Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi visant à lutter contre toutes les violences éducatives ordinaires, que nous examinons aujourd’hui, se compose d’un article unique.
Cet article tend à insérer dans le code civil la mention suivante : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
Rappelons à toutes fins utiles que l’intégrité physique des enfants est protégée par le droit pénal, d’une part, et par le droit civil, d’autre part. Nous avons donc tout un arsenal juridique pour protéger les enfants en situation de maltraitance.
Cependant, la jurisprudence reconnaît aux parents un « droit de correction » à des fins éducatives. En cela, la France ne respecte pas la Charte sociale européenne dont elle est signataire. L’adoption du présent texte permettrait de nous conformer à nos engagements internationaux et de rejoindre les vingt-deux pays de l’Union européenne qui interdisent d’ores et déjà les châtiments corporels à l’encontre des enfants.
Au-delà de cette présentation factuelle, le véritable enjeu de cette proposition de loi est de remettre en cause des principes d’éducation souvent admis et transmis de génération en génération.
Comme le disait Jean-Jacques Rousseau, père absent, mais éducateur innovant, « il ne saurait y avoir de réforme de la société sans réforme de l’éducation ». L’éducation joue un rôle fondamental, non seulement dans la formation d’un être humain, mais aussi dans la constitution d’une société.
Or, selon la Fondation de France, 85 % des parents français ont aujourd’hui recours à des violences dites éducatives, Mme la rapporteure l’a rappelé. Avec ce texte, ils sont donc appelés à un véritable changement d’attitude.
Pour le psychothérapeute Didier Pleux, « les gifles et les fessées sont des échecs. Ce sont des gestes violents. » Souvent, ils sont le signe que le parent, débordé et stressé, craque. Généralement, juste après, il se sent coupable de son geste, qui est d’ailleurs fréquemment inefficace sur le plan éducatif.
Cet avis est partagé par la psychanalyste Claude Halmos. Dans son livre L ’ autorité expliquée aux parents, elle expose le fait que la fessée n’est pas un outil éducatif : « Le but de l’éducation est que l’enfant se soumette aux règles parce qu’il en a compris le sens ».
Quand une chose est interdite, il faut en expliquer la raison à l’enfant. Or la violence n’est pas une explication, bien au contraire. C’est un renoncement.
Le besoin d’autorité n’excuse pas les gestes violents. Françoise Dolto opposait en toute connaissance de cause l’autorité parentale à la toute-puissance parentale. C’est toute la différence entre l’autorité et l’autoritarisme, entre l’éducation et le dressage.
Il n’est pas dans mon intention de diaboliser la fessée et de culpabiliser les parents. Je souhaite tout simplement dire à ces derniers qu’il existe un chemin entre l’autoritarisme et le laxisme. Qu’une éducation ferme, mais bienveillante, mène à une parentalité positive. Il n’y a pas de formule magique, cela s’acquiert par le dialogue, sur le long terme, et concerne tous les acteurs de l’éducation.
Depuis quelques années, tous les services compétents en matière de petite enfance ont identifié les difficultés rencontrées par certains parents. Ils proposent des guides et des ateliers à la parentalité, qui constituent une véritable formation à être ou à devenir parents.
Un travail de sensibilisation de large envergure auprès des jeunes, futurs adultes et parfois futurs parents, est à imaginer.
En réalité, je n’ai plus envie d’entendre : « il y a des fessées qui se perdent ! » Une telle exclamation sonne comme une condamnation, voire une malédiction. Elle annonce une mauvaise éducation.
Être parent est l’une des plus grandes responsabilités qui soient. Les parents sont des guides, des modèles, des accompagnants et des enseignants pour leurs enfants. Pour grandir, l’enfant a besoin d’apprendre, de comprendre et de se sociabiliser. Mais il a aussi besoin de règles et de limites ; c’est le rôle des parents que de les lui donner. Non, il n’y a pas de fessées qui se perdent, il y a seulement de la confiance à gagner !
Je terminerai mon propos en formulant une critique. Elle porte sur le jeu politique, insupportable selon moi, entourant le dépôt et l’adoption des propositions de loi relatives à la protection de l’enfance et des textes relatifs aux violences sexuelles sur mineur.
Nous assistons régulièrement à une compétition politique pour faire adopter le texte qui permettra de s’attirer mérite et approbation de l’opinion. Cette proposition de loi ne fait pas exception. Un texte a été adopté voilà quelques mois par l’Assemblée nationale. Il suffisait de le reprendre. Un vote conforme aurait mis un terme à ce débat. Quelle issue sera désormais réservée à ce texte par les députés ?
Malgré ces remarques, le groupe Union Centriste, à quelques exceptions près, votera en faveur de cette proposition de loi.