Intervention de Marc Guillaume

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 14 février 2019 : 1ère réunion
Audition de M. Marc Guillaume secrétaire général du gouvernement sur l'application du principe « 2 normes retirées pour 1 norme créée »

Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement :

Merci, Monsieur le président. Plusieurs questions portent sur les critères figurant dans la circulaire du 26 juillet 2017.

Un ministère porte un projet de décret. Il incombe à ce ministère nous proposant la création d'une contrainte nouvelle de proposer dans le même temps une simplification. Nous n'appliquons pas le principe « 2 normes retirées pour 1 norme créée » lorsque nous sommes obligés de prendre le décret d'application d'une loi. Le principe « 2 pour 1 » s'applique donc essentiellement au pouvoir réglementaire autonome.

Vous nous interrogiez, Monsieur le président, sur la notion d'équivalence qualitative entre les normes qui sont créées et celles qui sont supprimées. Nous nous efforçons de chiffrer cette appréciation, mais il y a nécessairement une part de subjectivité dans celle-ci.

Comme vous le savez, avant de préparer le projet de loi de lutte contre la surtransposition, nous avions demandé aux inspections générales d'examiner les 1 100 directives du marché unique, afin d'analyser de quelle façon elles avaient ou non été transposées dans notre droit. Ce travail forme un volumineux rapport, que nous vous avons communiqué. L'objectif n'était pas de constater la part élevée de notre législation issue de l'Union européenne mais d'examiner les normes une par une, ce qui confirme d'ailleurs l'impression d'attelage hétéroclite évoquée par Mme de la Provôté. Il est ressorti de cet énorme travail qu'il n'y avait qu'une centaine de surtranspositions dans l'ensemble du champ du marché unique.

Toutes ces surtranspositions été réexaminées et le projet de texte qui a été déposé proposait d'en supprimer une quarantaine, de mémoire, car d'autres surtranspositions correspondaient à un choix, en vue d'assurer une protection supplémentaire à nos compatriotes. Suite au passage de ce texte au Sénat, nous avons pu conserver l'essentiel des dispositions qui supprimaient les surtranspositions, mais les sénateurs, dans leur ensemble, ont considéré qu'il était souhaitable de conserver quelques-unes de ces dispositions. Nous-mêmes n'avions pas une vue très précise, quantitativement, de ce que cela représentait.

Cette question du stock et du flux se pose aujourd'hui de façon différente, quantitativement, de ce qu'il en était. La Commission présente chaque année quinze ou vingt nouvelles propositions de directives, alors que ce nombre était quatre ou cinq fois plus élevé il y a vingt ans, au moment où ce nombre de propositions a atteint son pic.

Vous avez également soulevé des interrogations à propos du pouvoir des préfets simplificateurs, ce qui renvoie à la question des marges de manoeuvre dans l'application des lois. Comme vous l'avez fort justement souligné, Monsieur le président, nous sommes au début d'un effort qui doit se prolonger. Le Premier ministre a saisi le Conseil d'État afin que celui-ci réexamine la totalité des dispositifs d'expérimentation, ceux mis en place pour les préfets, mais aussi ceux mis en place pour les ARS, de façon à déterminer comment nous pourrions passer à un stade supérieur, tant du point de vue du champ des normes auxquelles l'on pourrait déroger que sur le plan géographique, de sorte qu'un plus grand nombre de préfets ou d'ARS soient concernés. Nous allons mener ce travail cette année.

L'ordonnance du 30 octobre 2018 constitue une illustration de cet état d'esprit, en s'efforçant de viser une obligation de résultat plutôt que d'édicter des normes obligatoires. L'obtention des résultats serait alors à démontrer par le maître d'ouvrage. Ce principe est sans doute assez adapté à un certain nombre de normes de la construction (insonorisation, etc.). C'est un sillon qu'il faut continuer à creuser, de façon à obtenir une plus grande souplesse dans l'application des normes.

S'agissant du stock de normes, le Premier ministre a demandé à tous les ministères d'élaborer des plans de simplification des stocks. C'est ce qui conduit à ce que certaines dispositions soient insérées dans les lois (loi santé ou loi sur le logement, par exemple). Il faut amplifier cet effort.

Cela me permet de faire le lien avec la façon dont les dispositifs dont nous parlons pourraient être consacrés sur le plan constitutionnel. Je crois qu'il faut, à cet égard, distinguer le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, l'application est désormais extrêmement stricte. En un an et demi, nous avons produit 20 décrets créant des contraintes nouvelles pour 48 modifications, au lieu de 150. La volonté du Président de la République et du Premier ministre est très claire : il s'agit de contrôler de façon très ferme la production de normes, afin que le pouvoir réglementaire autonome ne puisse ajouter de la complexité à la complexité.

Il reste le pouvoir législatif. Je n'ai pas en tête d'exemple permettant de savoir si, en droit comparé, un Parlement verrait son action limitée dès lors que la Constitution lui imposerait de supprimer des normes chaque fois qu'une disposition législative nouvelle est prise. Cette séance témoigne en tout cas de l'existence d'un contrôle du Parlement quant à la façon dont l'exécutif mène cette tâche. S'agissant du pouvoir législatif, ce serait une innovation beaucoup plus grande, me semble-t-il. Hormis les dispositions relatives à certaines collectivités d'outre-mer, le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, demeure pleinement compétent pour fixer les normes, quelles que soient les matières décentralisées. Nous nous inscrivons bien sûr dans ce cadre.

M. Luche demandait comment mieux se tourner vers les collectivités territoriales pour communiquer sur ces démarches. Il s'agit d'une question très importante, qui revêt deux aspects ;

- d'une part, nous pouvons expliquer qu'un très gros effort est engagé pour simplifier la vie des collectivités territoriales et de nos concitoyens en général. Ce travail produit de premiers résultats mais il nous faut persévérer en ce sens. Souligner que nous sommes passés de 30 000 à 10 000 circulaires, pour l'ensemble de l'administration, traduit déjà une évolution considérable ;

- d'autre part, nous pourrions nous demander si la façon dont ces normes sont portées à la connaissance de nos concitoyens est suffisante. On dit parfois que c'est dans les circulaires que se trouvent les dispositions permettant de comprendre la façon dont une loi s'applique. La totalité des circulaires est disponible en open data, en format réutilisable, sur le site « circulaires.legifrance.gouv.fr » mais ce type de document est-il adapté aux attentes de nos concitoyens pour ce type d'information ? Peut-être devrions-nous agir autrement, par exemple en proposant des questions-réponses sur les sites des ministères. Il ne suffit pas de simplifier la norme : il faut aussi pouvoir y accéder plus facilement et de façon plus compréhensible. Nous avons certainement des progrès à faire en la matière.

Mme Gréaume a posé la délicate question du chiffrage. Dans le chiffre que vous avez cité ne sont pas seulement incluses les normes : les efforts d'économie que vous avez rappelés portent sur les dépenses, y compris celles issues de la production de la norme. Les premiers résultats sont encourageants : le chiffrage que j'ai indiqué s'agissant du bilan des études d'impact montre que nous avons permis une économie de 126 millions d'euros. Il ne fait pas de doute qu'il serait souhaitable d'améliorer ce chiffre s'il peut l'être.

Nous travaillons toutes les semaines avec le CNEN. Nous entretenons des rapports étroits, confiants et fructueux avec son président, Alain Lambert. Ces rapports sont d'abord fondés sur le partage d'un constat et la volonté de travailler dans la même direction. Nous avons des questions sur le flux et d'autres sur le stock. Elles sont de natures très différentes et appellent des traitements distincts dans les deux cas. Nous n'avons pas de doute non plus quant à la réalité des effets économiques et sociaux auxquels tout ceci contribue.

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