Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 12 février 2019 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion générale commune

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Madame le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais évoquer un point relatif au fonctionnement de la justice qui n’est pas pris en compte dans ce texte alors qu’il mériterait, me semble-t-il, une réflexion : la mobilité des magistrats.

Partout, dans la fonction publique, on pousse et on incite à la mobilité des fonctionnaires, parce que c’est un gage d’expérience, de diversification et de meilleure administration. Dans l’administration de la justice, la mobilité répond également à cette finalité. Mais, pour la justice, je crois qu’il y a une autre nécessité dans la mobilité : celle de l’indépendance des juges par rapport au contexte local.

Vous le savez très bien, quand on est pendant vingt ans quasiment au même endroit, des liens se créent. Or cela peut poser des problèmes lorsque l’on est ensuite confronté à des réseaux d’influence. Les liens ainsi noués peuvent avoir une influence sur les décisions rendues, au détriment des principes de neutralité et d’équité de la justice.

Certes, il y a une mobilité pour les magistrats. Mais elle répond essentiellement à la même logique que pour tous les fonctionnaires. Il s’agit de changer d’activité, de fonction et de responsabilités. En revanche, elle ne répond pas du tout à l’exigence d’indépendance des magistrats et à la nécessité de les déconnecter des réseaux d’influence qui peuvent les entourer s’ils restent trop longtemps sur un même poste.

Je pense donc qu’il y a un problème. La mobilité ne doit pas être simplement conçue comme un changement d’activité. Il doit s’agir d’un changement géographique. Or nombre de magistrats parviennent à faire quasiment toute leur carrière au même endroit, en se faisant muter dans un TGI ou une cour d’appel situés à quinze ou vingt kilomètres, pour y rester seulement deux ans, le plus souvent sans même déménager.

Or un magistrat étant un homme – au sens générique du terme, bien entendu –, s’il reste trente ans au même endroit, il finit par bien connaître ceux qui y vivent. Et des réseaux d’influence plus ou moins occultes, ainsi que d’éventuelles affinités directes ou indirectes, peuvent exister localement.

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