Intervention de Sophie Joissains

Réunion du 12 février 2019 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion générale commune

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

Je salue également encore une fois les professionnels du droit, qui ont su faire fi d’intérêts parfois très divergents pour s’unir dans la défense de la justice et du justiciable.

La réforme de la justice, ses enjeux et les obstacles que rencontrent chaque jour les justiciables et les professionnels doivent faire partie intégrante du grand débat national.

Pourtant, cette réforme essentielle tant sur le plan pratique que sur le plan fondamental de nos principes démocratiques en est exclue ! Exclue de facto parce que la procédure législative est en cours et qu’il ne faut toucher à rien de ce qui est engagé. C’est inouï, c’est ubuesque : c’est tout simplement antidémocratique !

Tout est encore possible, vous pouvez encore entendre le Sénat, madame la garde des sceaux, vous pouvez encore entendre les professionnels du droit et surtout entendre les citoyens. Ce sont eux les premiers concernés et ils doivent pouvoir, à l’heure de ce grand débat national, donner leur avis !

L’Assemblée nationale a d’office quasiment rétabli le texte initial du Gouvernement, en balayant comme billevesées les modifications apportées par le Sénat.

Il est ici nécessaire d’insister sur les difficultés croissantes des deux chambres à s’entendre sur un texte commun ou plutôt sur le refus du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale à accepter un point de vue différent de celui du Gouvernement.

Le nombre de commissions mixtes paritaires conclusives est en diminution drastique depuis juillet 2017. Depuis 1958, la règle a toujours été l’accord entre nos deux assemblées. Entre 1958 et octobre 2017, seulement 12 % des textes ont été adoptés par la procédure dite du « dernier mot » à l’Assemblée nationale. Les dernières évaluations font état d’un taux de 37 %. Ces chiffres sont profondément inquiétants et révèlent l’abus par le Gouvernement de la procédure du dernier mot, de même que le recours abusif aux ordonnances, notamment, s’agissant du présent texte, en ce qui concerne la justice des mineurs.

Les commissions mixtes paritaires ont pour objet de permettre l’avènement du jeu démocratique. Le bicamérisme est essentiel parce qu’il reflète l’accord entre l’avis d’une chambre dédiée au pouvoir exécutif et celui d’une chambre qui ne dépend pas de lui, entre la France du moment d’une élection présidentielle et celle d’une élection à mi-mandat. Enfin, le bicamérisme est issu de l’essence même de la démocratie et de la théorie des contre-pouvoirs.

Les corps intermédiaires, les contre-pouvoirs sont essentiels à la République, ne pas les entendre est extrêmement dangereux. Entendez les voix qui s’élèvent, madame la garde des sceaux, cette unanimité doit vous alerter. Aujourd’hui, nous sommes responsables pour demain.

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