La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner est le fruit d’un travail mené par Jimmy Pahun, député du Morbihan, en association avec les producteurs de coquillages, représentés par leur président, Philippe Le Gal ; tous deux sont d’ailleurs présents dans nos tribunes. Je tiens à saluer ce travail, qui a abouti, après quelques aménagements, à une adoption de ce texte par l’Assemblée nationale à l’unanimité, lors de la séance du 29 novembre dernier.
Les conchyliculteurs, comme les agriculteurs des zones littorales, nous ont alertés sur la pression foncière dont ils sont victimes. Dans les communes littorales, le prix de vente d’un bâtiment à usage agricole à un non-professionnel peut être jusqu’à dix fois supérieur au prix de vente à un professionnel. Pour des exploitants arrivant à la retraite, dont les conditions de travail ont souvent été dénoncées ici, le fruit de cette vente, c’est la rétribution du travail de toute une vie !
Toutefois, chacune des cessions à un non-professionnel est irréversible. Chacune d’entre elles fait disparaître une activité agricole de nos espaces littoraux, alors que ces activités sont nécessaires à leur survie. Elles font vivre économiquement et culturellement nos communes littorales, tout au long de l’année, tout en étant favorables à l’environnement. Il est donc essentiel de préserver ces activités agricoles. Des dispositions législatives et réglementaires ont déjà été prises à cette fin, mais certaines sont contournées.
La présente proposition de loi entend limiter le contournement très spécifique du droit de préemption des Safer dans ces communes littorales.
Depuis 2014, les Safer peuvent préempter les biens, situés principalement dans les zones agricoles ou naturelles, ayant fait l’objet de l’exercice d’une activité agricole dans les cinq années précédant leur vente. Les Safer de Bretagne, auxquelles je rends hommage, ont constaté que des propriétaires attendaient cinq ans sans affecter le bâtiment à des activités agricoles ou des cultures marines, afin d’échapper à ce droit de préemption.
La proposition de loi tend à les dissuader de procéder à ce genre de détournements, en augmentant le délai de non-affectation du bâtiment permettant d’échapper au droit de préemption des Safer de cinq à vingt ans.
Une garantie importante est apportée aux propriétaires par l’encadrement du mécanisme de révision du prix des Safer, uniquement possible si le changement de destination a été réalisé de manière illégale.
Sous l’autorité de sa présidente, Sophie Primas, la commission des affaires économiques a considéré, à l’unanimité, que le mécanisme proposé était équilibré. C’est pourquoi elle n’y a apporté aucune modification.
En revanche, lors de ses débats, elle a constaté que la proposition de loi ne concernait pas les bâtiments salicoles, pourtant soumis à la même pression foncière que les autres.
Pourquoi ? Simplement parce que les activités salicoles ne répondent pas aux critères définissant une activité agricole dans le code rural et de la pêche maritime.
La commission a donc souhaité que la saliculture réalisée dans les marais salants de l’Atlantique ou de la Méditerranée soit officiellement reconnue comme une activité agricole à part entière. L’extension du droit de préemption des Safer prévue par la proposition de loi leur sera donc, comme autres dispositions, applicable.
Cette modification unique de la proposition de loi ne retarde en rien le processus. Si les quatre premiers articles étaient adoptés en l’état, les députés n’auraient plus qu’à discuter du sujet consensuel de la reconnaissance de la saliculture comme activité agricole, reconnaissance à laquelle le Gouvernement s’est déclaré favorable.
Ainsi, avant l’été, grâce à la mobilisation du rapporteur Jimmy Pahun et à celle du ministre – que je tiens à remercier –, le texte pourrait être adopté définitivement, en ayant traité deux problèmes importants pour les espaces agricoles de nos communes littorales.
Nous aurons alors démontré que le Parlement peut élaborer la loi rapidement, en cherchant un consensus profitable à nos citoyens et, surtout, en trouvant une rédaction qui n’oublie personne au bord de la route… ou plutôt de la mer !