Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si la discussion générale commune est close, je me permets de la prolonger pour faire brièvement état du décalage entre la réalité du terrain et les textes du Gouvernement, notamment ce projet de loi sur la justice.
On ne peut pas, d’un côté, organiser un grand débat sur tout le territoire pour tenter de recréer du lien avec les citoyens et, dans le même temps, entamer une réforme de la justice, décriée par de très nombreux professionnels qui manifestent et alertent sur le risque réel de perte de proximité entre la justice et le justiciable. Leur avis compte. Écoutez-les !
Que dit la crise sociale d’aujourd’hui, entre autres ? « Nous voulons plus de proximité, plus de liens, plus de services publics. »
Que fait cette réforme de la justice ? Elle éloigne la justice d’un citoyen qui souffre de cette déshumanisation progressive de la société.
Elle porte atteinte à l’oralité des débats dans la mesure où le tribunal criminel départemental prendra en charge une partie des affaires actuellement traitées par les cours d’assises et ne sera pas composé d’un jury populaire tiré au sort. C’est dommage, à l’heure même où le peuple demande à participer davantage à la vie de la cité.
De plus, la spécialisation des tribunaux est un piège pour la justice de proximité et renforcera le phénomène de métropolisation. On va vider chaque tribunal de son contentieux et on annoncera dans quelques années, peut-être, que les tribunaux n’ont plus d’utilité.
Le Sénat avait veillé à ce que la nouvelle organisation de la première instance préserve le maillage territorial et la proximité de l’institution judiciaire, en s’assurant, par la mise en place de chambres détachées, qu’aucun site judiciaire ne serait fermé, en prévoyant un mécanisme d’encadrement de toute évolution de la carte judiciaire, et en créant une fonction de juge chargé du contentieux de proximité.
C’est en effet une justice proche des citoyens, à la disposition des citoyens qu’il faut préserver. Jugeons des hommes et non des dossiers, n’allons pas vers une justice de médiation, une justice sans oralité des débats dans laquelle certains de nos concitoyens ne se reconnaîtront plus.
La justice, c’est l’égalité, l’égalité de toutes et tous devant la loi. Elle doit avant tout être humaine et préserver, bien sûr, la paix dans la société. C’est une impérieuse nécessité, a fortiori aujourd’hui.