Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 12 février 2019 à 21h45
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Article 42

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je veux aborder une question importante qui est relative à la Cour pénale internationale, pour laquelle cet article présente quelques avancées. Comme Mme la garde des sceaux a bien voulu engager un dialogue attentif sur ce sujet, je souhaite rappeler qu’en 2013 nous avons voté, ici même, sur le rapport de M. Anziani, une proposition de loi que j’avais présentée relative aux crimes relevant de la Cour pénale internationale et au rôle du juge français à leur égard. Ces crimes sont les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre.

Aujourd’hui, quatre verrous ne permettent pas aux juges français d’exercer les prérogatives qui sont les leurs en vertu de la Convention de Rome et le but de la proposition de loi votée de manière unanime par le Sénat était de lever trois d’entre eux. Nous avions en effet estimé, compte tenu de certaines expériences étrangères, qu’il était préférable de maintenir l’un de ces verrous, à savoir le monopole du parquet.

La question reste donc pendante pour trois de ces verrous.

En ce qui concerne l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale, le Gouvernement a présenté lors de nos débats un amendement, fruit du dialogue dont je parlais, pour faire disparaître ce verrou. Je tiens, madame la garde des sceaux, à vous en donner acte. L’exposé des motifs de cet amendement indique que supprimer cette exigence, comme l’a fait le Sénat, peut se justifier.

Un autre verrou est la double incrimination. C’est un problème, parce qu’il faudrait que l’incrimination soit la même en France et dans un certain nombre d’États qui n’ont pas du tout la même culture des droits de l’homme que notre pays. Je note toutefois une avancée, puisque nous allons obtenir, si ce projet de loi est voté en l’état – je pense qu’il le sera –, que pour le génocide la double incrimination tombe. En revanche, elle subsisterait pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, ce que je regrette.

Enfin, il reste la question de la résidence habituelle. Comme le disait Robert Badinter, les personnes qui sont coupables de ce type de crimes résident rarement dans un pavillon de banlieue de notre cher pays… Il serait donc justifié, à mon avis comme à celui de la coalition qui travaille sur ces questions – Robert Badinter en fait partie –, que cette condition de résidence habituelle soit supprimée : dès lors que des personnes sont sur notre territoire et qu’elles sont coupables de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre, il serait juste de les interpeller.

En conclusion, je veux vous dire, madame la garde des sceaux, que vous faites certes un pas, mais il en reste à franchir et ils sont importants.

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