Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 21 février 2019 à 14h30
Prise en charge des cancers pédiatriques — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, « go, fight, win » – vas-y, bats-toi, gagne ! – ce sont les mots laissés par Margo dans son journal intime. C’est devenu le slogan de l’association Imagine for Margo, lancée par ses parents, M. et Mme Blanc, à la suite du décès de leur fille atteinte d’une tumeur au cerveau ; sept ans après sa création, cette association a collecté 7 millions d’euros pour aider la recherche.

Samedi dernier, au lendemain de la journée internationale du cancer de l’enfant, le Sénat accueillait le colloque FAST sur la recherche, rendez-vous annuel depuis six ans.

Il y a plus de deux ans, lors d’une soirée-débat organisée par le Sénat, j’avais eu l’occasion de rencontrer, parmi tous les représentants d’association présents, Léa Moukanas. À tout juste seize ans, après le décès de sa grand-mère frappée d’une leucémie, elle avait créé l’association Aïda pour inviter les jeunes à s’engager en faveur des enfants malades.

Ces associations naissent, le plus souvent, en réaction à la perte d’un être cher, et ces témoignages nous marquent indéniablement.

En cet instant, je veux remercier notre collègue Catherine Deroche, qui s’investit depuis longtemps dans la lutte contre le cancer et qui a donné l’impulsion, en 2016, à la création d’un groupe d’études au Sénat. Elle nous invitait, il y a quelques semaines, à suivre le collectif d’associations Gravir pour déclarer la lutte contre les cancers de l’enfant et de l’adolescent grande cause nationale pour 2019.

Ces actions citoyennes, fortes et justes, trouvent un légitime écho dans la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Je m’en réjouis et remercie notre collègue députée Nathalie Elimas de son travail.

Notre rapporteur Jocelyne Guidez a lancé une série d’auditions auprès des représentants institutionnels, des professionnels de la santé et de la recherche, des associations, du secteur des banques et assurances. La proposition de loi aborde largement la problématique du cancer pédiatrique. La preuve en est le titre donné au texte, qui peut paraître un peu long, mais dont l’intention est toutefois très claire.

Pêle-mêle, voici ce que j’ai pu relever de ces entretiens.

« Contrairement à ce que pense l’opinion publique, on avance ! » On retrouve le même état d’esprit sur le site d’Imagine for Margo, qui annonce des avancées significatives depuis le dernier colloque, et cite la procédure accélérée fast track de l’ANSM dédiée aux médicaments innovants, la revue du tirage au sort des comités de protection des personnes, le fonds de 5 millions d’euros supplémentaires accordé par le ministère de la recherche et, enfin, des traitements de plus en plus personnalisés.

Les cancers des moins de quinze ans représentent 0, 5 % des nouveaux cas de cancers. Au vu de sa prévalence, le cancer pédiatrique peut être assimilé aux maladies rares qui nécessitent des traitements spécifiques. J’ai aussi entendu la proposition suivante : « Un travail à l’échelle européenne est nécessaire afin de mieux identifier les types de cancer. Mais aujourd’hui c’est compliqué, chaque pays ayant ses propres normes ». « C’est pourtant un enjeu, à l’heure du big data et de l’intelligence artificielle. »

Je cite encore : « Ces trente dernières années, d’énormes progrès grâce à la recherche clinique sont à noter. Maintenant, il faut aussi aller sur la recherche fondamentale. » Cela permettra la compréhension et la connaissance des phénomènes naturels, l’élaboration de théories ou de modèles explicatifs.

« Les services de pédiatrie travaillent contre la douleur, mais le manque de moyens est notable. Les oncopédiatres se forment sur le terrain, d’une part, en raison du coût des formations et, d’autre part, parce que l’approche multipartenariale est intéressante. » Les professionnels ont de grandes compétences techniques, mais ils souhaiteraient une formation initiale et continue plus structurée et plus adaptée, sur la prise en charge de la douleur notamment.

Et puis encore : « Des psychologues arrivent dans nos services, mais leur nombre est insuffisant. Et lorsque l’on veut poursuivre le suivi auprès de l’enfant après son hospitalisation et auprès de sa famille, la prise en charge n’est pas remboursée. » Le suivi psychologique pendant et après une maladie est pourtant utile dans l’accompagnement global et pour une totale résilience.

Je pourrai encore citer beaucoup de propos échangés avec nos interlocuteurs. Le sujet des cancers pédiatriques est une question qui dépasse tous les corporatismes professionnels. Le groupe Union Centriste souscrit pleinement aux intentions de Mme Elimas, comme tous les partis politiques ici représentés. Nous regrettons néanmoins qu’une partie de ses propositions ait été escamotée dans la version de l’Assemblée nationale. Cependant, nous voterons conforme ce texte.

L’article 1er bis prévoit la présence au sein du conseil d’administration de l’INCa d’un député et d’un sénateur. Le Parlement contrôlant, via la loi de finances, la gestion de l’Institut, les parlementaires siégeant se retrouveront juge et partie, comme l’a dit le président de la commission des affaires sociales.

La rédaction de l’article 2 a été altérée lors de son examen à l’Assemblée nationale. Son objectif est de faciliter l’inclusion des enfants dans les essais cliniques. En définitive, la version qui nous est présentée n’entraîne pas d’avancée sur le plan du droit ; elle relève, au mieux, de l’affichage.

L’article 4, enfin, est supprimé. L’auteur du texte proposait de renvoyer à un décret le soin de fixer le contenu des actions de formation du développement personnel continu, notamment pour ce qui concerne la prise en charge de la douleur ou le suivi psychologique, jugés insuffisants aujourd’hui.

La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, s’est engagée « à ce que la formation à la douleur, notamment à la douleur pédiatrique, fasse partie des priorités de l’année 2019 », et à demander « que figure dans les évaluations de ces services […] un item spécifique de prise en charge de la douleur ». Il n’est dès lors plus nécessaire de maintenir l’article.

L’ossature centrale de la proposition de loi, elle, demeure. Il s’agit des articles 1er, 3 et 5.

L’article 1er prévoit une élaboration collégiale de la stratégie décennale de lutte contre le cancer, dans laquelle une part des crédits publics sera affectée à la recherche en cancérologie pédiatrique. Les enjeux de santé nécessitent de dresser un horizon lisible pour tous. Cet article pérennise la lutte contre le cancer.

Ensuite, la proposition de loi a le mérite de ne pas rester circonscrite aux seules questions médicales. Elle a pour ambition d’embrasser plus globalement son sujet grâce à ses articles 3 et 5. Le texte s’inscrit dans le processus de mutation du parcours de soins vers le parcours de santé du patient.

L’article 3 y contribue. Il permet un meilleur accompagnement social de la famille, en adaptant l’AJPP aux évolutions et à la durée réelle de la maladie de l’enfant.

Enfin, dans cette nouvelle logique de parcours de santé, il faut intégrer la question de l’après-maladie. Le droit à l’oubli fait partie des grandes avancées sociales de notre pays. C’est une question de justice.

Mme Elimas avait pour ambition d’étendre ce droit à l’oubli aux jeunes âgés de dix-huit à vingt et un ans, dès cinq ans après leur rémission, contre dix ans aujourd’hui. C’était l’objet de l’article 5. L’Assemblée nationale a su maintenir son esprit, tout en respectant le processus de la convention AERAS.

En conclusion, même si je regrette la moindre portée de ce texte, je salue l’initiative, l’esprit de nos débats et l’intérêt porté à ce sujet, aux enfants atteints de cancer et à leurs familles.

Politiques, professionnels de santé, chercheurs, représentants institutionnels et associatifs, unissons-nous tous pour cette noble cause. Go, fight, win together !

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