Intervention de Alain Marc

Réunion du 6 mars 2019 à 14h30
Lutte contre toutes les violences éducatives ordinaires — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qu’il nous est donné d’examiner aujourd’hui part d’une bonne intention, à savoir la volonté de lutter contre les violences faites aux enfants. Ce texte prévoit ainsi de compléter la définition de l’autorité parentale figurant à l’article 371-1 du code civil, en précisant que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. » Je le rappelle, il est donné solennellement lecture de cet article aux futurs époux lors des mariages.

La volonté de lutter contre ces violences, nous la partageons bien évidemment tous au sein de cet hémicycle. Nous savons, les uns et les autres, les dégâts que peuvent provoquer dans la construction de la personnalité les violences exercées à l’encontre des enfants.

Toutefois, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le bien-fondé de cette énième proposition de loi anti-fessée. En effet, en l’état actuel, notre droit nous donne tous les outils nécessaires : l’article 222-13 du code civil n’interdit-il pas déjà toute forme de violence physique envers les enfants et n’érige-t-il pas en circonstance aggravante le jeune âge de la victime ?

La règle posée ici est de nature exclusivement civile, puisqu’elle n’est pas liée à une sanction. Comme l’indique l’exposé des motifs, ce texte relève d’une portée symbolique et pédagogique.

Dès lors, cette proposition de loi peut légitimement nous amener à nous interroger sur notre mission de législateur. Ce matin, nous légiférions en commission au sujet d’une proposition de loi. Il s’agissait de supprimer des lois obsolètes ou inutiles. Interrogeons-nous donc sur la portée de ce que nous votons ! Car la loi ne saurait être seulement symbolique : elle doit avoir une portée certaine.

De même, elle ne saurait être floue ou imprécise. Or ce texte ne définit à aucun moment ce que sont les violences éducatives ordinaires contre lesquelles il prétend lutter. La tape sur la couche-culotte constitue-t-elle une violence physique ? De même, dans le cas de la petite tape sur la main de l’enfant qui a voulu toucher une plaque de cuisson trop chaude ou une prise électrique, le texte s’applique-t-il ? Le fait de contraindre un enfant à aller au coin après une bêtise doit-il être considéré comme une violence psychologique ? Mais est-ce vraiment au législateur de décider qu’aller au coin est humiliant et doit être interdit par le code civil ?

Rappelez-vous, mes chers collègues, de la gifle que donna François Bayrou à un enfant qui voulait lui faire les poches devant les caméras de la France entière. Tout le monde applaudit ! Comment qualifier cette gifle ? Par cet exemple, j’essaie de montrer la difficulté à définir une violence éducative.

Qu’est-ce que la violence verbale ? Qu’est-ce que l’humiliation ? Ne faudrait-il pas définir toutes ces notions, dresser une liste ? Toutes ces questions illustrent à quel point la rédaction de la proposition de loi paraît inintelligible à bien des égards.

Certains pourraient d’ailleurs y voir un texte d’une prétention folle, qui entend donner une leçon d’éducation aux familles de France et culpabiliser les parents ! D’autres pourraient y voir un texte d’une ingérence certaine, faisant fi de la liberté éducative des parents et permettant à l’État de s’immiscer dans la vie quotidienne familiale en expliquant la manière d’élever les enfants.

En réalité, nous semblons dériver vers une législation de la communication, vers un diktat de la bien-pensance, alors qu’il faudrait travailler en amont avec les conseils départementaux, les associations familiales et les communes, qui organisent des écoles de la parentalité. Ce matin, Marc-Philippe Daubresse nous expliquait ce qu’il avait fait dans la commune dont il a été le maire pendant plusieurs dizaines d’années.

Il s’agit bien d’un texte symbolique, qui n’ose aller jusqu’à la sanction pénale ni nommer précisément les faits ou comportements entrant dans son périmètre.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aucune violence contre les enfants, qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, n’est acceptable, nous en sommes tous d’accord.

Cette proposition de loi laisse au sein du groupe Les Indépendants un sentiment très mitigé, car elle apparaît clairement comme un texte d’affichage. Toutefois, dans un esprit consensuel, mais sans illusion, nous la voterons.

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