Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 20 février 2019 à 14h30
L'hydrogène une énergie d'avenir — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Beaucoup de temps a passé ! En définitive, l’hydrogène ne serait-il pas une solution d’avenir, et qui le restera longtemps ?

Il ne s’agit pas, bien entendu, de contester toutes les potentialités de ce vecteur énergétique, qui renferme trois fois plus d’énergie que l’essence, mais simplement de rappeler à quelles conditions et pour quels usages l’hydrogène pourrait être une réponse adaptée aux grands enjeux énergétiques et climatiques.

Tout d’abord, l’hydrogène ne sera une solution durable que si sa production est décarbonée. Nous en sommes encore très loin, puisque, aujourd’hui, 94 % de l’hydrogène produit en France l’est à partir d’énergies fossiles et que cette production représente environ 3 % des émissions nationales de CO2. Et, quand l’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau, encore faut-il s’assurer que l’électricité est elle-même produite à partir de sources bas carbone, qu’il s’agisse du nucléaire ou d’énergies renouvelables.

En découle une autre question : celle de la compétitivité économique de cet hydrogène décarboné par rapport à l’hydrogène obtenu à partir d’énergies fossiles. Même si les technologies d’électrolyse progressent rapidement, les coûts varient encore du simple au double lorsqu’il s’agit de produire de grandes quantités, l’hydrogène propre n’étant aujourd’hui compétitif que pour certains usages industriels de niche.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement s’est fixé comme objectif d’incorporer 20 % à 40 % d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel d’ici à 2028, en mobilisant notamment 100 millions d’euros pour des appels à projets, et en instaurant une traçabilité de l’hydrogène décarboné. Mais ces mesures sont-elles vraiment à la hauteur du changement d’échelle espéré ?

En matière de stockage, le potentiel de l’hydrogène, notamment pour assurer le stockage saisonnier de l’électricité et répondre à l’intermittence des productions renouvelables, est souvent mis en avant. Dans ce domaine également, il faut rappeler que l’hydrogène est en concurrence avec d’autres technologies – je pense aux stations de transfert d’énergie par pompage, ou encore aux batteries, dont les coûts ne cessent de baisser. À moyen terme au moins, le stockage par hydrogène ne pourra répondre qu’à des situations très spécifiques, notamment dans les zones non interconnectées, avec des réseaux isolés ou présentant un fort taux d’intégration d’énergies renouvelables intermittentes.

De même, en matière de mobilité, l’hydrogène peut constituer l’une des solutions pour réduire nos émissions. Mais il viendra en complément des autres solutions que sont l’hybridation, la mobilité électrique et le bioGNV, et seulement pour les usages où il est le plus adapté, en particulier pour les transports lourds ou pour les flottes de véhicules, par exemple pour la livraison en milieu urbain.

Sur le segment des voitures particulières, l’électrification et le biogaz présentent, me semble-t-il, plus d’avantages que l’hydrogène, dont les surcoûts à l’achat et à l’usage – il faut toujours penser aux prix supportables pour les ménages et les familles ! –, dès lors que l’on voudrait s’approvisionner en hydrogène décarboné, restent élevés, et qui impose de respecter des conditions de sécurité strictes.

À travers son plan Hydrogène, le Gouvernement a affiché de grandes ambitions quant au nombre de véhicules déployés. La manière dont vous entendez favoriser concrètement le développement d’une gamme de véhicules lourds et accompagner les collectivités dans la mise en place de flottes territoriales n’apparaît pas clairement : mais sans doute pourrez-vous nous en dire davantage à ce propos dans quelques minutes, madame la secrétaire d’État.

Qu’il s’agisse de l’hydrogène ou des autres vecteurs énergétiques, il nous faut raisonner sans a priori, sans idéologie : la transition énergétique passera par une multitude de solutions, dont il importe de bien mesurer les avantages, les inconvénients, et surtout les coûts complets.

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