Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi trois représentants du ministère des sports : M. Skander Karaa, conseiller spécial de la ministre des sports ; Mme Christelle Gautier, cheffe du bureau du développement des pratiques sportives, de l'éthique sportive et des fédérations multisports et affinitaires au sein de la direction des sports ; et M. Michel Lafon, chef du bureau de la protection du public, de la promotion de la santé et de la prévention du dopage au sein de la direction des sports.
Notre mission d'information s'intéresse aux infractions sexuelles sur mineurs commises par des adultes dans le cadre de leur métier ou de leurs fonctions, à l'exclusion donc des infractions intrafamiliales. Nous avons déjà auditionné des représentants du ministère de l'éducation nationale et des représentants de la Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva), qui nous ont présenté les procédures mises en oeuvre dans leurs champs de compétences respectifs pour protéger les enfants et les adolescents contre les prédateurs sexuels.
Nous avons également auditionné il y a quelques semaines le directeur de l'association Colosse aux pieds d'argile, qui a attiré notre attention sur les abus sexuels dont peuvent être victimes les jeunes dans le cadre de leur pratique sportive. Les déplacements rendus nécessaires par la participation à des compétitions, les bizutages qui existent encore dans de trop nombreux établissements, sont des moments propices aux agressions sexuelles sur mineurs, mais ils ne sont bien sûr pas les seuls.
Nos trois rapporteures, Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, vous ont adressé un questionnaire pour vous aider à préparer cette audition. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous adresser des réponses écrites à ce questionnaire, ce qui nous permettra de nous concentrer, dans le cadre de cette audition, sur les points essentiels.
Nous souhaitons notamment mieux comprendre à quels contrôles sont soumis les professionnels qui encadrent les jeunes dans les clubs sportifs. Avez-vous identifié des failles dans ce dispositif qu'une intervention législative ou règlementaire permettrait de combler ? Qu'en est-il des bénévoles qui interviennent auprès des jeunes ?
Nous souhaitons également savoir quelle remontée d'informations est organisée lorsqu'une infraction sexuelle sur un mineur est constatée ou soupçonnée. Comment le signalement est-il traité ? L'autorité judiciaire vous informe-t-elle lorsqu'une procédure est ouverte contre un éducateur sportif ?
Voilà quelques-unes des questions sur lesquelles nous avons besoin de votre éclairage.
Je vous remercie de cette invitation. Je commencerai par rappeler la volonté de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, de poursuivre une action volontariste en matière de lutte contre les infractions sexuelles, puis je présenterai dans les grandes lignes l'action du ministère pour renforcer notre politique de prévention. Christelle Gautier et Michel Lafon préciseront un certain nombre de points dans le cadre des échanges qui suivront.
La protection des acteurs sportifs est une préoccupation très forte du ministère sur tout le territoire, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler la semaine dernière dans le cadre d'une table ronde sur la lutte contre le dopage, car nous avons à coeur de mieux prévenir l'ensemble des dérives dans le sport. Nous voulons protéger et mettre en avant les valeurs auxquelles nous sommes très attachés, dans le respect de la dignité de chacun.
Très rapidement après son entrée en fonction, la ministre a rappelé qu'il ne fallait plus avoir de tabou. Une omerta existe dans le domaine du sport, nous avons le devoir d'y mettre fin en nous mobilisant collectivement pour libérer la parole. Il importe en effet de reconnaître que le sport, comme d'autres pans de la société, n'est pas épargné par les violences sexuelles.
Dans une interview donnée au journal 20 Minutes en octobre dernier, la ministre a formulé un certain nombre de lignes directrices pour renforcer nos actions afin de mieux protéger les jeunes. S'il n'existe pas à l'heure actuelle de données spécifiques concernant les mineurs, nous devons rester vigilants et mettre en place des actions appropriées à destination de ce public particulièrement vulnérable. Nous devons notamment travailler de manière transversale en activant plusieurs leviers. Je pense à la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles », à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et plus récemment au plan pour la protection de l'enfance présenté par Agnès Buzyn, ministre de la santé et des solidarités.
En parallèle, il est essentiel de porter des politiques publiques dans chacun des départements ministériels concernés. La ministre souhaite que le ministère des sports ait une action volontariste et intervienne à plusieurs niveaux : services déconcentrés, mouvements sportifs, associations, clubs. Le ministère doit également intervenir auprès de différents publics : professionnels, bénévoles, fonctionnaires, salariés du secteur privé, personnes majeures ou mineures, etc.
J'aborderai trois volets : la prévention, la formation et le contrôle.
Tout d'abord la prévention. Depuis la fin des années 2000, le ministère a mis en place un programme de prévention. Nous avons commandé une enquête à des universitaires en 2009, puis en 2014 aux centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS). Nous voulions mesurer non seulement l'impact des violences sexuelles, mais aussi celui des bizutages. Par ailleurs, depuis 2014, des éléments statistiques nous sont transmis par le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED). Une prévention plus affirmée passe par une meilleure visibilité des outils de prévention et par l'organisation de tables rondes sur le territoire avec les acteurs de terrain.
Ces derniers mois, différents guides ont été diffusés aussi bien à destination des chefs d'établissement, des directeurs techniques nationaux au sein des fédérations que des agents dans les services déconcentrés. Ces guides font un focus sur les procédures à mettre en place pour accompagner les victimes, car force est de reconnaître que les acteurs de terrain ne savent pas toujours comment agir. Il convient donc de mieux les aider, notamment grâce à un affichage systématique du 119, le numéro d'urgence pour les enfants en danger. Nous travaillons également à mettre en place des outils plus modernes et plus lisibles pour mieux cibler les jeunes. Il importe aussi d'accompagner les fédérations sportives et de les sensibiliser sur l'importance d'engager des poursuites disciplinaires. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) est parfaitement conscient du problème. Il a engagé une réflexion sur le sujet et s'est rapproché des associations spécialisées, comme Colosse aux pieds d'argile.
Ces actions de sensibilisation s'appuieront sur une collaboration plus grande avec un certain nombre d'experts sur ces problématiques : Comité Éthique & Sport, Colosse aux pieds d'argile, etc.
Enfin, c'est en intervenant dans les médias, comme l'a fait la ministre des sports, que les victimes se sentiront plus considérées, mieux écoutées et que nous libèrerons leur parole, dans le secteur du sport comme ailleurs.
Le deuxième point concerne le volet formation. La ministre a souhaité renforcer dès son arrivée les dispositifs de formation sur les questions de violence sexuelle, mais aussi sur les questions de radicalisation ou de dopage. Nous mettons en particulier l'accent sur la formation initiale de nos agents à travers des modules spécifiques et obligatoires. Nous réalisons également un travail important sur la formation continue, car il est essentiel de sensibiliser nos animateurs sportifs. En effet, l'éducateur est en position d'autorité, il doit en être conscient et savoir où se situe la limite. Dans certaines disciplines, la natation par exemple, il est en contact avec des mineurs peu vêtus. Il convient donc de clarifier les comportements - geste et parole - pour éviter toute ambiguïté. L'association Colosse aux pieds d'argile mène un travail en ce sens.
Selon nous, il convient de mieux accompagner les acteurs sur leurs droits, leurs devoirs, l'approche du corps, la protection des pratiquants et plus largement sur les dispositifs de signalement et d'alerte.
Enfin, en ce qui concerne le volet contrôle, le ministère vérifie systématiquement l'honorabilité de l'ensemble des éducateurs sportifs lors de la délivrance de leur carte professionnelle, puis renouvelle ce contrôle chaque année par le biais d'une consultation automatisée des fichiers judiciaires grâce à un logiciel recoupant depuis 2015 toutes les infractions. Près de 230 000 éducateurs professionnels sont concernés. Par ailleurs, un site internet permet au public de s'assurer de la situation de chaque éducateur. Enfin, les directions départementales réalisent des contrôles au sein des établissements d'activités physiques et sportives (EAPS). Environ 7 000 contrôles sont réalisés chaque année sur le territoire pour vérifier l'honorabilité des éducateurs - professionnels et bénévoles - comme celle des exploitants des structures sportives.
Nous n'avons pas pu automatiser les contrôles des encadrants bénévoles, mais les services déconcentrés du ministère réalisent les mêmes contrôles in situ et à la demande des dirigeants des EAPS.
La ministre souhaite aller plus loin en suivant deux pistes : améliorer l'information des clubs sur la possibilité de solliciter nos services pour vérifier l'honorabilité des bénévoles - une circulaire a été publiée à cet égard en novembre 2018 - et expérimenter le croisement du fichier des encadrants bénévoles avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) et le B2 du casier judiciaire pour faire évoluer le cas échéant la règlementation.
Les admissibles aux concours d'entrée des fonctionnaires des sports recrutés font l'objet d'une vérification.
Lorsque des faits graves sont commis, des mesures de police administrative sont prises, telles que l'interdiction d'exercer la profession d'éducateur. En 2018 : neuf mesures d'interdiction ont été prononcées, dont trois pour infraction sexuelle sur mineurs. Le non-respect de ces interdictions expose à des sanctions pénales.
La ministre a donc l'ambition d'aller plus loin en matière de prévention, de formation et de contrôle, afin de tout faire pour que les acteurs soient mobilisés. Chacun à son niveau doit prendre les décisions qui s'imposent pour faire cesser ces faits.
Un premier plan de prévention a été déployé de 2007 à 2012. Nous avons diffusé une documentation à destination des trois réseaux : chefs d'établissements - CREPS, Institut national du sport, de l'exercice et de la performance (Insep) et écoles nationales - fédérations sportives et directions techniques nationales - et par ruissellement à destination des encadrants. Nous n'avons pas fait de distinction entre mineurs et majeurs. Depuis deux ans, une action volontariste a été lancée pour toucher les encadrants de premier niveau ; en effet, nous ne sommes pas encore assez efficaces concernant les encadrants de clubs, qu'ils soient professionnels ou non. Certaines fédérations font bien le relais, d'autres non. La relation entraineur-entrainé est particulière et comporte une dimension physique : il y a du contact. Certaines fédérations ont travaillé pour trouver des modalités qui mettent en retrait cette dimension ; c'est une piste encore insuffisamment exploitée. Nous devons également faire passer des messages auprès des jeunes sportifs. L'association Colosse aux pieds d'argile intervient dans ce sens dans tous les CREPS.
Une formation précise sur ce sujet est conduite en direction des agents du ministère des sports, lors de leur entrée en fonction et après. Ces sujets sont malheureusement tus dans un nombre important de lieux.
Les professeurs de sport stagiaires ont suivi cette année un module sur ce sujet dans le cadre de leur formation initiale. Concernant la formation continue, une offre nationale sera bientôt proposée - c'est une première. Nous mobiliserons à la fois des ressources internes et du personnel extérieur. Un module complémentaire sera aussi organisé cette année lors des formations diplômantes des éducateurs sportifs.
Nous nous demandons s'il faut engager une formation continue auprès des éducateurs sportifs, professionnels ou non, déjà en fonction. Nous aimerions toucher les encadrants, notamment les bénévoles, parmi lesquels certains sont diplômés, et d'autres ne le sont pas - ce qui fait que nous n'avons pas de levier d'action sur eux.
Le ministère contrôle l'ensemble des 350 000 établissements qui organisent la pratique d'une activité physique et sportive, toutes activités confondues.
Nous procédons à un contrôle a priori pour l'ensemble des professionnels. Nous opérons également des contrôles in situ à l'occasion des inspections annuelles par les services départementaux, qui contrôlent l'honorabilité de tous les encadrants professionnels ou bénévoles, ainsi que celle des exploitants, soit trois ou quatre personnes en moyenne à chaque fois.
Sur le plan statistique, le ministère recense l'ensemble des mesures administratives prises : en 2018, cent cinquante-six éducateurs ont fait l'objet d'une telle mesure, dont neuf d'interdiction, parmi lesquels trois pour infraction sexuelle sur mineur. Le volume est à peu près le même chaque année.
Les 230 000 éducateurs sont contrôlés annuellement par consultation du Fijaisv et du casier judiciaire B2. Depuis 2015, quatre-vingt-dix cas d'éducateurs inscrits au Fijaisv ont été recensés. Parmi eux, quatre étaient gérants d'un EAPS, douze ont été repérés lors d'une première déclaration, vingt à l'occasion d'un renouvellement et cinquante-quatre à l'occasion d'un contrôle périodique.
Nous ne disposons pas de statistiques pour les casiers B2. Les services départementaux, qui sont destinataires des signalements, les traitent directement. Les personnes condamnées sont stoppées avant d'entrer dans le système.
À chaque fois que nous traitons un cas, nous en informons le procureur de la République dans le cadre d'une procédure fondée sur l'article 40 du code de procédure pénale. Le procureur informe également le préfet de l'ensemble des condamnations en rapport avec les mineurs. Pour toutes les autres condamnations, cette information est optionnelle.
En cas de condamnation définitive, nous notifions automatiquement l'interdiction d'exercer. Si la procédure est encore en cours, une enquête administrative est menée pour prendre la mesure de la situation, prononcer éventuellement en urgence une interdiction, en attendant la décision du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
On peut signaler des dysfonctionnements mineurs : un manque de remontée d'information de la part des services, un délai de traitement parfois long pour le signalement en provenance du procureur et - le plus important - un manque de signalement sur le terrain : les gens ont encore du mal à libérer leur parole.
Nous tentons de développer des outils pédagogiques pour aider les cadres techniques à mieux utiliser l'article 40. Comme ils exercent auprès d'une fédération, ils se demandent souvent comment le milieu fédéral va réagir. Le ministère de la justice est fortement mobilisé sur ce terrain.
Notre logiciel EAPS est performant : avant la délivrance d'une carte professionnelle, valable cinq ans, il permet de vérifier la qualification et l'honorabilité de chaque éducateur.
Il s'agit de données publiques : si un éducateur sportif est déclaré incapable, tous les départements savent qu'il ne peut pas exercer. Chaque carte professionnelle comporte un flash code et à tout instant la fiche qui correspond peut être consultée. N'importe qui, en tapant un nom et un prénom, peut donc vérifier si une personne a une carte professionnelle valide. Cela garantit son honorabilité et ses qualifications.
Les stagiaires sont soumis à la même obligation : ils doivent se déclarer et obtenir une carte. La difficulté est de faire appliquer la règle par les organismes de formation, qui ne devraient pas envoyer leurs élèves en stage sans carte.
Les bénévoles sont contrôlés lors des contrôles in situ ou à la demande des associations. Nous envisageons de leur étendre le contrôle systématique, mais cela concernerait 1,8 million de personnes. C'est un travail difficile qui nécessite que les fédérations puissent séparer ceux qui encadrent de ceux qui exploitent. Il y faudra des moyens supplémentaires pour gérer ce flux. La Justice est prête à y consacrer trois à quatre fonctionnaires. Il y a beaucoup de problèmes d'identité. Il faut obtenir un acte de naissance datant de moins de trois mois, intervenir auprès de la Justice pour, le cas échéant, mettre à jour le registre national des personnes physiques (RNPP). Nous nous engageons donc dans une expérimentation.
Merci pour vos présentations complètes sur les trois aspects de la prévention, de la formation et du contrôle. Et pourtant, il y a dans tous les sports des prédateurs et des victimes. Qu'est-ce que nous, législateurs, pourrions améliorer : y a-t-il des « trous dans la raquette » ou des mailles du filet à resserrer ?
Le sport implique une relation particulière entre l'entraîneur et l'entraîné. Si le phénomène des violences sexuelles et sexistes est avéré, il reste difficile à repérer et à qualifier, au-delà de la spécificité de chaque situation. Nous connaissons bien le sujet, Michel Lafon et moi-même, pour avoir été tous les deux entraîneurs et avoir exercé les fonctions de directeur technique national. La violence peut être le fait d'adultes qui abusent de l'autorité qu'ils ont sur des mineurs, mais celle qui s'exerce entre les sportifs eux-mêmes constitue le phénomène majeur. Il faut distinguer ces deux cas pour aborder le problème dans sa globalité.
La formation doit être renforcée quantitativement et qualitativement. Les encadrants, qu'ils soient bénévoles diplômés d'État ou non, doivent être parfaitement au fait de la nature et des limites de l'intervention qu'ils mèneront auprès des enfants. En tant que législateurs, vous pourriez certainement soutenir notre démarche en ce sens. Nous avons notamment besoin d'approfondir l'expertise, car l'enquête de 2008 n'a porté que sur 1 400 sujets, dont 11 % ont déclaré avoir subi des faits de violence perpétrés à 60 % entre sportifs. Autre lacune, le pouvoir de sanction disciplinaire des chefs d'établissement et de fédération reste insuffisamment mis en oeuvre, surtout dans les fédérations. Enfin, il faudrait que nous tranchions sur les moyens à développer pour mieux apprécier la réalité de ces faits de violence.
L'obligation d'honorabilité s'applique aux éducateurs professionnels et bénévoles, et nous disposons d'une base légale pour la faire respecter. Sa mise en oeuvre auprès des bénévoles reste insuffisante. Dans la mesure où les fédérations sportives ont les fichiers des bénévoles qui travaillent pour elles, nous pourrions renforcer les contrôles. C'est du moins ce que souhaite la ministre. Il faudrait aussi élargir cette obligation d'honorabilité, en l'appliquant par exemple aux arbitres ou aux maîtres-nageurs sauveteurs.
Un gros travail reste effectivement à mener au sujet des bénévoles, d'autant qu'ils interviendront très largement dans l'organisation des Jeux Olympiques (JO) de 2024. Sébastien Boueilh, le président de l'association Colosse aux pieds d'argile, nous a mis en garde contre le phénomène de chantage qui se développe particulièrement au moment où il y a des enjeux de sélection. Si certains faits restent tus, c'est souvent parce que l'entraîneur est celui qui permet d'évoluer et de gagner une médaille : on ne le dénonce pas, de peur de tout perdre.
Cette forme de chantage dépasse largement le cadre des Jeux olympiques et paralympiques, et intervient dès lors qu'il y a une situation de sélection. La relation de l'entraîneur à l'entraîné comporte un enjeu d'autorité et d'influence d'autant plus fort lorsqu'il faut effectuer une sélection. Cependant, de manière concomitante, ces personnes qui ont du pouvoir sont aussi celles qui sont le plus encadrées et dont l'autorité est la plus partagée, dans le cadre des chemins de sélection qui existent au sein des fédérations.
La volumétrie des bénévoles sera importante dans l'organisation des JO. C'est du moins ce que nous espérons, et le comité olympique travaille avec le ministère des sports à développer la prévention pour éviter toute dérive qui gâcherait la fête.
Peut-être faudrait-il nous rapprocher du Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO) sur ce sujet.
Je suis un peu troublée par la manière dont vous formulez les choses. Vous nous dites que le ministère des sports est sensibilisé au fléau que constituent les violences sexuelles sur mineurs depuis 2007, en précisant que madame la ministre va « poursuivre » une action volontariste. « Poursuivre » n'est pas le bon mot quand il s'agit de se donner les moyens d'avoir une politique volontariste. Le nombre des victimes est loin d'être un détail. Il faudrait une étude sérieuse qui porte sur plus de 1 400 sujets. Chacun doit prendre la mesure de l'horreur que représentent ces violences. C'est une catastrophe pour les enfants qui en sont victimes. Nous avons été extrêmement émus par le témoignage du directeur de l'association Colosse aux pieds d'argile que nous avons auditionné. Cependant, faut-il que ce soit une association qui nous donne la mesure de ces horreurs ? Ne croyez-vous pas qu'il faut déployer davantage de moyens pour combattre ce fléau ?
La ministre souhaite effectivement se donner les moyens d'avoir une politique volontariste. Nous ne disposons pas de données sérieuses sur les infractions sexuelles dans le secteur du sport. Nous creusons la piste et nous développerons cet axe dans le cadre d'un plan de prévention des violences sexuelles dans le sport sur lequel nous travaillons.
Pour ce qui est des partenariats, l'État travaille en bonne intelligence avec un certain nombre d'associations qui sont sur le terrain. Les services déconcentrés jouent aussi un rôle important. L'appui des acteurs de terrain nous offre des moyens efficaces en matière de sensibilisation et de formation. C'est le sens dans lequel s'inscrit l'action prioritaire définie par la ministre, comme elle l'a rappelé dans son entretien donné à la presse en octobre dernier.
Sébastien Boueilh a témoigné de son expérience et des entretiens qu'il a menés auprès des sportifs et de leurs encadrants. Pour autant, le ministère n'a pas attendu le témoignage des associations pour engager des actions volontaristes. Désormais, le phénomène des violences dans le sport est bien connu, même si ses contours restent imprécis. Des commissions ont travaillé au sein du ministère. Des athlètes de haut niveau ont témoigné, avec un écho médiatique fort dans certains cas. Pour que notre action se déploie à une échelle encore plus importante, il nous faut des moyens. La ministre souhaite que nous avancions dans cette voie. Tous les services de la Direction des sports sont mobilisés, car ce n'est pas l'affaire d'un seul bureau, mais de tous. Nos travaux sont décloisonnés. Nous les menons en lien avec les territoires et l'ensemble des opérateurs partenaires. Il ne s'agit donc pas de poursuivre une politique volontariste, mais de lui donner plus d'ampleur en la faisant changer d'échelle.
Nous avons reçu des propositions pour mener des enquêtes plus complètes et précises. Ces enquêtes doivent être menées en interne par le ministère des sports. Il nous reste à trancher sur la méthode et sur l'opérateur. Pour l'instant, nous examinons les dossiers.
Avec quels moyens la ministre mettra-t-elle en oeuvre sa politique, dans un contexte où le budget consacré au sport diminue chaque année davantage ? Le milieu sportif dispose-t-il des ressources nécessaires en termes de connaissance, de prévention et d'information pour mener une action auprès des licenciés, des sportifs et des éducateurs ? Chaque discipline sportive dispose d'un comité départemental. Ces comités ne pourraient-ils pas se charger d'organiser des réunions d'information au niveau des communes ? Des formations existent, qui portent sur la gestion des clubs et l'aspect financier, mais rien n'est fait sur le sujet qui nous intéresse. Ce pourrait être un relais intéressant qui permettrait de toucher un grand nombre de bénévoles.
Dans les associations de terrain, les éducateurs sont démunis, qu'ils soient salariés ou bénévoles. Ils découvrent le sujet et n'en ont pas pris la mesure. J'ai passé un brevet d'État, il y a assez longtemps. À l'époque, il ne comportait aucun module sur la maltraitance des enfants, qu'elle soit sexuelle ou bien d'un autre ordre. Les fédérations doivent être sensibilisées au problème, même s'il n'est pas simple pour leurs dirigeants d'aborder ce tabou. Elles sont les mieux placées pour toucher les éducateurs par le biais des comités départementaux ou régionaux. Il faut que le sujet soit traité aussi bien dans le cadre de la formation continue que de la formation initiale, ce qui ne me semble pas encore être le cas.
Quant aux bénévoles, il faudrait les recenser. Pour cela, il faudrait faire obligation aux fédérations de les déclarer à partir du moment où ils interviennent de manière régulière, de la même manière qu'elles déclarent leurs salariés, en affichant leur nom sur un tableau avec les diplômes correspondants.
Les éducateurs sont en position d'autorité. Dans certaines disciplines dont l'exercice implique un contact physique, comme la gymnastique, les professeurs d'EPS ou les professionnels des associations sont sans doute les mieux placés pour détecter un changement de comportement ou une réticence chez l'enfant faisant supposer qu'il pourrait être victime de violences. Ces professeurs et encadrants reçoivent-ils une formation spécifique à ce sujet ?
Il n'y a aucune formation ni sensibilisation particulière dans les cursus de formation initiale ou de formation continue. Effectivement, les éducateurs sportifs qui exercent une parade, par exemple, dans le cadre d'un cours de gymnastique, peuvent très rapidement détecter une situation de maltraitance. Si c'est le cas, ils le signalent au président de l'association du club ou bien aux autorités du sport de haut niveau. En pratique, cela arrive malheureusement assez régulièrement.
Vous avez raison de souligner l'importance de la formation et des conditions de son organisation. Au ministère, une cellule réfléchit à définir une offre de formation, en lien avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et avec un certain nombre de fédérations qui ont été confrontées au problème des violences sexuelles et sexistes. Le chantier s'étalera sur 2019 et 2020. Il concerne les formations diplômantes, tout comme celles mises en place par les fédérations. Il constitue un volet important d'amélioration et de changement d'échelle de notre action. Nous espérons que le dispositif pourra se déployer dès la rentrée prochaine, de manière progressive, en commençant par les CREPS, et en veillant à ce que les fédérations s'en emparent. Le directeur technique national et le président de la fédération de gymnastique y sont favorables.
La filière territoriale du CNOSF est un cadre d'action intéressant. Un certain nombre de comités régionaux délivrent déjà des formations sur des sujets ciblés à des bénévoles des associations de leurs territoires. Il faut soutenir ces efforts, sous réserve que cela fasse l'objet d'un accord avec le CNOSF.
La Direction régionale du Centre-Val de Loire nous offre un bel exemple de cette action territoriale, avec un dispositif qui associe les organes déconcentrés du comité olympique et tous les acteurs locaux.
Nous vous remercions pour l'éclairage que vous nous avez apporté.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 h 5.