Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 janvier 2019 à 16h30
Situation au moyen-orient — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Monsieur Cadic, je prends bonne note de votre question sur Huawei. Je dois voir mon collègue chinois après vous avoir quittés... Nous sommes conscients des risques que vous évoquez en termes de place dans les réseaux centraux et la 5G. Le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires quand il le faudra.

Madame Garriaud-Maylam, nous avons toujours dit que notre relation avec le Royaume-Uni dans le domaine de la sécurité et de la défense se poursuivrait. Cette relation, forte et pertinente, n'a jamais connu de perturbations depuis la signature des accords bilatéraux de Lancaster House en 2010, et elle perdurera sur des bases saines.

Je n'ai pas perçu le risque que vous évoquiez à propos de l'Écosse. Des sous-marins britanniques y sont en effet basés, mais les questions de sécurité et de défense sont toujours traitées dans le respect de la souveraineté de la Grande-Bretagne sur l'ensemble de ses forces.

Les Britanniques souhaitent également garder, dans le domaine de la sécurité et de la défense, un lien fort avec les processus mis en oeuvre au niveau européen, en particulier l'Initiative européenne d'intervention. Nous ne disons pas autre chose.

Monsieur Vaugrenard, le traité d'Aix-la-Chapelle, qui est de convergence, complète le traité de l'Élysée de 1963, lequel était de réconciliation. L'accent a été mis sur les questions transfrontalières. Sont ainsi prévus une dizaine de projets de coopération transfrontalière entre la France et l'Allemagne, ainsi que des engagements communs de réciprocité en matière de défense et de sécurité, ce qui ne s'était jamais vu.

Plus généralement, ce traité traduit la volonté d'agir ensemble pour consolider la base industrielle et technologique de défense et pour favoriser une convergence, y compris dans le domaine fiscal. Je ne citerai pas l'ensemble des projets prévus, qui vont de la création d'instituts culturels franco-allemands intégrés à la création d'une plateforme numérique franco-allemande, en passant par l'amélioration des liens ferroviaires transfrontaliers et la mise en réseau de nos centres de recherche en intelligence artificielle.

Il s'agit donc d'une avancée significative, qui se fait dans le cadre du renforcement de l'Union européenne. MM. Juncker, Tusk, et le président en exercice du Conseil de l'Union européenne au nom de la Roumanie, M. Iohannis, étaient d'ailleurs présents lors de la signature du traité.

Les fausses informations qui ont été diffusées à propos de ce traité sont absolument ahurissantes, comme l'a dit le Premier ministre cet après-midi à l'Assemblée nationale. De tels détournements nuisent à la démocratie.

Monsieur Laurent, je ne figure en effet pas parmi les organisateurs de Davos, pas plus que je ne suis un soutien de M. Bolsonaro, dont je constate la victoire électorale au Brésil. Nous ne soutenons pas ses initiatives politiques et avons exprimé à plusieurs reprises des réserves sur ses propos et ses actions. Le forum de Davos étant une organisation indépendante, nous n'avons aucune responsabilité quant aux invitations lancées par ses organisateurs.

Madame Jourda, la décision des États-Unis de diminuer de moitié leur soutien aux forces présentes en Afghanistan est un mauvais signe pour l'ensemble de la zone et fragilise le président Ghani. Elle va conduire les talibans à se sentir beaucoup plus libres dans leurs actions, comme le prouve l'attentat qui a eu lieu hier et a fait une centaine de morts. La stabilisation n'est pas au rendez-vous. Il faudrait une action des puissances qui ont un peu de poids dans cette zone afin d'inciter les talibans à entamer une discussion, voire à conclure un accord, ce qui n'est pas facile. La France, quant à elle, n'est plus présente dans ce pays.

Pour conclure, je tiens à dire que la présidence française du G7 doit être une opportunité pour refonder le multilatéralisme, qui est en train de s'effriter.

Le multilatéralisme est un projet politique, et je souhaite que nous trouvions un accord avec les puissances de bonne volonté, celles qui sont convaincues que l'ordre du monde et la mondialisation peuvent être régulés, et qui ne considèrent pas que la loi du plus fort est une nécessité. Nous prendrons des initiatives afin que tous ceux qui veulent refonder ces règles puissent agir ensemble ; je pense au Japon, au Canada, à l'Australie, à l'Allemagne, à la Grande-Bretagne - avec ou sans le Brexit -, etc. Autant de pays qui sont sur la même ligne que nous, à la différence des États-Unis, qui se retirent de toutes les instances du multilatéralisme qui avaient été créées à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la Russie, qui bloque le fonctionnement du multilatéralisme par son comportement au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, et de la Chine, qui veut établir un multilatéralisme « à la chinoise », c'est-à-dire gagnant-gagnant mais uniquement en sa faveur.

Nous développerons ce concept avec nos collègues allemands, qui partagent la même logique. Peut-on refonder le multilatéralisme au sein du chaos mondial ? C'est une question difficile à laquelle nous allons essayer de répondre, même si nous savons que cela prendra du temps.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion