Je suis heureux que nous fassions le point sur la lutte contre le dopage, près de six ans après la publication de notre rapport.
En 2013, après les révélations de l'affaire Armstrong, les enjeux identifiés étaient multiples : l'équité sportive, c'est-à-dire l'égalité des chances face à la performance sportive, la santé publique, avec le recours à des produits de plus en plus dangereux, l'enjeu économique et médiatique (la fortune d'Armstrong est estimée à 100 millions de dollars, le marché international du dopage sportif à 10 milliards d'euros), l'enjeu judiciaire avec le trafic de produits illicites, l'égalité de traitement à l'intérieur des disciplines ou entre pays, notamment en termes de sanctions, ou encore l'utilisation efficace de l'argent, public ou privé, dans la lutte antidopage.
Notre commission d'enquête avait abouti à soixante propositions ; il me semble important que nos échanges permettent d'identifier les avancées majeures et les principaux obstacles qui restent à franchir. La synthèse du rapport de la commission vous a été distribuée. Vous y retrouverez les principales propositions regroupées en sept piliers : connaître, prévenir, contrôler, analyser, sanctionner, pénaliser et coopérer.
Mon sentiment, c'est que la lutte contre le dopage n'a pas été hissée au rang d'objectif prioritaire de nos politiques publiques. Certes, c'est une politique qui fonctionne, mais la reconnaissance d'une culpabilité collective n'a pas eu lieu. Le soupçon n'a cessé de s'étendre à de nouvelles disciplines et pratiques, et les dérives des fédérations russes ne sont pas rassurantes sur les agissements dans d'autres pays.
Heureusement, des progrès ont été réalisés, qui améliorent l'action de l'AFLD : la procédure de reconnaissance de culpabilité, la commission des sanctions indépendante, le futur laboratoire de Saclay, le Plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes 2015-2017.
Nous avions pointé les difficultés auxquelles la lutte antidopage était confrontée : la loi du silence, l'internationalisation des trafics, la livraison par Internet, les pressions politiques et la complicité institutionnelle, les difficultés de détection par exemple de l'autotransfusion sanguine, l'apparition de nouveaux produits individualisés, l'audiovisuel peu motivé pour des campagnes d'information, la formation des sportifs de haut niveau. Avons-nous surmonté tout ou partie de ces difficultés ?
Certains chantiers ont avancé sans nécessairement aboutir, notamment la prévention qui constituait une de nos préconisations majeures. La commission d'enquête avait souhaité que 1'AFLD retrouve une compétence en matière de prévention. Mme la présidente de l'Agence évoquait dernièrement son action en matière d'information et d'éducation des sportifs et de leurs encadrants sur les dangers du dopage et leurs droits et devoirs. Il me semble que la prévention est encore dispersée entre différents acteurs, ce qui ne constitue pas un gage d'efficacité.
Un second chantier concernait les modalités de contrôle ne reposant pas sur des analyses biologiques, les preuves non objectives. Nous savons tous qu'il est difficile de confondre les contrevenants et que les enquêtes doivent croiser les éléments de preuve. Avons-nous pu sérieusement progresser dans ce domaine ?
Voilà, pour commencer ce débat, quelques points d'interrogation. Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur le transfert des activités de contrôle des conseillers interrégionaux antidopage (Cirad) à l'AFLD.