Je me réjouis de participer à cette table ronde. La commission d'enquête de 2013 a réalisé un travail colossal sur la question du dopage et formulé soixante propositions dont certaines, et non des moindres, ont trouvé une traduction dans le système français, en lien avec les exigences de l'AMA.
Je rappellerai d'abord les enjeux actuels de la lutte contre le dopage et le souhait de la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, de poursuivre une politique ambitieuse et volontariste en la matière. La France s'attache à respecter ses engagements internationaux, en l'occurrence la convention internationale de l'Unesco. Dans le contexte des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, de l'accueil de certains grands événements sportifs internationaux, notre pays doit être en mesure d'adopter les mesures liées au code mondial antidopage. Au plan international, la gouvernance de l'AMA a évolué et l'Autorité de contrôle indépendante a été créée. La France participe activement à différents travaux des organisations internationales, à l'Unesco, au Conseil de l'Europe et au sein de l'Union européenne. L'intensification de la présence française au plan international sera l'un des défis des prochaines années.
Au plan national, notre ministre a fait de la lutte contre les dérives du sport un axe fort de son action politique. La lutte contre le dopage en est un élément essentiel, avec des enjeux sportifs et sanitaires pour les sportifs, professionnels et amateurs. Cette politique ministérielle est portée avec ambition, en lien étroit avec l'ensemble des partenaires concernés, en particulier l'AFLD, dont le travail est reconnu au plan international, le CNOSF, le comité paralympique et plus largement le mouvement sportif, qui organisent un colloque de référence chaque année.
Sur le fond, cette politique de lutte contre le dopage repose sur une organisation fondée sur trois axes. Le premier, la prévention, c'est connaître, prévenir, c'est-à-dire mieux sensibiliser pour faire changer les comportements. Le deuxième, la dissuasion, c'est une analyse irréprochable, un contrôle antidopage renforcé, inopiné. Le troisième, la répression, c'est pénaliser avec des sanctions fermes et une lutte contre les trafics qui relève des missions de l'Agence mais aussi de l'État, avec en particulier l'action de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) et des Cirad.
J'en viens au bilan de ces dernières années au ministère des sports. Concernant la prévention, la dissuasion et la répression, il est possible de résumer la stratégie du ministère en trois moyens d'intervention : la réglementation, le financement et la prévention.
Le troisième code mondial antidopage de 2015 a été transposé en France en deux temps, en 2015-2016 puis en 2018-2019, à la suite d'un audit ayant révélé des points de non-conformité, dans les deux cas par voie d'ordonnances. Une ordonnance de juillet 2018 a créé la commission des sanctions au sein de l'AFLD, maintenant distincte de l'organe de poursuites. Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 19 décembre 2018 sera présenté en conseil des ministres le 6 mars prochain et le décret d'application est en cours d'examen au Conseil d'État. Ces transpositions sont le fruit d'un travail fructueux entre tous les acteurs. Il a fallu trouver un équilibre, avec le Conseil d'État, entre les spécificités du code mondial, d'inspiration anglo-saxonne, et notre ordre juridique institutionnel. C'est un beau cas d'école.
Sur le fond, il y a eu beaucoup d'avancées significatives en matière de contrôles et de sanctions. Les marges de manoeuvre et l'indépendance de l'Agence ont été renforcées, avec certaines possibilités de contrôles à l'étranger, l'extension du champ des compétitions, l'élargissement des contrôles de jour et l'introduction de contrôles de nuit s'appuyant sur le code mondial antidopage évoquant un contrôle en tout lieu et à tout moment. Le dispositif est encadré, puisque des soupçons graves et concordants de risque de pratiques dopantes sont nécessaires pour enclencher ce type de contrôle. L'accord du sportif est requis et, en cas de refus, l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) est prévue.
Les Cirad évoluent, sous l'autorité du directeur de l'Agence, avec en filigrane une évolution administrative pour ses agents. Michel Lafon pourra vous apporter des éclaircissements sur ce point.
L'indépendance du pouvoir de sanction s'est accrue avec la fin de la compétence disciplinaire des fédérations au profit de l'Agence, la simplification et la célérité des procédures, l'uniformisation des sanctions et l'élimination des conflits d'intérêts. À mon sens, les fédérations doivent rester associées à la procédure de sanction, car elles ont un rôle important à jouer en matière de prévention. Je ne reviens pas sur l'indépendance de l'AFLD. Enfin, la compétence du tribunal arbitral du sport (TAS) a été actée pour les manifestations internationales et les sportifs de niveau international, en vue d'harmoniser les sanctions au niveau mondial, à la demande de l'AMA. La répression des sportifs et de leur entourage a été renforcée avec l'association interdite, l'aide substantielle, le plaider-coupable... L'enjeu est maintenant de rendre accessible cette transposition du code mondial aux premiers intéressés que sont les sportifs.
Le soutien financier de l'État a été renforcé au niveau national et international. La France a financé l'AMA à hauteur de 750 000 euros en 2018. La subvention de l'AFLD a augmenté pour atteindre 9,59 millions d'euros au titre de 2019. Surtout, le laboratoire déménagera sur le campus d'Orsay et sera opérationnel en 2023 pour la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. L'objectif est de disposer d'un laboratoire de pointe développant des activités de recherche et de coopération internationale. Le ministère a souhaité que le choix du site relève d'un processus transparent et d'une évaluation des candidatures par des experts indépendants, selon des critères objectifs.
Deux plans nationaux de prévention du dopage se sont succédé depuis 2013, en s'inspirant du rapport. En 2015-2017, je citerai l'action à l'égard des jeunes à l'école, une campagne d'information destinée aux pharmaciens sur la prise accidentelle de médicaments ou les compléments alimentaires avec l'élaboration d'une norme Afnor qui pourrait être portée au niveau européen en 2020, des études confiées à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), etc. J'ajoute la réforme des antennes médicales de prévention du dopage (AMPD) en 2017.
Un nouveau plan de prévention est en préparation pour les années 2019-2024 ; l'un de ses enjeux sera la meilleure coordination des actions de prévention entre l'ensemble des acteurs. Il sera piloté par le ministère et confiera un rôle accru de l'AFLD concernant les sportifs de haut niveau, et je salue à cet égard la création d'un comité des sportifs. Les fédérations auront aussi un rôle extrêmement fort à jouer, avec des référents intégrité. Le guide de l'intégrité élaboré récemment par le comité olympique constituera également un outil très utile.
Je conclurai en citant une phrase du rapport de 2013 : « le fait de parler de dopage ne nuit pas au sport, mais contribue au contraire, à moyen et à long terme, à lui redonner ses lettres de noblesse. Ne pas en parler, c'est souvent ne rien faire. » C'est cette philosophie qui doit aujourd'hui nous guider pour porter une action collective en matière de lutte contre le dopage.