Monsieur Poniatowski, j'ai émis des doutes en public sur le résultat du scrutin sur la base de toutes les indications que nous avions, dont les estimations très différentes de la Conférence épiscopale du Congo et de ses 40 000 inspecteurs. On m'a accusé d'ingérence ; or, le lendemain, l'Union africaine a émis les mêmes doutes, ainsi que la Southern African Development Community (SADC) et que certains chefs d'État de la région. Nous constatons une volonté commune de trouver un processus inclusif ; nous y travaillons avec l'Union africaine et les pays de la SADC.
En Centrafrique, Monsieur Bockel, nous sommes moins confrontés à la Chine qu'à la Russie. Celle-ci a une présente récente, significative, active et, comme j'ai pu le constater, anti-française dans ce pays. Mais son action ne se substitue pas à la nôtre, à celle de la Minusca et de la force européenne qui forme les forces armées centrafricaines. Il faut, là aussi, trouver une solution politique entre les treize groupes armés. L'Union africaine a présenté une initiative de paix dont nous souhaitons qu'elle aboutisse. Cela permettra au président Touadéra, avec qui nous avons une relation suivie, de lancer une dynamique positive dans ce pays meurtri mais riche en ressources, toujours sous-utilisées en raison des affrontements entre groupes et ethnies.
La France est intervenue fin 2013 en Centrafrique pour éviter un bain de sang ; nous y sommes restés trois ans, permettant la mise en place d'une mission onusienne et d'une mission européenne, ainsi que le lancement d'un processus électoral. Malheureusement, l'autorité du président reste assez limitée et contestée. Une rencontre aura lieu demain à Khartoum. Mme Parly s'est rendue à Bangui quelques semaines après moi. Nous suivons la situation de près, attentifs aux risques de fragilisation : la Centrafrique est proche d'une zone touchée par le terrorisme. La Russie est présente à travers la force dite « Wagner », un groupe de supplétifs agissant sous l'autorité d'un nommé Prigojine.
La force conjointe du G5 Sahel est une expérience nouvelle. Il n'est pas simple de faire travailler ensemble des bataillons du Tchad, du Niger, du Mali. Harmoniser les équipements, les soldes, la formation prend du temps, or la force conjointe n'a qu'un an. Elle a vocation à assurer la sécurité des frontières. Nous fournissons un appui technique au travers de Barkhane, mais le plus important est la mobilisation financière pour équiper cette force et lui donner les moyens d'agir. Le soutien international est là : près de 400 millions d'euros peuvent être affectés à la force conjointe, dont des financements européens à hauteur de 100 millions d'euros.
J'en viens au Brexit. L'accord de retrait négocié entre la Commission européenne et le gouvernement britannique a été rejeté par la Chambre des communes, à une majorité sans précédent dans les annales de l'histoire parlementaire britannique depuis les années 1920. Mme May a ensuite survécu à une nouvelle motion de censure. Il n'y a pas de majorité pour le no deal... ni pour l'accord de retrait. Le plan B présenté lundi par Mme May n'apporte rien de nouveau. Les parlementaires vont désormais amender le texte, qui sera soumis au vote le 29 janvier. Le Parlement reprend la main.
Plusieurs scénarios sont possibles.
D'abord, une demande de prolongation de la discussion, qui ne peut être accordée qu'en vue d'un objectif. Il n'y aura pas de nouvelles discussions sur l'accord de retrait ni sur le filet de sécurité ; la seule évolution envisageable concernerait la déclaration politique sur les relations futures.
Deuxième scénario, un amendement introduisant une union douanière de longue durée. Il faudra dans ce cas veiller à ce que celle-ci soit complétée par un volet sur les normes respectant les priorités de l'Union européenne : marché intérieur et situation de nos citoyens et de nos entreprises. Cette hypothèse n'est pas à exclure. Aux Britanniques, dont nous avons regretté les choix, de prendre leurs responsabilités.
Troisième hypothèse : le no deal. Nous nous y préparons, grâce à des ordonnances prises ce matin en Conseil des ministres. Il faudra alors accélérer la mise en oeuvre des dispositions en limitant les conséquences. Les Irlandais ne cèderont pas sur la frontière avec l'Irlande du Nord, car leur propre avenir est en jeu.