Intervention de Jean-Sébastien Barrault

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 20 février 2019 à 16h35
Audition de M. Jean-Sébastien Barrault président et Mme Ingrid Mareschal déléguée générale de la fédération nationale des transports de voyageurs fntv

Jean-Sébastien Barrault, président de la fédération nationale des transports de voyageurs :

Je vous remercie d'avoir accepté notre demande d'audition. La FNTV regroupe l'ensemble des entreprises de transport routier par autocar en France, des très petites entreprises jusqu'aux grands groupes comme la SNCF ou Transdev. Notre fédération représente plus de 1 000 entreprises qui transportent chaque jour plus de deux millions d'enfants le matin et le soir pour les trajets scolaires et près de 700 000 enfants chaque année pour des voyages scolaires par autocar. Vous avez rappelé une affaire tristement célèbre et le contexte actuel explique que notre profession se sente largement concernée par le sujet sur lequel travaille votre mission.

Nous n'avons pas d'informations pour quantifier ces faits au sein de notre secteur d'activité mais la presse se fait régulièrement l'écho de dramatiques incidents. Bien que rares, ces faits demeurent trop nombreux et nous nous en préoccupons.

Concernant les exigences encadrant le recrutement des conducteurs, elles tiennent surtout à la conduite et à la sécurité routière. Nous avons de nombreuses exigences en matière de formation initiale. Nous pensons cependant que nous pouvons faire mieux, en particulier pour prévenir les risques d'agressions sexuelles sur les mineurs.

En matière de prévention, il n'existe pas d'action ou de programme spécifique sur ce sujet. Néanmoins nous allons signer prochainement avec les services de la police et de la gendarmerie une convention cadre pour organiser des échanges d'informations entre nos professionnels et les forces de l'ordre, notamment pour renforcer les signalements concernant les atteintes aux personnes. Cette convention, qui a vocation à être déclinée territorialement, prévoit des interventions des forces de l'ordre pour sensibiliser les chefs d'entreprise et les professionnels. Il s'agit d'une piste de travail que l'on souhaite concrétiser dans les prochaines semaines.

Vous évoquiez, dans le questionnaire que vous nous avez transmis, la procédure de « criblage ». Nous avons amélioré ces dernières années les contrôles lors du recrutement des conducteurs avec cette procédure d'enquête administrative de sécurité, permise par la loi du 22 mars 2016, dite « loi Savary », et son décret d'application du 3 mai 2017. Ce dispositif permet aux chefs d'entreprise de demander une enquête administrative au ministère de l'intérieur pour leurs futurs salariés. Au sein du ministère de l'intérieur, un service est dédié à ces enquêtes, le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS). L'entreprise transmet l'identité de la personne et la description de l'emploi au SNEAS qui dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer sur la compatibilité de la personne avec les fonctions envisagées. Cette enquête a été plutôt mise en oeuvre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Si la prévention des infractions sexuelles n'était pas le premier objectif visé, ce criblage pourrait être renforcé pour prévenir ces agressions. Il faut aussi que le chef d'entreprise précise que le recrutement est destiné au transport de mineurs sinon l'enquête ne portera pas sur ce point.

Lorsque le SNEAS transmet à l'entreprise un avis de compatibilité ou d'incompatibilité, cet avis n'est pas motivé. Les entreprises ne connaissent pas les raisons d'une incompatibilité, ce qui place le chef d'entreprise dans une situation délicate puisqu'il est tenu de reclasser le professionnel concerné. Il nous semble que ce point pourrait être amélioré. En outre, le SNEAS n'a pas accès au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), ce que nous regrettons.

Enfin, c'est une procédure globalement peu utilisée par les entreprises car elle est complexe. Seul le chef d'entreprise, ou son représentant habilité, peut faire une demande de criblage, selon des règles strictes. Dans un groupe, l'entreprise de tête ne peut pas centraliser les demandes envoyées au ministère de l'intérieur. Un assouplissement des procédures pourrait donc être également envisagé.

Notre demande est donc d'aller plus loin dans le contrôle des personnels en ayant notamment accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le bulletin n° 3 peut déjà être demandé par l'employeur à un candidat en vue d'un recrutement mais cette faculté est peu connue des entreprises et donc peu utilisée. Le bulletin n° 2 n'est aujourd'hui accessible qu'à certaines administrations pour des motifs précis. Les organismes privés qui y ont accès sont limitativement énumérés par la loi et nos entreprises n'y figurent pas. Nous souhaiterions donc bénéficier de cet accès qui serait plus efficace que le criblage, dont les résultats sont obtenus au bout de deux mois, ce qui peut décourager certains chefs d'entreprise.

L'accès par nos entreprises au bulletin n° 2 du casier judiciaire présenterait l'avantage que le chef d'entreprise pourrait lui-même apprécier l'opportunité de recruter un candidat. En l'état actuel, la demande d'enquête administrative aboutit à un avis qui n'est pas motivé. Cet accès lèverait donc des incertitudes pour les employeurs.

Nous souhaiterions aussi que la profession de conducteur de transport scolaire puisse être identifiée comme une profession bénéficiant d'une information obligatoire du parquet à l'employeur en cas de contrôle judiciaire ou d'interdiction d'exercer une activité en contact avec des mineurs. Aujourd'hui il n'y a une information automatique que pour certaines fonctions énumérées par décret, telles que l'exercice d'activités d'enseignement, mais nos activités de transport par autocar ne sont pas visées. Nous n'avons donc pas d'information automatique dans le cas où une décision judiciaire serait prise à l'encontre d'un employé d'une de nos entreprises et nous souhaiterions bénéficier de cette information.

Au total, notre demande porte donc sur trois points : le renforcement de la procédure de criblage, l'accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire et l'information automatique de l'employeur en cas de condamnation d'un salarié.

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