Il me revient de vous exposer les points clés de notre résolution sur les moyens budgétaires nécessaires pour garantir l'avenir de la PAC. Mais nous souhaitons aussi, par là même, mettre l'accent sur le manque d'ambition des Européens pour leur agriculture, ce qui est beaucoup plus inquiétant. Sur ces deux sujets, les termes de nos deux résolutions européennes du 8 septembre 2017 et du 6 juin 2018 demeurent intégralement valables. Nous entendons les réaffirmer, en allant à l'essentiel.
Notre nouvelle proposition de résolution souligne, tout d'abord, « qu'aucune réforme de la PAC ne serait satisfaisante sans une préservation a minima d'un budget stable en euros pour 2021-2027, par rapport à 2014-2020 ».
Le projet de texte rappelle ensuite l'opposition du Sénat « à la proposition de la Commission européenne tendant à réduire (...) les budgets respectifs du premier pilier et du second pilier de la PAC de respectivement 11 % et 28 %, soit 15 % au total, en euros constants entre 2021 et 2027, en comparaison du précédent Cadre financier pluriannuel ».
Enfin, notre proposition de résolution fait valoir que ces « coupes budgétaires » iraient à contre-courant des choix stratégiques effectués par les autres grandes puissances lesquelles accroissent à l'inverse leur soutien public à l'agriculture, depuis le début des années 2000.
Ce rappel est indispensable, car il apparaîtrait totalement incompatible de vouloir conduire la transition agro-environnementale de l'agriculture européenne, tout en réduisant ses ressources budgétaires : en résumé, comment pourrait-on imaginer faire plus, avec moins ?
Au-delà de la question du budget, notre proposition de résolution entend fermement défendre une autre orientation absolument fondamentale : nous voulons rappeler que la PAC doit demeurer une priorité stratégique pour l'Union européenne. Les auditions de notre groupe de suivi ont mis en évidence un sentiment, largement répandu dans le monde agricole, de perte de sens de la PAC. S'y ajoute le risque d'un renoncement à l'ambition même de la Politique agricole commune, exprimé de façon plus ou moins explicite par les responsables politiques de certains États membres.
Vos rapporteurs ne sauraient se résigner à pareil constat. Trois points y font directement référence dans la proposition de résolution. Le premier « déplore, d'une façon générale, que la proposition de réforme de la Commission européenne semble méconnaître le caractère stratégique de notre agriculture, dans la mesure où cette dernière garantit l'indépendance alimentaire du continent européen, tout comme elle veille à la sécurité sanitaire des consommateurs européens ». Le second souligne, à titre incident, « que la Politique agricole commune trouve un fondement de légitimité supplémentaire dans les mécanismes d'aide alimentaire ». Le troisième affirme, en conclusion, que « la Politique agricole commune a rempli, depuis 1962, un rôle fondateur essentiel pour l'Union européenne et mérite toujours d'être considérée comme une priorité stratégique, ne serait-ce qu'au regard de l'impératif de sécurité alimentaire des citoyens européens ».
Pour conclure, on ne peut d'ailleurs qu'être frappé par ce qui apparaît de plus en plus, hélas, comme un désintérêt pour la Politique agricole commune : si la PAC semble une priorité déclinante pour l'Union européenne, il en va tout autrement pour toutes les autres grandes puissances agricoles. La Chine, les États-Unis, la Russie et le Brésil ont, quant à eux, fortement accru leurs soutiens au secteur depuis les années 2000. L'enjeu de la souveraineté alimentaire y est perçu, fort justement, comme stratégique. Sommes-nous collectivement, en Europe, sur le point d'abandonner nos ambitions en la matière ?