Proposer l'opt in, dans le contexte actuel, reviendrait peu ou prou à faire disparaître le secteur du démarchage téléphonique. Or, compte tenu des enjeux en matière d'emploi, ce n'est pas ma volonté. Pour autant, j'estime urgent de renforcer l'efficacité du dispositif d'opposition au démarchage téléphonique, compte tenu de l'exaspération réelle et légitime des consommateurs. Dès lors, je vous propose, tout en approuvant globalement l'esprit de la proposition de loi, de la modifier selon trois axes.
Il faudra tout d'abord rendre l'opt out plus efficace sans déstabiliser le secteur du démarchage téléphonique. À cet effet, l'article 1er bis de la proposition de loi consacre dans la loi l'obligation pour tout professionnel qui fait du démarchage téléphonique de saisir l'organisme à qui est confiée la gestion du dispositif « aux fins de s'assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d'opposition au démarchage téléphonique ». La mesure n'était que de niveau réglementaire jusqu'à présent, et non sanctionnée. La méconnaissance de cette obligation serait désormais passible d'une amende administrative dont le montant serait par ailleurs renforcé. J'y suis favorable et je vous proposerai de préciser que le professionnel auquel incombe l'obligation de vérifier ses fichiers de prospection commerciale peut mandater un tiers agissant pour son compte aux fins d'y pourvoir, ce qui semble plus solide juridiquement.
Je vous propose également d'approuver l'obligation faite au professionnel d'informer le consommateur de son droit de s'inscrire gratuitement sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique lors d'un appel de prospection commerciale prévue à l'article 1er de la proposition de loi.
Je suis aussi favorable à l'alourdissement des sanctions opéré aux articles 2 ter, 2 quater, 3 et 4 de la proposition de loi qui renforce leur caractère dissuasif. Les sanctions seraient ainsi relevées à hauteur de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.
Je vous propose toutefois un amendement portant article additionnel, afin de rétablir des règles plafonnant, d'une part, les sanctions administratives en cas de manquements en concours et, d'autre part, le cumul d'une amende administrative et d'une sanction pénale en cas de sanctions infligées à raison des mêmes faits, afin d'assurer la conformité à la Constitution du dispositif.
Dans le même esprit, je vous propose d'approuver les dispositions de l'article 8 de la proposition de loi qui rendent systématique la publication des sanctions administratives prononcées par la DGCCRF en cas de manquement au régime encadrant l'opposition au démarchage téléphonique, sauf exceptions.
Je vous proposerai toutefois un amendement pour supprimer la précision selon laquelle une sanction pourrait ne pas être publiée « notamment » lorsqu'elle est infligée à une personne physique. Cette précision n'a aucune valeur ajoutée, puisque l'administration pourra décider de faire exception au principe de la publication d'une sanction tant pour une personne physique que morale, en appréciant chaque situation individuelle.
Je suis en revanche fermement opposé aux dispositions prévues à l'article 5 de la proposition de loi qui tendent à restreindre le champ de l'exception contractuelle aux contrats en cours d'exécution et qui ont un rapport direct avec l'objet dudit contrat. Le droit en vigueur dispose que le professionnel peut contacter un consommateur avec qui il a des « relations contractuelles préexistantes ». Je considère que cette notion doit être interprétée comme concernant les contrats déjà exécutés ou en cours d'exécution.
Je suis, en outre, défavorable aux restrictions proposées dans le texte, car elles pourraient avoir des conséquences préjudiciables sur l'emploi. Le consommateur bénéficie d'ailleurs toujours de son droit d'opposition au traitement de ses données à caractère personnel, dont le non-respect est désormais lourdement sanctionné par le RGPD. Je vous proposerai donc un amendement supprimant cet article pour en rester au droit en vigueur.
Il faut aussi renforcer la transparence et la déontologie du secteur du démarchage téléphonique. L'article 1er bis de la proposition de loi impose le respect d'une charte aux professionnels du démarchage téléphonique, ce qui peut prêter à confusion, une charte étant par nature un instrument juridique non contraignant. Je vous proposerai un amendement qui impose à ce même professionnel le respect de normes déontologiques, dont la définition serait renvoyée à un décret, pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il s'agit ici d'encourager la mise en place d'un code de déontologie propre au secteur du démarchage téléphonique.
En second lieu, suivant la position traditionnelle de la commission des lois du Sénat, je vous propose de supprimer la demande de rapport au Gouvernement que prévoit l'article 2 de la proposition de loi. Je rejoins toutefois nos collègues députés dans leurs intentions : il est nécessaire de disposer de davantage d'informations sur l'activité de l'organisme gérant la liste d'opposition au démarchage téléphonique. Je vous proposerai donc un amendement tendant à lui imposer de rendre accessible en open data les données essentielles de son activité, dans des conditions fixées par le pouvoir réglementaire après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Enfin, il faut assurer la clarté et la sécurité juridique des outils permettant de lutter contre les pratiques frauduleuses. Je suis globalement favorable à la philosophie des articles 6 et 7 de la proposition de loi visant à lutter contre les pratiques frauduleuses. L'article 6 définit les conditions dans lesquelles les opérateurs de communications électroniques exploitant un numéro affecté à un service à valeur ajoutée doivent suspendre ou résilier le contrat avec un éditeur frauduleux, sous peine de sanction administrative. Il permet aussi aux fournisseurs d'un service téléphonique au public, en lien direct avec le consommateur, de suspendre l'accès à un numéro frauduleux, en l'absence d'action de l'opérateur, pour éviter aux consommateurs de continuer à appeler un numéro connu comme frauduleux.
Sans remettre en cause les objectifs de cet article je vous proposerai un amendement de réécriture globale assurant la clarté et la sécurité juridique de ces outils.
Enfin, je vous propose d'adopter l'article 7 sans modifications : il permet à la DGCCRF de saisir l'autorité judiciaire pour prendre des mesures d'urgence visant à prévenir ou faire cesser un dommage causé par un service à valeur ajoutée.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, même si certaines associations de consommateurs auraient souhaité aller plus loin en passant à l'opt in. Pour autant, l'efficacité du système de l'opt out ne dépend pas entièrement de la loi. Il faut notamment aussi renforcer les contrôles de la DGCCRF, et mieux évaluer la gestion de la liste Bloctel par le délégataire.
Enfin, je regrette que l'avis du groupe de travail du Conseil national de la consommation mis en place par la ministre sur ce sujet au mois de juin 2018 n'ait pas été rendu public avant la discussion de ce texte. Cela eût été un élément utile au débat ! Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée.