Mes chers collègues, le 6 février dernier, en application de l'article 35 de la Constitution, le Premier ministre a informé les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat de frappes menées dans ce pays les 3, 5 et 6 février par les forces armées françaises contre des groupes armés venus de Libye, en réponse à une demande d'assistance des autorités tchadiennes.
M. le Premier ministre vous a demandé, madame la ministre, de tenir le Parlement informé de l'évolution de la situation. Je rappelle que le débat en séance publique n'est pas obligatoire à ce stade. Par ailleurs, vous m'avez informé personnellement par téléphone du déclenchement de ces frappes.
Je vous donne donc acte du respect formel de l'article 35 de la Constitution par le Gouvernement, même si la lettre du Premier ministre ne détaille pas les objectifs poursuivis contrairement aux dispositions constitutionnelles : nous vous écouterons sur ce point.
Par le passé, l'information du Parlement n'a pas toujours été aussi scrupuleusement respectée. Ainsi, en 2016, au moment de la régionalisation de Serval en Barkhane, le Parlement n'en avait pas été officiellement informé.
Conscients de l'importance du Tchad, nous nous interrogeons sur la stabilité réelle de son gouvernement et sur ses capacités militaires. Pourquoi cette armée, réputée l'une des plus efficaces de la région, est-elle incapable d'empêcher l'incursion de cinquante pick-up sans l'assistance militaire de la France ? Que cela signifie-t-il pour la montée en puissance attendue du G5 Sahel dont le Tchad est réputé la composante la plus solide ?
Plus largement, et même si l'intervention au Tchad ne relève pas de l'opération Barkhane, cette audition vous permettra peut-être de nous éclairer sur l'avenir de cette opération, à quelques heures de votre déplacement au Mali avec le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
Nous mesurons les succès militaires de nos forces au Sahel, auxquelles nous rendons hommage pour leur professionnalisme et leur courage, pour les risques pris par ses femmes et ses hommes chaque jour. Mais nous constatons aussi le durcissement des actions des groupes armées et l'extension inexorable de leur zone d'activité : du Nord-Mali, l'insécurité s'est étendue au centre du pays, où ne va pas Barkhane, et gangrène désormais jusqu'au Burkina Faso...
Les 4 500 hommes engagés représentent un effort très important non seulement pour nos armées, mais aussi pour le contribuable.
Les troupes en opération sont aussi un objet politique : sans résultat vraiment décisif à ce stade dans l'éradication du terrorisme djihadiste, comment espère-t-on lutter contre le risque d'instrumentalisation de notre présence par les parties prenantes, y compris parfois même par nos partenaires maliens ?
Vous connaissez notre analyse de la Minusma et de la force conjointe du G5 Sahel : elles ne sont pas des solutions de sortie à court terme pour Barkhane. Tout le monde partage la conviction que seule une solution politique mettra fin, un jour, à notre présence militaire.
Le Président de la République a rappelé à nos soldats qu'il voulait des résultats : quel bilan tirez-vous de l'efficacité de Barkhane, et quelles orientations nouvelles le Gouvernement pourrait-il lui donner ? Cet exemple tchadien nous fait réfléchir... Il n'est pas envisageable d'être le « gendarme » de cette région du monde ; il y aurait des implications politiques dont le gouvernement devrait répondre.