Intervention de Skander Karaa

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 19 février 2019 à 13h45
Audition de représentants du ministère des sports

Skander Karaa, conseiller spécial de la ministre des sports :

Je vous remercie de cette invitation. Je commencerai par rappeler la volonté de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, de poursuivre une action volontariste en matière de lutte contre les infractions sexuelles, puis je présenterai dans les grandes lignes l'action du ministère pour renforcer notre politique de prévention. Christelle Gautier et Michel Lafon préciseront un certain nombre de points dans le cadre des échanges qui suivront.

La protection des acteurs sportifs est une préoccupation très forte du ministère sur tout le territoire, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler la semaine dernière dans le cadre d'une table ronde sur la lutte contre le dopage, car nous avons à coeur de mieux prévenir l'ensemble des dérives dans le sport. Nous voulons protéger et mettre en avant les valeurs auxquelles nous sommes très attachés, dans le respect de la dignité de chacun.

Très rapidement après son entrée en fonction, la ministre a rappelé qu'il ne fallait plus avoir de tabou. Une omerta existe dans le domaine du sport, nous avons le devoir d'y mettre fin en nous mobilisant collectivement pour libérer la parole. Il importe en effet de reconnaître que le sport, comme d'autres pans de la société, n'est pas épargné par les violences sexuelles.

Dans une interview donnée au journal 20 Minutes en octobre dernier, la ministre a formulé un certain nombre de lignes directrices pour renforcer nos actions afin de mieux protéger les jeunes. S'il n'existe pas à l'heure actuelle de données spécifiques concernant les mineurs, nous devons rester vigilants et mettre en place des actions appropriées à destination de ce public particulièrement vulnérable. Nous devons notamment travailler de manière transversale en activant plusieurs leviers. Je pense à la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles », à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et plus récemment au plan pour la protection de l'enfance présenté par Agnès Buzyn, ministre de la santé et des solidarités.

En parallèle, il est essentiel de porter des politiques publiques dans chacun des départements ministériels concernés. La ministre souhaite que le ministère des sports ait une action volontariste et intervienne à plusieurs niveaux : services déconcentrés, mouvements sportifs, associations, clubs. Le ministère doit également intervenir auprès de différents publics : professionnels, bénévoles, fonctionnaires, salariés du secteur privé, personnes majeures ou mineures, etc.

J'aborderai trois volets : la prévention, la formation et le contrôle.

Tout d'abord la prévention. Depuis la fin des années 2000, le ministère a mis en place un programme de prévention. Nous avons commandé une enquête à des universitaires en 2009, puis en 2014 aux centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS). Nous voulions mesurer non seulement l'impact des violences sexuelles, mais aussi celui des bizutages. Par ailleurs, depuis 2014, des éléments statistiques nous sont transmis par le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED). Une prévention plus affirmée passe par une meilleure visibilité des outils de prévention et par l'organisation de tables rondes sur le territoire avec les acteurs de terrain.

Ces derniers mois, différents guides ont été diffusés aussi bien à destination des chefs d'établissement, des directeurs techniques nationaux au sein des fédérations que des agents dans les services déconcentrés. Ces guides font un focus sur les procédures à mettre en place pour accompagner les victimes, car force est de reconnaître que les acteurs de terrain ne savent pas toujours comment agir. Il convient donc de mieux les aider, notamment grâce à un affichage systématique du 119, le numéro d'urgence pour les enfants en danger. Nous travaillons également à mettre en place des outils plus modernes et plus lisibles pour mieux cibler les jeunes. Il importe aussi d'accompagner les fédérations sportives et de les sensibiliser sur l'importance d'engager des poursuites disciplinaires. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) est parfaitement conscient du problème. Il a engagé une réflexion sur le sujet et s'est rapproché des associations spécialisées, comme Colosse aux pieds d'argile.

Ces actions de sensibilisation s'appuieront sur une collaboration plus grande avec un certain nombre d'experts sur ces problématiques : Comité Éthique & Sport, Colosse aux pieds d'argile, etc.

Enfin, c'est en intervenant dans les médias, comme l'a fait la ministre des sports, que les victimes se sentiront plus considérées, mieux écoutées et que nous libèrerons leur parole, dans le secteur du sport comme ailleurs.

Le deuxième point concerne le volet formation. La ministre a souhaité renforcer dès son arrivée les dispositifs de formation sur les questions de violence sexuelle, mais aussi sur les questions de radicalisation ou de dopage. Nous mettons en particulier l'accent sur la formation initiale de nos agents à travers des modules spécifiques et obligatoires. Nous réalisons également un travail important sur la formation continue, car il est essentiel de sensibiliser nos animateurs sportifs. En effet, l'éducateur est en position d'autorité, il doit en être conscient et savoir où se situe la limite. Dans certaines disciplines, la natation par exemple, il est en contact avec des mineurs peu vêtus. Il convient donc de clarifier les comportements - geste et parole - pour éviter toute ambiguïté. L'association Colosse aux pieds d'argile mène un travail en ce sens.

Selon nous, il convient de mieux accompagner les acteurs sur leurs droits, leurs devoirs, l'approche du corps, la protection des pratiquants et plus largement sur les dispositifs de signalement et d'alerte.

Enfin, en ce qui concerne le volet contrôle, le ministère vérifie systématiquement l'honorabilité de l'ensemble des éducateurs sportifs lors de la délivrance de leur carte professionnelle, puis renouvelle ce contrôle chaque année par le biais d'une consultation automatisée des fichiers judiciaires grâce à un logiciel recoupant depuis 2015 toutes les infractions. Près de 230 000 éducateurs professionnels sont concernés. Par ailleurs, un site internet permet au public de s'assurer de la situation de chaque éducateur. Enfin, les directions départementales réalisent des contrôles au sein des établissements d'activités physiques et sportives (EAPS). Environ 7 000 contrôles sont réalisés chaque année sur le territoire pour vérifier l'honorabilité des éducateurs - professionnels et bénévoles - comme celle des exploitants des structures sportives.

Nous n'avons pas pu automatiser les contrôles des encadrants bénévoles, mais les services déconcentrés du ministère réalisent les mêmes contrôles in situ et à la demande des dirigeants des EAPS.

La ministre souhaite aller plus loin en suivant deux pistes : améliorer l'information des clubs sur la possibilité de solliciter nos services pour vérifier l'honorabilité des bénévoles - une circulaire a été publiée à cet égard en novembre 2018 - et expérimenter le croisement du fichier des encadrants bénévoles avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) et le B2 du casier judiciaire pour faire évoluer le cas échéant la règlementation.

Les admissibles aux concours d'entrée des fonctionnaires des sports recrutés font l'objet d'une vérification.

Lorsque des faits graves sont commis, des mesures de police administrative sont prises, telles que l'interdiction d'exercer la profession d'éducateur. En 2018 : neuf mesures d'interdiction ont été prononcées, dont trois pour infraction sexuelle sur mineurs. Le non-respect de ces interdictions expose à des sanctions pénales.

La ministre a donc l'ambition d'aller plus loin en matière de prévention, de formation et de contrôle, afin de tout faire pour que les acteurs soient mobilisés. Chacun à son niveau doit prendre les décisions qui s'imposent pour faire cesser ces faits.

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