Oui. Nous ne sommes pas intervenus à nouveau depuis le 6 février, et toutes les informations dont nous disposons montrent que la tentative a été, je ne dis pas tuée dans l'oeuf - ce serait présomptueux -, mais interrompue. Reste que, au Tchad, les mois de février et mars sont propices à des opérations de ce type. Je ne me risquerai donc pas à des pronostics pour la suite.
Puisque vous m'y avez invitée, monsieur le président, je dirai quelques mots de l'opération Barkhane et de ses résultats. Dans le cadre de Barkhane, 4 500 femmes et hommes combattent très activement les groupes djihadistes armés dans la région du Sahel. En quatre ans, en liaison avec les forces partenaires, nous avons mis hors de combat plus de 600 terroristes. Chaque trimestre, nous saisissons deux tonnes d'armes et de munitions.
En 2018, nous avons remporté d'importants succès : nous avons neutralisé de nombreux chefs terroristes et plus de 200 combattants. Les opérations les plus récentes, menées dans la région de Mopti en liaison avec les forces maliennes, ont porté un très rude coup à la Katiba Macina.
Pour panser les plaies de cette région, de grands moyens sont nécessaires. Barkhane est une chose, le G5 Sahel en est une autre. C'est parce que nous n'avons pas vocation à rester indéfiniment au Sahel que nous réalisons des efforts importants pour soutenir et former les forces armées des cinq pays concernés ainsi que la force conjointe.
Nous ne menons pas Barkhane en solitaire : si nous sommes partis seuls au Mali, nous bénéficions aujourd'hui du soutien des Américains dans de très nombreux domaines, mais aussi de celui des Britanniques, des Estoniens, des Espagnols et des Allemands. Nous pouvons également compter sur nos partenaires de la Minusma.
Au-delà de l'aspect militaire, nous intervenons pour porter secours aux femmes, aux hommes et aux enfants qui vivent sur place, par des actions civilo-militaires. En 2018, nous avons prodigué en moyenne 300 soins médicaux par jour aux populations maliennes, tchadiennes et nigériennes.
Je suis la première convaincue que la solution au Sahel n'est pas militaire, mais politique. Elle passe par des progrès attendus de l'État malien pour réinvestir certaines zones du territoire. C'est l'État malien qui peut restaurer la stabilité à long terme du pays. Le Premier ministre s'entretiendra prochainement avec son homologue malien, qui a pris des engagements importants en matière de rétablissement de l'autorité de l'État dans certaines zones que celui-ci avait désertées. À ce stade, ces engagements semblent être tenus. Je reviendrai certainement devant votre commission pour vous en dire davantage.
Quelques mots des autres opérations extérieures en cours. En Centrafrique, où l'actualité est brûlante, la France est intervenue, dans le cadre de l'opération Sangaris, entre 2014 et 2016. Nous sommes parvenus à stabiliser le pays et à accompagner le déploiement de la communauté internationale à travers les missions des Nations unies et de l'Union européenne. Notre engagement au sein de ces missions vise aujourd'hui à former l'armée centrafricaine. Il sera renforcé au second semestre de cette année, puisque nous prendrons le commandement de la Mission de formation de l'Union européenne en République centrafricaine (EUTM RCA). Comme au Sahel, notre intervention a vocation à rester temporaire et à accompagner la prise d'autonomie des forces armées locales.
Le 6 février dernier, à Bangui, un accord de paix a été signé dans le cadre de l'Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA, lancée sous l'égide de l'Union africaine et que nous avons soutenue. Les autorités se sont engagées à mettre en place un gouvernement inclusif, à décentraliser et à créer une commission Vérité et réconciliation ; les groupes armés de leur côté ont pris l'engagement de respecter l'intégrité territoriale du pays, de cesser les hostilités et de participer au programme Désarmement, démobilisation et réintégration.
Il s'agit du huitième accord de paix signé depuis 2012 : il faut donc rester très vigilant sur son application et sur la contribution de la communauté internationale à cette mise en oeuvre. Il faut néanmoins saluer ce progrès vers une plus grande stabilité de la région.
Au Levant aussi, la situation évolue à grande vitesse. La disparition totale du califat territorial est désormais toute proche. La semaine dernière, auprès de la task force Wagram qui s'efforce, aux côtés des forces démocratiques syriennes, de réduire les dernières traces de Daech autour de Bagouz, j'ai remercié nos forces pour leur engagement indéfectible depuis près de quatre ans. Ce combat n'est pas vain : le 9 février au soir, l'ultime offensive a été lancée par les forces démocratiques syriennes, appuyées par la coalition internationale. Nous sommes à l'orée d'une victoire militaire majeure contre le projet de califat territorial. Nous pouvons être très fiers de ce que les femmes et les hommes de la coalition ont réalisé pour renforcer notre sécurité. La chute du califat territorial sera un moment très important pour l'opération Chammal, qui engage 1 200 femmes et hommes et repose sur trois piliers.
En réaction aux attaques terroristes dont notre pays a été victime en 2015, nous avons, depuis Raqqa, étendu notre action en Syrie au titre de la légitime défense. Des avions et des canons français viennent ainsi en appui des forces démocratiques syriennes qui combattent au sol. Lorsque le président Trump a annoncé, en décembre dernier, le retrait des troupes américaines de Syrie, la France a estimé qu'il était préalablement nécessaire d'achever, aux côtés des Kurdes, la reconquête territoriale du Califat. Notre message a été entendu : le retrait des troupes américaines sera progressif. Il conviendra toutefois d'éviter que les forces démocratiques syriennes n'en soient victimes. Je l'ai rappelé à mes homologues turc et américain lors de la réunion de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), qui s'est tenue la semaine dernière à Bruxelles : la victoire militaire ne signifie pas la fin de Daech. Bien qu'ayant changé de nature au profit de la clandestinité, le mouvement demeurera vivace.
La France a, en outre, engagé 650 soldats au sein de la Force intérimaire des Nations-unies au Liban (Finul) ; elle participe à la mission de sécurité maritime Corymbe dans le golfe de Guinée, ainsi qu'à l'opération européenne Sophia destinée à lutter contre le trafic de migrants et d'armes au large de la Lybie.
Lors de la réunion précitée de l'OTAN à Bruxelles, j'ai rappelé la complémentarité des actions menées par l'Union européenne et leur contribution au renforcement du pilier européen de l'OTAN. Les Européens, en effet, considèrent toujours l'OTAN comme le garant de la sécurité du continent. J'ai annoncé, à cette occasion, le prolongement après 2020 de notre engagement en Lituanie, aux côtés des Allemands, dans le cadre de la présence avancée renforcée - enhanced Forward Presence (eFP) - de l'OTAN. En réponse au souhait des États-Unis que l'OTAN soit en capacité de mobiliser en moins d'un mois trente escadrons de chasse, trente bataillons et le même nombre de bâtiments, j'ai indiqué que la France participerait à hauteur de 10 % à cette initiative.
La coopération franco-allemande a franchi un nouveau cap le 6 février, lorsque la ministre allemande de la défense Ursula von der Leyen s'est rendue à Gennevilliers pour célébrer l'alliance entre Safran et MTU Aero Engines, afin de mener conjointement une étude portant sur le moteur de l'avion de combat du futur. En marge de la réunion de l'OTAN à Bruxelles, la France et l'Allemagne ont signé une lettre d'intention pour permettre à l'Espagne, simple observateur jusqu'à présent, de rejoindre le programme. Lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, qui s'est tenue ce week-end, j'ai redit notre conviction que l'Europe de la défense ne se construit pas en opposition à l'OTAN.