Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 12 février 2019 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion générale commune

Nicole Belloubet :

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je répondrai aux différentes observations qui ont été présentées en trois points.

La première question qui m’a été posée, par M. le sénateur Jacques Bigot, était la suivante : le Gouvernement a-t-il raison contre tous ?

La réponse est non, le Gouvernement ne prétend pas avoir raison contre tous ! La preuve en est qu’entre le texte que je vous ai présenté au mois d’octobre et celui qui vous est parvenu il y a quelques semaines, les choses ont beaucoup évolué. Cela montre que la version initiale proposée par le Gouvernement n’était pas figée et qu’elle a fait l’objet d’un véritable dialogue et avec les professionnels et avec les parlementaires.

J’ajouterai à l’intention de M. Bigot, mais aussi de Mmes Joissains et Assassi, que, si le Gouvernement n’a pas raison contre tous, nombreux sont ceux qui le soutiennent. C’est ainsi le cas des présidents de tribunaux de grande instance, que la commission des lois, me semble-t-il, n’a pas auditionnés ou n’a pas pu entendre. §Que réclament-ils ? Beaucoup de souplesse, ce qui figure dans notre texte !

Qu’entend-on lors de la Conférence nationale des procureurs de la République ? Que demandent ces magistrats, que, je crois, la commission des lois n’a pas pu entendre ? De l’efficacité ! §Pardonnez-moi si je commets une erreur, messieurs les rapporteurs, mais, la semaine dernière, si je ne m’abuse, leur audition n’était pas prévue à l’ordre du jour de vos auditions…

Lors de leur Conférence nationale, les procureurs de la République ont souhaité que soient prises les mesures que nous avons prévues dans la loi.

Que réclame l’Union syndicale des magistrats, l’USM, syndicat majoritaire de la profession, que, je crois, la commission des lois n’a pas auditionnée la semaine dernière ? D’une part, l’USM est favorable à la mise en place du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, le JIVAT. D’autre part, elle demande des procédures de simplification, celles-là mêmes qui constituent l’objet principal de notre texte.

Que demandent les associations de victimes que j’auditionne ? Elles demandent les mesures que nous avons prises dans le texte.

Je pourrais ainsi continuer longtemps… Il y a dans ce texte des éléments – certes, pas tous – qui sont soutenus par un certain nombre de représentants des professions de justice. C’est la raison pour laquelle nous ne prétendons pas avoir raison contre tous, tout d’abord parce que nous écoutons et, ensuite, parce que des points de cette réforme sont soutenus par les différentes parties concernées.

La deuxième question qui m’a été posée était : le texte se suffit-il à lui-même ? Elle me donne l’occasion de répondre à plusieurs d’entre vous.

La réponse est évidemment non ! Le texte que je vous propose ne se suffit pas à lui-même, dans la mesure où nous ne prétendons pas engager à travers lui une réforme absolue et générale de la justice.

Ce texte a une ambition claire : faire évoluer la justice de notre pays. Il ne prétend pas, à lui seul, embrasser toutes les évolutions qui seraient envisageables pour la justice en France.

Il faudra, bien sûr, monsieur le sénateur Masson, que nous soyons attentifs à la gestion des ressources humaines. Vous évoquiez la question de la mobilité des magistrats. C’est une vraie question, même si je ne l’entends pas exactement dans le sens que vous avez évoqué. Par parenthèse, je vous rappelle que les magistrats sont soumis à une déclaration d’intérêt, à l’occasion de laquelle ils ont un entretien avec le président du tribunal, qui leur permet de se positionner.

Au-delà de cette question, il est vrai que j’ai ouvert un sixième chantier, à la suite des cinq premiers que j’avais lancés il y a plus d’un an. Ce chantier, qui concerne la gestion des ressources humaines, nous entendons le conduire à l’intérieur du ministère de la justice, pour faire évoluer ces situations.

Vous avez raison, monsieur le président Bas – j’ai eu l’occasion de m’en expliquer à de nombreuses reprises devant vous –, la question de l’aide juridictionnelle doit être traitée. Je me suis engagée, dès la fin de cette réforme, à évoquer ce sujet extrêmement vaste avec les organisations professionnelles compétentes. Il s’agit de faire avancer ce dossier, dont j’ai dit que l’on trouverait les premières traductions dans le projet de loi de finances pour 2020.

Madame la sénatrice Carrère, je ne prétends pas avoir, par ce texte, réformé totalement la procédure pénale.

Il faudrait réécrire le code de procédure pénale, mais, je l’ai dit clairement, je n’avais pas le temps de le faire en deux ans. Même si le délai nécessaire pour faire advenir cette loi a été plus long que ce qui était initialement prévu, je le redis, je n’avais pas le temps de réécrire ce code ! Il faudra sans doute le faire à terme, mais, de la même manière que la réforme du droit des contrats a été précédée par de très longues consultations, il faudra engager une procédure de ce type pour réformer le code de procédure pénale.

Madame la sénatrice Joissains, nous devons faire une révision constitutionnelle pour accroître l’indépendance statutaire des membres du parquet. Vous savez que telle est notre volonté, sur la base, d’ailleurs, d’un texte qui a été adopté par le Sénat.

En revanche, je ne saurais partager votre avis lorsque vous dites qu’il aurait fallu, si je vous ai bien compris, cesser d’examiner le projet de loi relatif à la justice pour le soumettre à la discussion à l’occasion du grand débat national. Vous avez même employé le mot « antidémocratique »… Je ne crois pas, quant à moi, que le fait de poursuivre une procédure parlementaire déjà engagée soit antidémocratique, bien au contraire !

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