaux et diversifiés, un suivi des détenus plus individualisé. Voilà ce que contient mon projet de loi !

S’il partage les objectifs globaux que je propose – ce que j’ai souvent entendu dire par MM. les rapporteurs et par M. le président de la commission des lois –, le Sénat a cependant adopté un point de vue opérationnel différent de celui du projet, en particulier sur les courtes peines. La prison me semble demeurer pour vous, s’agissant des plus petits délits, un outil, une forme d’horizon. Pour notre part, nous proposons une approche par paliers afin de moduler davantage la réponse et de renforcer son individualisation.

Vous ne souhaitiez pas, par exemple, faire du bracelet électronique une véritable peine autonome. De même, en créant une peine de probation autonome, le Sénat s’est inscrit dans les pas de la réforme ayant institué la contrainte pénale. L’évaluation de cette mesure montre qu’elle n’a malheureusement pas produit les effets attendus.

Si je propose un sursis probatoire, mêlant la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve, c’est précisément dans un souci d’efficacité et de souplesse, pour surmonter les difficultés rencontrées dans l’application de cette peine de contrainte pénale depuis sa création.

Enfin, sur l’organisation des juridictions, mon objectif est, là encore, de simplifier la vie des justiciables en rendant plus lisible et plus compréhensible notre organisation, en maintenant tous les lieux de justice au nom du principe, absolument essentiel, de proximité pour la justice du premier degré.

Nous nous retrouvons pour créer une juridiction unique de première instance, que vous aviez proposé d’appeler « tribunal de première instance » et que l’Assemblée nationale a dénommée « tribunal judiciaire ». En revanche, vous avez écarté la possibilité d’élaborer des projets locaux permettant de répartir quelques contentieux spécialisés entre les tribunaux judiciaires dans les départements comptant plusieurs tribunaux. Il en est de même pour une expérimentation identique qui concernerait deux régions comportant plusieurs cours d’appel.

Enfin, j’évoquerai un dernier point qui n’est pas sans importance. L’habilitation que le Gouvernement a demandée au Parlement concernant la justice des mineurs a suscité des interrogations et des critiques. Je le comprends, mais je voudrais ici dire que le Gouvernement souhaite prendre ce dossier à bras-le-corps en s’appuyant sur le travail parlementaire qui a déjà été engagé sur ce sujet dans les deux assemblées. Le temps de la ratification sera pleinement employé pour que les deux chambres débattent de cette réforme et modifient le texte que le Gouvernement leur proposera, dans le sens qui leur semblera utile. Je suis absolument résolue à mener à bien cette réforme que deux majorités successives n’ont pas réussi à faire aboutir depuis plus de dix ans.

J’aurais préféré, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que nous puissions trouver des terrains d’entente plus nombreux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avant même la première lecture, j’avais fait part à M. le président de la commission des lois et à MM. les rapporteurs de ma volonté en ce sens. Les choix que vous avez alors exprimés et que vous avez réaffirmés depuis font que les conditions n’ont pas été réunies pour que cela soit possible.

C’est ainsi. Le Gouvernement en prend acte et, comme les positions de chacun sont désormais claires, il ne déposera pas d’amendements pour revenir aux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale qui ont recueilli son accord.

Cela nous éloigne, certes, pour un temps, mais je sais qu’à terme nous nous retrouverons pour que la justice puisse, en France, être mieux rendue au seul bénéfice des justiciables.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Évelyne Perrot et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Alain Fouché applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom d’Yves Détraigne et en mon nom ès qualités de rapporteur de la commission des lois, nous avons dix minutes pour vous rappeler rapidement la situation.

Madame le ministre, je dois vous le dire très directement, les yeux dans les yeux, vous avez indiqué voilà un instant à la Haute Assemblée que votre analyse était rigoureuse – évidemment ! – mais que la nôtre était plutôt le résultat d’une politique de slogans. Eh bien, sachez-le, je vous exprime mon désaccord le plus profond sur ce point ! Notre analyse a été rigoureuse, quoique différente de la vôtre !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Maryse Carrère, ainsi que MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Bigot applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je vous remercie, de ce point de vue, de bien vouloir respecter le travail de l’ensemble des collègues sur l’ensemble de ces travées, qui ont voulu appréhender votre texte à la lumière du rapport établi par M. Philippe Bas en avril 2017, avec d’autres corapporteurs, et à la lumière du travail approfondi fait à l’occasion d’une proposition loi que nous avions présenté ici en octobre 2017.

Nous pouvons tout entendre, mais – je vous le dis très librement – nous ne pouvons pas tout accepter.

Nous avons une vision différente de la vôtre, madame le ministre. Nous pensons qu’il existe des besoins budgétaires supplémentaires : notre justice a besoin d’être totalement remise à niveau, si vous me permettez cette expression.

Nous pensons que des places de prison doivent être créées, dans un délai rapide, pour retrouver l’encellulement individuel et permettre une gestion pénitentiaire correcte. D’autres mesures pénales que nous avons voulues y contribueraient également : nous avons souhaité permettre au tribunal correctionnel de choisir librement parmi toute une palette de sanctions adaptées, afin que la sanction soit efficace.

Nous l’avons fait figurer dans notre texte ; nous avons même été très novateurs, considérant dans l’ensemble que la prison n’était pas la seule solution. Nous l’avons dit et écrit ! Dès lors, ne faites pas dire, à cette tribune, que le Sénat ne s’est pas inscrit dans cette logique : les articles du projet de loi qui sortent de cette maison prouvent le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous voulons impérativement que la justice civile reste à la portée du justiciable. Nous ne refusons pas sa numérisation, nous approuvons les plateformes numériques, mais nous avons simplement demandé qu’elles soient certifiées, afin que les personnes qui utiliseront ce dispositif soient protégées. Vous nous l’avez refusé !

Nous ne refusons pas toute évolution. En matière de divorce pour faute, nous pensons simplement que la conciliation est utile, parce qu’il est nécessaire que les personnes qui se séparent douloureusement puissent au moins voir leur juge et régler devant lui quelques difficultés. Vous avez balayé cette approche, au motif qu’il y avait trop d’affaires et pas assez de temps !

Nous estimons que le règlement des pensions alimentaires relève non pas d’un directeur de la fonction publique, aussi brillant et intelligent soit-il, mais d’un juge. Voilà nos divergences !

Nous jugeons, certes, que les tribunaux d’instance et de grande instance peuvent être regroupés, mais cela ne peut se faire en vidant nos territoires d’un certain nombre de tribunaux. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité spécialiser les compétences des tribunaux d’instance et des chambres déléguées afin d’assurer cette présence territoriale.

Nous avons en revanche été absolument déterminés à supprimer de ce texte la spécialisation des tribunaux de grande instance. En effet, nous savons tous ici, de façon honnête et certaine, que cela signifiera, à terme, la disparition d’un certain nombre de TGI dans nos départements. Nous ne voulons pas de cette disparition, car la présence de la justice au service de nos concitoyens n’est pas uniquement un service public : elle participe aussi fortement à l’aménagement du territoire. Voilà où nous en sommes en matière civile.

Nous avons proposé des évolutions en matière de droit commercial ; vous les avez refusées, alors que tout le monde était d’accord !

Nous avons également proposé un certain nombre d’évolutions en matière pénale. Nous n’avons pas refusé les principes de cette réforme en la matière, nous avons même accepté l’expérimentation du tribunal criminel de première instance. En revanche, concernant les pouvoirs d’enquête renforcés du parquet, dont nous ne contestons pas le principe, nous avons décidé que l’avocat pourra, dans ce cadre, être informé d’une perquisition. Nous n’avons même pas demandé qu’il soit présent, nous avons simplement souhaité qu’il soit informé. Vous nous l’avez refusé !

Nous avons estimé que certaines procédures exorbitantes d’enquête, dont on peut comprendre la nécessité dans certains cas, devraient pouvoir s’appliquer quand la peine encourue est supérieure à cinq ans d’emprisonnement, plutôt que trois ans, comme vous le proposiez. En effet, on ne peut pas utiliser ces moyens exorbitants dans toutes les circonstances. Voilà ce que nous avons dit !

Nous désapprouvons par ailleurs le choix que vous avez fait d’une procédure quelque peu exotique, à délai différé. Un dossier non bouclé pendant l’enquête préliminaire pourrait être renvoyé devant le tribunal correctionnel, qui devrait en juger, après un délai minimum de deux mois. Or, pendant ce temps, un mandat de dépôt pourrait être prononcé contre la personne poursuivie, alors même que vous nous dites qu’il faut vider les prisons ! Nous ne sommes pas d’accord avec cette procédure. De deux choses l’une : soit le dossier est prêt, auquel cas il va au tribunal, soit il ne l’est pas, et une information judiciaire est ouverte. Si vous faites le choix inverse, faites-le, mais faites-le clairement !

Nous avons en revanche accepté – je l’ai déjà dit – le tribunal criminel de première instance. Faisons-en l’expérience, regardons si cela fonctionne ! Nous savons que des inquiétudes s’expriment, mais le Sénat a accepté d’avancer sur ces sujets.

Le Sénat s’est efforcé d’être le plus constructif possible, mais à chaque fois que nous avons proposé des sujets de débat dans cet hémicycle, le Gouvernement s’y est fermement opposé.

Lorsque nous avons évoqué la politique des mineurs et la réforme de l’ordonnance de 1945, vous nous avez rassurés : il y aura un texte ! Or vous avez demandé, à l’Assemblée nationale, une habilitation de légiférer dans ce domaine par voie d’ordonnance. Comment voulez-vous que nous l’acceptions ? Vous le justifiez en affirmant que vous voulez vous contraindre vous-mêmes. En quoi légiférer par voie d’ordonnance représenterait-il une contrainte ? Vous auriez pu déposer un projet de loi : nous l’aurions examiné avec beaucoup d’intérêt et de manière très constructive.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il n’est pas acceptable, pour la Haute Assemblée, de ne pas pouvoir lire et examiner ces textes. Je vous le dis très librement, très simplement, très directement, mais aussi, madame, très sincèrement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

J’ai également remarqué que, dans le texte qui nous est revenu de l’Assemblée nationale, les greffes des conseils de prud’hommes et ceux des tribunaux d’instance avaient été fusionnés à la demande du Gouvernement. Nous ne sommes pas d’accord avec cette fusion, qui ne figurait pas dans le texte initial. Les auditions que nous avons réalisées, notamment celles de greffiers, démontrent à l’évidence que ces fonctions sont incompatibles.

Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : vous avez également introduit à l’Assemblée nationale des mesures relatives aux procédures de tutelle. Peu à peu, par petites touches, vous avez modifié la législation sur les tutelles. Dieu sait que c’est un sujet sensible ! Nous avons pour notre part veillé, dans le texte, à permettre les évolutions, mais aussi à garantir les contrôles effectués par le juge, que vous souhaitiez à un moment écarter. Il s’agit du droit des personnes et, de surcroît, de celui des plus fragiles, que le Sénat a voulu protéger encore plus, tout en acceptant les évolutions.

Toutes les petites touches que vous avez ainsi apportées à l’Assemblée nationale ont considérablement modifié l’état du texte. En commission mixte paritaire, nos collègues députés membres de la majorité présidentielle nous ont déclaré qu’il n’y avait rien à discuter. Ce serait le texte du Gouvernement, seulement le texte du Gouvernement, rien que le texte du Gouvernement : fermez le ban, la messe est dite !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Brigitte Lherbier et Maryse Carrère applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ensuite, madame le ministre, vous êtes retournée à l’Assemblée nationale avec votre projet de loi. Vous avez rétabli le texte du Gouvernement et rajouté ce que je viens d’évoquer, sans que nous puissions le voir.

Le texte revenu au Sénat, il nous restait à déterminer une stratégie. Nous pouvions décider de le rejeter par une motion préjudicielle ; nous ne l’avons pas fait. Nous avons plutôt souhaité que le Sénat réaffirme ses positions.

La semaine dernière, lors de leur audition, les professions judiciaires – avocats, magistrats et greffiers, pour une fois à l’unisson – ont salué dans leur ensemble le travail accompli par le Sénat, lors de sa première lecture, et le texte sorti de cette maison.

Or, à l’issue de cette audition, madame le ministre, vous avez considéré, une fois de plus, que la messe était dite, qu’il n’y avait rien à dire et que vous ne changeriez rien. Vous êtes de nouveau montée à cette tribune, aujourd’hui, pour nous redire la même chose.

Madame le ministre, dans un monde qui bouge, dans une France qui doute, et alors que nos concitoyens vivent des situations difficiles, nous ne voyons pas ici les signes de l’apaisement. J’ai eu, dans le passé, à discuter avec d’autres ministres, avec des membres d’autres gouvernements, y compris récents ; on sentait chez eux une possibilité d’ouverture et de discussion. Nous ne l’avons pas sentie avec ce gouvernement sur ce projet de loi.

En conclusion de mon intervention, je voudrais redire que nous avons fait aujourd’hui le choix de conserver dans le texte les petites avancées que l’Assemblée nationale a retenues, sur une toute petite partie des avancées du Sénat. Gardons ce qui peut être gardé !

Nous avons en revanche décidé de rejeter tout ce qui a été rajouté à l’Assemblée nationale : la réforme de l’ordonnance de 1945, la fusion des greffes des conseils de prud’hommes et des tribunaux d’instance, ou encore les modifications que vous avez faites sur les tutelles.

Nous avons également décidé de réintroduire ce que nous avions jugé juste, à la fois en matière civile et en matière pénale, mesures que le Sénat a défendues et que j’ai évoquées au début de mon propos.

Nous avons enfin redit, très clairement, que les moyens budgétaires devraient être remis à niveau si l’on veut une ambition pour notre justice.

Voilà ce qu’a fait la commission des lois, la semaine dernière et encore ce matin. Voilà ce qu’elle souhaite, aujourd’hui, devant notre assemblée.

Yves Détraigne et moi-même restons convaincus, au nom de la commission des lois – j’espère que le Sénat nous suivra – que nous avons besoin de réformer ce grand ministère de la justice, qui est depuis de nombreuses années, malgré des investissements importants, le parent pauvre de l’administration, et qui a besoin d’être remis à très haut niveau.

Il y a un besoin d’organisation interne, de numérisation, bien évidemment, et de meilleure adaptation des procédures, mais cela se fera à l’unique condition que les justiciables y retrouvent leur compte et qu’ils puissent à tout moment rencontrer leur juge. Ainsi seulement, ceux qui doivent se défendre pourront le faire dans d’excellentes conditions. C’est le seul gage d’une justice acceptée, respectée, apaisante et garante du lien social absolument nécessaire dans notre pays qui est en train de souffrir de la douleur de la fraction.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie, par M. Masson, d’une motion n° 101.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice (288, 2018–2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner que, si un certain nombre de problèmes sont évoqués dans le projet de loi qui nous est soumis, ce texte ne prend toutefois pas en compte le problème fondamental de la justice, à savoir l’insuffisance de ses moyens.

Certes, madame le ministre, vous n’êtes pas responsable de l’héritage que vous avez reçu, et qui s’est constitué, au moins, au fil des deux précédents mandats présidentiels. Cela dit, nous sommes face à cette situation, et c’est donc à vous que l’on s’adresse quand on doit proclamer que le système judiciaire actuel ne peut pas continuer ainsi.

Vous proposez un certain nombre de réformes, mais pour qu’une réforme puisse fonctionner, il faut un minimum de moyens ; or ces moyens ne sont pas présents. Il n’est pas possible que des juges n’aient pas de secrétaire pour taper les jugements, ou que des tribunaux n’aient même plus, à partir du mois de septembre, les moyens de payer des traducteurs ou des experts.

Il n’est pas acceptable que des juges d’instruction soient tellement surchargés que, pendant les deux ou trois ans où ils restent en poste quelque part, ils n’aient même pas le temps d’ouvrir certains dossiers. En matière pénale, ce sont les personnes poursuivies qui font les frais de ces carences. Très souvent, en trois ans, le juge d’instruction n’a pas le temps d’ouvrir le dossier de M. Dupont ou de Mme Durand, qui ne peuvent qu’attendre. Ensuite, si le juge d’instruction suivant ne va pas plus vite – parfois, cela prend un temps considérable –, pour éviter la prescription du dossier, on l’ouvre pendant une heure, pour faire un acte quelconque, et on le referme aussitôt.

Je crois, madame le garde des sceaux, que cette situation ne peut absolument pas se pérenniser. C’est un problème qu’il faut vraiment prendre à bras-le-corps. Or, malheureusement, vous faites comme tous ceux qui vous ont précédée : ce que je vous dis, je l’avais déjà dit à Mme Rachida Dati, qui n’a pas fait mieux que vous, si ce n’est pire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Le vrai problème, à ce niveau, est la nécessité de ne pas nous déterminer en fonction de critères politiques. Je fais un constat objectif. Il ne s’agit pas de voter pour les réformes de Mme Dati parce qu’on appartient à tel ou tel parti, ou contre celles de Mme Belloubet, parce qu’on n’appartient pas au même parti qu’elle.

Pour ma part, étant complètement indépendant, quand j’estime que certaines politiques qui nous sont proposées sont bonnes, je vote en leur faveur. Par exemple j’avais voté pour les propositions de M. Hollande instaurant l’interdiction du cumul des mandats, parce que je jugeais que c’était une bonne chose. En revanche, dans d’autres domaines, il m’arrive de voter exactement dans le sens contraire quand je ne suis pas d’accord.

La deuxième raison pour laquelle je défends cette motion tendant à opposer la question préalable est que cette affaire ressemble quelque peu à ce que nous avons vécu à l’occasion de la loi NOTRe. Que voulait-on faire par cette loi ? On a cru que d’énormes gains de productivité résulteraient de la création de grandes régions et de grandes intercommunalités et de la disparition de toute la gestion de proximité des collectivités territoriales.

De fait, madame le ministre, c’est un peu la même chose qui est à l’œuvre ici. Il ne faut en effet pas être dupe : quand vous annoncez la spécialisation des cours d’appel, c’est tout comme quand M. Sarkozy annonçait que les intercommunalités auraient des compétences obligatoires. Rassurez-vous, disait-il : les communes sont importantes. Eh bien, M. Sarkozy voulait la mort des communes, et M. Hollande a continué à la vouloir !

De même, Mme Dati voulait la mort d’une partie des cours d’appel, et vous poursuivez exactement la même logique. Votre réforme, madame, correspond exactement aux ambitions de Mme Dati, et elle ne vaut pas mieux qu’elles, parce qu’il s’agit d’éloigner la justice du terrain. Le justiciable est de plus en plus éloigné de son juge, sans que les moyens de la justice ne soient en rien améliorés.

Cet éloignement du justiciable est évident dans ces histoires de cours d’appel spécialisées. Vous avez déjà écrit ce qui arrivera ensuite. Dans chaque région, il existe déjà une cour d’appel dotée d’une compétence régionale pour organiser la gestion des affaires ; c’est déjà fait, cela remonte à Mme Dati, à l’époque de laquelle on avait amorcé l’évolution vers une seule cour d’appel par région.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Aujourd’hui, du fait de cette gestion, on transfère petit à petit les compétences. Ainsi, on voit très bien, dans la région Grand Est, quelle cour d’appel a toutes les spécialisations, et lesquelles sont de moins en moins spécialisées, à tel point qu’il ne leur reste plus rien du tout. On voit très bien à quoi cela va aboutir !

C’est d’autant plus désastreux que, durant le quinquennat de M. Hollande, le gouvernement de M. Valls a créé des régions démesurément étendues. Quand, avec de telles régions, il n’y aura plus qu’une cour d’appel par région, on ne saura pas trop où aller. Dites-vous bien, par exemple, que la région Grand Est est deux fois plus grande que la Belgique ; elle est plus grande que les trois Länder allemands qui lui sont contigus. Le pauvre justiciable qui habite à Troyes a besoin d’une heure de train pour se rendre à Paris, mais de quatre heures pour aller à Strasbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Simplement, il habite la région Grand Est, dont Strasbourg est le chef-lieu. C’est si flagrant que tout le monde sait que la cour d’appel régionale que vous envisagez sera non pas à Strasbourg, mais dans une autre ville. L’exemple des distances à parcourir pour les administrés est réellement flagrant.

Ce que je dis au sujet des cours d’appel est aussi valable pour les tribunaux de grande instance, ainsi que pour la justice de proximité que représentent notamment les tribunaux d’instance.

Tout cela va avoir un effet désastreux pour les gens modestes, sans améliorer du tout le fonctionnement de la justice. Celle-ci a besoin de moyens, beaucoup plus que de réformes. Voilà l’interpellation qu’il faut lancer !

Face à cette double situation, deux attitudes sont possibles.

On peut négocier, comme on l’avait fait pour la loi NOTRe, et adopter tout de même le texte parce qu’il pourrait être pire. C’est ce que beaucoup de parlementaires ont fait pour la loi NOTRe : elle aurait pu être pire, et ce n’était pas si grave ! De fait, il y avait une logique, quand on avait voté les lois sur les collectivités territoriales de M. Sarkozy, à faire de même pour les lois de M. Hollande qui allaient dans le même sens. §Or, après les avoir toutes votées, on s’est ensuite mis à hurler contre la loi NOTRe !

Pour ma part, j’affirme que, quand on est contre une réforme ou un projet de loi, il faut être clair jusqu’au bout et voter contre ! Il faut rejeter ces propositions de réformes !

Je n’ai pas voté la loi NOTRe ; quant à votre projet, madame le ministre, je ne l’ai pas voté en première lecture et je ne le voterai pas en nouvelle lecture.

MM. Bruno Sido et François Bonhomme s ’ exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Si j’ai proposé cette motion, c’est parce que nous avons à faire un choix très clair. Adopter une question préalable signifie qu’on est massivement et clairement contre ce qui nous est proposé. En revanche, si l’on adopte le texte en faisant semblant de l’améliorer un peu, mais tout en sachant très bien à quoi cela aboutira, on est alors complice du système. Je ne serai pas complice du système !

C’est la raison pour laquelle j’ai présenté cette motion. Même si nous ne sommes que deux ou trois à la voter, nous aurons au moins marqué clairement notre positionnement sur le sujet.

Mme Claudine Kauffmann et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Comme je l’ai expliqué précédemment, le dépôt d’une telle motion aurait pu être le choix de la commission des lois, mais ce ne l’a pas été. Nous avons préféré qu’un texte sorte de cette maison, et que ce soit le texte du Sénat.

Monsieur Masson, en votant le texte du Sénat, vous ne voteriez pas complètement le projet de loi du Gouvernement, mais un texte sur lequel nous avons entériné des points d’accord et proposé des améliorations. Voilà ce qui constituera la version sénatoriale de la réforme de la justice.

L’avis de la commission sur cette motion est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je voudrais tout d’abord dire un mot à M. le rapporteur Buffet. Je crains d’avoir eu un mot qui a peut-être été mal compris : celui de « slogan ». Je faisais allusion à des propos que j’ai trop entendus – justice déshumanisée, justice robotisée – sans qu’ils soient réellement argumentés. Je ne les ai pas entendus dans votre bouche, monsieur le rapporteur, mais j’ai estimé qu’ils relevaient du slogan. Il va de soi que j’ai bien trop de respect pour le travail accompli par les parlementaires, en particulier dans cette maison, pour vous les attribuer, mesdames, messieurs les sénateurs.

Monsieur Masson, je considère que les arguments que vous avez développés avec beaucoup de force ne sont pas recevables.

Le premier portait sur les moyens. Il est irrecevable, car notre budget augmente de 24 % en cinq ans. C’est plus que les augmentations réalisées dans la décennie précédente et même au-delà. Rien n’est jamais assez pour la justice, j’en conviens avec vous, mais il faut aussi s’inscrire – je le répète – dans des contraintes globales. Or 25 % de crédits supplémentaires, monsieur le sénateur, permettent de payer tous les frais de justice. À la fin de l’année 2018, il ne restait plus de frais de justice qui n’aient pas été réglés. Je m’inscris donc en faux par rapport à vos propos.

Vous avez également laissé entendre qu’il n’y avait pas assez de personnel. Or 100 magistrats supplémentaires seront affectés dans les juridictions en 2019 ; il y en a déjà eu un nombre important en 2018. Cela fait qu’aujourd’hui, si les juridictions demandent toujours, bien sûr, des magistrats, elles le font de manière moindre que par le passé. Les tribunaux ont surtout besoin de personnel de greffe ; nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur ce point auquel j’accorderai toute mon attention. Je vous affirme donc que les moyens sont au rendez-vous pour la justice ambitieuse que nous voulons.

Je ne partage pas non plus votre opinion, monsieur le sénateur, quand vous déclarez que nous avons besoin de moyens, et non de réformes. Cela n’est pas possible. Il faut faire évoluer nos process de jugement et les secteurs sur lesquels nous intervenons, parce que cela répond aux attentes des justiciables et aux évolutions générales de notre monde. On ne peut pas se contenter d’abonder la justice en moyens sans jamais s’interroger sur la manière dont ces moyens sont utilisés.

J’en viens à mon dernier point, que je ne développerai pas, parce que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de ce débat. Monsieur le sénateur, je l’ai dit et je le redis de nouveau, je suis même allée à Metz pour le dire, d’ailleurs : aucune cour d’appel ne sera fermée !

Quand vous évoquez une seule cour d’appel par région administrative, les bras m’en tombent. Rien dans ce projet de loi, si ce n’est quelque fantasmagorie, ne vous permet de dire cela. Il faut un peu d’honnêteté intellectuelle quand on lit un texte. Je suis certaine que vous en avez, et c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le problème est évident ; notre groupe aurait pu, lui aussi, déposer une motion préjudicielle.

Comme je l’ai dit en commission des lois, Mme Belloubet a réussi l’exploit de faire mieux que Mme Rachida Dati ! Toutes les lois qui nous viennent vont dans le même sens, on l’a dit. Que de sophismes !

On ne peut pas, bien sûr, ne pas se préoccuper de l’argent qu’on investit dans la réforme de la justice. On ne peut pas toujours réclamer des moyens sans vérifier comment ils sont utilisés et si l’on peut mieux les utiliser. Certes, mais regardez la place de la France en Europe ! Regardez les dépenses que nous consacrons à la justice ! Vous savez mieux que moi, madame la ministre, comment cela se passe dans les tribunaux, qui n’ont plus de moyens : ils font avec des bouts de ficelle et des bouts de bois !

Ce ne sont pas des fantasmes ! Il faut faire un effort bien plus important que celui qui est prévu. D’ailleurs, quand vous aurez tenu compte de l’inflation sur la période de programmation considérée, si le rythme de 1, 8 % d’inflation par an se maintient, il ne restera plus grand-chose du milliard qui est prévu.

Ensuite, comment peut-on prétendre que, si l’on s’oppose à l’utilisation qui est faite de l’informatique pour économiser en personnel et éviter d’avoir à fournir les moyens nécessaires pour une administration digne de ce nom, on est contre la modernisation ? Ce sont de purs sophismes, et on nous en abreuve à longueur de journée.

S’il y a bien un secteur qui est en péril alors qu’il est fondamental pour le fonctionnement de notre République, c’est bien celui-ci. Alors, madame la ministre, ne venez pas nous dire que votre projet est quelque chose de tout nouveau. Non ! C’est la suite de tout ce que l’on a connu jusqu’à présent, en pire !

Mme Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix la motion n° 101, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 30 janvier dernier, la commission des lois de notre assemblée eut l’heureuse initiative d’organiser une table ronde avec des représentants des syndicats, des associations et des conseils engagés dans l’action contre le projet de loi de réforme de la justice. Voyez-y la preuve, madame la ministre, de la rigueur intellectuelle du Sénat, malgré les divergences profondes qui existent entre groupes parlementaires.

À l’occasion de cette table ronde fut lue une déclaration commune qui résumait le point de vue de ces représentants. Je souhaite, en ouverture de mon propos, vous en citer une phrase qui, selon moi, résume parfaitement la situation : « En tout domaine, le texte entérine un retrait et un affaiblissement de la justice dans le seul souci d’économiser des bouts de chandelles. »

La justice de notre pays va mal ; les femmes et les hommes qui la portent au quotidien, quelles que soient leurs fonctions, sont à bout, usés par le flux tendu qui leur est imposé depuis des années.

Des chiffres éloquents ont été rappelés le 30 janvier : notre pays consacre 0, 20 % de son PIB à la justice, contre 0, 31 % en moyenne en Europe. La France se situe au trente-septième rang sur quarante-deux membres du Conseil de l’Europe.

Comment accepter qu’un procureur de la République ait à traiter 3 465 procédures par an dans notre pays, contre une moyenne européenne de 578 ?

Madame la ministre, vous me répondrez que le budget de la justice a été augmenté de 24 %. Il faut pourtant rappeler que c’est l’administration pénitentiaire qui percevra, pour l’essentiel, les fruits de cette progression. Certes, il y a urgence, au vu de l’état déplorable des prisons françaises, mais n’est-il pas tout aussi urgent de permettre à la justice d’être plus efficace, non pas simplement pour condamner et pour sanctionner, mais aussi pour réinsérer et pour prévenir la récidive ?

Désengorger les prisons requiert évidemment – pardonnez-moi cette lapalissade – que l’on cesse d’adopter des lois qui entraînent la surpopulation.

Nous aurons l’occasion de constater une nouvelle fois, lors de l’examen des articles, que ce texte est truffé de mesures d’économie sur le rendu de la justice lui-même.

J’en citerai pour preuve l’effacement, à plusieurs reprises, des magistrats face à la police judiciaire, ou encore la centralisation du dispositif des injonctions de payer. Que dire de la mise à mal, la mise à mort des tribunaux d’instance ? Tout cela souligne cette volonté de réduire la justice pour économiser. La dématérialisation à tout va, liée au développement de la procédure de conciliation, s’inscrit bien entendu elle aussi, sous un couvert grossier de simplification ou d’efficacité, dans cette logique d’austérité.

La justice est ainsi traitée comme les autres services publics : on privatise, on externalise, on dématérialise, avec pour principales victimes non seulement les principes et les libertés, mais aussi, et surtout, les usagers et les personnels concernés. Sans reprendre mes propos de première lecture, je ne peux pas dissimuler un doute sur l’attitude de la majorité de la commission des lois dans ce débat.

Bien entendu, comme nous l’avons souligné, l’intervention sénatoriale en matière civile est positive, en particulier dans le domaine de la conciliation et de la dématérialisation. Mais elle est marquée du sceau du « tout-répressif » et du « tout-sécuritaire » en matière pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais si ! Double peine, remise en cause du sursis, renforcement des conséquences de la récidive, et j’en passe… le juge est préservé, mais poussé à toujours plus de répression, sans place aucune pour une réflexion alternative dont l’objectif serait moins de prison, plus de réinsertion, en un mot plus d’apaisement. Punir serait ainsi la seule fonction de la justice. Un tel dogme conduit tout droit à l’échec.

En revanche, nous nous félicitons de la suppression par notre commission de l’article habilitant le Gouvernement à modifier l’ordonnance des mineurs de 1945 par voie d’ordonnance. Madame la garde des sceaux, nous espérons vivement que le Gouvernement se rangera à cet avis, renvoyant à un projet de loi cette nécessaire réflexion.

Vous le savez, nous vivons un moment particulier de l’histoire de notre pays. Poussé par le mouvement des « gilets jaunes », le pouvoir organise un grand débat national. Peut-on concevoir que le service public de la justice, dont le bon fonctionnement garantit l’État de droit, ne soit pas l’un des sujets de cette discussion ?

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’égalité face à la justice est un questionnement démocratique fort. Vous le savez tous et toutes ici, l’accès au droit n’est pas le même selon que l’on est riche ou pauvre.

Les professions de la justice ne s’y sont pas trompées. Elles se sont lancées dans un mouvement d’ampleur, symbolisé par celui des robes noires, aux côtés des gilets jaunes ou des blouses blanches, pour défendre cet élément clé de la République qu’est la justice.

La majorité sénatoriale a écouté ; c’est bien. Elle a en partie entendu. Mais, sur le fond, elle suit la voie du Gouvernement, en substituant de-ci de-là des possibilités à des obligations.

Au groupe CRCE, nous estimons que ce projet ne laisse pas de place à la tergiversation ; il exige une opposition franche. Nous voterons donc contre ce texte sans hésitation, ici, au Sénat. Nous savons bien évidemment que c’est le texte de l’Assemblée nationale qui sera, pour l’essentiel, rétabli.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner en nouvelle lecture un texte qui nous vient de l’Assemblée nationale. Ce texte est tel que nous l’avions anticipé au vu des amendements que vous aviez déposés, madame la garde des sceaux. En effet, les députés ont, pour l’essentiel, rétabli sans coup férir votre projet.

Il s’agit donc non pas du projet de l’Assemblée nationale contre celui du Sénat, mais du projet du Gouvernement adopté par sa majorité à l’Assemblée nationale. Vous omettez de dire que toute l’opposition, de droite comme de gauche, s’est exprimée contre ce texte.

À l’inverse, nous sommes parvenus ici – MM. les rapporteurs le savent – à trouver des points très consensuels sur ce qu’il faudrait faire pour la justice. Il y a d’abord eu une mission sur la justice, puis un récent rapport sur la nature de la peine et son exécution. Ces réflexions ont été partagées, échangées. Beaucoup sont consensuelles ; certes, pas toutes, et heureusement ! Le débat suppose qu’il y ait aussi des désaccords, et nous le verrons au cours de la discussion. Mais vous devriez entendre tout cela.

Quand les organisations professionnelles de cet univers que vous et moi connaissons bien – nous savons qu’elles sont rarement unanimes – s’expriment à l’unanimité contre ce texte, il faut peut-être s’interroger : est-on sûr que le Gouvernement ait raison contre tous ?

Dans le contexte d’un grand débat lancé parce que des manifestants exprimaient leur exaspération contre cette technocratie qui gouverne et pense avoir toujours raison, on ne peut plus s’enfermer dans de telles certitudes. C’est pourtant ce que vous faites !

En réalité, il y a bien deux projets : d’un côté, celui d’une vision et d’une ambition pour la justice ; de l’autre, le vôtre. Vous vous bornez à constater que la justice a besoin de moyens et que ceux-ci ne sont pas satisfaits. Certes, vous faites quelques efforts – nous le reconnaissons –, mais comme ils ne suffiront pas, vous voulez simplement gérer la pénurie. C’est ce que vous reprochent tous les participants que nous avons réunis lors de la table ronde. Ils constatent, rejoignant ce que nous disions en première lecture, que tout est manifestement fait pour désengorger la justice, l’amener à s’organiser de manière différente et, surtout, faire en sorte que le justiciable y ait de moins en moins recours.

Or, précisément, dans une société démocratique, dans un État de droit, il est logique que chacun veuille faire valoir ses droits. Le nombre des divorces augmente, de même que celui des conflits familiaux, celui des conflits de la consommation, celui des conflits des particuliers ou celui des conflits entre les entreprises. C’est normal dans un État de droit. Si l’on ajoute à cela les actes de délinquance, qu’il faut évidemment poursuivre, il est évident que notre justice n’est pas à la hauteur des besoins d’une société moderne.

Je vous renvoie aux chiffres qui ont été rappelés par notre collègue Éliane Assassi ; tout le monde les connaît. Les crédits concernés s’élèvent à 0, 2 % du PIB seulement, contre 0, 31 % en moyenne dans tous les pays du Conseil de l’Europe. Nous sommes en dessous de tout par rapport aux autres pays. La comparaison avec l’Allemagne nous ferait honte à tous : nous consacrons 65, 9 euros par habitant à la justice, contre le double outre-Rhin. Notre justice est donc manifestement exsangue.

Certes, tout ne se refera pas du jour au lendemain. Mais faut-il pour autant abandonner, comme cela est fait pour partie dans le texte, le recours à la justice ? Je ne le crois pas.

Dans le rapport de la mission, nous n’avons jamais dit que nous étions hostiles à la numérisation. Au contraire ! Nous relevions le retard pris, l’incohérence des systèmes informatisés au sein du ministère – en l’occurrence, c’est un problème administratif, et non législatif –, les erreurs et les échecs constatés. Nous insistions sur la nécessité de trouver d’autres systèmes plus performants.

Pour autant, on peut rejoindre ce qui se dit sur les alternatives à la justice : trouver un mode de règlement contentieux différent. C’est ce que vous avez donné comme chantier à MM. Jean-François Beynel et Didier Casas. L’un est haut magistrat ; l’autre est maître des requêtes au Conseil d’État, mais, surtout, secrétaire général de Bouygues Télécom. Ils ont travaillé sur les modalités d’utilisation de la médiation, de la conciliation et du traitement participatif par le biais de l’internet. Mais ils ont insisté sur la nécessité d’une labellisation contrôlée. C’est ce que les rapporteurs ont proposé en première lecture sur la notion de certification. Pourquoi ne veut-on pas garantir le justiciable en lui suggérant d’essayer de trouver une solution amiable, mais par le biais de la certification avant de faire trancher le contentieux par la justice ? C’est normal que l’État certifie. Mais non : vous refusez !

De même, vous ne pouvez pas, mais vous le savez, être insensible aux craintes des territoires quant à l’organisation des juridictions. Vous avez raison de dire à notre collègue Jean Louis Masson qu’il n’y a pas de décision de fusion de cour d’appel dans le Grand Est pour l’instant.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je n’ai jamais dit : « pour l’instant » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Mais l’inquiétude existe. Et le simple fait de dire que l’on pourrait rapprocher des présidents et des procureurs généraux l’accentue, même si je ne dis pas que c’est le projet que vous avez en tête.

Nous étions favorables à la fusion des tribunaux d’instance au sein de tribunaux de grande instance, appelés dans le texte dont nous sommes saisis « tribunaux judiciaires » – le terme me semble pertinent, puisqu’il y a des tribunaux administratifs –, ce qui relève notamment de l’article 53. Nous l’avions signifié dans le rapport de la mission, ainsi qu’en première lecture.

Mais, comme je vous l’ai dit lorsque nous nous sommes rencontrés, il faut absolument rassurer les territoires, qui sont inquiets. Il faudra mener un travail de fond avec les collectivités territoriales sur l’organisation territoriale. J’aimerais bien que des juges des enfants, des juges aux affaires familiales, des juges de la proximité puissent siéger et recevoir les justiciables dans les lieux de justice qui seront maintenus, comme les anciens tribunaux d’instance. Ce n’est pas tout à fait dans l’état d’esprit des magistrats. Il faudra peut-être les faire évoluer sur ce point.

En revanche, votre projet sur la spécialisation des TGI n’est pas réaliste. Cela conduira incontestablement à la crainte – nous l’avons déjà souligné – que certains tribunaux de grande instance ne disparaissent à terme. Cela ne se fera sans doute pas du temps de votre ministère, madame la garde des sceaux. Mais rien que cette inquiétude est dangereuse. Elle a été renforcée par l’ajout, à l’Assemblée nationale, de la fusion des greffes des conseils des prud’hommes et des greffes des tribunaux de première instance.

Je pense que nous n’avons pas du tout la même vision sur le plan pénal. Certes, il est normal que nous divergions les uns et les autres. Mais vous n’avez pas su proposer une nouvelle vision de la justice pénale dans ce texte. M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski, à qui vous avez fait confiance pour les chantiers de la justice, déclarent à propos de la peine de probation, que vous fustigez : « La plupart des personnes entendues comme le résultat de nombre des consultations ont mis l’accent sur l’intérêt d’une peine de probation combinant ce qu’il y a de meilleur dans l’actuel sursis avec mise à l’épreuve qui est fréquemment prononcé et dans la contrainte pénale à laquelle, contrairement à ce qu’il était souhaité, il n’a pas été fréquemment recouru. »

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

C’est exactement ce que je fais, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Vous dites vous-même que vous faites une synthèse avec la proposition de Mme Taubira.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Non, je fais ce qu’ils disent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

À la peine de probation, vous préférez la détention à domicile, qui est une façon d’exécuter une peine d’emprisonnement. Alors que ce n’est pas une peine en soi, vous en faites une peine en soi. Là encore, cela signifie que vous gérez la pénurie. Faute de places dans les prisons, vous proposez aux gens d’être incarcérés à domicile, ce qui n’est pas simple. Nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir. Mais nous avons déjà su échanger sur ce point en première lecture.

En résumé, vous nous donnez globalement le sentiment d’être partie sur une certitude depuis le début et de n’avoir rien ouvert au débat. Même dans le grand débat, vous refusez encore de débattre ! Vous nous expliquez que vous allez sur le terrain pour « convaincre ». Mais convaincre, ce n’est pas débattre. Au fond, vous faites comme votre gouvernement. Nous voyons aujourd’hui les députés La République En Marche, le Président de la République, le Premier ministre et des ministres aller dans les grands débats citoyens pour, en fait, expliquer ce qu’ils font. Or débattre, c’est écouter les autres. En l’occurrence, ce serait écouter le Sénat.

En tout cas, madame la garde des sceaux, je vous remercie d’avoir, à l’occasion de ces débats, montré l’intérêt et la place du Sénat. Je ne m’attendais pas à entendre des syndicats de la justice plutôt marqués à gauche déclarer que le Sénat avait mieux travaillé que l’Assemblée nationale ! §

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier nos deux rapporteurs et l’ensemble de nos collègues de leur investissement sur ce projet de loi très important. Avant même les mobilisations provoquées par l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le Sénat avait identifié les sujets les plus problématiques et y avait apporté des réponses pour la plupart satisfaisantes et consensuelles. L’organisation d’une nouvelle table ronde après l’échec de la commission mixte paritaire illustre la particulière implication de notre chambre sur le sujet.

Nous n’ignorons pas que toutes les réformes sont difficiles à conduire, surtout quand elles affectent un grand nombre d’acteurs ayant des intérêts divergents. C’est le cas en matière de justice.

Mais ici, ce sont tous les Français qui sont concernés. Notre devoir est de protéger les justiciables de manière équitable, de défendre les libertés individuelles et d’assurer la proximité du service public de la justice. Les préoccupations peuvent d’ailleurs sensiblement varier selon que l’on se situe en zone urbaine ou en zone rurale.

Avec la complexification des parcours de vie familiaux, professionnels et géographiques, notre réflexion doit se poursuivre. On ne peut pas se cantonner dans une attitude seulement conservatrice consistant à vouloir maintenir l’existant. Ce n’est pas la position de notre Haute Assemblée. Dès 2017, l’investissement de l’ensemble de l’hémicycle sur la proposition du président Bas a montré notre volonté de prendre à bras-le-corps tous les défis qui s’imposent aux justiciables et aux professionnels du droit, malgré plusieurs points de désaccord.

L’article 1er du projet de programmation budgétaire est certainement le plus important. La justice souffre d’un manque d’investissement substantiel. L’effort budgétaire consenti, qu’il soit de 20 % ou 30 % sur quatre ans, devrait permettre d’améliorer les conditions de travail dans les juridictions. Quand on voit les résistances que le reste des dispositions suscitent, on n’est pas loin de se demander s’il n’aurait pas fallu se limiter à cet engagement budgétaire à droit constant ou presque, avant d’ouvrir les chantiers de la justice. À l’avenir, il serait peut-être sage de s’imposer comme doctrine de n’ouvrir que des chantiers que l’on est certain de pouvoir sereinement conduire à leur terme.

En effet, aucun aspect de la justice n’échappe à ces projets de loi : développement de la médiation et de la conciliation, justice civile, affaires familiales, plateformes de services juridiques en ligne, justice administrative, procédure pénale, droit pénal et même justice pénale des mineurs, que vous proposez de réformer par ordonnance. Par la multitude des sujets qu’ils abordent, les effets escomptés de ces textes sont devenus impossibles à anticiper.

Nous regrettons particulièrement que la réforme pénale n’ait pas fait l’objet d’un texte distinct, en lien avec les très nombreuses réformes de sécurité intérieure qui se sont succédé après les attentats de 2015. Car, dans ce domaine, la défiance s’ajoute aux manques de moyens.

Là plus qu’ailleurs, il est dangereux de vouloir réformer sans s’assurer que des garanties élémentaires seront effectivement observées. Je pense en particulier au développement des techniques spéciales d’enquête, qui font reposer la protection des libertés individuelles sur un contrôle aujourd’hui purement formel des juges.

Parmi les points de consensus dans notre chambre – le sujet inquiète également de nombreux collègues députés –, il y a évidemment la question de la carte judiciaire et l’inscription de la justice dans l’espace national. Nous avons pris acte de votre engagement personnel et sincère à maintenir des lieux de justice à bonne distance de tous les justiciables, madame la garde des sceaux. Mais notre rôle est de nous assurer que cet engagement vous survivra sur du plus long terme.

À ce titre, la rédaction adoptée par la commission des lois offre de meilleures garanties que le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.

Sur la question de la dématérialisation, de la même manière qu’il faut veiller à se départir de tout conservatisme, je crois qu’il est nécessaire de relativiser les retombées potentielles d’une transformation numérique des relations entre la justice et le justiciable.

Il faut bien le reconnaître, il existe aujourd’hui un fantasme administratif transversal selon lequel le recours aux nouvelles technologies serait la solution à tous les problèmes. Ce projet de loi n’y échappe pas. S’agit-il de rendre justice ou, pour l’administration, de limiter ses rapports avec les justiciables ? S’agit-il d’instituer une nouvelle intermédiation fragilisant l’accès au juge ? Le dernier rapport du Défenseur des droits dénonçant les liens entre la dématérialisation et les inégalités d’accès aux services publics abonde dans notre sens.

De la même manière, il est probable que les plateformes numériques en ligne serviront de miroir aux alouettes pour les justiciables les moins bien informés. Les autres continueront de solliciter des juges.

Sur d’autres questions, comme la lutte contre les violences sexuelles et la création d’un tribunal criminel départemental, nous avancerons également sans dogmatisme. C’est dans cet esprit que nous abordons cette nouvelle lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais évoquer un point relatif au fonctionnement de la justice qui n’est pas pris en compte dans ce texte alors qu’il mériterait, me semble-t-il, une réflexion : la mobilité des magistrats.

Partout, dans la fonction publique, on pousse et on incite à la mobilité des fonctionnaires, parce que c’est un gage d’expérience, de diversification et de meilleure administration. Dans l’administration de la justice, la mobilité répond également à cette finalité. Mais, pour la justice, je crois qu’il y a une autre nécessité dans la mobilité : celle de l’indépendance des juges par rapport au contexte local.

Vous le savez très bien, quand on est pendant vingt ans quasiment au même endroit, des liens se créent. Or cela peut poser des problèmes lorsque l’on est ensuite confronté à des réseaux d’influence. Les liens ainsi noués peuvent avoir une influence sur les décisions rendues, au détriment des principes de neutralité et d’équité de la justice.

Certes, il y a une mobilité pour les magistrats. Mais elle répond essentiellement à la même logique que pour tous les fonctionnaires. Il s’agit de changer d’activité, de fonction et de responsabilités. En revanche, elle ne répond pas du tout à l’exigence d’indépendance des magistrats et à la nécessité de les déconnecter des réseaux d’influence qui peuvent les entourer s’ils restent trop longtemps sur un même poste.

Je pense donc qu’il y a un problème. La mobilité ne doit pas être simplement conçue comme un changement d’activité. Il doit s’agir d’un changement géographique. Or nombre de magistrats parviennent à faire quasiment toute leur carrière au même endroit, en se faisant muter dans un TGI ou une cour d’appel situés à quinze ou vingt kilomètres, pour y rester seulement deux ans, le plus souvent sans même déménager.

Or un magistrat étant un homme – au sens générique du terme, bien entendu –, s’il reste trente ans au même endroit, il finit par bien connaître ceux qui y vivent. Et des réseaux d’influence plus ou moins occultes, ainsi que d’éventuelles affinités directes ou indirectes, peuvent exister localement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il faut conclure, car vous avez dépassé de dix-sept secondes le temps qui vous était imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je conclus.

J’aimerais bien que nous ayons un jour une réflexion sur le sujet. Il y va de la neutralité de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes de nouveau réunis pour l’examen de ce texte d’une importance capitale.

La justice est, certes, un service public, mais c’est surtout l’incarnation d’un pilier de la démocratie, du « troisième pouvoir » décrit par Montesquieu. Faute d’effectifs suffisants ou de respect vigilant de certains principes, elle peut faire basculer un régime démocratique, et également broyer des vies. Il importe donc de se montrer particulièrement vigilant lorsqu’il s’agit d’en modifier les règles ou le fonctionnement.

C’est un pouvoir régalien qui doit être accessible à tous. Son efficacité et son organisation ne peuvent pas se mesurer à l’aune d’un prisme purement comptable.

En première lecture, le Sénat a apporté des évolutions avisées et nécessaires à ce projet de loi.

On peut évoquer ici une trajectoire budgétaire ambitieuse, avec une création de 13 700 emplois là où – il faut bien le dire – le Gouvernement n’en prévoit que 6 500.

Le budget proposé par le Gouvernement est, certes, important, mais son affectation concernant les juridictions est loin d’être satisfaisante. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été rappelés par mes collègues.

Dans l’objectif de garantir l’équilibre de la procédure pénale et de limiter le renforcement excessif des pouvoirs du parquet, le Sénat a veillé à ne pas marginaliser le juge d’instruction et à maintenir la collégialité des travaux de la chambre de l’instruction.

La collégialité est une garantie en matière d’échanges, d’ajustements, d’examen concerté et minutieux des cas d’espèce, en bref d’impartialité et de considération de la situation du justiciable.

Nous savons tous combien, particulièrement dans le domaine pénal, une affaire apparemment simple peut se révéler complexe. Nous savons aussi que les juges sont surchargés. À l’évidence, comme pour tout un chacun, leur attention ne peut pas être aussi aiguë à la vingtième ou trentième affaire de la journée qu’à la première. J’aurais pour ma part souhaité une réduction des formations à juge unique.

L’inflation des missions dévolues au parquet est une caractéristique majeure du texte. Sur le plan de l’efficacité et de la rapidité – c’est à l’évidence le premier objectif du projet de loi –, une telle orientation laisse dubitatif.

En effet, le Conseil de l’Europe désigne nettement la surcharge des procureurs de la République comme responsable de l’allongement des procédures.

Notre système change. Je pourrais évoquer la loi sur la liberté d’expression, à laquelle le Sénat a, dans sa sagesse, opposé un refus sans appel, ou la loi substituant l’intention supposée à la commission de l’infraction. Un fait est certain : la logique inquisitoire se substitue insidieusement à la logique accusatoire, et les droits de la défense se font de plus en plus timides.

Accroître les pouvoirs du parquet, c’est aussi occulter le fait que, quelles que soient les compétences et l’évidente valeur professionnelle de ses membres, celui-ci ne constitue pas une « autorité judiciaire » au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La France a déjà été condamnée plusieurs fois. La situation ne pourra pas s’améliorer tant que des garanties supplémentaires d’indépendance statutaire n’auront pas été apportées par une révision constitutionnelle. Tant qu’une telle révision n’aura pas été adoptée, il ne sera pas raisonnable de continuer à confier au parquet des pouvoirs toujours plus importants et de le rendre seul décisionnaire de l’utilisation de techniques d’enquête les plus intrusives qui soient pour la vie privée et les libertés individuelles. Avec le projet de loi, ces techniques, jusqu’alors réservées au terrorisme et à la criminalité organisée, seront exerçables à l’encontre de tout justiciable soupçonné d’un délit quel qu’il soit, même le plus mineur.

La question des moyens et de leur affectation est essentielle pour offrir à nos concitoyens une justice de qualité, une justice accessible offrant protection et garanties d’impartialité.

Elle ne saurait en aucun cas trouver une solution dans de simples réorganisations : suppression de tribunaux d’instance, déjudiciarisation ou encore dématérialisation débridée des procédures.

Les crédits dévolus au programme « Justice judiciaire » seront-ils suffisants pour redresser le service public de la justice ? Non, sauf à réduire drastiquement son rôle auprès des citoyens. C’est malheureusement le chemin qui semble être pris : déjudiciarisations coûteuses pour le contribuable ; règlements amiables de litiges en ligne non sécurisés, ce qui laissera les plus vulnérables de nos concitoyens être la proie des pires escrocs ; plaintes en ligne, alors que, pour information, presque le quart des Français ne sait pas utiliser l’outil numérique – je crois que le chiffre exact est 23 % ; disparition progressive des audiences de conciliation ; disparition programmée des jurés, et ne parlons même plus du juge de paix, passé, lui, aux oubliettes. L’individu, le justiciable, existe-t-il encore face à cette – oui, madame la garde des sceaux – déshumanisation de la justice ? La question se pose.

S’agit-il d’une justice à deux vitesses ou d’une justice en perte de vitesse ? À l’évidence, des deux.

Les professionnels du droit sont très inquiets. Le 29 janvier dernier, la commission des lois du Sénat a invité à débattre les représentants du monde judiciaire : avocats, bâtonniers, magistrats et fonctionnaires des greffes.

La Confédération nationale des avocats, par l’intermédiaire de son président, M. Spitz, a souligné l’unanimité des professionnels du droit pour défendre l’intérêt du justiciable. Cette unanimité est en effet rare, très inhabituelle.

Me Marie Aimé Peyron, bâtonnier du barreau de Paris, a salué le travail sénatorial sur le rééquilibrage entre les droits des victimes et les droits de la défense en matière pénale, et lourdement insisté sur le cruel manque de moyens humains et financiers.

L’affectation des moyens laisse le monde des juridictions bien à l’écart de la manne budgétaire, les moins bien lotis étant les greffiers, grands oubliés de la réforme, ainsi que le personnel affecté au réseau judiciaire de proximité. Il n’y a pas de hasard.

Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers, et Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, ont dénoncé la fusion des tribunaux comme la fin des juridictions de proximité.

Certaines des juridictions transformées en chambres seront inévitablement fermées à l’avenir, nonobstant vos engagements, que je pense profondément sincères, madame la garde des sceaux. Ce sont encore les habitants des territoires ruraux qui en feront les frais.

Face à ce projet de loi, contesté et profondément rejeté par l’ensemble des professionnels du droit, je salue la démarche du président de notre commission des lois, M. Philippe Bas : tenter jusqu’au bout d’obtenir un compromis avec vous, madame la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Je salue également encore une fois les professionnels du droit, qui ont su faire fi d’intérêts parfois très divergents pour s’unir dans la défense de la justice et du justiciable.

La réforme de la justice, ses enjeux et les obstacles que rencontrent chaque jour les justiciables et les professionnels doivent faire partie intégrante du grand débat national.

Pourtant, cette réforme essentielle tant sur le plan pratique que sur le plan fondamental de nos principes démocratiques en est exclue ! Exclue de facto parce que la procédure législative est en cours et qu’il ne faut toucher à rien de ce qui est engagé. C’est inouï, c’est ubuesque : c’est tout simplement antidémocratique !

Tout est encore possible, vous pouvez encore entendre le Sénat, madame la garde des sceaux, vous pouvez encore entendre les professionnels du droit et surtout entendre les citoyens. Ce sont eux les premiers concernés et ils doivent pouvoir, à l’heure de ce grand débat national, donner leur avis !

L’Assemblée nationale a d’office quasiment rétabli le texte initial du Gouvernement, en balayant comme billevesées les modifications apportées par le Sénat.

Il est ici nécessaire d’insister sur les difficultés croissantes des deux chambres à s’entendre sur un texte commun ou plutôt sur le refus du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale à accepter un point de vue différent de celui du Gouvernement.

Le nombre de commissions mixtes paritaires conclusives est en diminution drastique depuis juillet 2017. Depuis 1958, la règle a toujours été l’accord entre nos deux assemblées. Entre 1958 et octobre 2017, seulement 12 % des textes ont été adoptés par la procédure dite du « dernier mot » à l’Assemblée nationale. Les dernières évaluations font état d’un taux de 37 %. Ces chiffres sont profondément inquiétants et révèlent l’abus par le Gouvernement de la procédure du dernier mot, de même que le recours abusif aux ordonnances, notamment, s’agissant du présent texte, en ce qui concerne la justice des mineurs.

Les commissions mixtes paritaires ont pour objet de permettre l’avènement du jeu démocratique. Le bicamérisme est essentiel parce qu’il reflète l’accord entre l’avis d’une chambre dédiée au pouvoir exécutif et celui d’une chambre qui ne dépend pas de lui, entre la France du moment d’une élection présidentielle et celle d’une élection à mi-mandat. Enfin, le bicamérisme est issu de l’essence même de la démocratie et de la théorie des contre-pouvoirs.

Les corps intermédiaires, les contre-pouvoirs sont essentiels à la République, ne pas les entendre est extrêmement dangereux. Entendez les voix qui s’élèvent, madame la garde des sceaux, cette unanimité doit vous alerter. Aujourd’hui, nous sommes responsables pour demain.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions, les commissions mixtes paritaires du 13 décembre dernier n’ayant pas été conclusives.

Au vu du texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale et compte tenu de la forte hostilité exprimée au sein des milieux judiciaires contre la réforme telle qu’elle est envisagée par le Gouvernement, la commission des lois a organisé à la fin du mois de janvier une table ronde avec les représentants des avocats, des magistrats et des fonctionnaires de greffe.

Trouver des solutions d’avenir, nourrir le dialogue, tels étaient les objectifs de cette initiative visant à écouter les inquiétudes exprimées par les professionnels de la justice. Je me félicite donc de cette volonté de travailler à la recherche de convergences, mais également de se situer au-delà des clivages. C’est cet esprit de compromis et de dialogue qui permet au Sénat d’avoir des travaux de grande qualité !

C’est précisément cet esprit qui a conduit la commission à conserver les modifications et ajouts de l’Assemblée nationale lorsque ceux-ci s’avéraient pertinents et ne soulevaient pas de difficulté de principe.

C’est toujours cet esprit qui a permis de prendre en compte les craintes du monde judiciaire et des territoires. La commission a bien entendu les interrogations relatives à la pérennité de la carte judiciaire.

En tant que rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire », je me réjouis particulièrement que la commission ait rétabli la trajectoire budgétaire de la mission « Justice », telle qu’adoptée par le Sénat en première lecture. Elle prévoit une augmentation des crédits de 33, 8 % entre 2017 et 2022, et la création de 13 700 emplois.

La programmation du Gouvernement, rétablie par l’Assemblée nationale en première lecture, prévoyait une progression des crédits de 23, 5 % et la création de 6 500 emplois sur la même période. Or cela paraît bien insuffisant pour assurer le redressement budgétaire des juridictions et de l’administration pénitentiaire. En effet, cette trajectoire doit également permettre de mettre en œuvre le programme de construction de 15 000 places supplémentaires de prison, figurant dans les engagements de campagne du Président de la République.

En matière de justice civile, la commission a largement rétabli le texte adopté par le Sénat en première lecture, avec l’intention d’améliorer les procédures et de mieux protéger les personnes les plus fragiles.

Elle a en effet conforté et mieux encadré le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, dans l’intérêt des justiciables.

Elle a notamment rétabli l’exigence de certification obligatoire par le ministère de la justice des services en ligne de résolution amiable des litiges et d’aide à la saisine des juridictions, dans l’objectif d’imposer des garanties pour les justiciables pouvant recourir à ces services.

Elle a ensuite choisi de maintenir la phase de conciliation judiciaire dans la procédure de divorce contentieux, compte tenu de son intérêt pour les parties. Elle a également veillé à mieux protéger les personnes les plus vulnérables en préservant le rôle protecteur du juge.

Enfin, s’agissant de la réforme de l’organisation judiciaire, si le regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance cristallise à lui seul une large part de l’opposition du monde judiciaire, qui craint un éloignement pour le justiciable et la suppression de sites judiciaires, la commission a repris les garanties que le Sénat avait déjà apportées en première lecture, et qui sont susceptibles d’apaiser certaines des craintes exprimées.

Parmi ces garanties, je citerai la suppression de la possibilité de spécialiser certains tribunaux en matière civile et pénale lorsqu’il existe plusieurs tribunaux au sein d’un même département.

Je fais également référence à la fixation au niveau national d’un socle minimal de compétences des chambres détachées remplaçant les tribunaux d’instance situés en dehors du siège du nouveau tribunal unifié, afin d’éviter qu’elles ne soient définies au cas par cas, de façon trop limitée ou résiduelle, des compétences supplémentaires pouvant en outre leur être attribuées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction.

Je veux aussi mentionner la création d’un dispositif d’encadrement de toute modification de la carte judiciaire, laquelle relève de la compétence du pouvoir réglementaire, comportant une évaluation, au vu des observations présentées par les chefs de cour ainsi que par le conseil départemental, dont il serait rendu compte dans un rapport public, et sur la base de critères objectifs préexistants.

Concernant le régime des peines, je me réjouis particulièrement que la commission ait rétabli le texte que le Sénat avait voté en première lecture, lequel prévoyait notamment une importante refonte du système de l’aménagement des peines, de façon que la peine prononcée soit en principe la peine exécutée

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ces deux textes ainsi modifiés par la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Maryse Carrère applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons tenté de nous accorder avec l’Assemblée nationale sur des textes communs de réforme pour la justice le 13 décembre dernier. Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus et les commissions mixtes paritaires ont échoué…

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

… malgré le formidable travail des rapporteurs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

… notamment.

C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui pour les examiner en nouvelle lecture.

Alors même que ces deux textes ont fait l’objet de larges consultations, qu’ils ont évolué au cours des discussions entre la Chancellerie et le milieu judiciaire, un mouvement de contestation semble s’être cristallisé.

La commission des lois a, pour chercher à sortir de cette impasse, organisé le 30 janvier dernier une table ronde avec les représentants des milieux judiciaires, qui a été suivie par votre audition, madame la garde des sceaux.

Si je n’ai pu physiquement y assister, j’ai suivi ces discussions avec grand intérêt grâce à la captation vidéo qui a été retransmise sur le site internet du Sénat.

Je voudrais néanmoins effectuer une correction, qui a son importance, quant aux termes choisis par notre commission. Il ne s’agissait pas, comme j’ai pu le lire, de « tenter de renouer le dialogue », car celui-ci n’a jamais cessé.

Vous avez entrepris, madame la garde des sceaux, un grand tour des juridictions françaises afin de présenter votre réforme et vous avez, depuis le printemps, régulièrement rencontré les avocats. Vous vous êtes d’ailleurs rendue à la rentrée du barreau de Paris et, très récemment, à l’assemblée générale statutaire de la Conférence des bâtonniers.

Si ces échanges n’ont pas répondu à l’ensemble des attentes des acteurs de la justice, il est inexact de dire que votre position n’a jamais pu être infléchie et que vous vous êtes montrée hermétique aux arguments qui vous ont été opposés.

Au contraire, ces échanges nourris ont permis de faire évoluer sensiblement les textes examinés par notre assemblée.

Je pense, notamment, au renforcement des obligations des plateformes numériques ; à la simplification de la procédure de divorce contentieux qui permet de ne pas causer le divorce dès l’introduction de la procédure ; à la généralisation des règles protectrices en matière de perquisitions effectuées dans le cabinet d’un avocat, à son domicile, dans les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA ; ou encore à l’encadrement du rôle des CAF dans la révision des pensions alimentaires en rendant possible la suspension provisoire de la décision et le recours devant un juge.

Je pense également à la réforme des ordonnances d’injonction de payer, qui vise à centraliser le traitement des injonctions de payer aux fins d’une meilleure efficacité.

Paradoxalement, ces compromis ont parfois été qualifiés de reculs du Gouvernement. C’est à n’y rien comprendre !

Concernant l’organisation judiciaire, vous n’avez jamais cessé de tenter de rassurer les professionnels qui redoutent légitimement que la réorganisation des juridictions ne se traduise par la fermeture de sites, en martelant que vous maintiendrez les hommes, les lieux et les compétences existants. Lorsqu’il existe plusieurs TGI, le texte offre, je dis bien « offre », la possibilité aux juridictions de spécialiser les contentieux techniques et – et non pas ou, car la conjonction de coordination a ici son importance – de faibles volumes, ce qui exclut les contentieux de masse.

Face à la crainte légitime d’une « robotisation », d’une « déshumanisation » de la justice que pourrait induire la dématérialisation des procédures, vous avez précisé que le numérique ne viendra pas se substituer, mais viendra s’ajouter à l’accueil physique. Ainsi, pour les justiciables peu familiarisés avec les nouvelles technologies ou habitant dans une zone qui les prive d’un accès internet de qualité, un guichet d’accueil physique sera maintenu dans chaque lieu de justice.

La numérisation présente un intérêt tant pour les victimes, qui peuvent être intimidées par un dépôt de plainte dans un commissariat, que pour les praticiens du droit, lesquels se heurtent souvent – croyez-en mon expérience – à des temps d’attente téléphonique particulièrement longs pour obtenir parfois la seule confirmation qu’un acte a bien été enregistré.

L’Assemblée nationale a procédé à des améliorations intéressantes telles que l’extension des possibilités d’anonymisation des policiers et gendarmes dans les procédures ou encore le dossier entièrement numérique dans le cadre de la procédure pénale.

En revanche, si comme nombre de mes collègues, je suis favorable à réformer la justice des mineurs afin de la rendre plus lisible pour les professionnels et les justiciables, et de renouer avec son esprit fondateur, tendant à faire primer l’éducation sur la répression, je regrette néanmoins que vous ayez choisi de passer par la voie de l’ordonnance pour ce faire. J’aurais préféré que le Parlement ne soit pas ainsi dessaisi ab initio.

Je forme malgré tout le vœu que la réforme que vous envisagez tiendra compte des travaux de nos assemblées sur ce sujet – je pense, notamment, au rapport de la mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés ou à la mission en cours à l’Assemblée nationale sur la justice des mineurs –, et qu’elle sera menée en toute transparence, avec le concours des parlementaires. Je vous fais d’ores et déjà savoir que nous voulons y être associés.

Mme Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Pour conclure, malgré nos divergences d’opinions, j’avais formulé, en première lecture, le vœu que le débat se poursuive à l’Assemblée nationale, parce que nous souscrivons tous à cet objectif d’une justice plus simple, plus rapide et plus efficace. Dans ce même esprit, j’espère encore que des compromis raisonnables puissent être trouvés avec nos collègues de l’Assemblée nationale sur certains sujets comme le dispositif de certification obligatoire des plateformes de résolution amiable des litiges, la suppression de l’extension de l’obligation de tentative de règlement amiable préalable à toute saisine du juge en matière civile ou la limitation de l’extension des techniques spéciales d’enquête.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe La République En Marche s’abstiendra sur ces textes.

Mme Maryse Carrère applaudit.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi entend répondre au besoin d’équité de notre société, qui dénonce avec pugnacité la lenteur de la justice, et parfois la distance qu’elle observe par rapport aux réalités vécues par nos concitoyens.

Pourtant, force est de constater que cette réforme ne tient absolument pas compte des caractéristiques de certaines zones géographiques. Car si la France est une et indivisible, elle n’est pas uniforme ! Oui, la France est un grand pays fort de la diversité de ses territoires où tout ne fonctionne pas comme à Paris !

Dans le contexte de crise que nous traversons, le Gouvernement assure avoir saisi la portée de la colère des Français. Ces mêmes Français qui se retrouvent dans l’incompréhension face à toutes les réformes qui ne vont résolument pas dans leur sens.

Prenons la modification de la carte judiciaire. Elle est vécue comme un coup de grâce porté au rôle pourtant prépondérant que joue l’institution judiciaire dans nos territoires.

Par ce texte, notamment au travers de l’article 53, les juridictions se retrouveront demain vidées d’une grande partie de leurs compétences puisque vous entendez fusionner les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance pour créer un seul tribunal de première instance dans chaque département.

Vous centralisez l’activité judicaire alors qu’il conviendrait dans certaines zones de maintenir une proximité qui permettrait de conserver un lien cher avec nos administrés. Cela n’est pas sans conséquence. Par exemple la Haute-Savoie compte actuellement trois tribunaux de grande instance : Bonneville, Thonon et Annecy. Ils devront, si cette loi est adoptée, transférer leurs compétences au tribunal de première instance, qui traitera les matières dans des pôles dédiés, et deviendront par ailleurs des centres d’accueil qui permettront aux justiciables d’entamer toutes les étapes préalables à l’audience.

Or c’est oublier que dans ces départements de montagne, les distances ne se comptent pas en kilomètres, mais en temps de parcours. Ce sont des territoires reculés, enneigés une grande partie de l’année, où il faut parfois faire plusieurs heures de voiture pour atteindre une destination éloignée de quelques kilomètres ! Ce sont des départements qui, malgré leur éloignement, sont pourtant des territoires extrêmement vivants et qui connaissent une activité judiciaire intense.

Comme en Haute-Savoie, territoire pour le moins atypique, dont l’activité judiciaire n’est pas en reste puisque ce département enregistre à la fois la plus forte croissance démographique de notre pays, la plus forte concentration mondiale d’entreprises de la mécatronique, compte plus de lits touristiques que d’habitants permanents et est de surcroît doublement frontalier avec la Suisse et l’Italie.

Pour ces territoires, un tel schéma de délocalisation de certains contentieux entraverait considérablement l’accès des citoyens à la justice puisque ces derniers devront parcourir plus de 100 kilomètres pour se rendre à une audience.

Au-delà de l’aspect géographique, la réalité est bien entendu fonctionnelle.

Les professionnels de la justice, les élus locaux, dont je suis l’un des porte-parole dans cet hémicycle, s’inquiètent, eux aussi, de pouvoir garantir une certaine proximité de leurs actions, d’autant que l’efficacité et la performance de ces juridictions sont unanimement reconnues.

Comment sauront-ils rester à l’écoute des justiciables, d’une part, en les accueillant physiquement au sein des services d’accueil unique du justiciable et, d’autre part, avec des moyens qui seront demain dématérialisés ? Comment assureront-ils un contact décent au cours des diverses procédures, de l’audience jusqu’à la décision finale, afin de faciliter les démarches de nos administrés ?

Comprenez, madame la ministre, que dans la période difficile que nous traversons, la justice ne saurait être un facteur supplémentaire de fracture sociale et territoriale.

À l’instar de Joseph Joubert qui aimait à rappeler que la justice est le droit du plus faible, souvenons-nous que la justice doit être plus que jamais un point de cohésion et d’équité nationale !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je veux d’abord dire toute ma reconnaissance à nos rapporteurs qui, avec beaucoup de persévérance, ont poursuivi la tâche pour donner jusqu’au bout toute leur chance aux mesures d’apaisement et de raison proposées par le Sénat.

Au moment de prendre la parole, je veux exprimer le sentiment d’un certain gâchis. Après l’échec de la commission mixte paritaire, nous avons renoncé, ce que nous avons confirmé par notre vote aujourd’hui, à adopter une motion tendant à opposer la question préalable à la présentation en nouvelle lecture de ce projet de loi. Grâce à une concertation approfondie, nous avons voulu essayer de trouver les voies du plus large accord possible sur les axes fondamentaux de la réforme avec les professions de justice.

Vous me rétorquerez que nous nous sommes élevés un peu au-dessus de notre condition de sénateur en prétendant apporter notre secours au Gouvernement, qui se heurte aujourd’hui à de très graves tensions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… puisque la table ronde que nous avons organisée il y a quinze jours a fait apparaître une très large convergence des avocats, des syndicats de magistrats et des syndicats de personnels des greffes autour d’un certain nombre de demandes.

Madame la garde des sceaux, les professions de justice ont des attentes. Chacun est conscient de la nécessité de réformer. Nous partageons le même diagnostic sur la situation de notre justice. Les délais de traitement des affaires – la Cour des comptes vient encore de le rappeler – ne cessent de s’allonger. L’efficience de l’utilisation des crédits et des ressources humaines de la justice peut encore très largement progresser. De ce fait, nous aurions aimé collaborer plus étroitement avec vous à une réforme prenant en compte les années de travail de la commission des lois du Sénat, années qui ont donné lieu au rapport intitulé ambitieusement Cinq ans pour sauver la justice ! publié en avril 2017.

Je regrette que l’ultime chance que nous avons voulu proposer en déposant nos amendements de rouvrir la concertation afin de trouver des solutions consensuelles ne soit pas saisie. Cette impasse n’est pas une impasse législative.

Bien sûr, vous disposez, madame la garde des sceaux, d’une majorité à l’Assemblée nationale pour voter votre texte, car les institutions de notre pays apportent au Gouvernement la stabilité dont il a besoin : un Président de la République tout-puissant, un gouvernement qui lui est naturellement subordonné et une Assemblée nationale, dans sa majorité, qui a été désignée peu après l’élection présidentielle pour soutenir le Président de la République. C’est donc seulement ici, au Sénat, que vous pouvez trouver les voies d’un dialogue avec d’autres que ceux qui vous soutiennent, mais qui sont de bonne volonté pour permettre à la justice d’échapper au clivage partisan, ce qui est notre souhait le plus profond.

Nous avons vu récemment quels sont les résultats d’une méthode de gouvernement pouvant se résumer par la volonté d’un passage en force quand on est sûr d’avoir raison. Mais si le Gouvernement a une pédagogie, il lui manque une capacité de dialogue. Nous étions nombreux à penser que les leçons de l’expérience récente allaient servir et que la justice pourrait être le terrain d’expérimentation d’une autre méthode de gouvernement. Cet espoir est aujourd’hui largement déçu : j’en suis profondément navré, car c’est une occasion manquée.

Vous l’avez relevé vous-même, madame la ministre, il existe entre nous des divergences politiques sur certains points, ce qui est bien naturel en démocratie. Nous aurions pu, au fond, les laisser de côté pour nous intéresser surtout à ce qui nous réunit, car ce qui paraissait l’objet d’accords possibles avec le Gouvernement est tout à fait essentiel.

Le premier point de divergence politique – ce n’est pas une antienne que je répète à l’excès – est bien sûr l’abandon par le Gouvernement du programme du Président de la République de construction de places de prison. Vous avez affirmé que nous préférions la prison aux alternatives : c’est faux ! Dois-je vous rappeler que la période durant laquelle les alternatives à la prison – c’est-à-dire le bracelet électronique – se sont le plus développées, c’est la fin du mandat du Président Sarkozy ? Depuis, calme plat !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cependant, il ne suffit pas de développer les alternatives à la prison pour s’accommoder de la situation de surpopulation carcérale que nous connaissons. Si les magistrats prononcent aujourd’hui des peines de prison, ce n’est pas simplement parce qu’ils préfèrent la prison c’est aussi parce que les alternatives à la prison ne bénéficient pas des moyens nécessaires à leur développement.

Nous en arrivons alors à notre deuxième point de divergence, qui est celui du budget. Certes, dans cette loi de programmation, est fait un effort méritoire, mais elle comporte des faiblesses. Une programmation pour cinq ans intervenant deux ans après le début du quinquennat n’engage le Gouvernement que pour la fin de ce quinquennat, et pas pour les années qui commenceront après le prochain quinquennat. Il s’agit à nos yeux d’un point important.

Au fond, une vraie loi de programmation doit commencer dans les trois mois qui suivent l’élection présidentielle, sinon cela n’a guère de sens ! Vous n’avez plus aujourd’hui que deux lois de finances pour mettre en œuvre cette programmation !

Par ailleurs, si l’effort paraît important, il doit être mesuré à l’aune des besoins de rattrapage des moyens de la justice, en ancrant cette évaluation dans une comparaison européenne. Or nous sommes vraiment très en retard et il convient de mettre les bouchées doubles !

Une loi de programmation des moyens de la justice avait été promulguée en septembre 2002, trois mois après l’élection présidentielle. À cette occasion, les moyens avaient été augmentés de 39 % sur cinq ans. Vous proposez aujourd’hui une augmentation de 23 %. Certes, je suis conscient de l’état de dégradation de nos finances publiques par rapport à la période antérieure. Je comprends que l’on ne puisse pas faire autant qu’en 2002, mais l’effort consenti ici ne me paraît pas suffisant.

Enfin, nous ne sommes pas d’accord avec le parquet national antiterroriste et nous regrettons que ce texte ne contienne pas de disposition pour assurer la pérennité du financement de l’aide juridictionnelle, qui est la condition de l’accès de nos concitoyens les plus démunis à la justice. Bref, nous sommes en désaccord sur un nombre important de points.

Pour autant, ce n’est pas à cause de ces désaccords que nous n’avons pas pu conclure. En effet, je le redis, nous aurions pu les laisser de côté. Si nous n’avons pas pu conclure, c’est tout simplement parce que sur un certain nombre de points qui rendaient possible un accord vous n’avez pas voulu faire mouvement. Vous avez purement et simplement voulu rétablir votre texte initial et faire l’économie du dialogue avec le Sénat. De la même façon, vous faites, selon moi de manière excessive, l’économie d’un dialogue approfondi avec les professions de justice au moment où elles vous demandent d’infléchir votre réforme.

Un certain nombre de points ont été parfaitement abordés par notre collègue corapporteur François-Noël Buffet. J’y reviens brièvement.

En ce qui concerne le champ d’intervention du juge, vous auriez pu faire un effort sur la certification des plateformes proposant des possibilités de conciliation sur internet. Ce n’eût pas été de votre part un effort disproportionné…

La pension alimentaire en cas de conflit sera traitée par un directeur de caisse d’allocations familiales et non par un juge. Cette mesure n’offre pas à nos yeux de garanties suffisantes. Cela n’aurait pas bouleversé votre réforme de nous écouter sur ce point et de prêter attention aux professions judiciaires qui s’inquiètent.

S’agissant de la procédure pénale, ce texte porté par le ministre de la justice est un texte de ministre de l’intérieur ! Sur la prolongation de la garde à vue, sur le refus d’informer l’avocat sur des perquisitions, sur la comparution différée, sur l’accès au dossier par l’avocat, vous avez pris des mesures qui vont toutes dans le même sens, et qui n’est pas celui des garanties offertes à nos concitoyens face au ministère public.

Quant à l’organisation judiciaire, c’est évidemment pour nous un sujet de vive préoccupation. Au fond, nous vous demandions de sécuriser les chambres détachées en prévoyant la création d’un juge chargé des contentieux de proximité, une garantie de localisation des emplois pour les fonctionnaires de greffe dans ces chambres détachées et la définition d’un socle minimal de compétences au niveau national pour ces chambres. De la sorte, vous auriez pu tenir en échec tous ceux qui affirment – peut-être à tort – que vous préparez la suppression de lieux de justice, alors que vous proclamez régulièrement qu’il n’en est rien et que vous voulez conserver ces lieux de justice. Donnez-nous des gages de cette volonté de les conserver et nous pourrons vous soutenir.

Vous auriez pu accepter la mise en place d’un mécanisme d’encadrement de toute modification de la carte judiciaire : ce n’est pas extravagant eu égard aux contraintes que cela vous imposerait. Vous auriez pu accepter aussi qu’un avis soit donné par le conseil départemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, je suis obligée de vous demander de conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Alors, je conclus. Aujourd’hui, un simple décret peut modifier la carte des tribunaux. Il serait utile d’y apporter une garantie législative.

Quoi qu’il en soit, madame la garde des sceaux, je regrette beaucoup que nous ne parvenions pas à nous entendre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Maryse Carrère applaudit également.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je répondrai aux différentes observations qui ont été présentées en trois points.

La première question qui m’a été posée, par M. le sénateur Jacques Bigot, était la suivante : le Gouvernement a-t-il raison contre tous ?

La réponse est non, le Gouvernement ne prétend pas avoir raison contre tous ! La preuve en est qu’entre le texte que je vous ai présenté au mois d’octobre et celui qui vous est parvenu il y a quelques semaines, les choses ont beaucoup évolué. Cela montre que la version initiale proposée par le Gouvernement n’était pas figée et qu’elle a fait l’objet d’un véritable dialogue et avec les professionnels et avec les parlementaires.

J’ajouterai à l’intention de M. Bigot, mais aussi de Mmes Joissains et Assassi, que, si le Gouvernement n’a pas raison contre tous, nombreux sont ceux qui le soutiennent. C’est ainsi le cas des présidents de tribunaux de grande instance, que la commission des lois, me semble-t-il, n’a pas auditionnés ou n’a pas pu entendre. §Que réclament-ils ? Beaucoup de souplesse, ce qui figure dans notre texte !

Qu’entend-on lors de la Conférence nationale des procureurs de la République ? Que demandent ces magistrats, que, je crois, la commission des lois n’a pas pu entendre ? De l’efficacité ! §Pardonnez-moi si je commets une erreur, messieurs les rapporteurs, mais, la semaine dernière, si je ne m’abuse, leur audition n’était pas prévue à l’ordre du jour de vos auditions…

Lors de leur Conférence nationale, les procureurs de la République ont souhaité que soient prises les mesures que nous avons prévues dans la loi.

Que réclame l’Union syndicale des magistrats, l’USM, syndicat majoritaire de la profession, que, je crois, la commission des lois n’a pas auditionnée la semaine dernière ? D’une part, l’USM est favorable à la mise en place du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, le JIVAT. D’autre part, elle demande des procédures de simplification, celles-là mêmes qui constituent l’objet principal de notre texte.

Que demandent les associations de victimes que j’auditionne ? Elles demandent les mesures que nous avons prises dans le texte.

Je pourrais ainsi continuer longtemps… Il y a dans ce texte des éléments – certes, pas tous – qui sont soutenus par un certain nombre de représentants des professions de justice. C’est la raison pour laquelle nous ne prétendons pas avoir raison contre tous, tout d’abord parce que nous écoutons et, ensuite, parce que des points de cette réforme sont soutenus par les différentes parties concernées.

La deuxième question qui m’a été posée était : le texte se suffit-il à lui-même ? Elle me donne l’occasion de répondre à plusieurs d’entre vous.

La réponse est évidemment non ! Le texte que je vous propose ne se suffit pas à lui-même, dans la mesure où nous ne prétendons pas engager à travers lui une réforme absolue et générale de la justice.

Ce texte a une ambition claire : faire évoluer la justice de notre pays. Il ne prétend pas, à lui seul, embrasser toutes les évolutions qui seraient envisageables pour la justice en France.

Il faudra, bien sûr, monsieur le sénateur Masson, que nous soyons attentifs à la gestion des ressources humaines. Vous évoquiez la question de la mobilité des magistrats. C’est une vraie question, même si je ne l’entends pas exactement dans le sens que vous avez évoqué. Par parenthèse, je vous rappelle que les magistrats sont soumis à une déclaration d’intérêt, à l’occasion de laquelle ils ont un entretien avec le président du tribunal, qui leur permet de se positionner.

Au-delà de cette question, il est vrai que j’ai ouvert un sixième chantier, à la suite des cinq premiers que j’avais lancés il y a plus d’un an. Ce chantier, qui concerne la gestion des ressources humaines, nous entendons le conduire à l’intérieur du ministère de la justice, pour faire évoluer ces situations.

Vous avez raison, monsieur le président Bas – j’ai eu l’occasion de m’en expliquer à de nombreuses reprises devant vous –, la question de l’aide juridictionnelle doit être traitée. Je me suis engagée, dès la fin de cette réforme, à évoquer ce sujet extrêmement vaste avec les organisations professionnelles compétentes. Il s’agit de faire avancer ce dossier, dont j’ai dit que l’on trouverait les premières traductions dans le projet de loi de finances pour 2020.

Madame la sénatrice Carrère, je ne prétends pas avoir, par ce texte, réformé totalement la procédure pénale.

Il faudrait réécrire le code de procédure pénale, mais, je l’ai dit clairement, je n’avais pas le temps de le faire en deux ans. Même si le délai nécessaire pour faire advenir cette loi a été plus long que ce qui était initialement prévu, je le redis, je n’avais pas le temps de réécrire ce code ! Il faudra sans doute le faire à terme, mais, de la même manière que la réforme du droit des contrats a été précédée par de très longues consultations, il faudra engager une procédure de ce type pour réformer le code de procédure pénale.

Madame la sénatrice Joissains, nous devons faire une révision constitutionnelle pour accroître l’indépendance statutaire des membres du parquet. Vous savez que telle est notre volonté, sur la base, d’ailleurs, d’un texte qui a été adopté par le Sénat.

En revanche, je ne saurais partager votre avis lorsque vous dites qu’il aurait fallu, si je vous ai bien compris, cesser d’examiner le projet de loi relatif à la justice pour le soumettre à la discussion à l’occasion du grand débat national. Vous avez même employé le mot « antidémocratique »… Je ne crois pas, quant à moi, que le fait de poursuivre une procédure parlementaire déjà engagée soit antidémocratique, bien au contraire !

Mme Sophie Joissains s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Enfin, on m’a posé une troisième et dernière question : la lettre du texte doit-elle se prolonger par une application scrupuleuse ? La réponse est oui : le Gouvernement sera extrêmement attentif, et moi également, à sa mise en œuvre.

Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, vous m’alertez, ainsi que d’autres de vos collègues, sur l’ordonnance de 1945, et vous vous interrogez sur la procédure suivie.

J’ai déjà dit que je comprenais ce point de vue. À cet égard, je me suis engagée à respecter un certain nombre de principes, notamment ceux qui avaient été dégagés par le Conseil constitutionnel.

Je me suis également engagée sur une méthode de très large concertation, que je mettrai en œuvre dès que la loi sera adoptée, visant à aboutir à un texte que le Parlement aura le temps de discuter. Dans un délai de six mois à un an, un débat se tiendra au Parlement et un travail approfondi sera mené sur ce texte.

Sur la question de la territorialité, madame la sénatrice Noël, je m’étonne des inquiétudes que vous avez rapportées ici. On vous laisse entendre, dites-vous, que les tribunaux d’instance de Haute-Savoie, d’Annecy, de Bonneville et de Thonon vont disparaître ou, en tout cas, qu’ils ne serviront que pour des étapes préalables à l’audience. Où avez-vous lu cela dans le projet de loi que je vous ai présenté ? Nulle part !

En effet, dans le texte que je propose, il est clair non seulement que tous les tribunaux d’instance seront maintenus, mais aussi qu’un juge y sera spécifiquement affecté. Je le dis également pour le sénateur Bas, ce juge des contentieux de la protection, nommé dans chaque tribunal d’instance, gérera notamment le contentieux des tutelles, le contentieux du surendettement et le contentieux des baux d’habitation.

Il y aura donc, je le répète, un juge statutaire spécifiquement affecté dont les compétences seront fixées par un texte. Par ailleurs, ces tribunaux de proximité pourront avoir davantage de compétences que celles dont ils disposent aujourd’hui, dans la mesure où pourra y être traité, en cas de besoin, le contentieux familial post-divorce.

Comment pouvez-vous dire que ces tribunaux vont disparaître, sauf à faire de la justice prédictive sur la base d’une information fondamentalement inexacte ?

Je veux vous rassurer : les trois tribunaux que vous avez évoqués demeureront, exerceront leurs compétences, continueront à accueillir les justiciables qui souhaiteront s’y rendre pour des audiences, et rendront des jugements.

Il n’y a donc ni carte judiciaire – j’ai déjà eu l’occasion de le dire : j’ai une méthode, je n’ai pas de carte ! –, ni coup de grâce. Au contraire, ce que je propose permettra, je le crois, de revivifier un certain nombre de tribunaux.

Pour ce qui concerne les peines, toute une série de dispositions devront être concrétisées. J’entends bien qu’il ne suffit pas d’édicter une loi pour que, d’un seul coup, tout se transforme ! Il faudra accompagner tous les personnels pour leur faire mesurer et prendre en compte les avancées de ce texte.

Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, j’ai pris connaissance de deux documents. Le premier, que j’avais en fait lu très peu de temps auparavant, était la lettre de Jean-Jacques Urvoas à son successeur – je n’imaginais pas alors que je succéderai à son successeur. Le second document, comme je l’ai déjà dit à Philippe Bas, était le rapport de la commission des lois du Sénat, que j’avais trouvé extrêmement intéressant et riche.

Je n’ai pas le sentiment, monsieur le président de la commission des lois, que ce soit un gâchis, pour reprendre le terme que vous avez employé. Je regrette que nous n’ayons pas pu parvenir à un accord, mais je suis persuadée que, lors de l’application effective du texte, nous saurons retrouver des capacités de dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Le rapport définissant les orientations et la programmation des moyens de la justice pour la période 2019-2022, annexé à la présente loi, est approuvé.

Les crédits de paiement de la mission « Justice », hors charges de pensions, exprimés en milliards d’euros courants, évolueront comme suit :

Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice s’élèveront à 12 628 équivalents temps plein et s’effectueront selon le calendrier suivant :

Trait d’union indispensable entre liberté et sécurité, la justice fonde le contrat social et forge l’esprit républicain. De son bon fonctionnement dépend le caractère harmonieux de la régulation sociale. La justice est en conséquence au centre des préoccupations du Gouvernement.

La présente loi de programmation, annoncée par le Premier ministre dès son discours de politique générale du 4 juillet 2017, garantit à la justice, dans la durée, des moyens pour lui permettre d’accomplir les réformes nécessaires à l’amélioration du service dû à nos concitoyens.

La progression des crédits, inscrite dans la loi de programmation, de 33, 8 % à horizon 2022 par rapport à la loi de finances pour 2017, traduit de manière concrète la priorité donnée par le Gouvernement à la modernisation de la justice. Dès 2018, les crédits augmentent de 3, 9 % et un effort significatif, à la hauteur des enjeux, est initié en matière de recrutements. Il se concrétise, sur la période 2019-2022, par la création de 12 628 emplois.

Cette trajectoire ambitieuse est néanmoins soutenable pour les finances publiques. Partant du cadrage budgétaire global de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2019 à 2022, la présente loi de programmation pour la justice précise l’effort supplémentaire requis par la nécessaire modernisation du service public de la justice, et en sécurise les moyens. D’ici à 2022, la progression des crédits se décline comme suit :

En milliards d ’ euros et en crédits de paiement

Moyens de la mission justice HT2 + T2HCAS

Mission justice

La traduction en emplois de cet investissement sans précédent s’échelonne de la manière suivante sur la période considérée :

En équivalents temps plein (ETP)

Création d’emplois de la mission justice

Disposer d’une trajectoire budgétaire sécurisée sur cinq ans permettra au ministère de la justice de conduire résolument et sans à-coups les investissements d’ampleur indispensables, tant dans les domaines informatique qu’immobilier et d’accompagnement en matière de ressources humaines, pour évoluer vers un service public moderne, davantage attentif aux besoins des justiciables qu’il accueille et plus respectueux encore des personnes qui lui sont confiées.

Grâce à ces moyens en forte augmentation, le ministère s’engage dans des réformes puissantes afin de redonner confiance au citoyen dans la capacité de la justice à rendre des jugements de qualité, dans des délais maîtrisés, et à réinsérer les personnes qu’elle condamne.

Les réformes portées ici par le Gouvernement intéressent tout à la fois les procédures, les organisations et les outils du ministère. Les plus structurantes de ces réformes sont le fruit des « chantiers de la justice », lancés par le Premier ministre et la garde des sceaux le 6 octobre 2017. Au nombre de cinq, ces chantiers ont traité de la transformation numérique, de l’amélioration et de la simplification des procédures civile d’une part, pénale, d’autre part, de l’adaptation du réseau des juridictions, du sens et de l’efficacité des peines. Deux référents ont été désignés sur chaque chantier afin de conduire une intense concertation avec les acteurs concernés. Plusieurs centaines d’auditions, l’envoi de questionnaires, une consultation numérique ont donné aux référents une matière riche pour faire des propositions d’évolution souvent ambitieuses, toujours en réponse aux attentes des acteurs consultés. Ce projet de loi de programmation met ainsi en œuvre les propositions de niveau législatif qui ont été retenues pour concrétiser les ambitions d’une justice rénovée. Il sera complété des textes réglementaires nécessaires à la conduite des réformes ainsi initiées.

Le projet de loi s’est également attaché à promouvoir la diversification des modes de prise en charge des mineurs auteurs d’infractions pénales en accompagnant la création de 20 centres éducatifs fermés et en promouvant de nouveaux modes de réponses pénales.

Il intègre également une autre priorité annoncée dans le programme du Président de la République : la mise en œuvre d’un « plan pénitentiaire » permettant, notamment, d’atteindre d’ici décembre 2022 un taux de 80 % d’encellulement individuel.

L’ensemble de ces évolutions fortes, résultat d’une démarche de concertation de plus de cinq mois, permettra d’aller vers une justice simple, efficace, moderne, proche des gens (I), de rendre le service public de la justice plus protecteur et attentif aux plus démunis et aux personnes en souffrance (II), de consacrer un engagement sans faille pour mieux prévenir la radicalisation et lutter contre le terrorisme (III), de prononcer des peines plus efficaces et mieux adaptées tout en confortant les personnels dans leurs missions (IV), de diversifier et d’individualiser la prise en charge des mineurs délinquants (V). Une stratégie ministérielle des ressources humaines est définie pour accompagner tous les personnels du ministère dans cette transformation (VI).

1. Vers une justice simple, efficace, moderne, proche des gens

1.1. État des lieux

Le constat d’une justice qui fonctionne de moins en moins bien est connu de tous et partagé. Les délais de jugement ne cessent de s’allonger en dépit de la mobilisation des magistrats et fonctionnaires. Ils sont, en 2016, à plus de 11 mois pour les affaires civiles dans les tribunaux de grande instance, à près de 14 mois en appel dont plus de 18 mois dans les chambres sociales, à 17 mois dans les conseils de prud’hommes.

La justice apparaît souvent au justiciable comme un labyrinthe, avec une organisation à la lisibilité incertaine, des procédures difficilement intelligibles et des décisions qui peuvent parfois sembler peu prédictibles voire difficilement compréhensibles. L’organisation judiciaire, en décalage avec celle des autres administrations de l’État, pose également question pour la conduite de la politique publique de la justice qui nécessite une interaction étroite avec les services de la police et de la gendarmerie ainsi qu’avec les préfets, les autres administrations de l’État et les collectivités territoriales.

Les juridictions se plaignent souvent d’un manque de moyens. Des efforts importants ont été faits dans le budget 2018 pour augmenter de 9 % les crédits de fonctionnement desdites juridictions. Les charges à payer ont été significativement réduites en 2017. Toutefois, un effort de long terme, au travers d’une action structurelle, est indispensable pour améliorer durablement la situation des juridictions.

L’amélioration du quotidien de travail est une attente très forte des magistrats et des fonctionnaires. La mise à disposition d’équipements et d’applications informatiques modernes, répondant aux besoins de mobilité et permettant de gagner en efficacité, constitue une demande récurrente, également remontée de la consultation numérique réalisée auprès des agents du ministère dans le cadre du chantier relatif à la transformation numérique. Le besoin de formation et d’un soutien informatique renforcé est aussi affirmé.

La dématérialisation s’impose comme un besoin pour les justiciables et les partenaires de la justice qui souhaitent saisir et communiquer avec elle en ligne, comme ils le font désormais avec la plupart des services publics. Le ministère doit s’engager résolument dans la démarche de l’État-plateforme, tout en garantissant aux publics éloignés du numérique un accès proche et de qualité.

Face à ces constats, la réforme est urgente car la confiance du citoyen dans la justice, instance privilégiée de régulation des relations sociales et pilier déterminant de la démocratie, est émoussée. La lassitude des magistrats et fonctionnaires, soucieux de rendre un service public de qualité, s’exprime de plus en plus vivement.

1.2. Une réforme d’ensemble de l’institution judiciaire est devenue nécessaire

La loi de programmation pour la justice prévoit une véritable remise à niveau des moyens des juridictions. 2 328 emplois seront créés sur la période 2019–2022 et les gains d’emplois dégagés par les réformes seront intégralement redéployés vers les juridictions.

Mais les moyens ne constituent pas à eux seuls une réponse suffisante et ne sont légitimes, dans un contexte budgétaire contraint, que s’ils permettent une transformation de la justice.

La loi de programmation développe cette ambition en simplifiant tout à la fois la procédure pénale et la procédure civile, en organisant la déjudiciarisation des demandes dont la satisfaction sera plus rapide et certaine par des services administratifs ou des professions réglementées (tout en maintenant la possibilité d’une contestation devant le juge), en développant des modes alternatifs de règlement des litiges, en donnant les moyens d’une véritable transformation numérique de la justice et en proposant une approche modernisée de l’organisation du travail judiciaire.

1.2.1. Simplifier la procédure pénale pour faciliter l’action des services enquêteurs et de la justice, tout en veillant au respect des libertés fondamentales

Afin de répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens qui aspirent à une justice plus accessible, plus proche et plus rapide dans le traitement de leurs requêtes ou de leur situation, il a été décidé de faciliter le travail quotidien de tous les acteurs de la chaîne pénale. Il s’agit ici d’amplifier l’effort de simplification déjà engagé mais dont les résultats paraissent encore insuffisants.

Ont ainsi été retenues dans le projet de loi de programmation des mesures concrètes, dont l’objectif n’est pas de réformer en profondeur l’architecture de notre procédure pénale mais de faciliter l’action des magistrats, des fonctionnaires de justice, des services enquêteurs, sans jamais porter atteinte aux exigences conventionnelles et constitutionnelles.

Les simplifications proposées concernent les différentes phases de la procédure pénale, qu’il s’agisse de la phase d’investigation (enquête et instruction) ou de ses suites judiciaires (alternatives aux poursuites, poursuites et jugement).

Les simplifications envisagées pour la phase d’investigation portent notamment sur la suppression d’autorisations préalables à certaines actions des officiers de police judiciaire ou sur la possibilité de les déléguer à des agents de police judiciaire, ainsi que sur l’information judiciaire.

Il est également prévu de modifier les règles relatives à la garde à vue afin d’en rendre le traitement moins lourd. Le projet de loi de programmation pour la justice ne modifie pas l’économie du régime actuel de la garde à vue et maintient des garanties strictes en termes de protection des libertés.

Les simplifications des suites judiciaires proposées par le projet de loi s’effectuent au travers de la fusion de la transaction et de la composition pénales, de l’extension de la forfaitisation d’un certain nombre de délits dont l’usage de stupéfiants, de l’extension de l’ordonnance pénale et des décisions pouvant intervenir dans le cadre de la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité, de l’extension de la compétence du juge unique, de la rationalisation de la procédure devant la cour d’assises et de la possibilité de regrouper toutes les procédures en cours visant un même prévenu devant le tribunal correctionnel.

Enfin, il est prévu d’expérimenter dans plusieurs ressorts pendant trois ans une cour criminelle, qui jugera en premier ressort les crimes commis par des majeurs et punis d’une peine de 20 ans de réclusion criminelle au plus, en substitution de la cour d’assises. Cette cour composée uniquement de magistrats permettra un audiencement plus rapide des affaires tout en garantissant la qualité des débats.

1.2.2. Harmoniser la procédure civile et la rendre plus accessible pour le justiciable

Il existe actuellement une multiplicité de procédures en matière civile, différentes entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance, variables selon la nature du contentieux. Ces procédures sont en outre portées par des systèmes d’information séparés, souvent très anciens, et reposant sur des bases locales. En dépit des efforts d’information déjà entrepris avec la création du site internet justice.fr et du développement dans les tribunaux de services d’accueil unique du justiciable (SAUJ), la procédure civile reste inaccessible pour la plupart des justiciables du fait de sa complexité et de son absence de dématérialisation.

La simplification, pour les justiciables, de ces modes et procédures distincts de saisine doit être recherchée.

L’objectif est donc d’évoluer progressivement vers deux types de procédure selon la nature du contentieux : une procédure orale sans représentation obligatoire pour les contentieux les plus simples, une procédure écrite avec représentation obligatoire pour les autres contentieux. Le contentieux traité actuellement dans les tribunaux d’instance doit rester sans représentation obligatoire pour faciliter l’accès au juge. L’orientation retenue consiste à étendre la représentation obligatoire à certains contentieux devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel pour assurer un meilleur conseil au justiciable, à l’exception de certains contentieux dits de proximité concernant souvent les publics les plus fragiles (surendettement, instances modificatives en matière familiale, baux d’habitation, crédit à la consommation, sécurité sociale).

Le seuil de 10 000 € en-dessous duquel il est possible de saisir le juge d’instance sans avocat est maintenu. En revanche, la représentation obligatoire devant le juge de l’exécution serait étendue lorsque le litige est supérieur à ce même seuil. Il en va de même pour l’ensemble des appels, sauf contentieux particuliers tenant par exemple au surendettement ou aux appels prud’homaux. Enfin, la représentation obligatoire serait encore étendue à plusieurs contentieux complexes ou très sensibles comme les litiges relatifs aux élections professionnelles. En revanche, l’absence de représentation obligatoire par avocat serait maintenue devant les tribunaux paritaires des baux ruraux, tout comme devant les conseils de prud’hommes. De surcroît, le principe de la libre représentation des parties devant le tribunal de commerce serait consacré dans la loi. En première instance et en appel, il serait rappelé que les autorités administratives parties à l’instance (maisons départementales des personnes handicapées ou présidents des conseils départementaux) ont la possibilité d’être représentées par un de leurs agents.

L’entreprise d’unification du contentieux de l’aide sociale et de la sécurité sociale est poursuivie par la suppression de la distinction entre le contentieux général et le contentieux technique, devenue obsolète au regard de la compétence donnée aux tribunaux de grande instance spécialement désignés à compter du 1er janvier 2019.

L’exécution forcée des décisions du juge aux affaires familiales est confiée au parquet. Un tribunal de grande instance à compétence nationale sera également spécialement désigné pour assurer le traitement des requêtes en injonction de payer, à l’exception de celles relevant du tribunal de commerce. Le créancier pourrait saisir ce tribunal de grande instance spécialement désigné par la voie dématérialisée, sans que cela soit obligatoire. Les oppositions seront formées auprès du tribunal spécialement désigné, qui connaîtra de celles tendant exclusivement à l’obtention de délais de paiement et orientera les autres demandes vers les tribunaux territorialement compétents.

Les modalités de ces procédures devront être harmonisées avec un acte de saisine unique, en ligne (sauf pour les justiciables ne disposant pas d’outil de communication numérique), la généralisation de la signification par acte d’huissier, ce qui déchargera les greffes des tâches de convocation, le développement de la procédure de mise en état participative, la possibilité de statuer sans audience avec l’accord des parties.

Les procédures civiles d’exécution seront enfin modernisées pour les rendre plus rapides et plus efficaces. Ainsi, dans les procédures de saisie-attribution et de saisie conservatoire des créances de sommes d’argent, les actes de saisie ne seront plus transmis aux établissements bancaires que par la voie électronique. Les procédures de saisie immobilière et d’expulsion seront également modifiées pour soulager les juridictions de tâches inutiles et pour améliorer l’efficacité de ces procédures tout en préservant les droits des débiteurs.

La plupart de ces évolutions sont de niveau réglementaire et ne nécessitent pas de disposition dans ce projet de loi. En revanche, le calendrier de leur mise en œuvre sera déterminé en lien avec celui de l’évolution de l’organisation judiciaire et celui du développement des applications informatiques associées.

1.2.3. Un recentrage de la justice sur ses missions premières : trancher les conflits et protéger les droits et libertés des citoyens

Depuis plusieurs années, la tendance est à l’octroi de nouvelles compétences au juge. Cette tendance s’inscrit en partie dans une dynamique de meilleure protection des droits et libertés des justiciables. Mais il s’agit aussi souvent d’une facilité pour le législateur quand il a besoin de l’intervention d’un tiers de confiance dans une procédure. La loi relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle a réalisé une première œuvre utile de recentrage du juge sur ses missions principales en ouvrant notamment la possibilité de divorcer par acte d’avocat quand les parties en sont d’accord.

Le projet de loi de programmation pour la justice s’attaque pour sa part à un autre domaine emblématique : la réforme de la protection juridique des majeurs protégés, dont le rapport de la Cour des comptes de 2016 a montré les dysfonctionnements. En outre, la charge de travail pesant sur les juridictions ne permet pas aux magistrats et aux greffiers d’assurer toute la plénitude de la mission de contrôle des mesures de protection juridique qui leur est conférée par la loi. En conséquence, plusieurs mesures seraient envisagées. En premier lieu, il s’agirait d’alléger le contrôle du juge sur certains actes de gestion patrimoniale (partage judiciaire et acceptation pure et simple d’une succession échue à la personne protégée). En deuxième lieu, il s’agirait de faciliter le recours à l’habilitation familiale, en étendant son champ d’application à l’assistance, et en créant une passerelle avec les mesures de protection judiciaire. En troisième et dernier lieu, il s’agirait de garantir un contrôle effectif de la gestion du budget de la tutelle, en permettant un contrôle gradué de la transmission de l’inventaire, d’une part, et en maintenant un contrôle des comptes de gestion de toutes les personnes sous tutelle, d’autre part, qui serait assuré par défaut par le directeur des services de greffe judiciaires sous le contrôle du juge.

Au-delà de la réforme des tutelles, d’autres voies innovantes de déjudiciarisation sont poursuivies comme en matière de délivrance des apostilles, pour décharger les parquets généraux d’une tâche purement administrative. Il est également prévu d’uniformiser les règles régissant les actes de notoriété établis dans diverses matières en les transférant tous au notaire.

1.2.4. Un développement des modes alternatifs de règlement des litiges

Les modes alternatifs de règlement des litiges doivent continuer à se développer pour alléger l’activité des juridictions mais, surtout pour favoriser des modalités plus apaisées et plus rapides de règlement des différends pour les citoyens. La loi relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle a d’ores et déjà rendu systématique le recours préalable au conciliateur pour les litiges de moins de 4 000 euros. La loi de finances pour 2016, mise en application par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, a solvabilisé le recours à la médiation pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en créant une aide à la médiation, en cas de médiation judiciaire ou de médiation conventionnelle homologuée par le juge, et en étendant la rétribution des avocats en cas de médiation. La loi de programmation pour la justice va plus loin en prévoyant que le juge pourra plus largement enjoindre de rencontrer un médiateur pour une information sur l’objet et le déroulement d’une médiation.

L’expérimentation de tentative de médiation familiale préalable obligatoire introduite par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle sera poursuivie, avant le cas échéant d’être généralisée à partir de 2020, si ses résultats sont concluants.

Pour promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges, il est nécessaire d’étendre l’offre en la matière tout en veillant à sa qualité. Il convient à cet effet d’encadrer les obligations pesant sur les prestataires offrant en ligne des services d’aide à la résolution amiable du litige, de prévoir les sanctions pénales applicables en cas d’inobservation de certaines obligations et de proposer une certification facultative.

Cette promotion des modes alternatifs de règlement des litiges s’appuiera sur une progression des moyens dédiés à la médiation et aux espaces de rencontre sur le quinquennat, la montée en puissance de l’aide à la médiation introduite par décret en 2016, et le recrutement de conciliateurs, mieux rétribués pour leurs interventions.

1.2.5. Une transformation numérique de la justice

Pour bâtir, avant 2022, un véritable service public numérique de la justice, qui permette à l’ensemble des usagers de gérer en ligne leurs procédures et leurs démarches, et aux magistrats et agents du ministère de bénéficier d’applicatifs et d’outils de travail adaptés, réduisant les tâches répétitives et de faible valeur ajoutée, un effort inégalé sera engagé, qui portera sur trois axes indissociables.

– L’adaptation du socle technique : le renforcement des réseaux du ministère doit permettre de les sécuriser et de tripler, au minimum, les débits offerts, en commençant dès 2018 et en couvrant la totalité des sites d’ici 2020, tout en poursuivant la migration vers la téléphonie IP ; les magistrats et agents bénéficieront d’outils répondant aux exigences de leur métier, en matière de téléphonie sécurisée ou d’outils de communication mobiles, en veillant désormais à homogénéiser le parc d’équipements et ses modalités de renouvellement ; les juridictions et services du ministère seront dotés d’outils permettant le développement d’échanges sécurisés (mise en service dès 2018 d’une plateforme d’échange de documents volumineux, dispositif permettant l’envoi de LRAR par voie électronique, consolidation du dispositif de visio-conférence) et facilitant le travail quotidien au profit des magistrats et agents comme des justiciables eux-mêmes (poursuite du déploiement des centres d’appel permanence parquet, outils de prise de rendez-vous en ligne et de signalétique dynamique dans les juridictions…).

– Les applications du ministère évolueront pour permettre une généralisation de la communication électronique et de la gestion en ligne des procédures et des démarches. Dès 2018, le déploiement du portail des SAUJ et du portail des justiciables permettra de connaître, en ligne, l’état d’avancement des procédures aussi bien pénales que civiles, quelle que soit la juridiction territorialement compétente ; l’opportunité de saisir la juridiction en ligne, pour certains contentieux dans un premier temps, sera effective à la fin de l’année 2018 ; le travail des juridictions sera facilité, notamment par la poursuite du déploiement de l’application Cassiopée aux juridictions d’appel et le déploiement d’outils industrialisés à partir d’expérimentations locales ; les demandes d’extraits de casier judiciaire seront totalement gérées en ligne.

En 2019, une nouvelle application permettra également de gérer en ligne l’ensemble de la procédure d’aide juridictionnelle et les possibilités de communication électronique seront étendues à la totalité des juridictions.

Le déploiement de nouvelles applications, à compter de 2020, en matière civile (projet Portalis) comme en matière pénale (projet Procédure pénale numérique, conduit conjointement avec le ministère de l’intérieur), développées en intégrant les exigences de l’État-plateforme et d’interopérabilité avec l’ensemble des partenaires du service public de la justice, permettra une gestion entièrement numérique des procédures, où chacun des acteurs de celle-ci pourra accéder, en fonction de ses droits, à un dossier numérique partagé. Les applications du ministère seront décloisonnées, dans le respect des principes de confidentialité propre à chacun des domaines concernés, favorisant ainsi le suivi et la gestion des parcours individuels, tout en allégeant les tâches des agents. Ces évolutions concerneront les juridictions, mais également la protection judiciaire de la jeunesse (programme Parcours) et l’administration pénitentiaire (gestion des détenus, numérique en détention, renseignement pénitentiaire…).

– Le soutien aux utilisateurs et l’accompagnement du changement : le dispositif de soutien aux utilisateurs internes au ministère sera substantiellement renforcé et rationalisé et le déploiement d’applications nouvelles s’accompagnera d’actions de formation et d’appui à la conduite du changement à la mesure de l’importance des évolutions programmées et de la place désormais conférée aux applications informatiques dans le travail quotidien. La mise en place d’un véritable service public numérique de la justice devra également s’accompagner d’une assistance aux usagers de ce service public, y compris en veillant à l’accueil, dans le réseau des juridictions et de l’accès au droit, mais aussi en partenariat avec l’ensemble des acteurs mobilisables à cet effet, des usagers les plus éloignés du numérique.

La transformation numérique offre l’opportunité unique de rendre notre justice accessible très simplement, à tous, de rendre des décisions plus rapidement, de réduire les distances géographiques, d’introduire de la transparence sur l’avancée des procédures. La réussite de cette transformation, qui irrigue toutes les structures et toutes les activités du service public de la justice, conditionne en bonne partie le succès des autres réformes.

C’est pourquoi le pilotage de la transformation numérique est renforcé, placé sous l’égide d’un comité stratégique présidé par la ministre. L’accroissement substantiel des moyens consacrés au virage numérique sera de la sorte dirigé, orienté et suivi à haut niveau. Il convient, en effet, d’encadrer strictement et d’être en capacité de rendre compte du caractère optimal des choix d’utilisation des crédits d’investissement spécifiquement dévolus au plan de transformation numérique, dont les autorisations d’engagement s’élèveraient à 530 millions d’euros sur la période 2019-2022.

Afin de doter le service des systèmes d’information et de communication du secrétariat général des capacités de conduire et de mettre en œuvre opérationnellement cette révolution numérique, 260 recrutements supplémentaires seront réalisés sur cette même période. Cet effort sur le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » s’ajoute aux moyens par ailleurs consacrés à cette priorité par chacun des autres programmes de la mission justice.

1.2.6 Une organisation judiciaire adaptée à ces évolutions conjuguant proximité et compétence

L’organisation judiciaire doit être plus lisible et plus efficace et s’adapter aux réformes de simplification des procédures engagées et à la transformation numérique engagée. Il est devenu nécessaire de repenser l’organisation des juridictions tant la répartition des contentieux entre les juridictions, notamment en première instance, est devenue illisible pour les citoyens.

Pour conduire la réflexion en ce domaine, la démarche adoptée a été celle de la concertation. Une mission a été confiée à Dominique Raimbourg et Philippe Houillon qui ont auditionné plus de 200 personnes. La concertation menée par les référents a permis de montrer que cette adaptation était nécessaire mais qu’elle devait accompagner une évolution portée par les acteurs de terrain.

Toutes les implantations judiciaires actuelles seront maintenues pour répondre au besoin de proximité et d’accessibilité de la justice.

Afin d’améliorer la lisibilité de la répartition des contentieux en première instance et pour répondre aux besoins de spécialisation des magistrats dans les domaines les plus complexes, le projet de loi prévoit que le contentieux civil des actuels tribunaux d’instance relève de la compétence du tribunal de grande instance qui deviendra ainsi la juridiction de droit commun en première instance, sous la nouvelle dénomination de tribunal de première instance.

Pour garantir un maillage territorial répondant aux besoins de proximité et garantissant l’accès de tous à la justice, le tribunal de première instance pourra comprendre en dehors de son siège une ou plusieurs chambres, correspondant à la localisation des actuels tribunaux d’instance, dont les compétences seront fixées par décret pour répondre au mieux au besoin de justice dans chacun des territoires concernés. Au-delà d’un socle de compétence commun à l’ensemble de ces chambres, les chefs de cours, sur proposition conjointe des chefs de juridictions, présidents et procureurs de la République, pourront leur attribuer un ou plusieurs contentieux supplémentaires afin de prendre en compte la réalité des bassins économique et sociologique de leur ressort, renforçant ainsi la justice de proximité.

Il n’y aura donc aucun éloignement de la justice du quotidien pour le justiciable et aucune désertification du territoire.

Dans les départements dans lesquels sont implantés plusieurs tribunaux de première instance, la multiplicité des interlocuteurs judiciaires vis-à-vis des services et administrations de l’État peut nuire à l’efficacité des politiques menées, notamment en matière pénale et affaiblir la position de l’institution judiciaire dans la conduite de politiques partenariales. Pour remédier à cette situation, tout en préservant l’implantation actuelle des tribunaux de première instance, il est envisagé d’offrir la possibilité au procureur général de désigner un des procureurs de la République du département pour représenter, sous son autorité, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département et d’assurer la coordination des activités s’y rapportant.

En matière pénale, il est prévu la possibilité de regrouper au sein d’une seule juridiction du département certains magistrats spécialisés, juges de l’application des peines et juges d’instruction. Ces évolutions nécessaires permettront de garantir une justice de qualité pour les citoyens, notamment en garantissant une meilleure spécialisation des juges dans les matières les plus complexes.

Elles faciliteront également l’harmonisation de la jurisprudence sur le ressort d’un département en matière civile comme en matière pénale, offrant plus de prévisibilité pour les justiciables. Enfin, elles visent à remédier à l’isolement de certains juges, intervenant ponctuellement dans des domaines complexes sans capacité d’échange sur les pratiques et la jurisprudence et sans équipe autour de lui dédiée au traitement de certains contentieux.

L’association des chefs de juridiction et des chefs de cours au plus près des réalités judiciaires de leur ressort est essentielle pour garantir une parfaite adéquation entre les besoins de justice et l’organisation judiciaire et il leur appartiendra en ce domaine de proposer à la garde des sceaux l’organisation la plus efficace dans chacun des départements concernés.

En appel, le besoin de proximité doit s’appréhender différemment au regard notamment de la représentation obligatoire des justiciables. Cependant, il est nécessaire d’éviter un trop fort éloignement des auxiliaires de justice et des justiciables des cours d’appel. Ainsi, l’ensemble des implantations actuelles des cours sera préservé.

Pour accompagner ces évolutions, une enveloppe de plus de 400 M€ sera consacrée aux investissements immobiliers, à l’amélioration du fonctionnement des juridictions, à la réforme des TASS et des TCI et aux mesures d’accompagnement des réorganisations qui découleront de l’adaptation du réseau des juridictions.

1.2.7. Une justice plus prévisible

Il convient en premier lieu de donner une portée concrète aux dispositions de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, prévoyant la mise à disposition du public, à titre gratuit, des décisions de justice, dans le respect de la vie privée des personnes et en prévenant les risques de ré-identification. Conformément aux préconisations du rapport remis à la garde des sceaux, le 9 janvier 2018, par la mission d’étude et de préfiguration de l’open data des décisions de justice, cette mise à disposition devra respecter un principe d’une occultation des éléments d’identification des personnes mentionnées dans la décision, y compris les magistrats et les fonctionnaires de greffe, et sera confiée aux cours suprêmes de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Elle devra s’accompagner d’une régulation des algorithmes qui exploitent les données issues de décisions, afin d’assurer une transparence sur les méthodologies mises en œuvre. Le profilage des magistrats et des fonctionnaires du greffe sera également interdit afin de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement de la justice.

Le service public de la justice doit également mettre en capacité l’ensemble de ses usagers, mais aussi de ses acteurs, de mieux mesurer l’évolution de son activité et de la qualité du service rendu. Le système d’information décisionnel du ministère évoluera pour fournir, au niveau national comme au niveau local, des outils efficaces d’analyse et de pilotage de l’activité. Les usagers devront pouvoir accéder en ligne à une information pratique nourrie, enrichissant ce qui figure déjà sur le site Justice.fr (accessibilité des juridictions, pédagogie des procédures, simulateurs…), mais aussi, par exemple, à des indicateurs de délai de procédure devant la juridiction qu’ils envisagent de saisir, ou encore à des barèmes ou à des référentiels jurisprudentiels indicatifs. La qualité du service rendu sera également mesurée par le biais d’enquêtes de satisfaction auprès des usagers, avec des indicateurs adaptés aux spécificités du service public de la justice.

1.2.8.

Supprimé

1.3. Cette réforme doit redonner du souffle au fonctionnement de l’institution

1.3.1. La conjonction de toutes ces réformes permet de redéployer des emplois

Simplification de procédure, déjudiciarisation, dématérialisation des processus, organisation adaptée, compte tenu de la concertation locale, de la première instance, toutes ces réformes vont transformer en profondeur l’activité des magistrats et des fonctionnaires des services judiciaires, et redonner de la force de travail au profit de la qualité et de la célérité des jugements.

Sur la période 2019-2022, il est ainsi prévu de redéployer les emplois dans le but d’optimiser le traitement des litiges. À l’effet des mesures législatives contenues dans cette loi de programmation s’ajoutent celui de dispositions de niveau réglementaire, qui entraîneront également un gain de temps important pour les personnels. C’est le cas particulièrement de l’acte unique de saisine dématérialisée, de l’assignation du défendeur par huissier, du développement des procédures participatives pour la mise en état.

Le plan de transformation numérique, dont ce n’est cependant pas l’objet premier, contribuera aussi à dégager temps et ressource humaine au profit des activités du cœur de métier des juridictions. En effet, la dématérialisation de toutes les procédures, tant pénales que civiles, avec la constitution d’un dossier unique numérique, limitera considérablement les actes de saisie et de traitement sur support papier.

Ces différentes évolutions permettent, dans le même mouvement, de renforcer le taux d’encadrement des juridictions et d’étoffer les missions d’appui et de soutien. En outre, ces redéploiements autorisent le renfort des équipes autour du magistrat, au siège et au parquet, notamment pour le traitement des contentieux les plus spécialisés.

1.3.2. Un renouveau des méthodes de travail

Ces possibilités de redéploiement ouvrent la perspective d’une véritable amélioration de la situation des juridictions, au sein desquelles le malaise des agents est aujourd’hui patent. S’y ajouteront 2 328 emplois sur la période 2019–2022.

La résorption des vacances d’emploi est en effet une priorité, car elles pèsent lourdement sur les conditions de travail des agents exerçant dans les services concernés, soumis à la pression de l’urgence et du retard dans le traitement des dossiers. Toutes les vacances d’emplois de magistrats et de greffiers seront notamment résorbées d’ici la fin du quinquennat.

Il conviendra de ne plus ajouter de charges nouvelles pour la justice sans en évaluer au préalable la pertinence et l’impact. Un effort particulier sera ainsi fait sur les prochaines années pour adapter les emplois de juge des libertés et de la détention à l’élargissement de leurs missions.

Ces possibilités de redéploiement vont encore conduire à une redéfinition de la structure d’emplois, en tenant compte des conséquences de la réforme de l’adaptation du réseau des juridictions, de la transformation numérique et de la mise en œuvre des nouveaux modèles d’organisation à travers les équipes de magistrats et fonctionnaires.

En effet, la constitution d’équipes autour du magistrat permet de concentrer le temps de travail des magistrats sur leur cœur d’activité et de les appuyer quand le contentieux nécessite des compétences spécialisées. La création de juristes assistants est d’ores et déjà un succès dans les juridictions et permet de créer un nouveau vivier pour de futurs magistrats. 248 emplois de juristes assistants seront créés au cours du quinquennat. Les greffiers assistants du magistrat seront étendus au sein du parquet, avec la création de 250 emplois. Le recrutement d’assistants de justice et d’assistants spécialisés sera poursuivi. Des interprètes seront recrutés à plein temps, en substitution de collaborateurs occasionnels du service public là où le besoin le justifie.

La transformation numérique va changer très profondément les méthodes de travail des magistrats et fonctionnaires. Conjuguée aux évolutions de procédure qui sont envisagées, elle va rendre nécessaire bien plus qu’une formation aux nouveaux outils, un accompagnement fort de la conduite du changement. Des emplois seront ainsi créés pour accompagner cette transformation et des efforts de redéploiements internes seront accomplis. C’est cette nouvelle allocation des ressources qui permet de créer des emplois de correspondants locaux informatiques, dont l’utilité pour le plein déploiement de la réforme numérique est certaine. Enfin, la transformation numérique impliquera des actions de formation afin que chacun puisse s’approprier les nouvelles méthodologies de travail induites par ces changements.

Par ailleurs, la formation des magistrats, tant initiale que continue, devra s’adapter à ces évolutions pour que les magistrats, au-delà de leur expertise juridique, acquièrent davantage la dimension liée au management, à la gestion budgétaire et administrative afin, notamment de mieux prendre en compte, dans le respect de leur indépendance juridictionnelle, l’impact financier de leur activité en optimisant davantage les frais de justice. La formation des fonctionnaires s’adaptera aussi à ces nouveaux outils et le travail en équipe devra être valorisé, tant pour les magistrats que pour les fonctionnaires au sein des deux écoles de formation. La formation des juges consulaires sera mise en œuvre par l’école nationale de la magistrature qui devra donc assumer l’augmentation du public à former.

1.3.3. Des moyens humains et matériels pour améliorer la qualité de l’environnement de travail et l’accueil du justiciable

L’amélioration des moyens de fonctionnement a été une priorité du budget 2018 avec une hausse de 9 % des crédits hors masse salariale des juridictions. Le maintien de dotations suffisantes au cours du quinquennat est indispensable pour assurer de manière structurelle le bon fonctionnement des juridictions. Ainsi les économies rendues possibles par la dématérialisation (économies d’affranchissement notamment) seront redéployées. L’équipement en ultraportable des magistrats et fonctionnaires qui en ont besoin pour leur activité sera poursuivi en 2019.

La remise à niveau des infrastructures et des équipements informatiques précédemment évoqué améliorera très sensiblement les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires. Le renforcement du réseau des correspondants locaux informatiques, avec la création pérenne d’emplois et une professionnalisation de leur formation, participera du confort de travail des fonctionnaires comme des magistrats. Un renfort encore plus important est prévu jusqu’en 2022 pour accompagner les transformations en cours et l’adaptation du réseau judiciaire.

L’investissement immobilier accompagnera l’adaptation du réseau judiciaire, dans les cas où il nécessitera des travaux, afin de donner aux agents des conditions de travail de qualité. Les crédits dédiés aux opérations classiques conduites par les délégations interrégionales du secrétariat général seront maintenus autour de 70 millions d’euros sur toute la période. Les opérations conduites par l’APIJ (Aix, Lisieux, Lille, Mont-de-Marsan, Perpignan) conservent toute leur pertinence et seront poursuivies. La restructuration de l’Ile de la Cité sera également une priorité immobilière suite au départ du tribunal de grande instance de Paris, à la fois pour assurer la remise aux normes techniques du bâtiment et permettre le regroupement des services de la cour de cassation et de la cour d’appel, facilitant de la sorte leur travail tout en étant source d’importantes économies de loyer. L’amélioration de la situation immobilière outre-mer sera poursuivie avec l’achèvement des opérations en cours à Pointe-à-Pitre, Saint -Martin et Basse-Terre et le lancement de la construction d’un tribunal judiciaire à Saint-Laurent du Maroni, en Guyane.

L’attention à la situation des agents des services judiciaires sera une préoccupation forte dans cette période d’intense évolution. Il est ainsi prévu de renforcer le réseau des assistants de prévention. La création d’un emploi de psychologue du travail et d’un infirmier du travail dans chaque DRHAS viendra également améliorer le suivi de la santé au travail des agents du ministère.

1.3.4. Une recherche déterminée de l’efficacité de gestion

Le niveau élevé des charges à payer et le risque de reconstitution de retards de paiement dans les juridictions, préjudiciables à la bonne conduite des procédures pénales, font de la maîtrise de l’évolution des dépenses de frais de justice un enjeu budgétaire majeur pour le ministère de la justice. Le ministère mène, depuis plusieurs années, une action résolue de maîtrise des frais de justice qui va se poursuivre sur les années 2019-2022. Il met notamment en œuvre les recommandations de la revue des dépenses réalisée par l’IGJ et le CGEFI en 2015.

Les économies sur les interceptions judiciaires montent en puissance avec la mise en œuvre effective de l’obligation d’usage de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui assure désormais plus de 90 % des prestations annexes et des interceptions judiciaires, et la baisse des tarifs des opérateurs de communication électronique (OCE). Dans les années à venir, ces économies devraient s’accroître grâce à l’extension du périmètre de la PNIJ (prise en compte dès 2018 de la géolocalisation des terminaux en temps réel) et la poursuite des baisses de tarifs des OCE. D’ici à 2022, l’économie espérée grâce à la PNIJ est estimée à 50 millions d’euros par an sur l’enveloppe allouée aux frais de justice.

Atteindre cette cible implique de continuer à améliorer la performance de la PNIJ, de l’adapter en permanence aux évolutions technologiques et de travailler d’ores et déjà à la conception d’une plateforme de nouvelle génération, qui succédera à l’actuelle plateforme, lorsque celle-ci sera frappée d’obsolescence et favorisera une internalisation du dispositif. Un budget d’environ 30 millions d’euros par an est ainsi prévu pour poursuivre l’évolution technologique de la PNIJ et des nouvelles techniques d’enquête.

Des travaux sont par ailleurs en cours avec le ministère de l’intérieur pour la mise en œuvre des nouvelles techniques d’enquête (balises de géolocalisation, IMSI catcher, captation de données informatiques…).

Le ministère cherche également à rendre plus efficiente la gestion des scellés en agissant sur trois leviers : limitation de l’entrée des scellés dans les juridictions, rationalisation de la gestion des scellés et fluidification des mécanismes de sortie des scellés. Parmi les actions les plus significatives, des plans d’apurement des scellés (automobiles, scellés biologiques) adossés à un mécanisme d’intéressement des juridictions sur leurs crédits de fonctionnement permettent de réaliser des économies très significatives (5 millions d’euros d’économies supplémentaires en 2018). La dématérialisation de la gestion des scellés est par ailleurs inscrite dans le plan de transformation numérique, avec le déploiement du module « scellés » de Cassiopée et le développement d’un outil de gestion des scellés, qui sera utilisé dans un premier temps par le tribunal de grande instance de Paris.

La professionnalisation du traitement des dépenses et des achats sera poursuivie dans tous les domaines de frais de justice, dans le respect de l’indépendance de prescription des magistrats. Ainsi au plan organisationnel, la direction des services judiciaires s’est engagée dans le processus visant à la mise en place, à l’issue d’une phase expérimentale, de services centralisateurs régionaux des frais de justice en charge du traitement des mémoires et de la certification sur l’ensemble du ressort de la cour d’appel. Des évolutions importantes sont en cours sur chaque grand pan de dépenses. La direction des services judiciaires, à travers plusieurs cycles de négociations avec les prestataires et notamment les experts de justice, a consolidé, segment par segment, des stratégies d’achat utilisant des leviers efficaces comme la tarification (analyse toxicologique), l’appel d’offres (analyse génétique des individus – fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)) ou l’instauration de barèmes (expertise informatique).

Un logiciel de traduction automatisée est en cours d’acquisition pour tester la possibilité de limiter l’intervention de traducteurs personnes physiques. Une cellule opérationnelle intervient en soutien des juridictions pour des affaires importantes pour réaliser des mises en concurrence, négocier des devis.

Les efforts d’économies des services judiciaires ne s’arrêtent pas aux frais de justice. La performance de gestion est recherchée également pour le fonctionnement des juridictions. L’effort de dématérialisation va permettre de réaliser d’importants gains sur l’affranchissement (14 millions d’euros prévus en 2022).

1.4. Améliorer la qualité et l’efficacité de la justice administrative

La juridiction administrative doit faire face à une augmentation constante du contentieux dans un cadre budgétaire contraint.

Depuis quinze ans, les recours ont augmenté en moyenne de 3, 8 % par an devant les tribunaux administratifs (112 700 affaires en 2002, 197 000 en 2017). À cette augmentation tendancielle du nombre de recours, s’ajoutent :

– la charge d’un nombre toujours croissant de contentieux de l’urgence et de contentieux sous délai de jugement contraint qui pèse sur l’organisation des juridictions ;

– en 2019, le transfert aux tribunaux administratifs d’une partie des contentieux d’aide sociale actuellement traités par les commissions départementales d’aide sociale en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ;

– en 2020, le transfert aux tribunaux administratifs du contentieux des pensions militaires d’invalidité actuellement traité par des juridictions spécialisées (loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense).

S’agissant du Conseil d’État, malgré les très importantes réformes opérées dans le but de le recentrer sur son rôle de juridiction suprême, le nombre des entrées n’est pas descendu en - dessous du niveau élevé de 9 000 à 10 000 affaires par an constaté depuis trente ans. Il est aujourd’hui ce qu’il était avant la création des cours administratives d’appel.

Le contentieux s’est en outre alourdi, car la stabilité globale des entrées recouvre une diminution des requêtes simples affectées aux juridictions subordonnées (appel des reconduites à la frontière, recours contre les refus de visas d’entrée en France, affaires individuelles dont le Conseil d’État connaissait en premier ressort) entièrement compensée par des affaires plus difficiles, en premier ressort et en cassation. De nouvelles procédures génératrices de contentieux supplémentaires, comme la question prioritaire de constitutionnalité et le contentieux du renseignement, se sont en outre ajoutées.

Les recours en cassation sur les contentieux de masse traités par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) (les recours devant la CNDA ont crû de 34 % en 2017 ; 61 000 sont attendus en 2018) et la nouvelle commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) (qui devrait enregistrer au minimum 100 000 requêtes par an) pourraient peser à l’avenir sur les missions juridictionnelles du Conseil d’État.

Cette augmentation continue du contentieux ne saurait être absorbée par une augmentation proportionnelle du nombre de magistrats. Le budget pluriannuel 2018-2022 prévoit des créations de postes de magistrats pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, mais en augmentation bien moindre que l’augmentation moyenne du contentieux, de 3, 8 % constatée depuis quinze ans. Certains de ces postes devront, au demeurant, être affectés à la CNDA et à la CCSP.

L’amélioration de la performance et l’équilibre à moyen terme de la juridiction administrative ne pourront être trouvés, compte tenu de la croissance nécessairement limitée du nombre de magistrats, que dans l’augmentation de l’aide à la décision, c’est-à-dire de la collaboration apportée aux magistrats par des assistants juristes, et dans une redéfinition de l’office du juge administratif, de telle sorte que ce juge ne soit pas systématiquement et directement saisi de toutes les difficultés résultant de l’activité des services publics.

Les mesures législatives proposées visent à permettre aux juridictions administratives de faire face à leur charge croissante. Elles permettent ainsi de recentrer les magistrats sur leur cœur de métier en élargissant les possibilités de recours aux magistrats honoraires, en autorisant le recrutement de juristes assistants et en tenant compte de l’intérêt du service public de la justice pour apprécier les mérites d’une demande de maintien en activité des magistrats administratifs et membres du Conseil d’État au-delà de la limite d’âge. Elles réduisent également le nombre de litiges soumis au juge en allongeant la durée d’expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire pour certains contentieux. Au-delà, il convient de réexaminer et de simplifier en profondeur les procédures qui engendrent des contentieux systématiques sans gain réel pour le justiciable.

L’amélioration de l’efficacité et la qualité de la justice rendue est par ailleurs recherchée avec l’ouverture de la possibilité de statuer en formation collégiale pour les référés précontractuels et contractuels et l’accroissement de l’effectivité des décisions de justice en renforçant les pouvoirs d’injonction du juge.

2. Un service public de la justice plus protecteur et attentif aux plus démunis et aux personnes en souffrance

2.1. Promouvoir l’accès au droit

Dans un contexte de profonde évolution de l’institution judiciaire, les dispositifs d’accès au droit seront essentiels pour que le justiciable ne soit pas désorienté. Ils devront s’adapter à l’organisation judiciaire et à la répartition des contentieux telles qu’issues de la concertation locale pour que le maillage de l’accès au droit soit optimisé, favoriser le développement des modes alternatifs de règlement des litiges et accompagner la transformation numérique.

Pour la plupart des citoyens, l’accès au droit sera en effet facilité avec la dématérialisation progressive des procédures de justice, la possibilité de saisir en ligne la justice, le développement de l’offre en ligne de résolution amiable des différends, l’open data. Mais il conviendra de veiller à ce que les personnes les plus éloignées du numérique trouvent également une réponse dans les points d’accès au droit et soient accompagnées dans leurs contacts avec la justice pour que la dématérialisation ne devienne pas, pour elle, un obstacle vers le juge et la justice.

2.2. Une aide juridictionnelle rationalisée et permettant à chacun d’avoir une défense de qualité

Depuis 2015, l’État a entrepris une réforme progressive de l’aide juridictionnelle visant principalement à mieux rétribuer les avocats, à trouver des ressources nouvelles et à mieux protéger les plus démunis en relevant les plafonds de ressources. Les moyens consacrés à l’aide juridictionnelle ont ainsi augmenté de près de 40 % entre 2014 et 2018. L’unité de valeur servant de référence pour le calcul de la rétribution des avocats a fortement progressé, passant de 22, 5 euros hors taxes à 32 euros. Le plafond de ressources pour une personne seule atteint désormais 1 017 € contre 941 euros en 2015.

Les crédits prévus sur le quinquennat progressent de façon modérée, afin de financer l’augmentation structurelle de l’aide juridictionnelle, tout en prévoyant des mesures de rationalisation de ces dépenses et en incluant la perspective de nouvelles recettes.

Il est également nécessaire de simplifier l’accès à l’aide juridictionnelle qui fait l’objet d’un million de demandes par an. Elle sera accessible en ligne, dans une version simplifiée, au plus tard le 31 décembre 2019. Elle sera numérisée de bout en bout, de la demande initiale à l’instruction et l’attribution, pour les justiciables comme pour les auxiliaires de justice.

Une mission, conduite conjointement par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de la justice, a par ailleurs expertisé des solutions d’organisation nouvelle, comme la mise en place au sein des barreaux de structures spécifiquement destinées à l’aide juridictionnelle, notamment en matière pénale.

Elle a aussi étudié les pistes d’une meilleure prise en charge de la rémunération de l’avocat par les assurances de protection juridique. Les conclusions et préconisations de cette mission nourriront la préparation, en concertation avec les avocats, de mesures et dispositifs adéquats qui viendront compléter les mesures introduites dans la loi de programmation pour la justice, telles que le rétablissement, en première instance, du « droit de timbre » pour la partie qui introduit l’instance, modulable de 20 à 50 euros ou la mise en place d’une consultation préalable au dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle auprès d’un avocat, financée sur le budget de l’aide juridictionnelle, afin de vérifier le bien-fondé de l’action.

2.3. Accompagner les victimes

Les crédits en faveur de la politique d’aide aux victimes continueront à progresser au cours du quinquennat pour atteindre près de 30 millions d’euros en fin de période, soit trois fois plus qu’en 2012. Ils permettent un véritable soutien dans la durée des associations d’aide aux victimes, qui peuvent ainsi mettre en place des actions de long terme et recruter des personnels, sans crainte d’une restriction non anticipée des financements. Il s’agit ainsi d’améliorer :

– le maillage territorial en augmentant la présence de permanences notamment au sein des commissariats, des brigades de gendarmerie, et des hôpitaux ;

– la qualité des prises en charge par le renforcement des effectifs et le développement des compétences spécialisées pour les victimes particulièrement vulnérables comme les victimes mineures ou les plus gravement traumatisées ;

– la capacité du réseau associatif à se mobiliser en urgence et à prendre en charge, dans ces conditions, des victimes, en particulier les plus gravement traumatisées, ou leurs proches, notamment en cas d’événement de grande ampleur, ce qui implique une grande disponibilité des associations, voire l’organisation de permanences ou d’astreintes.

Ces moyens permettent également de financer des actions ciblées sur l’accompagnement des victimes de terrorisme et d’accidents collectifs comme la professionnalisation du réseau référents associatifs « victimes d’actes de terrorisme », le renforcement des moyens des associations d’aide chargées d’accompagner les victimes lors de procès hors normes (accidents collectifs, attentats) ou à l’occasion de faits commis à l’étranger, la participation des associations aux comités locaux d’aide aux victimes.

Un agrément des associations d’aide aux victimes sera mis en place au niveau national. Il s’appuiera sur un référentiel de bonnes pratiques en faveur des victimes, offrira une garantie de la qualité de l’activité de l’association et du professionnalisme de ses salariés ainsi qu’un gage de fiabilité et de transparence dans l’organisation de celle-ci.

Le dispositif de téléphone « grave danger », qui a montré son utilité pour la prévention de la récidive dans les violences faites aux femmes, sera étendu, notamment en outre-mer.

L’amélioration du dispositif d’aide aux victimes passe également par la concrétisation d’une coordination interministérielle renforcée, sous l’égide de la délégation interministérielle à l’aide aux victimes placée auprès de la garde des sceaux, par le développement de schémas départementaux d’aide aux victimes et une optimisation de la conduite et du pilotage de la politique d’aide aux victimes. Un système d’information interministériel sur les victimes d’attentats et de catastrophes (SIVAC) sera construit afin de doter les différents acteurs publics d’un outil de travail informatisé pour conduire les actions nécessitées par des évènements générant de nombreuses victimes (acte de terrorisme, accidents collectifs, catastrophes). En orchestrant les échanges d’informations utiles, au travers d’un « hub » d’échange de données, le SIVAC évitera aux opérationnels des tâches de manipulation des données et leur permettra ainsi de se concentrer sur les actes au cœur de leur métier.

3. Un engagement sans faille pour mieux prévenir la radicalisation et lutter contre le terrorisme

3.1. Mieux prévenir la radicalisation dans les établissements pénitentiaires

Le ministère de la justice a été très impliqué dans la conception du plan national de prévention de la radicalisation. Pour la mise en œuvre des mesures annoncées par le Premier ministre lors du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation du 23 février 2018, la direction de l’administration pénitentiaire doublera en 2018 les capacités d’évaluation des détenus terroristes et radicalisés dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) et créera deux nouveaux quartiers de prise en charge des détenus radicalisés les plus prosélytes (QPR). Elle s’applique également à développer l’accès des chercheurs au milieu carcéral.

En outre, dans la suite du relevé de conclusions du 29 janvier 2018, elle créera 450 places de détention étanches pour le regroupement des terroristes et radicalisés d’ici à la fin de l’année 2018 et poursuivra un objectif de 1 500 places dans des quartiers étanches du reste des détentions. Ces structures dédiées aux détenus radicalisés et violents seront implantées dans près de 80 établissements pénitentiaires, au sein desquels, par ailleurs, seront étendus les programmes de prévention de la radicalisation violente. Enfin, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) créera en province trois centres de prise en charge individualisée des personnes radicalisées suivies en milieu ouvert sur le modèle du dispositif RIVE, à Paris.

La montée en puissance du renseignement pénitentiaire sera poursuivie. Une centaine de personnels dédiés au renseignement seront recrutés sur les cinq années. En parallèle, l’administration pénitentiaire se dote d’un système d’information dédié au renseignement. Une première version sera mise à disposition de l’ensemble des agents du réseau d’ici à la fin de l’année 2018.

3.2. Renforcer la prise en charge éducative des jeunes radicalisés et des mineurs de retour de Syrie

La prise en charge des mineurs radicalisés constitue également une politique publique à part entière, assumée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle a dû adapter ses modalités de prise en charge à ce nouveau public particulièrement complexe pour être capable d’intervenir rapidement et de façon adaptée. Les crédits dédiés à la lutte contre le terrorisme permettent de former les personnels à la prévention de la radicalisation et de faire vivre le réseau des référents laïcité. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse étudie également des dispositifs de prise en charge innovants pour ces publics. Depuis fin 2016, elle expérimente ainsi le dispositif d’accueil spécialisé et individualisé (DASI), qui propose une prise en charge éducative individuelle renforcée et thérapeutique en faveur de jeunes filles et garçons poursuivis pour des faits d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste ou en situation de radicalisation.

La DPJJ va également être confrontée à un nouveau public nécessitant une prise en charge éducative adaptée : les mineurs de retour de zone de guerre irako-syrienne. Leur nombre est estimé à plus de 400, la moitié d’entre eux étant âgés de moins de cinq ans. La protection judiciaire de la jeunesse voit ses moyens renforcés à compter de 2019 pour systématiser les mesures judiciaires d’investigation éducative à destination des mineurs de retour de Syrie ou en voie de radicalisation.

3.3. Améliorer encore l’efficacité de la justice antiterroriste

Il apparaît particulièrement nécessaire de procéder à une spécialisation du ministère public en matière de lutte contre le terrorisme. Plusieurs facteurs conduisent, de fait, à inscrire dans la présente loi les dispositions relatives à la création d’un parquet national antiterroriste (PNAT).

Tout d’abord, une menace exogène d’actions terroristes planifiées de l’extérieur comme ce fut le cas pour les attentats du 13 novembre 2015. Ensuite, une menace endogène de la part de néophytes se radicalisant très rapidement ou d’individus plus endurcis qui, faute de n’avoir pu partir sur des théâtres d’opération, passent à l’acte dans le cadre des appels au meurtre régulièrement diffusés par l’organisation « DAESH ». Enfin, un milieu carcéral qui apparaît comme un incubateur préoccupant de la menace en raison de l’activité prosélyte de détenus déjà radicalisés.

Des principes complémentaires de spécialisation et d’optimisation des moyens, dans le but de mettre en œuvre une politique pénale antiterroriste la plus efficace possible, amènent à concentrer l’action du ministère public dans la lutte contre le terrorisme.

Plusieurs objectifs sont poursuivis :

– améliorer l’efficacité de la justice pénale antiterroriste, permettant de disposer d’une force de frappe judiciaire à hauteur des enjeux. C’est la condition d’une réactivité accrue grâce à des échanges plus nourris, mieux construits avec l’ensemble des autres acteurs régaliens de la lutte contre le terrorisme, y compris aux niveaux européens et internationaux ;

– renforcer le contrôle de l’exécution des peines et le suivi des détenus terroristes notamment par le développement du renseignement pénitentiaire qui doit davantage encore monter en puissance et par le renforcement des mesures de prévention de la radicalisation ;

– améliorer la formation dans le domaine de la lutte antiterroriste afin que l’ensemble des acteurs concernés disposent du bagage et des outils adéquats.

Le parquet national antiterroriste sera placé auprès du tribunal de Paris mais disposera d’un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d’actes d’enquête afin de répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attaque terroriste. Il pourra s’appuyer également sur un réseau de procureurs délégués à la lutte contre le terrorisme au sein des parquets de première instance dont les ressorts sont particulièrement exposés à la montée de l’extrémisme violent.

3.4. Simplifier et améliorer le parcours procédural des victimes d’actes de terrorisme

Les victimes d’actes de terrorisme, déjà dramatiquement éprouvées, se trouvent aujourd’hui confrontées à un parcours procédural complexe lorsqu’elles sollicitent la réparation des préjudices subis, ce parcours s’inscrivant souvent dans le sillage de la procédure pénale et faisant intervenir de multiples acteurs. Prenant appui sur les travaux de la mission confiée par la garde des sceaux à Chantal Bussière, il est proposé de simplifier ce parcours, d’accélérer leur indemnisation tout en favorisant leur égalité de traitement.

Dans cette perspective, il est tout d’abord donné compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation des préjudices des victimes de terrorisme, au fond comme en référé, selon les règles applicables à la procédure civile, ce qui permettra d’éviter que le traitement de ce contentieux particulièrement technique retarde le déroulement de l’information judiciaire et la tenue du procès.

Cette compétence exclusive a pour corollaire l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction constituant un acte de terrorisme. Les victimes d’un acte de terrorisme conserveront en revanche la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique et se voir reconnaître la qualité de victime. À cette fin, elles pourront notamment avoir accès au dossier de la procédure, formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité.

Dans la phase amiable, il est par ailleurs prévu de renforcer les garanties offertes aux victimes de terrorisme s’agissant du choix par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) du médecin procédant à l’examen médical de la victime et de conférer au FGTI des pouvoirs d’auditions et d’investigations en vue d’accélérer l’indemnisation des victimes de terrorisme.

4. Des peines plus efficaces et mieux adaptées, des personnels confortés dans leurs missions

4.1. Renforcer l’efficacité des peines

Un double objectif doit être poursuivi : assurer le prononcé de peines efficaces et adaptées aux infractions sanctionnées et garantir leur exécution effective.

Ce double objectif est, cependant, loin d’être atteint aujourd’hui. Près de 90 000 peines prononcées sont des courtes peines d’emprisonnement, de moins de six mois. Elles ne permettent pas un réel travail de prévention de la récidive. En leur sein, près de 10 000 sont d’une durée inférieure ou égale à un mois. Elles se révèlent particulièrement désocialisantes. Cette inefficacité est renforcée par la situation actuelle de surpopulation carcérale qui atteint, en moyenne, 140 % dans les maisons d’arrêt.

Dans le même temps, depuis dix ans, dans une simple perspective de gestion des flux de la population dans les établissements pénitentiaires, s’est développé un système d’examen automatique d’aménagement des peines de moins de deux ans. Cette procédure a été introduite à l’article 723-15 du code de procédure pénale par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle a été modifiée par la loi pénitentiaire de 2009 pour en prévoir l’application à toutes les personnes non incarcérées condamnées à des peines dont la durée est inférieure ou égale à deux ans.

Ce système crée une véritable complexité dans l’exécution des peines d’emprisonnement. Plus profondément, il dénature le sens de la peine en prévoyant le prononcé d’une peine d’emprisonnement qui peut ensuite être totalement transformée par un juge d’application des peines.

Dans le cadre des chantiers de la justice, un certain nombre de propositions ont été formulées, à la fois pour favoriser le prononcé de peines plus efficaces que les courtes peines d’emprisonnement et pour assurer la pleine exécution des peines d’emprisonnement effectivement prononcées.

Il est prévu de donner aux juridictions de jugement la pleine responsabilité d’aménager elles-mêmes ou de décider, pour les peines d’une durée inférieure ou égale à un an, s’il y aura ou non aménagement par le juge de l’application des peines : tout examen automatique des peines d’emprisonnement aux fins d’aménagement par le juge de l’application des peines est supprimé.

La possibilité de décerner un mandat de dépôt à effet différé, avec convocation devant le procureur de la République sous un mois, offrira également au juge correctionnel une alternative pour placer en détention un condamné comparaissant libre plutôt que de le renvoyer devant le juge d’application des peines, quand le mandat de dépôt à l’audience n’est pas adapté.

La contrainte pénale, dispositif novateur et spécialement intéressant en vue d’individualiser la peine, s’avère peu utilisée (1 200 contraintes pénales prononcées) en raison de la trop grande complexité des conditions de sa mise en œuvre et de l’impossibilité de principe qu’elle pose de prononcé d’une peine mixte, de prison et de suivi.

Le sursis mise à l’épreuve (SME) fait l’objet d’un recours plus intensif puisque 80 000 sont infligés par an. Toutefois, cette mesure ne bénéficie pas des modalités de suivi de la contrainte pénale, qui garantissent une évaluation renforcée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Il est donc proposé de fusionner la contrainte pénale et le SME pour créer une peine autonome de probation, qui préserve la possibilité de mettre en place un suivi renforcé et évolutif adapté à la situation du condamné. Cette mesure dynamique induit un renforcement de l’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation, pour nourrir les enquêtes de personnalité et surtout au travers de la systématisation d’un suivi socio-éducatif de qualité dont le rôle est majeur pour la prévention de la récidive.

De façon globale et dans un but de prévention de la récidive, une intervention renforcée des services d’insertion et de probation ou des associations habilitées est recherchée, tant en présentenciel, pour aider les magistrats dans la recherche de la sanction la plus adaptée, au travers d’enquêtes de personnalité abouties, que dans l’exécution de la peine.

Rendant le dispositif des sanctions plus lisible, facilitant pour le juge la possibilité de prononcer des peines adaptées et favorables à la réinsertion, renforçant la certitude de l’exécution de la peine décidée, cette réforme est essentielle pour asseoir la confiance du citoyen dans la justice. Elle permet, de manière secondaire, de lutter contre la surpopulation carcérale en maison d’arrêt en évitant le prononcé de peines conduisant à l’incarcération lorsqu’elle n’est pas la meilleure solution de réparation.

La mise en œuvre de cette politique pénale refondée est, en conséquence, prise en compte dans le programme immobilier nécessaire pour garantir que l’objectif d’encellulement individuel soit atteint d’ici décembre 2022.

4.2. Conforter la sécurité et l’autorité des personnels et mieux reconnaître leurs métiers et leurs missions

Afin de sécuriser les établissements pénitentiaires et leurs abords, des crédits complémentaires sont prévus. Ils vont permettre d’assurer la sécurisation périmétrique des établissements pénitentiaires : face à l’accroissement des saisies de matériels illicites (33 521 portables découverts en 2016), des systèmes de détection de nouvelle génération et plus performants pour les produits illicites ou dangereux seront déployés dans les établissements pour permettre d’améliorer significativement leur dépistage, notamment celui des téléphones portables. En parallèle, le déploiement d’un système de brouillage des communications est prévu, échelonné au regard de son coût important sur une période de cinq ans. L’objectif est de couvrir tous les établissements sensibles à l’horizon 2022. De plus, l’administration pénitentiaire se dote d’un système de lutte contre les drones malveillants. En effet, les intrusions des drones sur des sites sensibles se multiplient : une quinzaine de survols ont été constatés sur des établissements pénitentiaires en 2016 ; certains drones ont été retrouvés échoués sur des domaines ou des chemins de ronde.

Dans le but de prévenir les actes de violence contre les personnels, les systèmes de vidéo-surveillance des établissements pénitentiaires seront rénovés. Afin de renforcer la protection des personnels, les dotations seront complétées par des tenues redéfinies en fonction des missions (tenues pare-coups, vêtements anti-coupures, gants adaptés pour tous…) et les équipements de sécurité seront améliorés (passe-menottes, arrêtoirs de portes…).

Plus de 80 millions d’euros sont donc consacrés sur la période 2018-2022 à la sécurité des sites pénitentiaires et du personnel qui y travaille.

En outre, des équipes locales de sécurité pénitentiaire dans les établissements les plus exposés seront créées.

L’amélioration des conditions de travail du personnel, au-delà de la résorption de la surpopulation carcérale, requiert la réalisation des effectifs à la hauteur de l’armement théorique des structures. Les vacances de postes nombreuses qui sont aujourd’hui constatées correspondent à l’écart entre les effectifs cibles et les effectifs affectés en établissements ; elles baissent au moment des sorties de promotions de l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) pour remonter chaque mois au gré des départs en retraite, détachements et disponibilités. La réactivité pour combler les départs est aujourd’hui très faible car soumise au cadencement des sorties de formation. À partir de 2019, le cadencement des formations de surveillants sera rationalisé en revoyant le rythme des sorties de promotions. Cela permettra une réactivité plus grande par rapport aux départs qui se réalisent tout au long de l’année et une meilleure prise en charge par l’ENAP des promotions dont le volume correspond davantage aux capacités d’accueil de l’école. Le pic des vacances, qui est actuellement atteint plusieurs mois après la dernière arrivée de stagiaires, devrait baisser sensiblement.

Le relevé de conclusions signé le 29 janvier 2018 prévoit une accélération du comblement des vacances à hauteur de 1 100 postes sur 4 ans (100 en 2018, 400 en 2019, 300 en 2020 et 2021).

La reprise par le ministère de la justice de la compétence en matière d’extractions judiciaires des forces de sécurité intérieure à la direction de l’administration pénitentiaire, décidée en 2010, s’est traduite par le transfert de 1 200 emplois du ministère de l’intérieur. En outre, 450 emplois supplémentaires ont été recrutés à ce titre grâce au second volet du plan de lutte antiterroriste.

Malgré ces emplois supplémentaires, la reprise de ces missions reste délicate et fortement consommatrice de ressources pour les services de l’administration pénitentiaire. Ces difficultés se traduisent par un niveau important d’annulation ou de recours aux forces de sécurité intérieure. La cause en est double : d’une part un sous-dimensionnement initial des emplois nécessaires à la reprise totale, d’autre part une organisation territoriale des services pénitentiaires en charge des extractions judiciaires qui ne permet pas une gestion optimale des missions à réaliser.

Pour répondre à cette dernière difficulté, la direction de l’administration pénitentiaire met en œuvre, dès 2018, des extractions judiciaires de proximité, dites extractions vicinales, qui permettent le renforcement du maillage territorial. Pour réaliser cette réorganisation et ainsi limiter à un nombre résiduel les impossibilités de faire, 150 surveillants supplémentaires, dédiés à ces missions, seront recrutés entre 2018 et 2020, portant à 1 800 les recrutements à ce titre depuis la reprise de la mission.

L’amélioration des conditions d’exercice du personnel pénitentiaire passe encore par la reconnaissance de ses métiers, de leurs spécificités et des contraintes qui y sont associées. Ainsi, les réformes statutaires engagées pour la filière de surveillance seront poursuivies.

La filière dite de commandement sera revalorisée, avec la création d’un corps de catégorie A et un important plan de requalification, afin de mieux mettre en cohérence le statut et les missions exercées et renforcer l’encadrement des établissements.

Des mesures complémentaires concerneront également le corps d’encadrement et d’application (CEA) afin de redynamiser l’ensemble de la filière de surveillance : modernisation de ses modalités de recrutement, de classement et d’avancement, visant à la fois à accroître son attractivité ainsi qu’à fidéliser davantage les agents exerçant au sein d’établissements pénitentiaires jugés « difficiles ».

S’y ajoutent les mesures issues du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 qui a entendu reconnaître les contraintes particulières et la pénibilité dans l’exercice des métiers de surveillance à travers plusieurs améliorations indemnitaires, au bénéfice des agents du corps d’encadrement et d’application et des officiers : la prime de sujétion spéciale (PSS) sera revalorisée progressivement de 2 points, d’ici à 2020 ; le taux de base de l’indemnité pour charges pénitentiaires est porté de 1 000 euros à 1 400 euros annuels ; la prime des dimanches et jours fériés est revalorisée de 26 euros à 36 euros ; une prime d’attractivité et de fidélisation est créée, afin d’inciter les lauréats des concours à rejoindre les établissements qui connaissent les situations les plus tendues en matière d’effectifs.

4.3. Donner aux détenus des conditions d’emprisonnement dignes

Le Président de la République a pris l’engagement d’augmenter les capacités nettes du parc pénitentiaire afin d’atteindre d’ici décembre 2022 notamment l’objectif de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt où la très importante surpopulation carcérale dégrade fortement la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

La résorption de la sur-occupation des détentions est urgente afin de restaurer l’attractivité du métier de surveillant, de rendre effectif l’objectif de réinsertion sociale de la peine privative de liberté en permettant la mise en œuvre d’activités et d’améliorer la prise en charge sanitaire et psychologique des personnes détenues. Elle doit aussi permettre de garantir la dignité des conditions de détention, d’améliorer la sécurité et de mieux lutter contre la radicalisation violente.

Les projections de population pénale à dix ans ont permis d’objectiver les nouvelles implantations de maisons d’arrêt. Le calibrage intègre en outre l’impact de la réforme pénale projetée, notamment la réduction du recours à la détention provisoire.

L’objectif est de pouvoir créer 15 000 places de prison supplémentaires d’ici fin 2022, principalement au sein de maisons d’arrêt mais également de structures avec un niveau de sécurité adapté à la fois à des peines de durée peu importante ou pour préparer la sortie de détenus dont le potentiel de réinsertion est avéré. Ces structures permettront l’exécution de fin de peines ou de courtes peines traditionnellement effectuées en maison d’arrêt, au sein d’un environnement plus favorable à l’aménagement des peines et à l’engagement des démarches vers la réinsertion. Elles accueilleront aussi des personnes condamnées à de courtes peines dont le potentiel de réinsertion justifie un suivi socio-éducatif, tourné vers la société ouverte, plus aisé à mettre en œuvre dans de tels établissements qu’au sein de maisons d’arrêt fermées.

Dans l’immédiat, les besoins les plus urgents sont concentrés en Île-de-France, dans la région lyonnaise, sur le pourtour méditerranéen et dans les grandes agglomérations. En outre-mer, le programme devra répondre notamment aux situations tendues des Antilles et de la Guyane.

L’armement en ressources humaines des nouvelles structures requiert près de 8 000 créations d’emplois de surveillants pénitentiaires entre 2019 et 2022, afin de permettre l’arrivée de la ressource à bonne date par rapport à celle de livraison et de mise en service des nouvelles structures.

Cet effort conséquent ainsi que la refondation du dispositif de sanction et de l’échelle des peines sont de nature, en réduisant la surpopulation carcérale, à contribuer fortement à l’amélioration des conditions de détention. C’est aussi une nécessité pour favoriser les actions de lutte contre la récidive, dont le développement des activités en détention. À cet égard et afin de conférer toute leur efficacité aux dispositions de l’article 27 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, aux termes duquel toutes les personnes détenues condamnées doivent exercer au moins l’une des activités qui leur sont proposées par l’administration pénitentiaire dans les champs visés par l’article R. 57-9-1 du code de procédure pénale, le volume et la diversité des activités offertes seront enrichis grâce au développement de programmes d’insertion. Un peu plus de 14 millions d’euros, entre 2019 et 2022, seront dédiés au développement des activités dans des détentions plus adaptées pour les mettre en œuvre, car moins soumises à des phénomènes de surpopulation.

Par ailleurs, l’architecture des nouveaux établissements pénitentiaires prendra en compte le développement du travail en détention.

Afin de favoriser l’insertion professionnelle des détenus, à l’issue de l’expérimentation de chantiers d’insertion dans les centres pénitentiaires mise en place à compter de 2016, ce dispositif pourra être étendu à de nouveaux établissements pénitentiaires.

En parallèle, des crédits sont dégagés (plus de 4 millions d’euros par an à compter de 2019) afin de tirer, pour la rémunération horaire des détenus affectés au service général, toutes les conséquences de l’article 717-3 du code de procédure pénale. De fait, ce dernier prévoit de rémunérer les personnes détenues selon un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC.

L’administration pénitentiaire mettra également en chantier un nouveau service visant à moderniser le fonctionnement des établissements : le numérique en détention. Il s’agit de la création d’un portail destiné à dématérialiser les commandes de cantines, la gestion du pécule des détenus ou les échanges entre les personnes détenues et l’administration sur le suivi des requêtes formulées par les détenus. Ce service a donc également vocation à décharger le personnel de tâches répétitives dont la lenteur de réalisation est souvent source de conflit avec la population carcérale. À terme, ce portail permettra d’accéder à des modules pédagogiques numériques.

4.4. Développer des alternatives à l’incarcération et favoriser le suivi des PPSMJ

La lutte contre la récidive requiert la meilleure individualisation des sanctions compte tenu, entre autre, du profil des personnes condamnées. Dès lors que cela est adapté, une alternative à l’incarcération doit être recherchée. L’accompagnement des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) vers la sortie de la délinquance repose sur la qualité de l’intervention des personnels en service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Les recrutements prévus en accompagnement de la refondation du dispositif de sanction et de l’échelle des peines s’élèvent à 1 500 ETP, soit une progression des effectifs du corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation d’environ 30 %.

Les conseillers de probation et d’insertion intègreront la catégorie A à compter du 1er février 2019, marquant ainsi la reconnaissance du niveau de responsabilité qu’implique l’exercice de leurs missions.

Par ailleurs, le réinvestissement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation en pré-sententiel, afin d’accroître la connaissance du public sous main de justice, doit augmenter les alternatives à la détention provisoire (700 assignations à résidence sous surveillance électronique ARSE supplémentaires escomptées).

Le placement extérieur sera développé. Il est prévu qu’environ 1 500 détenus pourraient bénéficier à terme d’un placement extérieur.

Enfin, 4 000 personnes supplémentaires pourraient bénéficier d’un travail d’intérêt général (TIG) grâce à l’extension des possibilités pour le juge de prescrire des TIG ainsi qu’à la création de l’agence nationale des TIG. L’action de cette agence permettra de développer l’offre de TIG et de faciliter l’accès du juge à l’offre, qui pourra ainsi prononcer plus aisément l’exécution d’un TIG. Une expérimentation d’extension du périmètre des personnes morales pouvant accueillir un TIG aux personnes morales de droit privé relevant de l’économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale sera également réalisée.

Le coût de ces mesures d’aménagement de peines et d’alternatives à l’incarcération sera compensé par l’économie induite par un moindre flux d’entrée en détention.

5. La diversification et l’individualisation de la prise en charge des mineurs

La diversification de l’offre de prise en charge permet de mieux s’adapter à chaque situation individuelle. Elle favorise la continuité du parcours du mineur, évitant ainsi les ruptures et les interruptions de l’accompagnement éducatif qui constituent des obstacles à la sortie définitive de la délinquance. Elle est source d’efficience de la politique publique en réduisant le risque de récidive et en adaptant la prise en charge au plus près des besoins du mineur. Elle sera mise en œuvre au cours du quinquennat à travers :

– la création de vingt centres éducatifs fermés (CEF) pour répondre aux situations les plus aigües et fournir une alternative crédible à l’incarcération des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d’une particulière gravité. Cinq CEF seront créés dans le secteur public et quinze seront confiés au secteur associatif habilité, portant ainsi à 73 le nombre de CEF. Ces établissements devront se répartir sur l’ensemble du territoire pour favoriser le rétablissement des liens familiaux ou permettre un éloignement temporaire, en fonction des situations individuelles. 133 emplois seront créés pour armer les CEF du secteur public. 35 millions d’euros sont consacrés au cours du quinquennat à la construction des CEF publics et au financement des CEF du secteur associatif habilité (SAH). Il convient également d’assouplir leur fonctionnement en rendant possible le passage progressif vers un autre type de placement ou vers un retour en famille dans la dernière phase de l’accueil, au moment de la préparation à la sortie, afin de faciliter la reprise d’une scolarité ou d’une formation, voire l’obtention d’un emploi. Il s’agit également d’autoriser un accueil temporaire du jeune hors du CEF. La loi de programmation autorise ainsi un placement séquentiel pour les jeunes en centre éducatif fermé ;

– la diversification des modes de placement en accroissant le recours aux familles d’accueil et en reconfigurant et rénovant le réseau des unités éducatives d’hébergement collectif. Cette orientation impliquera notamment de sécuriser le cadre juridique d’intervention des familles d’accueil. La diversification des modes de placement doit permettre d’optimiser la dépense tout en améliorant la prise en charge des mineurs, en offrant à chacun le dispositif de suivi le plus adapté ;

– une plus grande pluridisciplinarité de l’intervention en milieu ouvert afin d’adapter l’intensité et les techniques de prise en charge à chaque situation, en fonction des besoins du jeune et des ressources du territoire et d’offrir aux jeunes les plus en difficulté une prise en charge plus complète (insertion scolaire et professionnelle mais aussi état de santé, relations familiales, …). Un accueil de jour plus organisé et encadré, sous mandat judiciaire, tenant compte de l’ensemble de ces enjeux, devra être développé. La loi de programmation autorise ainsi l’expérimentation pendant trois ans d’une mesure éducative d’accueil de jour, troisième voie entre le placement et le milieu ouvert, garantissant à des mineurs sortant de CEF ou nécessitant un suivi éducatif renforcé une continuité de prise en charge en journée, intensive et pluridisciplinaire, pour leur permettre d’accéder le plus rapidement possible aux dispositifs de droit commun. Cette mesure éducative plus englobante permet d’éviter des placements par nature plus coûteux.

Un programme de rénovation du parc immobilier sans précédent sera également lancé pour améliorer les conditions d’accueil des jeunes.

Pour accompagner ces évolutions, il convient de mieux reconnaître les métiers de la protection judiciaire de la jeunesse. La réforme du statut des directeurs de service entrée en vigueur au 1er janvier 2017 et le passage des éducateurs en catégorie A au 1er février 2019 sont l’occasion pour la PJJ de revoir les modalités de recrutement et les contenus des formations statutaire et continue, qui se doit d’être un vecteur pour accompagnement les nouvelles orientations. Une attention particulière est portée à la fonction de responsables d’unité éducative, premier niveau d’encadrement des équipes éducatives et porteurs auprès de ces équipes des évolutions de la prise en charge des jeunes, qui doit faire l’objet d’une reconnaissance statutaire.

Enfin, l’insertion professionnelle et sociale des jeunes repose en partie sur le corps de professeurs techniques, dont l’action permet l’inclusion sociale vers des dispositifs de droit commun. Une évolution statutaire, pour accompagner l’évolution et le renforcement des missions et pour garantir l’attractivité de ce corps, sera conduite au profit des professeurs techniques.

6. Une stratégie ministérielle de ressources humaines pour accompagner ces réformes

Le succès des réformes ambitieuses contenues dans la loi de programmation repose, outre les moyens matériels et budgétaires qui doivent y être consacrés, en premier lieu sur les femmes et les hommes qui œuvrent au quotidien dans les directions et services du ministère. L’ampleur des réformes à conduire pour rendre un service public de la justice plus en cohérence avec les besoins de nos concitoyens requiert un accompagnement des professionnels aujourd’hui en fonction et de ceux que le ministère sera conduit à recruter.

L’ampleur des réformes à conduire appelle la mise en œuvre de nouvelles pratiques de ressources humaines (RH) pour attirer, motiver, fidéliser, développer les compétences des agents. La stratégie « RH » devra accompagner les enjeux auxquels doit faire face le ministère et construire dans la durée une politique « RH » exemplaire, reposant sur les besoins spécifiques du ministère, liés à ses métiers et à la nécessité de renforcer son attractivité, tout en tenant compte des objectifs interministériels et des meilleures pratiques existant au sein de l’État.

Elle tiendra compte des orientations issues de la concertation engagée par le Gouvernement avec les représentants des agents et des employeurs publics sur les quatre chantiers annoncés lors du Comité interministériel de la transformation publique du 1er février 2018.

La vocation de cette stratégie « RH » ainsi définie se concrétise au travers de plusieurs axes :

– les réformes statutaires, indiciaires et indemnitaires annoncées seront menées à bien, et les nouveaux outils de la politique indemnitaire seront complètement déployés. La mise en œuvre des évolutions indiciaires issues de l’accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) sera ainsi poursuivie pour tous les corps du ministère. Le déploiement du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) sera achevé pour tous les corps concernés. Il sera évidemment tenu compte des chantiers engagés par le Gouvernement, au fil de leur avancée et en fonction des moyens qui leurs seront dédiés, pour mieux reconnaître l’investissement, collectif comme individuel. Un corps de psychologues ministériel sera également créé ;

– la politique de recrutement s’appuiera sur le développement de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), une valorisation des métiers, une professionnalisation des pratiques, ainsi qu’une gestion ministérielle harmonisée des contractuels ;

– l’accompagnement des parcours professionnel sera développé et la politique de l’encadrement, public clef pour la réussite de toute réforme d’ampleur, permettra de mieux appuyer les encadrants pour conduire le changement ;

– le ministère de la justice s’attachera à offrir aux fonctionnaires des corps à statut interministériel des perspectives de mobilité, organisées et en cohérence avec les besoins des services du département de la justice, par une gestion plus harmonisée entre les différents réseaux et en coordination avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique ;

– l’amélioration de la qualité de vie au travail s’appuiera sur un accord à négocier avec les organisations syndicales, destiné à favoriser l’autonomie et la reconnaissance des agents et à leur proposer des conditions de travail renouvelées (organisation du temps de travail, télétravail, nouveaux modes de travail…). Une attention particulière sera portée à la prévention des violences faites aux agents et au développement de la politique de santé et de sécurité au travail ;

– la politique d’action sociale sera rénovée et renforcée pour mieux contribuer à la qualité de vie et à la fidélisation des agents (soutien à la parentalité, facilitation de l’accès au logement, amélioration de l’accès à la restauration administrative…) ;

– l’exemplarité sera recherchée dans la mise en œuvre de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dans la reconnaissance de la diversité et la lutte contre les discriminations. Le recrutement et le maintien en fonctions des personnes en situation de handicap seront en outre poursuivis.

Le ministère de la justice s’engagera dans le processus de labellisation Diversité et Égalité professionnelle (dispositif Alliance). Cette démarche d’amélioration continue valorisera ainsi les engagements des services vers plus d’exemplarité.

La mise en œuvre de cette stratégie ministérielle en matière de ressources humaines donnera lieu à un suivi concerté et régulier avec les organisations syndicales représentatives au sein du comité technique ministériel. Elle sera, selon des modalités clairement définies, évaluée en fin de période.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si la discussion générale commune est close, je me permets de la prolonger pour faire brièvement état du décalage entre la réalité du terrain et les textes du Gouvernement, notamment ce projet de loi sur la justice.

On ne peut pas, d’un côté, organiser un grand débat sur tout le territoire pour tenter de recréer du lien avec les citoyens et, dans le même temps, entamer une réforme de la justice, décriée par de très nombreux professionnels qui manifestent et alertent sur le risque réel de perte de proximité entre la justice et le justiciable. Leur avis compte. Écoutez-les !

Que dit la crise sociale d’aujourd’hui, entre autres ? « Nous voulons plus de proximité, plus de liens, plus de services publics. »

Que fait cette réforme de la justice ? Elle éloigne la justice d’un citoyen qui souffre de cette déshumanisation progressive de la société.

Elle porte atteinte à l’oralité des débats dans la mesure où le tribunal criminel départemental prendra en charge une partie des affaires actuellement traitées par les cours d’assises et ne sera pas composé d’un jury populaire tiré au sort. C’est dommage, à l’heure même où le peuple demande à participer davantage à la vie de la cité.

De plus, la spécialisation des tribunaux est un piège pour la justice de proximité et renforcera le phénomène de métropolisation. On va vider chaque tribunal de son contentieux et on annoncera dans quelques années, peut-être, que les tribunaux n’ont plus d’utilité.

Le Sénat avait veillé à ce que la nouvelle organisation de la première instance préserve le maillage territorial et la proximité de l’institution judiciaire, en s’assurant, par la mise en place de chambres détachées, qu’aucun site judiciaire ne serait fermé, en prévoyant un mécanisme d’encadrement de toute évolution de la carte judiciaire, et en créant une fonction de juge chargé du contentieux de proximité.

C’est en effet une justice proche des citoyens, à la disposition des citoyens qu’il faut préserver. Jugeons des hommes et non des dossiers, n’allons pas vers une justice de médiation, une justice sans oralité des débats dans laquelle certains de nos concitoyens ne se reconnaîtront plus.

La justice, c’est l’égalité, l’égalité de toutes et tous devant la loi. Elle doit avant tout être humaine et préserver, bien sûr, la paix dans la société. C’est une impérieuse nécessité, a fortiori aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 100, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 149 à 156

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, le procureur de la République auprès du tribunal de Paris, compétent au niveau national en matière de lutte antiterroriste, disposera d’un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d’actes d’enquête. Cette procédure l’aidera à répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attaque terroriste.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s’agit d’un amendement de coordination.

La commission a rejeté la création d’un parquet national antiterroriste. Il convient de modifier en conséquence les dispositions du rapport annexé qui y font référence, ce que, je le reconnais bien humblement, la commission avait oublié de faire la semaine dernière.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Vous le savez, le Gouvernement souhaite vraiment la création du parquet national antiterroriste.

Par coordination avec moi-même

Sourires.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix l’ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.

L ’ article 1 er et le rapport annexé sont adoptés.

La progression du nombre de conciliateurs de justice, entre 2019 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :

Nombre de conciliateurs de justice

Adopté.

I. – Jusqu’en 2022, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l’exécution de la présente loi.

II et III. –

Supprimés

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à étudier les modalités d’harmonisation de la rémunération des avocats pratiquant l’aide juridictionnelle tant du côté de la ou des victimes que du côté du ou des défendeurs.

La parole est à M. Bernard Lalande.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

J’ai l’honneur de présenter cet amendement à la place de Laurence Rossignol, qui ne peut être présente parmi nous.

Il vise à lutter contre une injustice trop souvent dénoncée dans le cadre des procédures de justice, en particulier par les victimes disposant de peu de ressources, et donc éligibles à l’aide juridictionnelle, l’AJ – cela concerne singulièrement les femmes – mais également par les avocates et avocats des parties civiles.

Pour un avocat ou une avocate, consacrer du temps à l’aide juridictionnelle peut représenter un risque ou un sacrifice financier. Ce risque est d’autant plus grand lorsque l’AJ est réalisée pour la victime. En effet, l’AJ est plus rémunératrice du côté du défendeur en raison de l’investissement horaire moindre que cette défense nécessite.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement prévoit la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement sur les modalités d’harmonisation de la rémunération des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle.

En premier lieu, la commission des lois n’est, traditionnellement, pas favorable à la multiplication des rapports au Parlement. L’article 1er ter fait exception à ce principe en prévoyant un rapport au Parlement sur l’exécution de la présente loi préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, pratique usuelle en matière de loi de programmation comprenant un volet budgétaire.

En second lieu, le projet de loi tel qu’il a été adopté par le Sénat prévoit plusieurs mesures en matière d’aide juridictionnelle, auxquelles le Gouvernement s’est d’ailleurs opposé en raison de la réflexion qu’il mène actuellement sur le sujet.

Un rapport conjoint de l’Inspection générale de la justice et de l’Inspection générale des finances a d’ailleurs été remis à la ministre à la fin de 2018, semble-t-il, ce qui permettrait de répondre par anticipation à la demande des auteurs de l’amendement.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis que M. le rapporteur.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er ter est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

TITRE II

SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE

Chapitre Ier

Redéfinir le rôle des acteurs du procès

Section 1

Développer la culture du règlement alternatif des différends

I. – La section 2 du chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi modifiée :

Supprimé

2° Le début de la première phrase du second alinéa du même article 22-1 est ainsi rédigé : « En tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut… (le reste sans changement). » ;

3° Le début de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 22-2 est ainsi rédigé : « Lorsque la médiation est ordonnée en cours d’instance, celle-ci est… (le reste sans changement). » ;

4° L’article 22-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable lorsque le juge ordonne la médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »

II. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Arnell, Artano, Collin, Corbisez, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Raymond Vall.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

L’article 2 vise à contraindre les parties à recourir davantage à la médiation et à la conciliation pour régler leurs différends, y compris après la saisine d’un juge.

Or nous ne disposons pas d’une démonstration claire de l’efficacité de ces procédures dans l’étude d’impact. Au contraire, celle-ci précise que le nombre de tentatives de conciliation judiciaire était faible jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle, dite « J21 », qui instaure la tentative de conciliation préalable obligatoire devant le tribunal d’instance.

Aujourd’hui, ce nombre augmente du fait de cette obligation, mais non du fait de l’efficacité du dispositif. Par ailleurs, la médiation à un coût, qui risque de pénaliser les justiciables les plus pauvres. L’étude d’impact précise, là encore, que la médiation est payante – sauf la médiation familiale qui est prise en compte par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF –, puisqu’il s’agit d’une activité libérale, et les tarifs sont libres.

Le coût horaire de médiation est alors variable, de 100 euros à plus de 500 euros, même si des forfaits assortis d’un tarif pour chaque heure supplémentaire effectuée sont souvent proposés, de 500 euros à 1 500 euros.

Cet amendement a donc pour objectif de supprimer ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Si la commission a supprimé le II de l’article 2, c’est-à-dire l’extension du champ de l’obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge, elle a en revanche souhaité conserver le I de cet article relatif à l’extension du pouvoir du juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, et à la possibilité pour le juge d’ordonner une médiation dans une décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je rappelle que l’objectif poursuivi par le Gouvernement est le développement des modes alternatifs de règlement des différends pour favoriser l’émergence d’une solution qui ne soit pas nécessairement contentieuse, et ce à tous les stades de la procédure, un accord entre les parties étant susceptible d’intervenir.

C’est pourquoi je soutiens l’extension de la tentative obligatoire de résolution amiable des différends préalablement à l’instance, afin que seules les affaires contentieuses qui ont été « décantées » puissent être portées devant le juge. C’était l’objet du II de l’article 2 que votre commission a supprimé.

Il est également prévu qu’au cours de l’instance, en tout état de la procédure, le juge pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informera sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation.

Enfin, pour permettre une meilleure exécution des décisions en matière d’autorité parentale, le juge pourra ordonner aux parties, dans la décision qui statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, de rencontrer un médiateur. Tel était l’objet de la disposition que le Gouvernement avait proposée.

Je rappelle qu’il ne s’agit que d’une possibilité pour le juge. Ce dernier ne pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur que, ainsi que cela est précisé au 2°, lorsqu’il estime qu’une solution amiable du litige est possible. Il me semble qu’il est particulièrement opportun de prévoir cette possibilité, qui sera utilisée au cas par cas par le magistrat.

Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable à l’amendement de M. Mézard et de ses collègues.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

L’amendement n° 96 est présenté par Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Ledit article 22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un médiateur ne peut être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps si des violences intrafamiliales sont suspectées. » ;

La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Là encore, je parle au nom de Laurence Rossignol.

Le règlement amiable des conflits existe en droit de la famille. Cependant, en cas de violences conjugales, le recours à la médiation n’est possible qu’avec l’accord de la victime.

Ce principe n’écarte pas un risque majeur pouvant amener la victime à ne pas faire valoir ses droits : il s’agit des cas dans lesquels la victime se trouve dans une situation d’emprise, ce qui pourrait l’empêcher de refuser le recours à la médiation.

Le présent amendement vise à maintenir la force de ce principe en le précisant directement dans les articles organisant la médiation dans le cadre des tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 96.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Dans son rapport intitulé Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait proposé diverses recommandations visant à mieux protéger les femmes victimes de violences.

Les rapporteurs Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol avaient fait la proposition prévue dans le présent amendement. Je m’associe aussi, bien entendu, à la défense de l’amendement identique précédemment présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ces deux amendements visent à interdire au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives de conciliation obligatoires prévues en matière de divorce et de séparation de corps, en cas de suspicion de violences intrafamiliales.

Ces deux amendements sont satisfaits de fait puisque la commission a supprimé le 1° du I de l’article 2, c’est-à-dire qu’elle a rétabli l’interdiction générale faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives de conciliation obligatoires prévues en matière de divorce et de séparation de corps, par coordination avec la suppression de l’article 12. Qu’il y ait donc suspicion de violences ou non, dans le cadre de la procédure de divorce ou de séparation de corps, le juge ne pourra pas désigner un médiateur.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je rappelle qu’en toute hypothèse la loi « J21 » interdit déjà au juge, en cas de violences intrafamiliales, d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur.

Il va de soi que lorsque le juge est informé de violences intrafamiliales, il ne va pas proposer de médiation aux parties. Il me semble qu’il est important de faire confiance aux juges, qui sont particulièrement sensibilisés sur ces questions.

Par ailleurs, je souligne que la nouvelle procédure de divorce prend en compte le dispositif de l’ordonnance de protection, qui est extrêmement utile et permet d’engager une mise en sécurité réelle pour les victimes de violences.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je ne suis pas persuadée que les violences soient forcément visibles et effectives pour les magistrats. Pour autant, je vais suivre l’avis du rapporteur. Je retire donc mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 96 est retiré.

Monsieur Lalande, l’amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu ?

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Après l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, sont insérés des articles 4-1 à 4-7 ainsi rédigés :

« Art. 4 -1. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne de conciliation ou de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, administrative et pénale, sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée.

« Art. 4 -2. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’arbitrage sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles l’arbitrage est rendu.

« La sentence arbitrale peut être rendue sous forme électronique, sauf opposition de l’une des parties.

« Art. 4 -3. –

Non modifié

« Art. 4 -4. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité.

« Art. 4 -5. – Les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles 4-1, 4-2 et 4-4 ne peuvent réaliser des actes d’assistance ou de représentation que dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Elles ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé qu’à la condition de respecter les obligations résultant de l’article 54 de la même loi.

« Art. 4 -6. – Les personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-2 accomplissent leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et diligence.

« L’article 226-13 du code pénal leur est applicable.

« Art. 4 -7. – Pour pouvoir être proposés au public, les services mentionnés aux articles 4-1, 4-2 et 4-4 doivent être certifiés par le garde des sceaux, ministre de la justice. La certification est accordée après vérification du respect des exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-6.

« Par exception, la certification est accordée de plein droit aux conciliateurs de justice, aux médiateurs inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation ainsi qu’aux personnes inscrites, dans le ressort d’une cour d’appel, sur la liste des médiateurs prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

« Un décret en Conseil d’État précise les procédures de délivrance et de retrait de la certification. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 45, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

La commission des lois du Sénat a, comme en première lecture, rétabli la certification obligatoire des services en ligne de règlement amiable des litiges. C’est un moindre mal, mais cette mesure ne s’oppose pas frontalement à une mesure forte de déjudiciarisation.

Comme cela a été dit lors de la table ronde organisée par de nombreux représentants des corps et professions, cette dématérialisation de la justice met en danger la notion même de justice. L’article 3 transfère en effet à des sociétés de droit privé, en quelque sorte, le pouvoir de rendre justice.

On voit bien le but de la manœuvre : désengorger les tribunaux et alléger les coûts. Mais je crois que cela va bien au-delà. Nous avions d’ailleurs contesté en première lecture l’instauration d’une obligation de consultation, car nous estimions qu’elle induisait une forme de privatisation de la justice. Nous y sommes avec cet article 3.

De plus, ces dispositions sont source d’inégalités : ces services auront un coût, les start-up du « nouveau monde » sauront en tirer profit, et les plus riches seront bien sûr les mieux servis.

Outre la question du coût immédiat de ces services, se pose la question de la fracture numérique. N’oublions pas que plus de 20 % de nos compatriotes sont encore exclus d’internet.

Cette mesure est donc grave. Elle est le symbole d’un monde où tout se vend et tout s’achète, y compris la justice ; personne ne souhaite ce modèle de société.

La modification prévue par la commission des lois apporte des garde-fous, mais elle ne vise pas à s’opposer sur le fond à la démarche gouvernementale. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a considéré en première lecture qu’il était nécessaire d’encadrer les nouveaux services en ligne d’aide au règlement amiable des litiges et d’aide à la saisine des juridictions.

Ces services existent déjà et il s’agit de les encadrer pour améliorer les garanties pour les justiciables. Supprimer cet article aboutirait à accepter l’absence de toute régulation, ce qui est sans doute contraire aux intentions des auteurs de l’amendement.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Comme vient de le préciser M. le rapporteur, on ne peut pas nier aujourd’hui que ces services en ligne existent. La volonté du Gouvernement est de les réguler et de les encadrer en vue d’assurer aux utilisateurs un accès beaucoup plus clair.

C’est la raison pour laquelle nous prévoyons : d’une part, pour toutes les plateformes, des obligations en termes de transparence, de respect de la protection des données personnelles, etc. ; d’autre part, pour les plateformes qui accepteront de s’y soumettre, une certification qui apparaîtra clairement sur les plateformes internet et qui permettra d’identifier celles qui respectent les règles induites par les obligations de certification.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le non-respect de l’obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement du service en ligne peut être sanctionné par application de l’article 226-13 du code pénal, outre des réparations civiles éventuelles.

2° Dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Les plateformes numériques, personnes morales privées, auront vocation à faire payer leur prestation aux justiciables. Cela implique plusieurs conséquences, notamment le risque accru d’une justice à deux vitesses. Il risque d’y avoir, à terme, une justice coûteuse et rapide pour les uns, et une seconde lente avec prise en charge par l’aide juridictionnelle pour les autres.

La médiation telle qu’envisagée par la réforme risque de retarder et de limiter l’accès au juge et de décourager les justiciables de saisir la justice.

Il convient aussi de rappeler que rien n’empêche aujourd’hui les parties de tenter une conciliation ou une médiation, les avocats appliquant d’ores et déjà la règle suivant laquelle « il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès ».

Il est clair que cette réforme répond à des préoccupations surtout budgétaires. Si le but est de déjudiciariser, ce délestage ne peut et ne doit pas se faire sans mise en place de garde-fous et sans contrôle de ces sociétés privées.

Il ne faudrait pas que, via la médiation, ces sociétés obtiennent une mainmise totale et sans contrôle sur les données judiciaires et personnelles des justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les cas dans lesquels la certification est exigée, la procédure de délivrance et la procédure de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont précisés par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Même argumentaire que pour l’amendement précédent. En l’occurrence, je propose une nouvelle rédaction pour l’alinéa 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’amendement n° 13 rectifié est satisfait, puisque l’alinéa 9 de l’article 3 du projet de loi précise que l’article 226–13 du code pénal est applicable aux personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement de services en ligne de résolution amiable des litiges, toute atteinte au secret professionnel de la part de ces acteurs numériques étant à ce titre punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Avis défavorable, donc.

Même argument s’agissant de l’amendement n° 14 rectifié : la commission a prévu une certification obligatoire de ces services en ligne afin qu’ils puissent être proposés au public, tout en indiquant que les modalités des procédures de délivrance et de retrait de la certification devront être précisées par un décret en Conseil d’État.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable sur ces deux amendements.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

I. –

Supprimé

II. –

Non modifié

« I. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par :

« 1° Leur conjoint ;

« 2° Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;

« 3° Leurs parents ou alliés en ligne directe ;

« 4° Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;

« 5° Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

« Sous réserve des dispositions particulières, l’État, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

« Un décret en Conseil d’État précise les critères mentionnés au premier alinéa qui dispensent de la représentation obligatoire par ministère d’avocat.

« Le représentant, s’il n’est pas avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

II bis. –

Non modifié

« Art. L. 1453 -1 A. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le conseil de prud’hommes, outre par un avocat, par :

« 1° Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d’activité ;

« 2° Les défenseurs syndicaux ;

« 3° Leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou leur concubin.

« L’employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l’entreprise ou de l’établissement fondé de pouvoir ou habilité à cet effet.

« Le représentant, s’il n’est pas avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. Devant le bureau de conciliation et d’orientation, cet écrit doit l’autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part aux mesures d’orientation. »

II ter. – Après la section 1 du chapitre II du titre II du livre VII du code de commerce, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« De lassistance et de la représentation

« Art. L. 722 -5 -1. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter, devant le tribunal de commerce, outre par un avocat, par toute personne de leur choix.

« Le premier alinéa du présent article est également applicable devant le tribunal de grande instance dans les matières prévues au livre VI de la partie législative du présent code.

« Le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

III et IV. –

Non modifiés

(Supprimés) –

Adopté.

V et VI. – §

Section 3

Repenser l’office des juridictions

I. –

Non modifié

1° Au premier alinéa, les mots : « au juge du tribunal d’instance du lieu de naissance ou de leur domicile » sont remplacés par les mots : « à un notaire » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : «, si le juge l’estime nécessaire, » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’acte de notoriété est signé par le notaire et par les témoins. » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

II à V. –

Non modifiés

VI à VIII. –

Supprimés

IX. – Après l’article 847 du code général des impôts, il est inséré un article 847 bis ainsi rédigé :

« Art. 847 bis. – Sont exonérés des droits d’enregistrement les actes prévus à l’article 311-20 du code civil. »

X. –

Non modifié

1° Au premier alinéa, la référence : « la loi du 20 juin 1920, modifiée par la loi du 6 février 1941 » est remplacée par la référence : « l’article 46 du code civil » et, après la référence : « 679 », sont insérés les mots : « du présent code » ;

2° Le second alinéa est complété par les mots : « ainsi qu’à l’article 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l’état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d’outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 42 est présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. Jacques Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 46 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

L’article 5 confie aux notaires l’établissement des actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation, l’établissement des actes de notoriété suppléant les actes d’état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu à la suite d’un sinistre ou de faits de guerre, ainsi que le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation.

En première lecture, le Sénat proposait d’exclure la déjudiciarisation, mais seulement en matière de procréation assistée. Le présent amendement vise à l’exclure dans les trois domaines cités.

Il convient, selon nous, de maintenir la compétence judiciaire en matière de filiation – cette compétence est actuellement exercée par le juge du tribunal d’instance –, ceci pour plusieurs raisons.

L’acte établissant la filiation d’un enfant et l’appréciation d’un mode de preuve nécessitent indubitablement un contrôle du juge, lequel est déjà doté du pouvoir d’appréciation et d’une expérience en la matière.

Nous considérons, par ailleurs, que l’ensemble de ces actes doit demeurer gratuit, conformément au principe de service public. Le recours à un notaire se traduira inévitablement par un surcoût pour le justiciable.

En outre, nous estimons que cet article, en l’état, constitue un recul intolérable de la protection judiciaire des enfants et des intérêts du plus faible, ce qui risque d’entraîner une fragilisation du droit de la famille.

Enfin, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’en outre-mer, et notamment à la Martinique, ces mesures seraient particulièrement dangereuses en raison de très nombreuses difficultés de règlement des successions.

C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de l’article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 46.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Le présent article prévoit de confier aux notaires divers actes non contentieux, tels que les actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation ou les actes de notoriété qui suppléent les actes d’état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu par suite d’un sinistre ou de faits de guerre.

Le Gouvernement a étendu le dispositif en confiant au seul notaire le recueil du consentement du couple ayant recours à une procréation médicalement assistée nécessitant l’intervention d’un tiers donneur.

Nous déplorons cette déjudiciarisation qui s’opère au bénéfice d’offices notariaux, donc d’acteurs privés, ce qui entraînera inévitablement un coût supplémentaire pour le justiciable, les sommes concernées n’étant pas négligeables. Il y a là un risque d’entrave à l’accès au droit.

Nous estimons que l’ensemble des actes mentionnés à cet article doit relever de la compétence du juge ; cette compétence ne saurait être transférée à des personnes morales de droit privé. L’efficacité et la force de la justice, en l’occurrence, exigent de conserver la compétence publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Les dispositions de ces deux amendements sont contraires à la position de la commission. Leur adoption reviendrait à supprimer le transfert aux notaires des compétences en matière d’établissement des actes de notoriété constatant la possession d’état en matière de filiation et des actes de notoriété suppléant les actes de l’état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu par suite d’un sinistre ou de faits de guerre.

La commission a estimé que ces transferts s’inscrivaient dans une logique d’uniformisation des règles de compétences applicables à la délivrance des actes de notoriété. Le code civil prévoit en effet deux autres hypothèses dans lesquelles des actes de notoriété peuvent être délivrés : la preuve de la qualité d’héritier et l’hypothèse dans laquelle il est impossible pour l’un des deux futurs époux de fournir un extrait de son acte de naissance avec indication de la filiation. Dans ces deux hypothèses, ces actes sont déjà délivrés par les notaires.

Avis défavorable, donc, sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable.

Je rappelle, à la suite de M. le rapporteur, que les notaires ont déjà, au moment où nous parlons, la possibilité d’établir des actes de notoriété : ce n’est pas quelque chose de nouveau.

Je rappelle également que les notaires ne sont pas des personnes privées comme les autres : ce sont des officiers publics ministériels. Ils ont donc une qualité particulière.

En outre, qui, sinon les notaires, peut se prévaloir de compétences réelles en matière de filiation ?

Pour ces raisons, nous avons proposé qu’ils puissent assumer l’intégralité de ces compétences.

Je rappelle qu’il y a très peu de demandes d’actes de notoriété : de telles demandes se comptent chaque année sur les doigts des deux mains, ou peu s’en faut. Il y a davantage de demandes liées à la procréation médicalement assistée, mais, comme vous l’avez noté, les droits d’enregistrement ont été supprimés sur l’acte en question.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 5 est adopté.

(Supprimé)

L’article 1397 du code civil est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

a) Au début, les mots : « Après deux années d’application du régime matrimonial, » sont supprimés ;

b) Les mots : « le modifier » sont remplacés par les mots : « modifier leur régime matrimonial » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles. » ;

(Supprimé) –

Adopté.

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° A

Supprimé

1° L’article 116 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’opposition d’intérêts entre le représentant et le présumé absent, le juge des tutelles autorise le partage, même partiel, en présence du remplaçant désigné conformément à l’article 115. » ;

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, l’état liquidatif est soumis à l’approbation du juge des tutelles. » ;

1° bis

Supprimés

3° L’article 507 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « En cas d’opposition d’intérêts avec la personne chargée de la mesure de protection, le partage à l’égard d’une personne protégée peut être fait à l’amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. » ;

b) Au début du deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Dans tous les cas, » ;

4° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 507-1 est ainsi rédigée : « Toutefois, il peut l’accepter purement et simplement si l’actif dépasse manifestement le passif, après recueil d’une attestation du notaire chargé du règlement de la succession ou, à défaut, après autorisation du conseil de famille ou du juge. » ;

5° Au second alinéa de l’article 836, la référence : « et XI » est remplacée par les références : «, XI et XII ».

II II bis. –

Supprimés

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 47, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Notre groupe, comme vous le savez, est contre tout allégement du contrôle a priori du juge des tutelles s’agissant de majeurs.

Il est d’autant plus étonnant que ce sujet vienne en discussion que, d’après les informations dont nous disposons, une réforme d’ampleur est en préparation, paraît-il, précisément sur ce sujet de la protection juridique des majeurs.

Une fois n’est pas coutume – on nous reproche généralement de ne pas tenir compte des projets du Gouvernement et de légiférer intempestivement, mais c’est, en l’occurrence, exactement l’inverse qui est vrai –, nous anticipons sur une réforme que le Gouvernement lui-même a annoncée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Le présent amendement est en partie satisfait par le texte adopté par la commission, qui reprend la version adoptée par le Sénat en première lecture.

Pour rappel, la commission des lois a supprimé l’allégement le plus contestable, qui concernait les actes du tuteur réalisés en matière financière sans contrôle.

Elle a par ailleurs refusé de reprendre à son compte toutes les dispositions nouvelles introduites par l’Assemblée nationale en première lecture tendant à accroître le nombre des actes que le tuteur pourrait effectuer seul, sans autorisation préalable du juge. Seraient concernées toutes sortes de décisions : les actes médicaux les plus graves, la gestion des comptes bancaires ou encore la souscription d’une convention obsèques – vos rapporteurs estiment que de telles dispositions porteraient gravement atteinte aux intérêts des personnes protégées.

Elle a en outre écarté l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, également introduite par l’Assemblée nationale en première lecture – cette habilitation, destinée à permettre une réforme plus large du régime de la protection des majeurs, revenait à dessaisir le Parlement de ce sujet important.

Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable.

Je voudrais juste dire à M. le sénateur Collombat que cet article 8 traduit le premier des deux volets de la grande réforme des tutelles dont il parlait à l’instant. En effet, nous avons reçu un rapport, qui a été rédigé par Mme Anne Caron-Déglise, sur cette question des tutelles. Dans ce rapport figuraient plusieurs recommandations.

Les mesures que nous avons introduites dans ce texte, à l’article 8 ainsi qu’à un autre article qui sera bientôt examiné, concernent, d’une part, la restitution aux personnes sous tutelle d’une forme de dignité et, d’autre part, des mesures de simplification relatives, par exemple, à la gestion de leurs comptes ou à l’accès à des soins médicaux : à la fois, donc, des mesures d’allégement et des mesures de dignité, celles qui ont trait au droit de vote – ce dernier sujet nous semble tout à fait essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En général, madame la garde des sceaux, on présente ensemble les panneaux d’un diptyque ou d’un triptyque, sauf quand le temps les disperse.

Le problème, donc, reste entier. Cela dit, pour tenir compte du travail approfondi de la commission des lois, nous retirons cet amendement.

L ’ article 8 est adopté.

(Supprimés)

(Non modifié)

Le code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° A À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 125-1, après le mot : « réception », sont insérés les mots : « ou d’un message transmis par voie électronique » ;

1° Le premier alinéa de l’article L. 311-5 est ainsi rédigé :

« Le créancier ne peut procéder à la saisie de plusieurs immeubles de son débiteur que dans le cas où la saisie d’un seul ou de certains d’entre eux n’est pas suffisante pour le désintéresser et désintéresser les créanciers inscrits. » ;

2° L’article L. 322-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’accord entre le débiteur, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure ainsi que le créancier mentionné au 1° bis de l’article 2374 du code civil, ils peuvent également être vendus de gré à gré après l’orientation en vente forcée et jusqu’à l’ouverture des enchères. » ;

3° L’article L. 322-4 est ainsi modifié :

a) Les mots : « et des frais de la vente » sont supprimés ;

b) Après le mot : « paiement », sont insérés les mots : « des frais de la vente et » ;

4° L’article L. 433-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« À l’expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens susceptibles d’être vendus. Les biens qui ne sont pas susceptibles d’être vendus sont réputés abandonnés. » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé. –

Adopté.

(Non modifié)

I. – Le code des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 211-1, il est inséré un article L. 211-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -1 -1. – Lorsque le tiers saisi est un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, les actes lui sont transmis par voie électronique. » ;

2° La section 1 du chapitre III du titre II du livre V est complétée par un article L. 523-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 523 -1 -1. – Lorsque le tiers saisi est un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, les actes lui sont transmis par voie électronique. »

II. – Au I de l’article L. 151 A du livre des procédures fiscales, après le mot : « exécutoire », sont insérés les mots : « ou lorsqu’il est saisi par une juridiction d’une demande d’informations en application de l’article 14 du règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale ». –

Adopté.

(Non modifié)

L’article L. 111-6-6 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Les huissiers de justice ont accès aux boîtes aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs mentionnés à l’article L. 111-6-3. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le chapitre II du titre III du livre III de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 3332-3, les mots : « procureur de la République ainsi qu’au » sont supprimés ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3332-4-1, les mots : « procureur de la République ainsi qu’au » sont supprimés. –

Adopté.

(Non modifié)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 444-2 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En application des deux premiers alinéas du présent article, l’arrêté conjoint mentionné au même article L. 444-3 fixe les tarifs sur la base d’un objectif de taux de résultat moyen, dont les modalités de détermination sont définies par un décret en Conseil d’État, et dont le montant est estimé globalement pour chaque profession pour l’ensemble des prestations tarifées en application de l’article L. 444-1. » ;

b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour certaines prestations et au-delà d’un montant d’émolument fixé par l’arrêté mentionné au même article L. 444-3, le professionnel et son client peuvent convenir du taux des remises. » ;

2° L’article L. 444-7 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Les modalités selon lesquelles les coûts pertinents et la rémunération raisonnable, mentionnés au premier alinéa de l’article L. 444-2, sont évalués globalement pour l’ensemble des prestations tarifées en application de l’article L. 444-1 ; »

b) Au 3°, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

c) Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :

« 5° Les conditions dans lesquelles, en application du dernier alinéa de l’article L. 444-2, le professionnel et son client peuvent convenir du taux des remises. » ;

3° La vingt-cinquième ligne du tableau du second alinéa du 4° du I de l’article L. 950-1 est remplacée par quatre lignes ainsi rédigées :

Article L. 444-1

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 444-2

la loi n° … du … de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice

Articles L. 444-3 à L. 444-6

la loi n° 2015-990 du 6 août 2015

Article L. 444-7

la loi n° … du … de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice

Adopté.

(Supprimé)

Chapitre II

Assurer l’efficacité de l’instance

Section 1

Simplifier pour mieux juger

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 40, présenté par MM. Jacques Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 233 est ainsi rédigé :

« Art. 233. – Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

« Il peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance.

« Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.

« L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel. » ;

2° L’article 238 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « lors de l’assignation en divorce » sont remplacés par les mots : « lors de la demande en divorce » ;

b) Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.

« Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé. » ;

3° Le second alinéa de l’article 246 est supprimé ;

4° L’article 247-2 est ainsi rédigé :

« Art. 247 -2. – Si le demandeur forme une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande. » ;

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

6° La section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :

a) Le paragraphe 1 est ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« De l’introduction de la demande en divorce

« Art. 251. – L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

« Art. 252. – La demande introductive d’instance comporte le rappel des dispositions relatives à :

« 1° La médiation en matière familiale et à la procédure participative ;

« 2° L’homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce.

« Elle comporte également, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

« Art. 253. – Lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. » ;

b) Le paragraphe 2 est abrogé, le paragraphe 3 devient le paragraphe 2, le paragraphe 4 est abrogé et le paragraphe 5 devient le paragraphe 3 ;

c) L’article 254 est ainsi rédigé :

« Art. 254. – Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à laquelle les époux sont convoqués et à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. » ;

d) L’article 257 est abrogé ;

7° À la fin de l’avant-dernier alinéa et à la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 262-1, les mots : « l’ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « la demande en divorce » ;

bis (nouveau) À l’article 262-2, les mots : « requête initiale » sont remplacés par les mots : « demande en divorce » ;

8° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 311-20, les mots : « de dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « d’introduction d’une demande » ;

9° À la seconde phrase de l’article 313, les mots : «, en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, » sont supprimés et les mots : « la date soit de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l’article 250-2, soit de l’ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « l’introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce » ;

10° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 375-3 et à la deuxième phrase de l’article 515-12, le mot : « requête » est remplacé, deux fois, par le mot : « demande ».

II. – L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « par une ordonnance de non-conciliation » et les mots : « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés ;

2° À la seconde phrase du g, les mots : « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés.

III. – À la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, les mots : « le dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « l’introduction d’une demande ».

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la ministre, une fois n’est pas coutume, l’amendement que je propose vise à reprendre le texte adopté par l’Assemblée nationale sur l’organisation du divorce.

Nous avions eu, en première lecture, un débat sur la suppression de l’audience de conciliation. Nous avions dit que cette suppression revenait à supprimer le moment où le juge rencontre les époux pour négocier avec eux, discuter et décider des mesures provisoires. Ces discussions donnent lieu, de fait, à très peu de conciliations ; cette audience n’en reste pas moins indispensable et fondamentale.

L’Assemblée nationale a rétabli le texte de votre projet, supprimant l’audience de conciliation dans la procédure de divorce, c’est-à-dire l’obligation, pour l’époux qui veut divorcer, de solliciter l’autorisation d’introduire la demande et de respecter, ensuite, un délai de réflexion de trois mois avant de pouvoir assigner l’autre conjoint en divorce – tout cela me semble franchement justifié.

Dans la rédaction nouvelle issue de l’Assemblée nationale, à l’alinéa 28 de l’article 12, vous prévoyez, ce qui me paraît satisfaisant, que le juge aux affaires familiales doit immédiatement procéder à une audience pour fixer les mesures provisoires. Vous rétablissez donc ce temps important des mesures provisoires sans alourdir le dispositif par la conciliation préalable, ce qui me paraît une bonne mesure – tel était le sens, d’ailleurs, de la discussion que nous avions eue en première lecture.

Je propose donc de reprendre intégralement les dispositions de l’article 12 issu de l’Assemblée nationale, en y ajoutant, à l’alinéa 28, que le juge convoque les époux à cette audience ; il me semble indispensable, en effet, que soit ménagé ce temps d’audition.

Si on ne le fait pas figurer dans la loi, ou, éventuellement, dans le règlement, le juge pourrait se contenter d’avoir un débat avec les avocats, puisque nous sommes dans la période de représentation obligatoire. Or il est essentiel que, à un moment ou à un autre, les époux qui divorcent puissent rencontrer le juge : il est fondamental que les époux souhaitant divorcer puissent discuter non seulement des pensions alimentaires mais surtout de la résidence des enfants et des modalités de garde.

D’où la rédaction que je propose, qui, sans doute, ne satisfera pas les rapporteurs ; mais lorsque le Gouvernement accepte de faire évoluer son texte, il faut le souligner, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Notre collègue a subodoré l’avis de la commission.

Cet amendement vise à rétablir l’article 12 supprimé par la commission. Ses auteurs estiment que, dès lors que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoit que le juge aux affaires familiales, le JAF, tient, dès le début de la procédure, une audience pour fixer les mesures provisoires nécessaires à assurer l’existence des époux et des enfants, la phase de tentative de conciliation ne serait plus nécessaire.

Or la commission a considéré que la suppression de la phase de conciliation risquerait de favoriser une logique d’affrontement des parties et, par là même, d’entraîner une augmentation du nombre de divorces pour faute, car la phase de conciliation est une phase de réflexion et de maturation du divorce.

Elle a estimé que le problème de la lenteur de la procédure de divorce ne résultait pas tant de la phase de conciliation que de l’insuffisance des moyens octroyés aux juridictions pour se prononcer dans des délais raisonnables.

Par ailleurs, si la nouvelle rédaction proposée par l’Assemblée nationale prévoit bien une audience au cours de laquelle le JAF fixe les mesures provisoires, le texte prévoit également que « les parties ou la partie seule constituée » peuvent renoncer à cette audience. En cas de relations houleuses entre les époux, et notamment si une seule des parties est constituée, cette audience pourrait donc ne pas avoir lieu. Cette disposition est par conséquent susceptible de placer l’intérêt supérieur de l’enfant entre les mains de parents qui se déchirent.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

À l’inverse de M. le rapporteur, j’émets un avis favorable sur l’amendement présenté par M. le sénateur Bigot.

Il me semble que l’article 12, qui traite de l’évolution de la procédure du divorce contentieux, est le témoignage parfait d’un travail fait d’écoute des professionnels, notamment des avocats, et d’échanges avec les parlementaires, qui nous ont permis de faire évoluer le texte initial.

La procédure que nous instaurons, issue de ce travail, va considérablement raccourcir la durée du divorce contentieux, satisfaisant une attente émise par toutes les parties concernées. Il me semble, en outre, que nous préservons l’intérêt des enfants en mettant en place des mesures provisoires qui peuvent s’inscrire très tôt dans la procédure.

L’ensemble des parties prenantes verront ainsi leurs demandes satisfaites.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je me permets d’attirer l’attention de MM. les rapporteurs et de M. le président de la commission des lois sur le fait que, lors de la table ronde qui a été organisée, aucune des organisations présentes n’a soulevé de problème s’agissant du divorce.

Or, en première lecture, lors des auditions que nous avons faites, tout le monde nous avait alertés sur la disparition de ce temps important consacré aux mesures provisoires.

La conciliation obligatoire telle qu’elle figure aujourd’hui dans le code civil est complètement désuète. L’idée est la suivante : non, les époux ne peuvent pas divorcer comme ils veulent ; ils doivent d’abord être autorisés à introduire une demande de divorce, puis doivent réfléchir pendant trois mois, ou, si le défendeur n’a pas accepté la demande, pendant six mois. On ne saurait, me semble-t-il, maintenir ce système dépassé, qui ne correspond plus à la réalité des vies de couple.

En revanche, en précisant que le juge aux affaires familiales doit convoquer les époux sauf avis contraire – il arrive quand même de temps en temps qu’il n’y ait pas de problème –, l’Assemblée nationale a trouvé avec vous, madame la ministre, la bonne solution.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je pense que nous devrions nous aussi écouter les professionnels et adopter cet article 12 dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, assortie de la petite modification que j’ai présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’irai dans le même sens que notre collègue Jacques Bigot, qui sait ce qui se passe dans la réalité : vouloir à tout prix maintenir la phase de tentative de conciliation serait contre-productif. Nous savons en effet que cette étape, en pratique, est le plus souvent une perte de temps : de conciliation, il n’y a quasiment jamais.

La rédaction proposée via cet amendement est un bon compromis : lorsqu’il y a besoin de mesures provisoires, il est possible d’y recourir. Mais se raccrocher à tout prix au maintien de la tentative de conciliation ne me semble pas une bonne chose, dans la mesure où, dans les faits – je le répète –, il y a très peu de conciliations.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Je trouve cette proposition assez intéressante. Les procédures existantes sont très longues. Je parle d’expérience : j’ai été avocat pendant une trentaine d’années – avocat pénaliste, j’ai fait aussi beaucoup de droit matrimonial. Je vois bien, aujourd’hui, à quel point les procédures sont longues et compliquées.

La rédaction de cet amendement me paraît tout à fait intelligente ; des garanties sont apportées et son adoption rendrait les procédures beaucoup plus rapides. Par conséquent, je le voterai.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

(Supprimé)

(Non modifié)

Le chapitre IV du titre VI du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° À l’article 296, les mots : « à la demande de l’un des époux » sont remplacés par les mots : « ou constatée » et, à la fin, le mot : « judiciaire » est supprimé ;

2° À l’article 298, la référence : « à l’article 228 » est remplacée par les références : « aux articles 229-1 à 229-4 » ;

3° À la seconde phrase de l’article 300, après le mot : « Toutefois, », sont insérés les mots : « la convention de séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, » ;

4° Le début de la seconde phrase de l’article 301 est ainsi rédigé : « En cas de séparation de corps par consentement mutuel… (le reste sans changement). » ;

5° Le premier alinéa de l’article 303 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La pension alimentaire peut aussi être prévue par la convention de séparation de corps par consentement mutuel. » ;

6° Le second alinéa de l’article 307 est ainsi rédigé :

« En cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le 1° de l’article 1175 du code civil est complété par les mots : «, sauf les conventions sous signature privée contresignées par avocats en présence des parties et déposées au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues aux articles 229-1 à 229-4 ou à l’article 298 ». –

Adopté.

La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par des articles L. 212-5-1 et L. 212-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 212 -5 -1. – Devant le tribunal de grande instance, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite.

« Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

« Art. L. 212 -5 -2. – Les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer statuant sur une demande initiale n’excédant pas un montant défini par décret en Conseil d’État et les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme n’excédant pas ce montant peuvent, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, être traitées dans le cadre d’une procédure dématérialisée. Dans ce cas, la procédure se déroule sans audience.

« Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En première lecture, nous avons proposé la suppression de cet article qui prévoit la mise en place d’une procédure exclusivement écrite pour juger certains litiges dès lors que les parties seraient en accord. Ceux-ci pourraient alors être jugés sans audience.

Le règlement des litiges inférieurs à un certain montant, qui sera donc fixé par décret, se ferait également sans audience par le biais de la procédure dématérialisée.

Ces nouvelles mesures portent gravement atteinte au droit des justiciables à un procès équitable et à notre modèle juridictionnel tout entier. Leur seul motif est d’ordre économique et ne saurait justifier les conséquences déplorables qui s’ensuivront.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ma chère collègue, le texte de la commission, qui rétablit la version adoptée par le Sénat en première lecture, répond aux griefs que vous évoquez.

Il permet la comparution des parties à l’audience si le tribunal l’estime nécessaire ou si l’une des parties le demande.

Conformément à la position du Sénat en première lecture, la commission des lois a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande d’audience formulée par l’une des parties, considérant qu’une telle faculté pourrait constituer un obstacle inutile à l’accès au juge.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable, selon un raisonnement quasi identique à celui de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je retire l’amendement, madame la présidente !

L ’ article 13 est adopté.

La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par des articles L. 211-17 et L. 211-18 ainsi rédigés :

« Art. L. 211 -17. – Un tribunal de grande instance spécialement désigné par décret connaît :

« 1° Des demandes d’injonction de payer, à l’exception de celles relevant de la compétence d’attribution du tribunal de commerce lorsqu’elle est exercée par la juridiction mentionnée à l’article L. 721-1 du code de commerce ;

« 2° Des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;

« 3°

Supprimé

« Art. L. 211 -18. – Les demandes d’injonction de payer peuvent être formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance spécialement désigné mentionné à l’article L. 211-17.

« Les oppositions sont formées devant le tribunal de grande instance spécialement désigné.

« Les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer sont transmises par le greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné aux tribunaux de grande instance territorialement compétents. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 49 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 80 rectifié est présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 49.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

est en marche.

Quant à savoir si le respect des parties est garanti et si un examen minimal du bien-fondé des injonctions demandées est effectué, c’est un autre problème : il faut aller vite ; il faut être compétitif !

Vous pensez bien que nous ne saurions accepter ce type de justice automatique. Ce n’est plus de la justice, c’est de la régulation de flux, pour désencombrer les juridictions et faire des économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

La procédure d’injonction de payer permet à un créancier de saisir une juridiction par voie de requête, par opposition à l’assignation, et afin d’obtenir une décision de justice enjoignant au débiteur de verser les sommes dues.

Cette procédure se déroule sans audience : concrètement, le créancier adresse un dossier au juge, qui apprécie le bien-fondé de la demande. Si le débiteur conteste la décision dans le mois suivant la signification de l’ordonnance par un huissier de justice, les parties sont convoquées devant le juge pour un débat dit contradictoire.

Il y a chaque année 470 000 requêtes en injonction de payer. Cet article, en instaurant une seule juridiction pour tout le territoire s’agissant des injonctions de payer, pose un problème en termes d’accès au juge.

Cet accès sera rendu plus difficile et plus complexe, car les justiciables devront former opposition devant la juridiction nationale unique, et donc se déplacer jusqu’à cette juridiction pour assister à l’audience.

Il sera désormais impossible de se rendre sur place pour obtenir des informations ; aussi est-il peu probable que cette nouvelle juridiction dispose des moyens humains suffisants pour garantir que le justiciable pourra accéder de manière satisfaisante aux informations nécessaires à l’exercice de ses droits.

Cet article est donc contraire à la nécessaire proximité du citoyen avec la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ces deux amendements visent à supprimer l’article regroupant le contentieux des injonctions de payer au sein d’un tribunal de grande instance à compétence nationale qui serait spécialement désigné à cet effet.

Le Sénat en avait approuvé le principe.

Toutefois, comme en première lecture, le texte de la commission des lois rend optionnelle la saisine par voie dématérialisée de cette juridiction, afin de garantir l’accès au juge tant pour le créancier que pour le débiteur.

Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable sur ces amendements.

Il faut bien tenir compte de ce que signifie le traitement des injonctions de payer.

Il y a deux phases.

La première phase, qui correspond à la délivrance de l’injonction de payer et qui se déroule aujourd’hui dans les quelque 300 tribunaux d’instance, est non contradictoire. Nous la centralisons dans un tribunal unique, avec des magistrats. Il va de soi que les justiciables pourront saisir la juridiction nationale des injonctions de payer en déposant leur requête, y compris par voie papier auprès du tribunal de proximité, qui la transmettra à la juridiction nationale des injonctions de payer. Ainsi, ce traitement non contradictoire sera traité plus rapidement, de la même manière, par la juridiction nationale des injonctions de payer.

La seconde phase correspond à l’éventuelle contestation de l’injonction de payer, qu’il s’agisse d’une contestation des délais ou d’une contestation au fond. Dans les deux cas, cela se passera devant le tribunal de proximité et prendra la forme d’une procédure contradictoire, comme cela se déroule aujourd’hui.

De mon point de vue, mettre en place la procédure nationale de traitement des injonctions de payer ne présente donc que des avantages. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Dans la mesure où nous connaissions déjà l’avis de la commission – en première lecture, celle-ci avait accepté, en le modifiant un peu, le système de la centralisation des injonctions de payer –, nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression au nom du groupe socialiste et républicain.

Pour autant, nous voterons les amendements de suppression déposés. Je les voterai d’autant plus volontiers, madame la garde des sceaux, que je constate que l’un des signataires de l’amendement n° 80 rectifié est l’un de vos anciens collègues au Gouvernement, avocat du centre de la France, qui connaît fort bien le monde judiciaire : il n’est manifestement pas totalement convaincu par vos arguments sur le système des injonctions de payer.

Si Jacques Mézard a cosigné cet amendement – il en est d’ailleurs le premier signataire –, c’est bien qu’il a conscience qu’aucune procédure contradictoire n’est prévue dans l’injonction de payer, même si de nombreux magistrats nous expliquent qu’ils réalisent un travail de contrôle et vérifient que les pièces sont là, que les délais sont respectés, etc.

Comme le souligne l’objet de l’amendement présenté par le groupe CRCE, les magistrats et les greffiers, qui sont peu nombreux, crouleront sous ces procédures et l’on risque à terme – mais c’est sans doute l’objectif – d’avoir un système complètement informatisé, avec des algorithmes.

Où sera alors la vérification exacte des pièces ? Certes, elle aura lieu dans un second temps, si le débiteur prend la précaution de faire opposition à l’injonction de payer. Or il s’agit souvent de débiteurs impécunieux et peu avertis des règles de droit. Je pense que cette procédure facilitera l’obtention de titres définitivement exécutoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Nous ne voterons pas ces amendements de suppression.

Je reviens sur le caractère non contradictoire de la procédure d’injonction de payer. Lorsque la requête aux fins d’injonction de payer est déposée, le débiteur n’est pas au courant – il faut insister sur ce point – et les pièces complémentaires sont demandées au créancier, qui est à l’origine de la demande. Le débiteur n’est pas au courant de la procédure jusqu’à ce que l’ordonnance soit rendue.

On affirme qu’avec cette nouvelle procédure de nationalisation des injonctions de payer et la dématérialisation, en cas d’opposition d’injonction de payer, on revient en quelque sorte au système actuel : en d’autres termes, la procédure est renvoyée devant le tribunal du ressort du débiteur.

Par conséquent, pour le débiteur, rien ne change. Telle qu’elle est préconisée, cette procédure ne présente que des avantages, parce qu’elle est centralisée et systématisée. Lorsque le débiteur fait opposition à l’injonction de payer, il recouvre tous ses droits comme dans le système actuel.

C’est pourquoi je ne vois pas ce que cette procédure a de négatif, dans la mesure où, comme pour la situation actuelle, rien ne change pour le débiteur, qui est celui qu’il faut protéger.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

M. le sénateur Bigot a cité mon ancien collègue Jacques Mézard, qui est de nouveau votre collègue aujourd’hui. Je précise que le deuxième paragraphe de l’objet de l’amendement qu’il a déposé est inexact – sans doute n’a-t-il pas une connaissance très précise de ce sujet. Il est écrit que « cet accès sera rendu plus difficile et plus complexe car les justiciables devront former opposition devant la juridiction unique nationale et donc se déplacer jusqu’à cette juridiction pour assister à l’audience ». Cela n’est pas exact. Cette juridiction ne fera que délivrer les injonctions de payer. À ce stade-là, il n’y a pas d’audience ; l’audience intervient, par la suite, comme c’est le cas actuellement, s’il y a une contestation.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 43, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. Jacques Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -18. – Les demandes d’injonction de payer et les oppositions sont formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance spécialement désigné mentionné à l’article L. 211-17. Toutefois, lorsqu’elles émanent de personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, elles peuvent être adressées, sur support papier, au greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné ou au greffe de tout tribunal judiciaire, auquel il appartient de les transmettre à la juridiction territorialement compétente. »

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Cet amendement a deux objets.

D’une part, il s’agit de rendre possible la dématérialisation de « l’opposition aux demandes d’injonction de payer » et non pas seulement la dématérialisation des « demandes d’injonction de payer », comme le prévoit l’article dans la rédaction issue de l’examen en commission.

D’autre part, il s’agit de revenir sur la suppression des audiences pour le traitement des oppositions aux demandes d’injonction de payer, lorsque l’opposition tend exclusivement à l’obtention de délais de paiement. Beaucoup de justiciables poursuivis par des organismes de crédit ou des bailleurs ont déjà du mal à exprimer oralement leur prétention, qu’en sera-t-il lorsqu’ils devront le faire exclusivement par écrit, par le biais d’une plateforme numérique ?

En l’état, cette disposition est susceptible de porter atteinte au principe du contradictoire, notamment au regard du taux d’illettrisme de certains départements, tels que la Martinique, où ce taux est près de six fois supérieur à celui de l’Hexagone.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement tend à modifier la procédure relative aux oppositions aux injonctions de payer pour prévoir qu’elle peut se faire par voie dématérialisée et supprimer la possibilité de traitement de ces dossiers sans audience devant le juge.

Or l’article 13 prévoit que les oppositions aux injonctions de payer en deçà d’un certain montant pourront se faire par voie dématérialisée, si les parties en sont expressément d’accord. De même, ces oppositions ne pourront être traitées sans audience que si les parties en sont, là encore, expressément d’accord.

Cet amendement semble donc largement satisfait. C’est pourquoi la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L ’ article 14 est adopté.

Le chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 428 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « protection », il est inséré le mot : « judiciaire » ;

b) Après le mot : « personne », sont insérés les mots : « par la mise en œuvre du mandat de protection future conclu par l’intéressé, » ;

c) La référence : « 1429, » est remplacée par la référence : « 1429 ou » ;

d) Le mot : « judiciaire » et, à la fin, les mots : « ou par le mandat de protection future conclu par l’intéressé » sont supprimés ;

1° bis

Supprimé

2° Le premier alinéa de l’article 494-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425 » sont remplacés par les mots : « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » ;

b) Après le mot : « représenter », sont insérés les mots : «, à l’assister dans les conditions prévues à l’article 467 » ;

3° L’article 494-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « par », sont insérés les mots : « la personne qu’il y a lieu de protéger, par » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La désignation d’une personne habilitée est également possible à l’issue de l’instruction d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque, en application du troisième alinéa de l’article 442, le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle. » ;

4° L’article 494-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l’habilitation familiale sollicitée ne permet pas d’assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une des mesures de protection judiciaire mentionnées aux sections 3 et 4 du présent chapitre. » ;

5° Au quatrième alinéa de l’article 494-6, après le mot : « accomplir », sont insérés les mots : « en représentation » ;

6° À l’article 494-7, après le mot : « habilitée », sont insérés les mots : « à représenter la personne protégée » ;

7° L’article 494-8 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « habilitée », sont insérés les mots : « à la représenter » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « à la représenter » ;

8° Après le premier alinéa de l’article 494-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si elle accomplit seule un acte dont l’accomplissement nécessitait une assistance de la personne habilitée, l’acte ne peut être annulé que s’il est établi que la personne protégée a subi un préjudice. » ;

bis Au premier alinéa de l’article 494-10, les mots : « de l’une des personnes mentionnées à l’article 494-1 » sont remplacés par les mots : « de tout intéressé » ;

9° Au 2° de l’article 494-11, après le mot : « demande », sont insérés les mots : « de la personne protégée, ». –

Adopté.

Le code civil est ainsi modifié :

1° À la fin du second alinéa de l’article 486, la référence : « 511 » est remplacée par la référence : « 512 » ;

2° L’article 503 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « avec le budget prévisionnel » ;

a bis)

Supprimé

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de retard dans la transmission de l’inventaire, le juge peut accorder un délai supplémentaire au tuteur, si celui-ci n’a pu obtenir communication des renseignements et documents nécessaires à son établissement auprès des personnes mentionnées au deuxième alinéa.

« Lorsque les conditions de l’avant-dernier alinéa ne sont pas remplies, le juge peut également désigner une personne qualifiée, choisie sur une liste établie par le procureur de la République, pour procéder à l’inventaire aux frais du tuteur. Le juge fixe dans sa décision le délai accordé à la personne qualifiée pour procéder à l’inventaire, ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret. » ;

3° Les articles 511 et 512 sont ainsi rédigés :

« Art. 511. – Pour les mineurs sous tutelle, la vérification annuelle du compte de gestion du tuteur s’exerce dans les conditions prévues à l’article 387-5, sous réserve des dispositions de l’article 513.

« Art. 512. – Pour les majeurs protégés, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ou par le conseil de famille lorsqu’il est fait application de l’article 457. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque les ressources de la personne protégée le permettent et si l’importance ou la composition de son patrimoine le justifie, le juge peut désigner, dès réception de l’inventaire et du budget prévisionnel, une personne qualifiée choisie sur une liste établie par le procureur de la République, chargée de la vérification et de l’approbation des comptes annuels de gestion. Le juge fixe dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à cette dernière le compte de gestion, accompagné des pièces justificatives, en vue de ces opérations, ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret.

« En l’absence de désignation d’un subrogé tuteur ou d’un conseil de famille, et lorsque le juge ne désigne pas de personne qualifiée pour y procéder, les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement par le directeur des services de greffe judiciaires :

« 1° Du tribunal de grande instance, s’agissant des mesures de protection des mineurs ;

« 2° Du tribunal d’instance, s’agissant des mesures de protection des majeurs.

« À l’issue de la vérification du compte de gestion, un exemplaire est versé sans délai au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission.

« En cas de refus d’approbation des comptes, le juge est saisi d’un rapport de difficulté par la personne en charge de vérifier et d’approuver les comptes, et statue sur la conformité du compte.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

4° L’article 513 est ainsi rédigé :

« Art. 513. – Par dérogation aux articles 510 à 512, lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire à la protection des majeurs, le juge peut, en considération de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée, dispenser le tuteur d’établir le compte de gestion et de le faire approuver. » ;

5° Après le même article 513, il est inséré un article 513-1 ainsi rédigé :

« Art. 513 -1. – La personne chargée de vérifier et d’approuver les comptes peut faire usage du droit de communication prévu au deuxième alinéa de l’article 510, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Elle est tenue d’assurer la confidentialité du compte de gestion. » ;

6° L’article 514 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– le mot : « annuel » est supprimé ;

– à la fin, les références : « 511 et 513 » sont remplacées par les références : « 511 à 513-1 » ;

b) À la fin du troisième alinéa, la référence : « 512 » est remplacée par la référence : « 513 ». –

Adopté.

I. – Après le deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, après échec de toute démarche engagée auprès d’un officier de police judiciaire en cas de manquement à l’exécution de la décision du juge aux affaires familiales, à la demande de la personne directement intéressée ou du juge aux affaires familiales, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »

II. – L’article 373-2-6 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, y compris assortir toute mesure d’une astreinte » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision, d’une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou d’une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le condamner au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 €. »

III. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Cet amendement vise à supprimer la notion de recours aux forces de police pour faire exécuter les décisions des juges aux affaires familiales, au regard des dérives d’ores et déjà constatées du point de vue de l’utilisation du syndrome d’aliénation parentale pour faire peser sur les mères une présomption de culpabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement est contraire à la position de la commission. Il tend en effet à supprimer tous les outils prévus à l’article 18 pour améliorer l’exécution des décisions prises en matière d’exercice de l’autorité parentale.

L’objectif de cet article est d’apporter une réponse graduée à ces inexécutions, allant de la médiation familiale jusqu’à la réquisition des forces de l’ordre pour les hypothèses les plus graves.

L’avis est par conséquent défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 18 est adopté.

(Non modifié)

I. – Après l’article 373-2-9 du code civil, il est inséré un article 373-2-9-1 ainsi rédigé :

« Art. 373 -2 -9 -1. – Lorsqu’il est saisi d’une requête relative aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge aux affaires familiales peut attribuer provisoirement la jouissance du logement de la famille à l’un des deux parents, le cas échéant en constatant l’accord des parties sur le montant d’une indemnité d’occupation.

« Le juge fixe la durée de cette jouissance pour une durée maximale de six mois.

« Lorsque le bien appartient aux parents en indivision, la mesure peut être prorogée, à la demande de l’un ou l’autre des parents, si durant ce délai le tribunal a été saisi des opérations de liquidation partage par la partie la plus diligente. »

II. – L’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Des demandes d’attribution à un concubin de la jouissance provisoire du logement de la famille en application de l’article 373-2-9-1 du code civil. » –

Adopté.

Section 3

Concilier la publicité des décisions de justice et le droit au respect de la vie privée

I A. –

Supprimé

I. – Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Les deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 10 sont supprimés ;

2° Au titre V du livre VII, sont ajoutés des articles L. 751-1 et L. 751-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 751 -1. – Les décisions sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité.

« Par dérogation à l’article L. 10, les modalités de cette mise à disposition garantissent le respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision et préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des fonctionnaires de greffe, des parties et de leur entourage et de toutes les personnes citées dans la décision, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions.

« Les articles L. 321-1 à L. 326-1 du code des relations entre le public et l’administration sont applicables à la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

« Art. L. 751 -2. – Les tiers peuvent se faire délivrer copie des décisions, sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

II. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas de l’article L. 111-13 sont ainsi rédigés :

« Sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l’accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité.

« Les modalités de cette mise à disposition garantissent le respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision et préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des fonctionnaires de greffe, des parties et de leur entourage et de toutes les personnes citées dans la décision, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions. » ;

2° Après l’article L. 111-11, sont insérés des articles L. 111-11-1 à L. 111-11-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 111 -11 -1. – En matière civile, les débats sont publics.

« Sans préjudice de l’application des autres dispositions législatives, et sauf devant la Cour de cassation, ils ont toutefois lieu en chambre du conseil :

« 1° En matière gracieuse ;

« 2° Dans les matières relatives à l’état et à la capacité des personnes déterminées par décret ;

« 3° Dans les matières intéressant la vie privée déterminées par décret.

« Le juge peut en outre décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, si toutes les parties le demandent ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice.

« Art. L. 111 -11 -2. – En matière civile, les jugements sont prononcés publiquement.

« Sans préjudice de l’application des autres dispositions législatives, et sauf devant la Cour de cassation, ils ne sont toutefois pas prononcés publiquement :

« 1° En matière gracieuse ;

« 2° Dans les matières relatives à l’état et à la capacité des personnes déterminées par décret ;

« 3° Dans les matières intéressant la vie privée déterminées par décret.

« Art. L. 111 -11 -3. – Les tiers peuvent se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement en matière civile.

« La copie est limitée au dispositif lorsque le jugement est rendu après débats en chambre du conseil.

« Art. L. 111 -11 -4. – Les tiers peuvent se faire délivrer copie des décisions de justice par le greffe de la juridiction concernée conformément aux règles applicables en matière civile ou pénale et sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. »

III. – Le titre III bis de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile est abrogé.

IV. – Au 10° du II de l’article 8 et au 5° de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la référence : « L. 10 » est remplacée par la référence : « L. 751-1 ».

(Supprimé) –

Adopté.

V. – §

TITRE II bis

DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS COMMERCIALES

Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 713-7 est ainsi modifié :

a) Après le b, sont insérés des b bis et b ter ainsi rédigés :

« b bis) Les agriculteurs inscrits au registre des actifs agricoles situés dans ce ressort ;

« b ter) Les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, inscrites à un ordre professionnel ou déclarées auprès de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, situées dans ce ressort ; »

b) Le c est complété par les mots : « ainsi que les conjoints des personnes énumérées au b ter qui collaborent à l’activité de leur époux sans autre activité professionnelle » ;

2° Après le mot : « en », la fin du premier alinéa de l’article L. 713-11 est ainsi rédigée : « six catégories professionnelles correspondant, respectivement, aux activités commerciales, artisanales, agricoles, libérales, industrielles ou de services. » ;

3° Au 5° de l’article L. 723-4, les mots : « ou au répertoire des métiers » sont remplacés par les mots : «, au répertoire des métiers ou au registre des actifs agricoles » et la référence : « au d » est remplacée par les références : « aux b ter et d » ;

4° Au premier alinéa et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 723-7, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq ». –

Adopté.

I. – L’article L. 234-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Aux première et troisième phrases du deuxième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

2° À la dernière phrase du deuxième alinéa et à la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

II. – Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 611-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale » sont remplacés par les mots : «, une entreprise individuelle commerciale ou artisanale, une personne morale de droit privé ou une personne physique exerçant une activité agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, » et les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception, lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d’avocat, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’officier public ou ministériel, le président du tribunal ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel. » ;

2° L’article L. 611-2-1 est abrogé ;

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 611-3 est ainsi rédigé :

« Le tribunal compétent est le tribunal des affaires économiques. » ;

4° À l’article L. 611-4, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » et les mots : « exerçant une activité commerciale ou artisanale » sont supprimés ;

5° Le premier alinéa de l’article L. 611-5 est supprimé ;

6° Le premier alinéa de l’article L. 621-2 est ainsi rédigé :

« Le tribunal compétent est le tribunal des affaires économiques. » ;

7° Au dernier alinéa de l’article L. 640-5, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;

8° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 662-3, les mots : « de commerce et le tribunal de grande instance » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

9° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 662-6, les mots : « de commerce et celui du tribunal de grande instance établissent » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques établit ».

III. – Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :

1° À l’intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;

2° Le titre Ier est ainsi modifié :

a) À la fin de l’article L. 713-6, aux a et e du 1° de l’article L. 713-7 et au premier alinéa de l’article L. 713-11, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) Au I de l’article L. 713-12, la première occurrence des mots : « de commerce » est remplacée par les mots : « des affaires économiques » ;

3° Le titre II est ainsi modifié :

a) À la fin de l’intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 721-1 et à l’article L. 721-2, deux fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) À la fin de l’intitulé de la section 1 du chapitre Ier, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

d) Au premier alinéa de l’article L. 721-3, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

e) À l’article L. 721-3-1 et au premier alinéa de l’article L. 721-4, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

f) L’article L. 721-5 est abrogé ;

g) Au premier alinéa des articles L. 721-6 et L. 721-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

h) À la fin de l’intitulé de la section 2 du chapitre Ier, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

i) L’article L. 721-8 est ainsi modifié :

– le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Des tribunaux des affaires économiques spécialement désignés connaissent : » ;

– au 4°, au dixième alinéa, aux première et seconde phrases du onzième alinéa, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, deux fois, et au dernier alinéa, deux fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

j) À la fin de l’intitulé de la section 1 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

k) À l’article L. 722-1, aux articles L. 722-2 et L. 722-3, à l’article L. 722-3-1, deux fois, à la première phrase du premier alinéa, deux fois, et au second alinéa de l’article L. 722-4 et aux première et deuxième phrases de l’article L. 722-5, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

l) À la fin de l’intitulé de la section 2 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

m) Aux première et seconde phrases du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 722-6, aux premier, deux fois, et second, deux fois, alinéas de l’article L. 722-6-1, au premier alinéa de l’article L. 722-6-2, aux première et deuxième phrases de l’article L. 722-6-3, aux premier et dernier, deux fois, alinéas de l’article L. 722-7, au premier alinéa de l’article L. 722-8, à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 722-9, à l’article L. 722-10, au premier alinéa, deux fois, et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 722-11, au premier alinéa de l’article L. 722-12, à l’article L. 722-13, aux premier et second alinéas de l’article L. 722-14 et aux articles L. 722-15 et L. 722-16, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

n) Aux premier et second alinéas de l’article L. 722-17, dans sa rédaction résultant de l’article 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

o) Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 722-18, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 722-19, au premier alinéa de l’article L. 722-20, au premier alinéa et aux 1° et 2° du I de l’article L. 722-21, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

p) À la fin de l’intitulé du chapitre III, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

q) Au premier alinéa et au 2° de l’article L. 723-1, aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 723-3, au premier alinéa, au 1°, deux fois, et au dernier alinéa, deux fois, de l’article L. 723-4, au premier alinéa, deux fois, et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 723-7, aux premiers alinéas des articles L. 723-9, L. 723-10 et L. 723-11 et à l’article L. 723-12, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

r) À la fin de l’intitulé du chapitre IV, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

s) À l’article L. 724-1, à l’article L. 724-1-1, deux fois, au 3°, deux fois, de l’article L. 724-2, à l’article L. 724-3, au premier alinéa de l’article L. 724-3-1, à la première phrase, deux fois, du premier alinéa, au deuxième alinéa, au 1°, aux première et deuxième phrases du neuvième alinéa et au douzième alinéa de l’article L. 724-3-3, aux première, deux fois, et dernière phrases de l’article L. 724-4 et à l’article L. 724-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

4° Le titre III est ainsi modifié :

a) À l’intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;

b) À l’article L. 731-2, au premier alinéa de l’article L. 731-4 et aux articles L. 732-1 et L. 732-2, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) L’article L. 732-3 est ainsi modifié :

– à la première phrase du premier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

– le second alinéa est ainsi rédigé :

« Le greffe des tribunaux mixtes des affaires économiques est assuré par un greffier de tribunal des affaires économiques. » ;

d) À l’article L. 732-4, deux fois, à la première phrase de l’article L. 732-5, à l’article L. 732-6, deux fois, et à la deuxième phrase de l’article L. 732-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

5° Le titre IV est ainsi modifié :

a) À la fin de l’intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) Au premier alinéa de l’article L. 741-1, au premier alinéa, deux fois, à la première phrase du sixième alinéa et au dernier alinéa de l’article L. 741-2, au premier alinéa de l’article L. 742-1 et à l’article L. 742-2, à la première phrase de l’article L. 743-1, au premier alinéa de l’article L. 743-2, à la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 743-3, au premier alinéa, trois fois, de l’article L. 743-4, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 743-5, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 743-6, au premier alinéa de l’article L. 743-7, aux premier et second alinéas de l’article L. 743-8, à la première phrase, deux fois, de l’article L. 743-12 et aux première, deux fois, et seconde, trois fois, phrases du premier alinéa, aux première, deux fois, et seconde phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa, trois fois, de l’article L. 743-12-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) Après le mot : « tarification », la fin de l’intitulé de la section 3 du chapitre III est supprimée ;

d) Au premier alinéa de l’article L. 743-13, à la première phrase de l’article L. 743-14, au premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 743-15, à l’article L. 744-1, trois fois, à l’article L. 744-2, quatre fois, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».

IV. – À l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de grande instance » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».

V. – À la fin du I de l’article L. 145 A du livre des procédures fiscales, les mots : « et au premier alinéa de l’article L. 611-2-1 du code précité » sont supprimés.

VI. – À la fin de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 2315-74 et au premier alinéa de l’article L. 7322-5 du code du travail, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».

VII. – Le livre II du code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 215-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

2° À la fin du 1° de l’article L. 261-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ». –

Adopté.

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À l’article L. 145-56, les mots : « de compétence et » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 622-14, il est inséré un article L. 622-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 622 -14 -1. – Le tribunal statue sur toute contestation relative au bail des immeubles donnés à bail au débiteur. » ;

3° Après l’article L. 721-3-1, il est inséré un article L. 721-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 721 -3 -2. – Les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux baux commerciaux, aux baux professionnels et aux conventions d’occupation précaire conclus entre les personnes mentionnées à l’article L. 721-3. » –

Adopté.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Chapitre Ier

Alléger la charge des juridictions administratives

Avant l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires, il est inséré un article 54 A ainsi rédigé :

« Art. 54 A. – La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant à fournir un avis ou un conseil sur une question de droit en vue d’une éventuelle prise de décision. » –

Adopté.

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code de justice administrative est ainsi modifié :

1° L’article L. 222-2-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 222 -2 -1. – Le président du tribunal administratif peut désigner des magistrats administratifs honoraires choisis parmi les magistrats inscrits, pour une durée de trois ans renouvelable, sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d’État, pour exercer les fonctions de rapporteur en formation collégiale dans la limite d’un magistrat honoraire par formation de jugement.

« Les magistrats honoraires peuvent également statuer :

« 1° Sur les recours relevant de la compétence du juge statuant seul lorsqu’il ne statue pas en premier et dernier ressort ;

« 2° Sur les référés présentés sur le fondement du livre V ;

« 3° Sur les recours en annulation dont le tribunal est saisi en application des III et IV de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;

2° La section 2 est complétée par des articles L. 222-2-2 et L. 222-2-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 222 -2 -2. – Les magistrats honoraires mentionnés à l’article L. 222-2-1 sont soumis aux dispositions des articles L. 231-1 à L. 231-9. Pour l’application de l’article L. 231-4-1, ils remettent leur déclaration d’intérêts aux présidents des juridictions où ils exercent leurs fonctions. Ils ne peuvent ni être membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ni participer à la désignation des membres de cette instance.

« Les magistrats honoraires peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions juridictionnelles, sous réserve qu’elle ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité ou à l’indépendance de leurs fonctions. Toutefois, ils ne peuvent exercer aucune activité d’agent public, à l’exception de celles de professeur des universités ou de maître de conférences.

« Dans le ressort de la juridiction où ils sont désignés, les magistrats honoraires ne peuvent ni exercer une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salariés d’un membre d’une telle profession, ni effectuer aucun acte d’une telle profession.

« Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent ni mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de l’exercice de leurs fonctions qu’à l’issue de celles-ci.

« Le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles est mis en œuvre dans les conditions définies au chapitre VI du titre III du présent livre. Outre le blâme et l’avertissement prévus à l’article L. 236-1, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la cessation des fonctions.

« Les magistrats honoraires ne peuvent exercer de fonctions juridictionnelles au-delà de l’âge de soixante-quinze ans. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu’à leur demande ou pour un motif disciplinaire.

« Les activités accomplies en application du présent article sont indemnisées dans des conditions prévues par décret.

« Art. L. 222 -2 -3. – Sur leur demande, le président du tribunal administratif peut désigner des magistrats honoraires inscrits sur la liste prévue à l’article L. 222-2-1 pour exercer des fonctions d’aide à la décision au profit des magistrats. L’exercice de ces fonctions est incompatible avec celui des activités juridictionnelles prévues au même article L. 222-2-1.

« Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées au premier alinéa du présent article ne peuvent ni exercer de profession libérale juridique ou judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salariés d’un membre d’une telle profession, ni effectuer aucun acte d’une telle profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

« Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées au même premier alinéa sont tenus au secret professionnel. Ils ne peuvent exercer ces fonctions au-delà de l’âge de soixante-quinze ans.

« Les activités accomplies en application du présent article sont indemnisées dans des conditions prévues par décret. » ;

3° La section 3 est ainsi modifiée :

a) L’article L. 222-5 est ainsi rétabli :

« Art. L. 222 -5. – Le président de la cour administrative d’appel peut désigner des magistrats honoraires inscrits sur la liste prévue à l’article L. 222-2-1 pour exercer les fonctions de rapporteur en formation collégiale ou pour statuer sur les référés présentés sur le fondement du livre V.

« L’article L. 222-2-2 est applicable. » ;

b) Il est ajouté un article L. 222-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 222 -6. – Le président de la cour administrative d’appel peut désigner des magistrats honoraires inscrits sur la liste prévue à l’article L. 222-2-1 pour exercer des fonctions d’aide à la décision au profit des magistrats.

« L’article L. 222-2-3 est applicable. »

II. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 50, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme nous le précisons dans l’objet de cet amendement, l’article 21 permet à un chef de juridiction de confier à un magistrat honoraire des fonctions d’aide à la décision, qui, en principe, se caractérisent par le fait que leurs titulaires n’ont pas la qualité de magistrat. Nous partageons l’avis des professionnels qui considèrent que cette possibilité serait « symboliquement désastreuse pour des magistrats par nature très expérimentés qui se trouveraient ainsi, dans le cadre de l’honorariat, dans une situation d’infériorité par rapport à leurs collègues en activité ».

L’objectif est clair pour le Gouvernement mais aussi pour la majorité sénatoriale qui accepte cette disposition : faire des économies. Faire partager l’expérience des plus anciens est une bonne chose, mais cela ne doit pas se substituer au recrutement de nouveaux magistrats, dans une justice administrative qui est sous grande pression. À nos yeux, cette disposition est un pis-aller et nous ne l’acceptons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour des magistrats honoraires d’assurer des fonctions d’aide à la décision auprès d’autres magistrats. Or cette possibilité est déjà prévue pour les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire à l’article 40 de la loi organique du 8 août 2016. Par ailleurs, la commission a précisé, comme à l’article 40, que ce n’est qu’à leur demande que les magistrats honoraires des juridictions administratives pourront être désignés pour assurer ces fonctions.

Par conséquent, l’avis est avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable également. Pour exercer de telles fonctions, des magistrats de cet acabit sont extrêmement précieux.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Mézard, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 17

Compléter ces alinéas par les mots : en France et à l’étranger

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Selon l’article 71 de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, « tout fonctionnaire admis à la retraite est autorisé à se prévaloir de l’honorariat dans son grade ou son emploi à condition d’avoir accompli vingt ans au moins de services publics ». L’étude d’impact établit le nombre de magistrats concernés à 73.

Le recours à ces magistrats a progressivement été étendu à partir de 2006, d’abord pour les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière. Le CESEDA, ou code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, permet qu’ils statuent seuls sur les recours formés par les demandeurs d’asile placés en rétention ou qu’ils soient rattachés à certaines juridictions spécialisées, comme la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile. Cette faculté a par ailleurs été considérablement ouverte dans l’ordre judiciaire par la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

Dans la continuité des évolutions antérieures, ce projet de loi prévoit donc d’étendre le recours à ces magistrats dans l’ordre administratif.

En parallèle, les règles de déontologie s’imposant aux magistrats honoraires voulant exercer comme avocat relèvent du « droit mou » de la charte de déontologie de la juridiction administrative du 14 mars 2017. Compte tenu des nouvelles fonctions juridictionnelles qu’il est prévu de leur confier et qui leur permettront de « garder un pied » dans les juridictions, il convient de prévenir au maximum les risques de conflits d’intérêts pouvant survenir à cette occasion, en étendant l’encadrement du cumul d’activité juridique et judiciaire en France et à l’étranger. En effet, il n’est pas rare que d’anciens magistrats administratifs ou membres du Conseil d’État soient recrutés par des cabinets étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement vise à interdire aux magistrats honoraires d’exercer une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, d’être salariés d’un membre d’une telle profession, ou d’effectuer un acte d’une telle profession à l’étranger.

L’article 18 ne prévoit de telles incompatibilités qu’en France. Cela nous paraît suffisant, d’autant qu’une telle interdiction pour des activités menées à l’étranger ne nous semble pas exister pour les magistrats administratifs en fonction ou pour les magistrats judiciaires en fonction ou honoraires.

S’il existe des risques ponctuels de conflits d’intérêts, les règles de déport existantes devraient suffire à les régler.

Par conséquent, l’avis est défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis que M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je retire cet amendement, madame la présidente !

L ’ article 21 est adopté.

(Supprimé)

(Non modifié)

I et II. –

Non modifiés

III. – La première phrase de l’article L. 233-8 du code de justice administrative est ainsi modifiée :

1° Au début, les mots : « Les personnes visées à l’article précédent » sont remplacés par les mots : « Les magistrats maintenus en activité en application de l’article L. 233-7 » ;

2° Les mots : « qu’elles détenaient lorsqu’elles » sont remplacés par les mots : « qu’ils détenaient lorsqu’ils ».

IV. – L’article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État est ainsi modifié :

1° Au début, les mots : « Les membres du Conseil d’État, » sont supprimés ;

2° Les mots : « de conseiller d’État, » sont supprimés. –

Adopté.

Chapitre II

Renforcer l’efficacité de la justice administrative

(Non modifié)

L’article L. 511-2 du code de justice administrative est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le troisième alinéa est applicable aux référés en matière de passation de contrats et marchés prévus au chapitre Ier du titre V du présent livre. » –

Adopté.

I. – Le livre IX du code de justice administrative est ainsi modifié :

1° L’article L. 911-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. » ;

2° L’article L. 911-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction peut également prescrire d’office l’intervention de cette nouvelle décision. » ;

3° Au début de l’article L. 911-3, les mots : « Saisie de conclusions en ce sens, » sont supprimés ;

4° L’article L. 911-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 911 -4. – En cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d’en assurer l’exécution.

« Si le jugement ou l’arrêt dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte. » ;

5° Les deux premiers alinéas de l’article L. 911-5 sont ainsi rédigés :

« En cas d’inexécution d’une de ses décisions ou d’une décision rendue par une juridiction administrative autre qu’un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel, le Conseil d’État peut, même d’office, lorsque cette décision n’a pas défini les mesures d’exécution, procéder à cette définition, fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte contre les personnes morales en cause.

« Lorsqu’une astreinte a déjà été prononcée en application de l’article L. 911-3, il n’est pas prononcé de nouvelle astreinte. »

II. – Après l’article L. 2333-87-8 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2333-87-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2333 -87 -8 -1. – Lorsque sa décision implique nécessairement que la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte concerné prenne une mesure d’exécution, la commission du contentieux du stationnement payant peut, même d’office, prononcer à son encontre une injonction, assortie, le cas échéant, d’une astreinte. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° L’article L. 611-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 611 -1. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 du présent code sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires répondant aux conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de commerce.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » ;

2° L’article L. 77-13-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 77 -13 -1. – Lorsque les actions tendant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte portée au secret des affaires relèvent de la juridiction administrative, le juge peut mettre en œuvre les mesures prévues au chapitre II du titre V du livre Ier du code de commerce, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires.

« Les décisions rendues en référé en application du présent article sont rendues en dernier ressort. » ;

3° Les articles L. 775-2 et L. 77-13-2 sont abrogés. –

Adopté.

(Suppression maintenue)

TITRE IV

DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre Ier

Dispositions relatives au parcours judiciaire des victimes

I AA, I AB et I A. –

Supprimés

I. – Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 15 -3 -1. – Lorsque, dans les cas et selon les modalités prévues par décret, la plainte de la victime est adressée par voie électronique, le procès-verbal de réception de plainte est établi selon les modalités prévues à l’article 801-1 et le récépissé ainsi que, le cas échéant, la copie du procès-verbal peuvent être adressés, selon les modalités prévues par décret, à la victime dans les meilleurs délais.

« Le lieu de traitement automatisé des informations nominatives relatives aux plaintes adressées conformément au présent article est considéré comme le lieu de constatation de l’infraction. Il en est de même s’agissant des traitements des informations relatives au signalement des infractions.

« Au moment du dépôt de plainte par voie électronique, les poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse sont expressément mentionnées.

« Les plaintes relatives à des crimes ou à des délits contre les personnes mentionnés au livre II du code pénal ne peuvent être adressées par voie électronique.

« La plainte par voie électronique ne peut être imposée à la victime. »

II et III. –

Non modifiés

III bis et IV. –

Supprimés

V à VII. –

Non modifiés

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si la plainte adressée par voie électronique concerne des infractions semblant constitutives des infractions listées aux 3° à 13° de l’article 706–47 du code de procédure pénale ou du délit de harcèlement mentionné à l’article 222-33-2 du code pénal, l’instruction doit garantir au plus tôt l’oralité du témoignage de la victime. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Cet amendement vise à garantir le maintien de l’oralité lors de la révélation des faits de violences à caractère sexuel. Cette oralité est indispensable pour poursuivre le mouvement de libération de la parole des victimes, mais également parce que les témoignages de vive voix, dans la mesure du possible filmés, constituent des éléments de preuve cruciaux dans le cadre de la procédure d’instruction, puis du jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Le texte prévoit déjà que sont exclus des dépôts de plaintes en ligne les agressions contre les personnes. Par conséquent, l’amendement de Laurence Rossignol est satisfait.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, mais pour des raisons différentes. Cela relève des modalités d’application du dépôt de plainte en ligne, qui figureront dans les dispositions réglementaires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

L’amendement n° 97 est présenté par Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15 -3 -… – Les victimes mineures comme majeures des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal ont le droit, si elles en manifestent la volonté, de témoigner des faits subis dans un local leur garantissant intimité et discrétion. »

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Il s’agit de garantir aux victimes d’infractions sexuelles le droit à l’intimité lorsqu’elles viennent témoigner de l’agression subie. En effet, les témoignages de victimes ayant souffert d’avoir dénoncé leur agression en présence de tiers, voire à l’accueil du commissariat ou de la gendarmerie sont nombreux. Ce traumatisme s’ajoute à celui qu’elles ont subi lors de l’agression sexuelle ou du viol, nuit au processus de reconstruction des victimes et crée chez elles un fort sentiment d’injustice.

Cet amendement vise donc à permettre aux victimes de témoigner dans un lieu apte à recevoir leur parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 97 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Sur le fond, nous partageons l’objectif exprimé par les signataires de cet amendement. Reste que cela revient à faire figurer dans la loi un vœu sympathique, mais sans effet.

Les conditions matérielles dans les commissariats, notamment pour accueillir les victimes, sont ce qu’elles sont. L’enjeu, c’est plutôt d’améliorer ces locaux et de procéder aux aménagements nécessaires, mais cela relève sans doute d’un autre véhicule législatif.

Il s’agit donc non de contester le fond de cet amendement, mais d’être réaliste quant à l’opportunité et à l’efficacité d’un tel amendement dans le présent projet de loi.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. Toutefois, madame la garde des sceaux, il est impérieux que les commissariats disposent de lieux dédiés, qui existent déjà pour partie, ou que ces lieux soient améliorés.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je partage pleinement la motivation exprimée par M. le rapporteur et son avis sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne suis pas convaincu par les explications de M. le rapporteur et de Mme la garde des sceaux.

Il s’agit d’une question extrêmement sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lorsqu’une personne est victime de viol et qu’elle doit aller faire une déclaration au commissariat ou à la gendarmerie, la situation est très traumatisante. Le fait d’inscrire dans la loi que l’intimité de la personne doit être respectée dans les conditions dans lesquelles elle est accueillie ne me paraît pas superfétatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Certes, on peut dire que l’on n’y peut rien, que les locaux sont comme ils sont, etc. Dans ce cas-là, on ne fait rien. Toutefois, le fait de l’inscrire dans la loi sera un argument dans un certain nombre de situations et une incitation à faire en sorte qu’il y ait une salle, un lieu où l’intimité puisse être respectée.

Il me paraîtrait assez léger ou assez irrespectueux que, sur cette question-là, on se satisfasse de réponses de circonstance en affirmant que cela ne constitue pas un véritable sujet. À mon sens, c’en est un et, madame la garde des sceaux, je pense que vous le penserez aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Je me range à ce que vient de dire Jean-Pierre Sueur. Dans de nombreux endroits, en France, un certain nombre de gendarmeries ont été refaites à neuf avec l’argent des collectivités et celui de l’État. Lorsque l’on traverse le pays, on s’aperçoit que c’est de mieux en mieux, même si, dans certaines villes, des commissariats posent problème.

Il est vrai que le manque d’intimité est terrible. Par conséquent, inscrire cette disposition dans la loi permettra de faire avancer les choses et poussera le Gouvernement – s’il en a les moyens, j’espère qu’il le fera – à améliorer les locaux des commissariats.

Pour ma part, je voterai cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je souhaite répondre à MM. Sueur et Fouché. Évidemment, il ne s’agit pas de notre part d’un manque de respect à l’égard des victimes ni même d’une façon de considérer, d’une manière un peu légère et sans fondement, qu’il faut prendre les installations physiques telles qu’elles sont.

Nous soulignons le fait que ces dispositions ne sont pas de nature législative, mais relèvent de textes réglementaires d’application. D’ailleurs, l’article D1–7 du code de procédure pénale précise que l’« audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation ». Bien évidemment, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille s’en contenter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

L’amendement n° 98 est présenté par Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15 -3 -… – Lorsqu’une victime, majeure ou mineure, de faits semblant constitutifs des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal, dénonce la ou les infractions devant les autorités judiciaires, la prise d’une plainte est obligatoire sauf refus express de la victime. »

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

De très nombreux témoignages de victimes d’infractions sexuelles attestent que celles-ci se voient refuser de déposer plainte lors de la dénonciation des faits. C’est une dure réalité. Récemment, dans mon département, ce genre de situation a été porté à ma connaissance par la victime elle-même. Or c’est déjà si difficile et si compliqué de venir déposer plainte !

Une fois amendé, cet article renforcera le droit au dépôt de plainte, en prévoyant que, sauf refus express de la victime, la prise de plainte est obligatoire lors de la dénonciation d’infractions à caractère sexuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 98 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 8 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le code de procédure pénale dispose déjà, à l’article 15–3, que la police judiciaire qui recueille le dépôt de plainte « est tenue de recevoir la plainte des victimes d’infractions » : il s’agit d’une obligation qui ne peut en aucun cas être refusée.

En revanche, et l’on peut entendre, une difficulté locale peut surgir, ce qui est tout à fait regrettable. Dans ces conditions, il revient à l’administration et au garde des sceaux de rappeler les dispositions de l’article 15–3.

C’est la raison pour laquelle la commission considère que cet amendement est satisfait par le droit positif. Par conséquent, elle en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis.

Si une difficulté ponctuelle surgit – nous ne nions pas que cela puisse arriver –, la procédure consiste à écrire au procureur de la République, qui demande immédiatement au commissaire de police de prendre en charge cette plainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je souhaite insister. Lorsque l’on essuie un refus de dépôt de plainte, une forme d’intimidation entre en jeu – c’est plus vrai pour la gendarmerie que pour la police judiciaire – et il est très difficile pour la victime de revenir déposer plainte. Vous vous rendez bien compte qu’il est extrêmement compliqué pour une femme à qui l’on a dit : « C’est votre parole contre la sienne, il vaut mieux pas dépoter déposer plainte », de se présenter de nouveau et de s’imposer pour que sa plainte soit reçue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

On peut entendre l’argument de Mme la garde des sceaux sur la loi et la procédure réglementaire. Néanmoins, les cas existent : ils n’ont pas été inventés, nous en sommes trop souvent saisis, hélas.

Ne conviendrait-il pas au moins que, sur les dispositions prévues à cet amendement comme à l’amendement précédent, une circulaire soit rédigée par l’exécutif rappelant, d’une part, les conditions de respect et, d’autre part, l’obligation prévue par la procédure pénale d’enregistrer le dépôt de plainte ? Cela n’exclut pas que le procureur de la République puisse être saisi, mais ce serait de bon aloi, car il est étonnant que ce genre de témoignage se répète de façon récurrente, paradoxalement moins en ville que dans les zones périurbaines, voire à la campagne.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 26 est adopté.

Le 3° du IV de l’article 707 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 3° D’être informée, si elle le souhaite, des modalités d’exécution d’une peine privative de liberté, notamment les conditions de sortie d’incarcération, dans les cas et conditions prévus au présent code ; ». –

Adopté.

(Non modifié)

Au premier alinéa du I de l’article 15-4 du code de procédure pénale, après le mot : « établit », sont insérés les mots : « ou dans lesquels il intervient ». –

Adopté.

(Suppression maintenue)

Chapitre II

Dispositions relatives aux phases d’enquête et d’instruction

Section 1

Dispositions communes aux enquêtes et à l’instruction

Sous-section 1

Dispositions relatives au recours aux interceptions par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation, à l’enquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales d’enquête

I A. –

Supprimé

I. – Après l’article 60-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 60-4 ainsi rédigé :

« Art. 60 -4. – Si les nécessités de l’enquête de flagrance portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques selon les modalités prévues au second alinéa de l’article 100 et aux articles 100-1 et 100-3 à 100-8, pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. L’ordonnance est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

« En cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime, l’interception peut également être autorisée, selon les mêmes modalités, si elle intervient sur cette ligne à la demande de cette dernière.

« Pour l’application des articles 100-3 à 100-5 et 100-8, les attributions confiées au juge d’instruction ou à l’officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire requis par ce magistrat.

« Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l’interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application du troisième alinéa du présent article. Les procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation lui sont communiqués. S’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code n’ont pas été respectées, il ordonne la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués. Il statue par une ordonnance motivée qu’il notifie au procureur de la République qui peut former appel devant le président de la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours à compter de la notification. »

I bis. –

Supprimé

II. – Après l’article 77-1-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 77-1-4 ainsi rédigé :

« Art. 77 -1 -4. – Si les nécessités de l’enquête préliminaire portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent, l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques peuvent être autorisées conformément à l’article 60-4. »

III. – L’article 100 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime, l’interception peut également être autorisée, selon les mêmes modalités, si elle intervient sur cette ligne à la demande de cette dernière. »

III bis, IV, IV bis et IV ter. –

Non modifiés

V. – L’article 230-32 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ; »

2° Les 3° et 4° deviennent les 2° et 3°.

VI. – L’article 230-33 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « huit » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de quinze jours » ;

2° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette opération ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale de l’opération puisse excéder deux ans. » ;

3° La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires ».

VI bis. –

Non modifié

VI ter. – Le dernier alinéa de l’article 230-35 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le juge des libertés et de la détention confirme cette autorisation, par une ordonnance motivée, dans un délai maximal de vingt-quatre heures. À défaut, il est mis fin à l’opération, les données ou correspondances recueillies sont placées sous scellés fermés et elles ne peuvent pas être exploitées ou utilisées dans la procédure. Le juge des libertés et de la détention peut également ordonner la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués. Dans les cas prévus au premier alinéa du présent article, l’autorisation comporte l’énoncé des circonstances de fait établissant l’existence du risque imminent mentionné à ce même alinéa. »

VI quater. – Au dernier alinéa de l’article 709-1-3 du code de procédure pénale, les références : « aux 1° et 2° » sont remplacées par la référence : « au 1° ».

VII. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 17 rectifié est présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

L’amendement n° 51 est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

L’amendement n° 81 rectifié est présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettent une intrusion sans commune mesure dans la vie privée du justiciable. Les mesures qu’elles permettent, extrêmement attentatoires au respect de la vie privée, sont autorisées avec beaucoup de précautions et ont commencé à être encadrées en France par la loi du 28 mars 2014.

Cette ingérence généralisée ne semble pas poursuivre un but nécessaire et légitime. Par ailleurs, l’article prévoit une nette extension des pouvoirs du parquet, ce qui fait craindre un cruel manque d’indépendance dans la tenue des enquêtes et la disparition, in fine, du juge d’instruction.

En effet, on observe une extension inquiétante des pouvoirs du parquet et des officiers de police judiciaire, les pouvoirs initialement dévolus au juge d’instruction étant étendus au procureur de la République.

Un tel article ne saurait être accepté ni même amendé.

Certains ont proposé de porter le seuil de trois ans à cinq ans pour que ces mesures ne s’appliquent légalement qu’aux crimes et délits punis d’une peine de cinq ans d’emprisonnement. Toutefois, au nom du principe de précaution, eu égard aux risques de dérives sécuritaires, nous demandons la suppression pure et simple de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 51.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’article 27 comporte des dispositions pénales qui, comme beaucoup d’autres dans ce texte, sont particulièrement régressives et portent gravement atteinte aux libertés publiques.

Nous regrettons que la navette parlementaire n’ait pas permis d’avancer sur ce point. La majorité sénatoriale, pourtant consciente des menaces potentielles contre les libertés individuelles, s’est obstinée dans la recherche d’un hypothétique compromis, lequel ne viendra pas.

Cet article étend le recours à la géolocalisation et aux interceptions par voie de communications électroniques aux enquêtes préliminaires et de flagrance pour les crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.

Alors que l’opinion et les juristes s’inquiètent depuis des années de l’intrusion de Big Brother dans la justice, le Gouvernement propose, plutôt qu’une régulation, une extension considérable des méthodes évoquées à la quasi-totalité des crimes et délits.

Comme en première lecture, nous dénonçons l’évolution intrusive de la procédure pénale et des moyens de l’enquête.

On ne peut, au nom de la sécurité et de la justice, justifier une perpétuelle fuite en avant vers une remise en cause des libertés fondamentales.

Nous demandons donc la suppression de cet article, dont la conformité à la Constitution nous paraît du reste douteuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces trois amendements visent à supprimer l’article 27. D’autres tendront ensuite à supprimer les articles 28 et 29.

Je rappelle que ces trois articles prévoient respectivement d’étendre le recours aux techniques d’interception et de géolocalisation, d’étendre le recours à l’enquête sous pseudonyme et d’étendre le recours aux techniques spéciales d’enquête. Voter ces amendements, c’est supprimer ces dispositifs.

La commission des lois n’a pas fait ces choix-là. Elle maintient ces dispositifs, considérant qu’ils ont leur utilité. Elle les a simplement encadrés, singulièrement le quantum des peines à partir duquel ils peuvent être appliqués, soit au moins cinq ans d’emprisonnement, comme je l’ai rappelé brièvement il y a quelques instants.

Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.

Je rappelle que les mesures que nous proposons résultent des propositions formulées dans le cadre des chantiers de la justice, qui ont eu lieu l’année dernière. Au fond, nous avons voulu simplifier et rapprocher les régimes d’utilisation de ces interceptions téléphoniques ou de la géolocalisation.

Il me semble en effet que rien ne justifie que les interceptions téléphoniques ne soient actuellement autorisées au cours d’une enquête que pour des faits de délinquance ou de criminalité organisée alors qu’elles sont très largement possibles à l’instruction pour toute infraction punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement. Cette différence de champs d’application, selon le type de procédure, qu’il s’agisse de l’enquête ou de l’instruction, est propre aux écoutes et n’existe pas pour les autres mesures. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité procéder à une simplification.

En outre, les garanties qui sont prévues lors de l’enquête sont équivalentes à celles de l’instruction dès lors que, dans les deux cas, elles seront autorisées par un magistrat du siège, soit le juge d’instruction, soit le juge des libertés et de la détention.

Enfin, il nous semble que la seule différence qui soit justifiée, et qui demeure dans notre texte, c’est la durée des écoutes, laquelle varie selon que l’on soit dans le cadre d’une enquête ou dans le cadre d’une instruction.

Pour la géolocalisation, c’est pareil. Il nous a semblé que les différences de seuil de trois ans et de cinq ans, assortis d’exceptions, étaient très complexes et injustifiées. Je rappelle que les pouvoirs qui sont conférés au juge des libertés et de la détention sont renforcés puisqu’il pourra ordonner la destruction des procès-verbaux qui auront été recueillis lors d’écoutes illégales. Par ailleurs, le texte réduit la durée pendant laquelle la géolocalisation pourra être mise en œuvre sur seule autorisation du parquet.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 27, présenté par MM. Jacques Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

cinq

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cet amendement vise à modifier le texte de la commission.

Je tiens à souligner que le texte de la commission est plus prudent en termes de libertés – cela a d’ailleurs été dit lors de la table ronde – que le texte issu de l’Assemblée nationale. Vous avez ainsi supprimé la procédure d’urgence, qui aurait permis la mise en place d’interceptions avec la seule autorisation préalable du procureur de la République et un contrôle a posteriori du juge des libertés et de la détention, l’obligation de motivation d’usage des écoutes téléphoniques par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires, l’amélioration du contrôle, ainsi que les limites du recours à la géolocalisation.

Toutefois, il faut être bien conscient que ces techniques sont très intrusives. Elles portent nécessairement atteinte à la vie privée. On peut comprendre que les enquêteurs aient envie de ne pas en être privés dans le cadre de leurs recherches. Pour notre part, nous pensons que l’atteinte à la vie privée est si grave que leur utilisation doit être réservée aux crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée de cinq ans au moins, comme l’avaient d’ailleurs proposé les rapporteurs dans le cadre de vos chantiers de la justice, MM. Natali et Beaume, si mes souvenirs sont exacts, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cela m’ennuie toujours d’être désagréable avec notre collègue Jacques Bigot, mais la commission a émis un avis défavorable sur son amendement, et je vais m’en expliquer.

En première lecture, le Sénat avait effectivement retenu le seuil de trois ans d’emprisonnement, et non de cinq ans, comme le proposent les auteurs de l’amendement, afin que les techniques de géolocalisation puissent être utilisées dans le cadre d’affaires d’évasion. Je parle bien d’évasions. Il nous semble en effet utile que la géolocalisation puisse être utilisée en pareille circonstance. Nous avions également considéré que cette technique n’impliquait pas le même degré d’intrusion dans la vie privée que d’autres techniques d’enquête et que le seuil de trois ans était, de ce fait, parfaitement acceptable.

En contrepartie, nous avions demandé que l’autorisation de recourir à la géolocalisation soit motivée et renouvelée tous les quinze jours, et non tous les mois, par le juge des libertés et de la détention afin d’assurer un contrôle plus fréquent de cette mesure.

C’est la raison pour laquelle la commission a proposé de conserver ce dispositif en nouvelle lecture. Nous prions donc notre collègue Jacques Bigot de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, nous émettrons un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Défavorable également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le rapporteur, les dispositions que vous venez d’évoquer – le renouvellement tous les quinze jours de l’autorisation de recourir à la géolocalisation et le recours au juge des libertés et de la détention figurent donc dans le texte de l’Assemblée nationale ? Elles n’y sont pas inscrites. Vous évoquez en fait les mesures que le Sénat aurait souhaité adopter pour compenser le passage de cinq à trois ans. Nous sommes d’accord. Malheureusement, cette bonne intention, que je salue, n’a pas été prise en compte et ne figurera donc pas dans le texte de la loi.

Aussi, je reste pour ma part sceptique. J’avais été très attentif à ce que vous aviez dit, messieurs les rapporteurs, en première lecture et aux véritables interrogations dont vous nous aviez fait part sur ce sujet. Je ne vous le reproche pas, je crois que ces interrogations étaient justifiées.

Depuis quelques années, nous avons adopté de nombreuses dispositions sur le recours aux interceptions de sécurité et à la géolocalisation. Ces réactions étaient nécessaires, bien entendu, face aux attentats. Le champ de recours à ces techniques intrusives et qui portent atteinte à la vie privée a été très largement étendu. Je ne dis pas que nous avons eu tort. J’ai moi-même été rapporteur d’un certain nombre de ces mesures, et je les ai soutenues alors qu’on nous accusait d’être liberticides, car j’ai considéré qu’il fallait les prendre pour lutter contre le terrorisme, qui est une horreur.

Nous faisons face à un dilemme, c’est vrai. Je suis toutefois réticent à l’idée de continuer à aller dans ce sens, car cela finit par poser un véritable problème pour le Sénat, qui est défenseur des libertés.

Je me satisferai donc, comme le propose très sagement notre collègue Jacques Bigot, des cinq ans. Je ne pense pas qu’il soit utile d’en faire plus en l’état actuel des choses.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 27 est adopté.

I. – Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« De lenquête sous pseudonyme

« Art. 230 -46. – Aux seules fins de constater les crimes et les délits punis d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement commis par un moyen de communication électronique, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin dans des conditions précisées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l’intérieur, procéder sous pseudonyme aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;

« 2° Extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve ;

« 3° Après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicites, ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites.

« À peine de nullité, l’autorisation prévue au 3° est écrite et motivée.

« À peine de nullité, les actes mentionnés au présent article ne peuvent constituer une provocation ou une incitation à commettre une infraction et ne peuvent recourir à des procédés frauduleux ou à des stratagèmes de nature à déterminer des agissements délictueux.

« Les actes mentionnés au présent article s’effectuent sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction. »

II. –

Non modifié

III. – Sont abrogés :

1° Les articles 706-2-2, 706-2-3, 706-35-1 et 706-47-3 du code de procédure pénale ;

2° La section 2 bis du chapitre II du titre XXV du livre IV du même code.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 18 rectifié est présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

L’amendement n° 52 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

L’amendement n° 82 rectifié est présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Cet article prévoit la généralisation de l’enquête sous pseudonyme à l’ensemble des crimes et délits passibles d’une peine égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Il étend la possibilité pour les cyberpatrouilles de réaliser des enquêtes sous pseudonyme.

Dans le texte initialement présenté par le Gouvernement, ces enquêtes devaient être ouvertes pour tous les crimes et délits. La condition des trois ans d’emprisonnement, introduite lors des travaux au Sénat, vient un peu limiter sa portée, qui avait été jugée trop large.

La logique qui prévaut dans l’ensemble de ce projet de loi est de nouveau à l’œuvre ici : il s’agit de généraliser des mesures exceptionnelles, particulièrement attentatoires aux libertés individuelles, dans un objectif sécuritaire. Les risques de dérives en cas de légalisation de telles mesures pour l’ensemble des infractions pénales, et a minima celles qui sont punies de trois ans d’emprisonnement, sont évidentes.

Le contrôle par l’autorité judiciaire n’est pas suffisant, d’autant que c’est une fois encore sous l’autorité du procureur de la République que s’effectueraient de tels actes. Le risque d’incitation à la commission de l’infraction est patent.

Il convient donc de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 52.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 28 vise à étendre le recours et l’enquête sous pseudonyme aux cyberinfiltrations. Ce dispositif existe déjà dans le droit pénal français, mais il est pour le moment limité aux enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisée, soit pour des méfaits extrêmement graves, ce qui classe cette mesure dans le régime d’exception.

L’article initial du projet de loi était excessif, car il visait à généraliser cette mesure à toutes les enquêtes liées à un délit ou un crime entraînant une peine d’emprisonnement.

Cette extension paraissait dangereuse dans la mesure où elle mettait fin au monopole de l’emploi de cette mesure par des services spécialisés. Or une telle technique d’enquête, équivalant à l’infiltration, ne peut être efficace que si elle est mise en œuvre par des personnels spécialement formés à la spécificité de la cybercriminalité, et plus particulièrement aux techniques d’infiltration numérique.

La commission des lois a assoupli le dispositif prévu dans le texte au travers d’un amendement du rapporteur visant à cantonner l’extension de cette mesure aux infractions punies d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement. Elle a également accru le contrôle des magistrats lorsqu’une enquête sous pseudonyme sera diligentée.

Mes chers collègues, nous notons évidemment les améliorations et apports venus modifier l’article 28. Nous réprouvons simplement le recours même à ce type d’enquêtes qui portent atteinte au principe de la loyauté de la preuve. Aussi le présent amendement tend-il à supprimer l’article 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Je ne reviens pas sur les explications que j’ai données sur l’article 27. Elles valent pour les articles 28 et 29.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

J’émets un avis défavorable sur les amendements identiques de M. Antiste, de Mme Benbassa et de M. Mézard.

Encore une fois, nous avons là aussi souhaité harmoniser le régime applicable à l’enquête sous pseudonyme, ce qui nous semble extrêmement important au regard du développement actuel de la criminalité sur internet. Ces dispositions sont tout à fait essentielles.

Par ailleurs, nous avons souhaité, contrairement à ce que j’ai entendu, renforcer le contrôle de l’autorité judiciaire : nous exigeons l’autorisation préalable d’un magistrat lorsqu’il y a acquisition ou transmission de produits illicites, soit du procureur de la République, soit du juge d’instruction qui intervient sur autorisation préalable.

Enfin, je dois dire que je regrette que la commission des lois du Sénat ait restreint le champ de l’enquête sous pseudonyme aux seules infractions punies d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement. J’avais eu l’occasion de le dire en première lecture, il nous semble que cela constitue un recul par rapport au droit actuel. L’enquête sous pseudonyme est aujourd’hui possible dans les affaires d’acquisition ou de consultation d’images pédopornographiques, ce délit étant puni d’au moins deux ans d’emprisonnement, ou en cas de propositions sexuelles à mineurs de 15 ans par une personne qui utilise un moyen de communication électronique, ce délit étant lui aussi puni de deux ans d’emprisonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

À titre personnel, je ne voterai pas ces amendements de suppression, car je pense qu’il faut trouver de bons compromis. Il s’agit ici de permettre à la police de mener des enquêtes sous pseudonyme, notamment dans les communications électroniques. On sait très bien quel est l’enjeu aujourd’hui : il s’agit de pouvoir traquer un certain nombre d’acteurs qui commettent des infractions ou qui provoquent à la commission d’infractions par ce biais-là.

Vous avez proposé, messieurs les rapporteurs, que le recours à cette mesure soit limité à des infractions sanctionnées de peines d’emprisonnement de trois ans. Mme la ministre dit que cela ne couvre peut-être pas tous les champs ; dans ce cas, il faudrait les préciser.

Il est vrai que ce sont des sujets extrêmement délicats. On ne peut pas à la fois demander aux services d’enquête de traquer des délinquants qui peuvent être à l’origine de graves nuisances tout en trouvant les équilibres qui conviennent pour protéger la liberté et l’anonymat des personnes.

Personnellement, je pense que la proposition de la commission est la bonne, car elle est nuancée. Notre objectif – peut-être est-il illusoire, mais conservons-le jusqu’à la fin de nos débats – étant de convaincre les collègues députés à l’Assemblée nationale qu’il y a du bon dans le texte du Sénat et qu’ils doivent en reprendre certains éléments. Prenons peut-être ce chemin-là sur cet article-là.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV. – Le premier alinéa du VI de l’article 28-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, ils ne peuvent disposer des prérogatives mentionnées à l’article 230-46 qu’après avoir été spécialement habilités à cette fin dans les conditions déterminées par le décret pris pour l’application de l’article 67 bis-1 du code des douanes. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

C’est un amendement de coordination.

Le nouvel article 230-46 du code de procédure pénale, relatif à l’enquête sous pseudonyme, prévoit que les officiers de police judiciaire doivent, pour procéder à de telles enquêtes, être spécialement habilités, dans des conditions déterminées dans un texte réglementaire.

Les officiers des douanes judiciaires, qui sont affectés dans le service national de douane judiciaire, disposent des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire. Il apparaît également nécessaire de déterminer les conditions dans lesquelles ils seront spécialement habilités à procéder à des enquêtes sous pseudonyme.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je tiens à redire au Gouvernement, devant la Haute Assemblée, que nous avons analysé avec beaucoup de rigueur cet amendement de coordination, sur lequel nous avons émis un avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 28 est adopté.

I. –

Supprimé

II. – La section 5 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « De l’accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant informatique » ;

Supprimé

3° À la première phrase des articles 706-95-1 et 706-95-2, après les mots : « l’accès », sont insérés les mots : « pendant une durée de vingt-quatre heures ».

III. – La section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Des autres techniques spéciales d’enquête » ;

2° Au début, il est ajouté un paragraphe 1 ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« Dispositions communes

« Art. 706 -95 -11. – Les dispositions du présent paragraphe sont applicables aux techniques spéciales d’enquêtes mentionnées à la présente section.

« Ces techniques spéciales d’enquête peuvent être mises en œuvre si les nécessités de l’enquête ou de l’information judiciaire relatives à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent.

« Art. 706 -95 -12. – Les techniques spéciales d’enquête sont autorisées :

« 1° Au cours de l’enquête, par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République ;

« 2° Au cours de l’information, par le juge d’instruction, après information du procureur de la République.

« Art. 706 -95 -13. – L’autorisation mentionnée à l’article 706-95-12 fait l’objet d’une ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est pas susceptible de recours.

« Art. 706 -95 -14. – Ces techniques spéciales d’enquête se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées. Ce magistrat peut ordonner à tout moment leur interruption.

« Le juge des libertés et de la détention est informé sans délai des actes accomplis. Les procès-verbaux dressés en exécution de sa décision lui sont communiqués sans délai.

« S’il estime que les opérations n’ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code n’ont pas été respectées, il ordonne la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués. Il statue par une ordonnance motivée qu’il notifie au procureur de la République. Ce dernier peut former appel devant le président de la chambre de l’instruction dans un délai de dix jours à compter de la notification.

« Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans les décisions du magistrat. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans l’autorisation du magistrat ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

« Art. 706 -95 -15. – En cas d’urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes, l’autorisation mentionnée à l’article 706-95-12 peut être délivrée selon les modalités suivantes :

« 1° Au cours de l’enquête, par le procureur de la République. Cette autorisation doit être confirmée par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention dans un délai maximal de vingt-quatre heures. À défaut, il est mis fin à l’opération, les données ou correspondances recueillies sont placées sous scellés fermés et ne peuvent être exploitées ou utilisées dans la procédure. Le juge des libertés et de la détention peut également ordonner la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués ;

« 2° Au cours de l’information, par le juge d’instruction.

« L’autorisation doit être écrite et motivée. Elle comporte l’énoncé des circonstances de fait établissant l’existence du risque imminent mentionné au premier alinéa du présent article.

« Art. 706 -95 -16. – L’autorisation mentionnée au 1° de l’article 706-95-12 est délivrée pour une durée maximale d’un mois renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée.

« L’autorisation mentionnée au 2° du même article 706-95-12 est délivrée pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans.

« Art. 706 -95 -17. – Les techniques spéciales d’enquêtes mentionnées à la présente section sont mises en place par l’officier de police judiciaire commis par le juge d’instruction ou requis par le procureur de la République ou, sous sa responsabilité, par l’agent de police judiciaire.

« En vue de procéder à l’installation, l’utilisation et au retrait des dispositifs techniques mentionnés à la présente section, le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire peut requérir tout agent qualifié d’un service, d’une unité ou d’un organisme placé sous l’autorité ou la tutelle du ministre de l’intérieur ou du ministre de la défense et dont la liste est fixée par décret.

« Art. 706 -95 -18. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui ou requis par le procureur de la République, ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité, dresse procès-verbal de la mise en place des dispositifs techniques et des opérations effectuées en application de la présente section. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure auxquelles l’opération a commencé et celles auxquelles elle s’est terminée.

« Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.

« L’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les ordonnances autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

« Les conversations et données en langue étrangère sont transcrites en français avec l’assistance d’un interprète requis à cette fin.

« Art. 706 -95 -19. – Les enregistrements et données recueillies en application des opérations mentionnées à la présente section sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique. Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction. » ;

3° Après le paragraphe 1, tel qu’il résulte du 2° du présent III, il est inséré un paragraphe 2 intitulé : « Du recueil des données techniques de connexion et des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques » et qui comprend l’article 706-95-4 qui devient l’article 706-95-20 et qui est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Il peut être recouru à la mise en place et à l’utilisation d’un appareil… (le reste sans changement). » ;

– la seconde phrase est supprimée ;

b) Le II est ainsi modifié :

– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Il peut être recouru à la mise en place ou à l’utilisation… (le reste sans changement). » ;

– à la deuxième phrase, la référence : « 100-4 » est remplacée par la référence : « 100-3 » ;

– à la même deuxième phrase, après les mots : « applicables et », sont insérés les mots : « lorsque ces interceptions sont autorisées par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, » ;

– la dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les correspondances interceptées en application du présent alinéa ne peuvent concerner que la personne ou la liaison visée par l’autorisation d’interception. Par dérogation à l’article 706-95-16, les durées maximales d’autorisation de l’interception des correspondances prévue au présent II sont de quarante-huit heures renouvelables une fois. » ;

c) Le III est abrogé ;

4° Après le paragraphe 2, tel qu’il résulte du 2° du présent III, il est inséré un paragraphe 3 ainsi intitulé : « Des sonorisations et des fixations d’images de certains lieux ou véhicules » qui comprend les articles 706-96 à 706-98 tels qu’ils résultent des a à k suivants :

a) L’article 706-96 est ainsi rédigé :

« Art. 706 -96. – Il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. » ;

b) L’article 706-96-1 est ainsi rédigé :

« Art. 706 -96 -1. – Au cours de l’enquête, en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-96, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique également aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.

« Au cours de l’information, en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-96, le juge d’instruction peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. S’il s’agit d’un lieu d’habitation et que l’opération doit intervenir hors des heures prévues au même article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d’instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction. Le présent alinéa est également applicable aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.

« La mise en place du dispositif technique mentionné à l’article 706-96 ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7. » ;

c) L’article 706-97 est ainsi modifié :

– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « La décision autorisant le recours au dispositif mentionné à l’article 706-96 comporte… (le reste sans changement). » ;

– la seconde phrase est supprimée ;

d) L’article 706-99, qui devient l’article 706-98, est ainsi modifié :

– le premier alinéa est supprimé ;

– au second alinéa, les mots : « mentionnés au premier alinéa du présent article » sont supprimés et les références : « auxdits articles 706-96 et 706-96-1 » sont remplacées par la référence : « à l’article 706-96 » ;

e) Les articles 706-98-1 et 706-100 à 706-102 sont abrogés ;

5° La section 6 bis du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale devient le paragraphe 4 de la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du même code, tel qu’il résulte des 6° à 9° suivants ;

6° L’article 706-102-1 est ainsi modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Il peut être recouru à la mise en place d’un dispositif… (le reste sans changement). » ;

b) Au deuxième alinéa, après les deux occurrences des mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : « ou le juge d’instruction » ;

7° L’article 706-102-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction prise en application des articles 706-102-1 et 706-102-2 » sont remplacés par les mots : « autorisant le recours au dispositif mentionné à l’article 706-102-1 » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

8° À la première phrase des premier et deuxième alinéas de l’article 706-102-5, les références : « aux articles 706-102-1 et 706-102-2 » sont remplacées par la référence : « à l’article 706-102-1 » ;

9° Les articles 706-102-2, 706-102-4 et 706-102-6 à 706-102-9 sont abrogés.

IV. –

Non modifié

V. – Au 1° de l’article 226-3 du code pénal, la référence : « et 706-102-2 » est supprimée.

VI. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

L’amendement n° 53 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

L’amendement n° 83 rectifié est présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Le rapporteur a déjà annoncé qu’il émettrait un avis défavorable sur les amendements de suppression des articles 27, 28 et 29.

L’amendement n° 19 rectifié vise à supprimer l’article 29, qui prévoit une généralisation et une banalisation de mesures dérogatoires, applicables à ce jour uniquement à la criminalité organisée.

Rien ne justifie, dans une société démocratique, d’appliquer à l’ensemble des crimes et des délits de telles mesures. Elles ne sont ni nécessaires ni légitimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 53.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 83 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Avis défavorable. Je ne reviens pas sur les explications que j’ai données sur l’article 27.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Avis défavorable également.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 29 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-et-une heures quarante, sous la présidence de Mme Valérie Létard.