J’aimerais pouvoir soutenir votre proposition de créer un service national universel. L’idée d’un parcours de citoyenneté a d’ailleurs été patiemment mûrie entre 2012 et 2017. Cependant, l’absence d’horizon clair nous fait craindre que les 3 000 jeunes concernés par l’expérimentation que vous avez lancée ne soient que les cobayes d’un gouvernement qui tente de mettre en œuvre une promesse de campagne finalement irréalisable et déjà profondément dénaturée.
Nous nous tenons aux côtés des organisations de jeunesse pour rappeler que s’engager, c’est faire un choix. Le flou concernant le caractère obligatoire du SNU n’est pas acceptable, quand l’engagement puise son sens dans la liberté de choisir.
Que le futur financement d’un SNU à grande échelle soit balayé d’un revers de main nous conduit à nous interroger sur le sérieux de ces annonces. La question de l’encadrement reste également posée, quand on sait que l’éducation nationale manque d’enseignants et que les armées sont sur-sollicitées, notamment du fait de l’opération Sentinelle ou des OPEX.
La phase d’expérimentation que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État, ne doit pas se transformer en phase d’approximation. Si le Gouvernement persévère dans son erreur, nous assisterons à la mise à bas d’un modèle érigé autour de l’incitation des jeunes à s’engager dans une aventure pour le moins positive, celle de l’intérêt général.
Dans ce contexte, relancer la vie et l’engagement associatifs devient une vraie gageure, et il n’est pas certain que la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui permette de réussir cet exploit. Son rapporteur le dit d’ailleurs lui-même : ce texte n’a qu’une ambition très limitée. Peut-être constitue-t-il une sorte de compensation au désengagement financier que j’ai évoqué ? Il traite essentiellement de deux sujets : la responsabilité financière des dirigeants bénévoles d’associations, susceptible d’être engagée, et la sensibilisation à l’engagement et à la vie associative dans le cadre de l’enseignement moral et civique dispensé au collège et au lycée. Il a été enrichi à l’Assemblée nationale, et c’est tant mieux, d’un nouvel article qui prévoit que le Gouvernement remette un rapport sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations au Fonds de développement de la vie associative, sur le modèle de ce que dispose la loi Eckert de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence. Ce point est important, car le Haut Conseil à la vie associative estime que 100 millions d’euros seraient ainsi potentiellement mobilisables via ce fonds pour financer le secteur associatif. Sur proposition de Jacques-Bernard Magner, cette disposition avait été introduite dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, en 2017, mais le Conseil constitutionnel avait malheureusement jugé qu’il s’agissait là d’un cavalier législatif.
Ce rapport sera important, certes, mais les suites législatives concrètes qui pourront lui être données le seront plus encore.
L’article 1er de cette proposition de loi modifie un article du code de commerce afin d’alléger la responsabilité fiscale des dirigeants d’associations. Cela mettra fin à un vide juridique et à des errements jurisprudentiels, les tribunaux excusant ou non, selon les cas, la négligence du fait de l’objet non lucratif d’une structure et/ou de la qualité de bénévoles de ses dirigeants. Il convient de remarquer qu’aucune étude d’impact n’a été menée sur ce sujet pour établir la nécessité de légiférer. Ainsi, nous ne connaissons pas le nombre des condamnations effectives de dirigeants associatifs bénévoles au titre de l’engagement de leur responsabilité financière.
L’article 2 modifie un article du code de l’éducation en vue de permettre de sensibiliser les collégiens et les lycéens à l’engagement associatif. On ne peut naturellement s’opposer à cette initiative, qui va dans le bon sens, ni à l’amendement adopté à l’Assemblée nationale qui a élargi cette sensibilisation aux élèves de CM2. Il faudra toutefois que les moyens humains et les horaires soient adaptés pour que cette mesure puisse devenir effective.
L’article 3, quant à lui, a été introduit lors du débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Il s’agit de permettre aux Algériens résidant légalement en France d’avoir accès au service civique et ainsi de combler un vide juridique lié à une omission dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Notre France est riche de l’engagement de 16 millions de bénévoles dans près de 1, 3 million d’associations. C’est un atout considérable que nous devons préserver et conforter ; c’est un atout pour notre République ; c’est un atout pour notre modèle social. C’est pourquoi les sénateurs du groupe socialiste et républicain voteront en faveur de l’adoption de ce texte, même si celui-ci est loin d’apporter les réponses aux nombreuses questions qui se posent aujourd’hui. Votre responsabilité personnelle, monsieur le secrétaire d’État, en votre qualité de membre du Gouvernement, est engagée pour aller plus loin !