Merci monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de vous présenter les travaux que nous avons menés avec Jean-Luc Bérard, qui est DRH du groupe Safran et qui a auparavant présidé l'Unédic, et Stéphane Seiller, membre de la Cour des comptes et qui a dirigé le Régime social des indépendants (RSI). Nous avons eu l'honneur de réaliser cette mission qui n'a pas été simple, en raison des effets d'annonce publiés par la presse l'été dernier avant que nous commencions nos travaux. On a laissé croire que les personnes en arrêts maladie pouvaient en réalité être en congés et que certains médecins faisaient des abus de prescription. J'ai accepté cette mission car bien entendu ce n'est ni ma position ni ma façon de travailler.
Nous avons entendu l'ensemble des institutions concernées, des personnalités, les partenaires sociaux, les acteurs assurantiels complémentaires et les médecins. Nous les avons reçus à quatre reprises, pour des échanges en auditions plénières et des rencontres individuelles, et ils nous ont également communiqué des contributions écrites. Notre souhait était de recréer du lien et assurer un continuum des acteurs dans le traitement de cette problématique.
Comme nous le disons dans le rapport, le sujet ne peut pas être traité sous un angle parcellaire, purement porté par l'intérêt des syndicats, des médecins ou des assurances. C'est une problématique globale et tous les acteurs sont liés par le chainage qui commence par une prescription médicale. Un arsenal thérapeutique est mis à disposition des médecins mais le choix a été fait dans notre droit social de la prescription.
Il n'y a pas de dérives. La liquidation des indemnités journalières correspond à des prestations en salaire. Quand la masse salariale augmente dans notre pays, les prestations versées augmentent mathématiquement. Par ailleurs, l'âge légal du départ à la retraite a été porté à 62 ans. Un schéma figurant dans notre rapport montre que les personnes de plus de 60 ans ont une durée de 24 jours d'arrêts maladie supplémentaire par rapport à la moyenne, qui est de 35 jours. Par conséquent, le vieillissement de la population au travail et le report de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, associés à l'augmentation de la masse salariale expliquent la hausse mécanique des prestations.
Ensuite, nous avons étudié la façon dont fonctionne notre système et il est très complexe. Nous nous sommes d'abord heurtés à un manque de données flagrant, que nous avons dû collecter avec l'aide de l'Assurance maladie et de la direction de la sécurité sociale. Je rappelle que nous avons commencé nos travaux le 26 septembre et nous devions rendre notre rapport le 30 décembre.
Nous avons également effectué des comparaisons avec d'autres pays de l'Union européenne. On se rend compte que dans le système assurantiel de protection, il n'y a que la France et le Portugal qui ont des durées qui s'étalent sur trois ans. Les autres pays ont une médiane qui descend bien en dessous de 18 mois voire 12 mois. Ces pays disposent d'un système proactif pour maintenir la personne dans son emploi et prévenir fortement la désinsertion professionnelle.
Nous avons donc réfléchi à de nouvelles modélisations pour lever les biais que comporte notre système. En tant que médecin, j'ai formulé des recommandations pratiques, comme le changement du modèle de formulaire Cerfa de déclaration de l'arrêt de travail, la suppression des éléments sans fondement scientifique tels que les horaires de sortie, et la création de rapprochements entre médecin généraliste, médecin du travail et médecin conseil de l'Assurance maladie. Les logiques et les temporalités de ces acteurs ne sont pas les mêmes. Le médecin conseil de l'Assurance maladie se saisit d'un dossier à partir de six mois pour un arrêt de longue durée.
Au bout de six mois d'arrêt maladie, 50 % des personnes ne reviennent pas à leur poste ou à un poste. Au bout d'un an, ce taux atteint presque 80 %. Dès lors, l'enjeu se situe bien en amont des trois mois voire au-delà de six semaines.
La plupart des arrêts sont de courte durée : 75 % d'entre eux sont inférieurs à un mois et représentent une petite dépense. Les 25 % restant représentent 80 % des dépenses. Néanmoins, les arrêts de courte durée constituent aussi un enjeu important car ils ont un coût non négligeable pour l'entreprise. Ils déstructurent le fonctionnement de l'entreprise et engendrent de la perte d'activité et du retard dans la production. L'absentéisme est aussi source de problématiques sociales au sein de l'entreprise.
Concernant les arrêts longs, le délai maximal est de trois ans. Sauf que pour certaines maladies chroniques, ce délai ne correspond à rien. Il n'y aucun référentiel auprès de la HAS qui correspond à ce délai. Aujourd'hui il y a des immunothérapies qui durent 7 ans, 10 ans voire 15 ans. Au bout des trois ans, la personne n'a plus le temps de suivre son traitement. Il faut donc revoir ces délais qui sont datés, pour les adapter aux pathologies et aux traitements.
Concernant les autres sujets sur lesquels se sont davantage penchés Stéphane Seiller et Jean-Louis Bérard, nous nous sommes interrogés sur les moyens de mieux faire fonctionner le système. En particulier, comment motiver les entreprises face à l'absentéisme ? Nous avons fait faire une étude à une entreprise qui a révélé que l'absentéisme augmentait lorsque les salariés étaient en contrat à durée indéterminée (CDI), recevaient une formation continue, bénéficiaient d'une assurance complémentaire et travaillaient sur un seul site. Plus le salarié est dans une position stable, moins il est responsabilisé, ce qui interroge.
Par ailleurs, 9 millions de salariés, en dehors de la prise en charge par l'Assurance maladie, n'ont ni assurance complémentaire, ni prévoyance, ni accord de branche. Ce fut une surprise pour nous et le fait qu'on puisse se pencher sur cette problématique a été bien accueilli par l'ensemble des acteurs, notamment les organisations syndicales. Comment peut-on laisser ces salariés en dehors d'une prise en charge plus complète ? Nous faisons donc des préconisations, notamment sur le jour de carence d'ordre public, qui existe dans la fonction publique. J'indique à cet égard que nous avons reçu l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et la mairie de Paris et nous nous sommes rendu compte que le système était aussi très inégalitaire dans la fonction publique.
La mise en oeuvre du jour de carence d'ordre public permettrait de donner un volant financier acceptable pour les entreprises et il apporterait une simplification du système. Le délai de liquidation des indemnités par l'Assurance maladie est en moyenne de trois mois. C'est difficilement acceptable, notamment pour les salariés aux revenus modestes. Pour ces personnes aux faibles revenus, pendant trois mois, ils reçoivent uniquement la moitié de leur salaire jusqu'à 1,8 Smic, ce qui est problématique. Cette mesure d'ordre public que nous proposons constituerait donc une aide non négligeable. Elle serait un élément de simplification pour l'entreprise, pour l'employé et, à marge constante, pour l'Assurance maladie. Lors de l'arrêt maladie, l'employeur paie le premier mois au salarié et est subrogé totalement dans le versement des indemnités. La liquidation de l'Assurance maladie à l'employeur se fait en général dans le mois. Ce circuit permet donc une certaine équité. Malgré les démarches de simplification, notamment grâce à la déclaration sociale nominative, la gestion du système reste très complexe. C'est ce que nous avons constaté lors d'un déplacement à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Il faut dont poursuivre les démarches de simplification qui faciliteront également la gestion du système.
Enfin, j'excuse Jean-Luc Bérard et Stéphane Seiller qui n'ont pas pu venir devant votre commission aujourd'hui mais je vais tâcher en leur absence de répondre à l'ensemble de vos questions.