Ainsi qu'en a décidé la Conférence des présidents, et avec l'accord de tous les groupes, nous examinons la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter et suivants du règlement du Sénat. Le droit d'amendement s'exerce donc uniquement en commission.
Notre réunion, qui est retransmise sur le site du Sénat, se tient en présence de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Je veux d'abord saluer Mme Jocelyne Guidez, auteur de cette proposition de loi. Nous connaissons la constance de son engagement pour la reconnaissance des proches aidants et la passion qui l'anime sur ce thème comme sur d'autres.
La navette parlementaire a été riche en péripéties. Le 25 octobre 2018, le Sénat adoptait à l'unanimité un texte ambitieux et innovant qui, sur un sujet qui n'avait jusqu'alors été abordé que par petites touches. Si nous ne découvrions pas les proches aidants, nous leur consacrions enfin un débat parlementaire.
Les proches aidants, nous en connaissons tous et nous le sommes parfois nous-mêmes. Considérer qu'ils sont un prolongement logique de la solidarité familiale, c'est oublier ce qu'ils apportent à la société et cet apport justifie de faire jouer la solidarité nationale à leur égard.
Aussi notre collègue avait-elle, à l'article premier, comblé une lacune de la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel, en inscrivant la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle de l'aidant dans le champ des négociations collectives d'entreprise. À l'article 2, elle avait proposé que le congé de proche aidant, instauré par la loi portant adaptation de la société au vieillissement, soit indemnisé. Cette disposition, au coeur du texte initial, ne visait pas seulement à donner à l'aidant des moyens financiers mais aussi à le reconnaître comme relais de la solidarité nationale. Les articles 3 et 4 prévoyaient une harmonisation du régime de retraite des aidants sur celui des personnes ayant temporairement ou définitivement interrompu toute activité professionnelle pour soutenir un proche en fin de vie. L'article 5 étendait aux fonctionnaires la possibilité du relayage ouverte par la loi pour un État au service d'une société de confiance. Enfin, l'article 6 étoffait le dispositif d'information de l'aidant et établissait, par divers moyens, plus solidement le duo aidant/aidé aux yeux de ses interlocuteurs administratifs ou de santé.
Notre débat en séance n'avait pas tant porté sur le fond que sur le calendrier. Selon le Gouvernement, mieux valait traiter le sujet ultérieurement, dans d'autres textes, après la conclusion des grandes concertations nationales sur la prise en charge de la dépendance et sur l'avenir de notre système de retraite.
Le 6 décembre 2018, des députés, au cours de la discussion générale, ont exprimé leur incompréhension devant ce refus de légiférer sur un sujet sociétal de première importance pour des raisons essentiellement calendaires. La motion de renvoi en commission que le groupe majoritaire a déposée n'a pas été adoptée, à l'égalité des suffrages exprimés. J'y vois le signe que le Parlement, quand l'urgence et l'importance du sujet le justifient, sait s'affranchir de toute contingence et prend la pleine mesure de sa mission. La discussion du texte a bien eu lieu mais, comme l'on devait s'y attendre, la plupart des articles ont été supprimés. Revient donc devant nous une proposition de loi largement amputée, réduite aux articles premier et 5, adoptés conformes.
Dans ces circonstances, fallait-il renvoyer aux députés un texte à la hauteur de nos ambitions ? Il est à peu près certain qu'alors, il n'aurait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous avons préféré engager avec le Gouvernement un travail partenarial, dont je salue la qualité. Nous avons convenu que les articles 2, 3 et 4, les plus emblématiques du texte, étaient partagés dans leur principe mais n'étaient pas compatibles avec le rendu des travaux des grandes concertations nationales en cours. L'engagement de madame la ministre, réitéré à l'Assemblée nationale, de donner ultérieurement corps à nos propositions, sous une forme plus appropriée, nous a finalement convaincus d'accepter leur suppression.
Cependant, notre assemblée, qui s'est montrée pionnière sur ce sujet, ne pouvait se satisfaire d'un résultat aussi limité. C'est pourquoi, après avoir dialogué avec le Gouvernement, je vous proposerai deux amendements afin d'obtenir une amélioration rapide et effective de la vie des aidants. Le premier consiste à rationaliser le financement des actions spécifiques aux aidants, actuellement compliqué par une dualité des intervenants - la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la conférence départementale des financeurs. Avec le second amendement, l'aidant verra son nom inscrit au dossier médical partagé de la personne aidée ; il sera ainsi mieux identifié par les professionnels de santé.
Par ce texte ainsi modifié, que l'Assemblée nationale, à n'en pas douter, approuvera, nous réaffirmerons l'importance et la qualité de l'initiative parlementaire en ces temps de contestation.
Le Gouvernement et le Parlement poursuivent le même objectif : répondre aux besoins des aidants, dont le nombre est estimé de 4 à 11 millions selon les enquêtes, qui ne comptent pas ni leur temps ni leur peine pour soulager des proches âgés, handicapés ou malades. Chacun peut devenir un jour aidant ou l'a déjà été, nous en connaissons tous autour de nous.
Nul ne peut éluder que ce texte, qui fait l'objet d'une deuxième lecture, a été modifié par l'Assemblée nationale. Les députés ont voté conformes les articles premier et 5. En revanche, ils n'ont pas retenu l'article 6, qui relève davantage du règlement que de la loi, non plus que les articles 3 et 4 sur la retraite et le régime d'assurance vieillesse afin de laisser les concertations engagées porter leurs fruits. L'article 2, sur l'indemnisation du congé du proche aidant, a suscité le plus de débats. Si l'on peut s'accorder sur son principe, son financement doit être discuté dans la perspective plus globale de celui de la dépendance. Lors de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles, le président de la République a annoncé une loi sur la perte d'autonomie. Pour préparer ce texte, il a confié à Dominique Libault le soin d'organiser une concertation autour du grand âge, dont les travaux ont démarré en octobre et s'achèveront prochainement.
Néanmoins, il ne faut pas nécessairement suspendre tous les efforts dans l'attente de cette loi sur l'autonomie ; nous en sommes d'accord, il importe que les aidants bénéficient rapidement de mesures concrètes. Vous avez choisi d'enrichir la proposition de loi de deux mesures qui pourraient faire consensus avec les députés, elles rejoignent d'ailleurs des propositions formulées dans le cadre de la concertation. Il est souhaitable que cette proposition de loi, enrichie de deux nouvelles dispositions, puisse être examinée par l'Assemblée nationale dans des délais raisonnables.
La solidarité n'est pas un principe abstrait, le Gouvernement veillera à ce qu'elle soit une réalité concrète et quotidienne.
Alors que le bicamérisme, et singulièrement le Sénat, est remis en question, ce texte, avec d'autres, témoigne du travail de la Haute Assemblée, de sa pugnacité, de son engagement et de sa capacité à convaincre. J'y travaille depuis presque un an.
La navette a apporté son lot de joies, de peines, de déceptions. La satisfaction de voir le Sénat entier mobilisé pour les proches aidants a laissé place à l'amertume lorsque l'Assemblée nationale a adopté un texte diminué, au terme d'une étonnante séance publique. Enrichi par les deux amendements de notre rapporteur, il apportera suffisamment d'avancées pour que les aidants ne se sentent pas déconsidérés. J'avais d'ailleurs envisagé de déposer ces amendements lors de l'examen de la proposition de loi sur les cancers pédiatriques. Avant même le dépôt de la proposition de loi, j'avais tendu la main au Gouvernement pour lui présenter les mesures qui viendraient en discussion. Lors de ma présentation dans l'hémicycle, j'avais indiqué que les auteurs de ce texte étaient prêts à revoir son périmètre. En seconde lecture, c'est le Gouvernement qui a tendu la main, soucieux de trouver un terrain d'entente au profit de proches aidants. Cet équilibre sera atteint lorsque nous aurons adopté les amendements de notre rapporteur.
Madame la ministre, vos débuts n'ont pas été faciles. Pour votre première séance au banc des ministres, vous avez fait face à un Sénat totalement opposé au Gouvernement. Vous avez pourtant pris dès ce moment, des engagements de principe. La ministre des solidarités et de la santé s'est également engagée publiquement à indemniser le congé de proche aidant. Quant aux deux articles sur les retraites, nous sommes désormais trop proches de l'examen du projet de loi qui traitera globalement du sujet.
Madame la ministre, si vous soutenez ce texte à l'Assemblée nationale, comme vous soutenez les amendements de notre rapporteur aujourd'hui, nous pourrions aboutir avant l'été. Ce serait satisfaisant pour le bicamérisme et, surtout, pour les proches aidants.
La trajectoire de cette proposition de loi est assez surprenante, je salue la ténacité de son auteur. Peut-être suis-je sans doute particulièrement naïf mais, pour siéger au Sénat depuis quinze ans, je croyais que le Parlement était là pour faire des propositions, et non pour entériner le résultat de concertations.
Merci à Mme Guidez et M. Henno pour leur travail sur cette question primordiale des proches aidants. L'entêtement de la majorité gouvernementale à vider ce texte de sa substance est effectivement étonnant. Certes, une concertation est en cours mais ses premiers échos confirment le diagnostic et les solutions avancés par nos collègues : reconnaître les proches aidants, indemniser leur congé. Il serait urgent d'attendre... Pourquoi, quand le Parlement apporte au Gouvernement une solution clé en main qui répond à un réel besoin exprimé par les Français ? Par cohérence, nous proposerons de rétablir le texte du Sénat.
Je félicite l'auteure du texte et son rapporteur même si, ce matin, on est dans une grande conciliation pour faire en sorte qu'un texte sorte tout de même du Parlement. Résultat : un compromis a minima, et un calendrier bien différent de celui des familles et des parents. Tout est renvoyé au débat - dont vous êtes certes des spécialistes ! Il faut sortir par le haut, avec des résultats concrets. Bien sûr, vous avez déjà pris des mesures en faveur de l'inclusion, mais tout repose sur l'accompagnement et le suivi des familles. Bref, nous aboutissons à une totale incohérence de calendrier, puisque des mesures sont déjà mises en place sur les territoires alors que le statut des aidants n'est pas redéfini. C'est un peu déconcertant, et regrettable. En tous cas, nous serons très pointilleux dans le suivi de l'ensemble des engagements pris, car il y a urgence.
Nos réunions se succèdent et se ressemblent. Pour le Gouvernement, soit nous sommes totalement d'accord avec lui, comme l'Assemblée nationale, et alors tout va bien ; soit il n'accepte pas les propositions que nous faisons, et nous devons vider les textes de leur sens.
Sur une question extrêmement douloureuse et qui mobilise nos concitoyens, Mme Guidez et le rapporteur ont travaillé pendant plus d'un an, en intégrant aussi les apports de la proposition de loi du député Pierre Dharréville, et ont abouti à un vote unanime au Sénat. Et voilà que le Gouvernement nous dit : « Circulez, il n'y a rien à voir » ! Il nous explique qu'il va déposer un projet de loi sur ce sujet, qu'il n'a pas besoin du travail du Parlement, notamment du Sénat.
Aussi le groupe CRCE est-il dubitatif. Presque tous les articles ont été supprimés : pourquoi voter ce texte ? Nous ne sommes certes pas opposés au peu qu'il en reste : ce serait un pas en avant, mais un pas de fourmi... Bref, entre le vote pour ou l'abstention, notre coeur balance. Prenons garde à ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis ! Sinon, après tout, pourquoi ne pas réduire le nombre de parlementaires ? Voire supprimer le Sénat ? Sur la forme, nous sommes face à une atteinte à la démocratie extrêmement grave. Sur le fond, les grands discours de la secrétaire d'État n'engagent que ceux qui croient, ce qui nous laisse très dubitatifs.
Vous parlez de concertation, mais avec qui ? Les partenaires sociaux ? Quand on voit comment vous les considérez... Pendant ce temps, les proches aidants sont en souffrance et ont besoin de mesures beaucoup plus importantes que les petits pas que vous proposez. Je félicite Mme Guidez pour son optimisme et son ouverture d'esprit. Pour ma part, je suis beaucoup plus critique et déplore qu'il ne reste plus rien de la proposition de loi.
J'avais déposé un amendement rétablissant l'article 2, qui porte sur la reconnaissance du proche aidant, notamment par le congé. Je félicite Mme Guidez et M. Henno pour ce texte précis et pragmatique. J'espère que les engagements pris par la ministre seront honorés dans le projet de loi sur la dépendance et dans la loi sur les retraites. Et je soutiendrai les amendements du rapporteur, pour simplifier l'action des aidants, et notamment leur inscription au dossier médical partagé (DMP). Pour qu'un vote conforme à l'Assemblée nationale soit possible, je retirerai mon amendement.
Si je n'avais pas été rapporteur, je serais sans doute intervenu comme vous venez de le faire, pour rappeler la place du Parlement et souligner la trajectoire quelque peu chaotique de la proposition de loi. Dans un monde idéal, dans une République où le Parlement aurait un rôle plus important, on aurait pu imaginer que ce texte soit voté conforme dès la première lecture à l'Assemblée nationale, ou du moins qu'il nous soit renvoyé plus complet que les deux articles qui subsistent. D'ailleurs, nous ne sommes pas passés loin - à une voix près ! - d'une motion de renvoi...
Nos débats sur la place du Parlement et du Sénat ne sont pas nouveaux : ils sont inhérents à la Ve République, même s'ils se sont renforcés ces derniers temps. Il faut tout de même être pragmatique. C'est le sens de mes amendements, qui visent à ce que les proches aidants bénéficient rapidement de dispositions législatives, sans avoir pour autant à passer par un vote conforme. Nous devons avancer sur cette question complexe, qui pose des problèmes humains - mais j'ai bien pris note de vos interventions.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 2 (supprimé)
Notre amendement COM-5, comme l'amendement COM-2 de M. Chasseing, rétablit l'article 2 tel qu'il avait été adopté à l'unanimité par notre assemblée en première lecture, l'assouplissement du bénéfice de l'indemnité de proche aidant étant très attendu par les personnes concernées. Cet article ouvrait en outre la possibilité d'un renouvellement non plafonné du congé de proche aidant ; reposant sur le principe de solidarité. La mission flash de l'Assemblée nationale a montré que l'absence d'indemnisation est un obstacle rédhibitoire au recours à ce congé. La concertation en cours pose le même diagnostic. Ce texte est l'occasion de répondre au plus vite au désarroi et à l'épuisement des personnes concernées.
La reconnaissance du soutien apporté par le proche aidant est un enjeu sociétal majeur. C'est une aide qui ne se substitue pas à l'aide professionnelle et institutionnelle, mais vient la compléter. Quel signal le Gouvernement va-t-il envoyer à nos concitoyens et aux associations ? L'unanimité a été obtenue sur cette proposition de loi transpartisane. Cela pose la question de la considération que le Gouvernement porte aux travaux parlementaires sur cette question.
Je suis d'accord avec une large part de vos propos, mais ne peux émettre un avis favorable en raison du chevauchement avec la concertation en cours sur la réforme de la dépendance. Le Gouvernement s'est engagé dans la voie de l'indemnisation du congé de proche aidant. C'est un progrès notable - dans lequel le Sénat a eu tout son rôle. Il me paraît donc souhaitable de maintenir la suppression de l'article 2 : retrait, ou avis défavorable.
Même avis qu'en première lecture. Le Gouvernement s'est engagé à indemniser le congé de proche aidant par la solidarité nationale. Il s'agit de propositions débattues dans le cadre de la concertation grand âge et autonomie. Et cette mesure forte doit faire l'objet de réflexions techniques pour en définir précisément les paramètres et les modalités de financement. Elle trouvera sa place dans le projet de loi sur le grand âge et l'autonomie, qui sera déposé dans quelques mois, ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avis défavorable, donc. Vous aurez l'occasion de débattre du projet de loi.
L'amendement COM-2 est retiré. L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
L'article 2 demeure supprimé.
Article 2 bis (supprimé)
Notre amendement COM-6 rétablit cet article, relatif à la prévention de la désinsertion professionnelle. Il s'agit de faire bénéficier les salariés concernés d'actions de formation spécifiques, de leur permettre d'être maintenu à un poste qui leur correspond, de changer de métier ou de profession ou de bénéficier d'une promotion sociale ou professionnelle. La réponse la plus efficace - s'adapter au nouvel état de santé de l'aidant - empêche sa mise à l'écart et prévient l'exclusion professionnelle.
J'avais déjà émis un avis défavorable au Sénat, puis à l'Assemblée, car la question de la désinsertion professionnelle dépasse largement le problème des aidants : il serait regrettable de diluer les mesures fortes d'un texte qui s'adresse prioritairement à eux. Je suis sensible à la question de la désinsertion professionnelle, qui est une partie importante de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Avis défavorable, donc.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
L'article 2 bis demeure supprimé.
Article 3 (supprimé)
Notre amendement COM-7 rétablit cet article qui, en matière de calcul des droits à pension, étend à tous les proches aidants le dispositif existant pour les seuls proches aidants d'une personne en situation de handicap. En effet, l'aide apportée par la personne a un effet négatif sur sa vie sociale et professionnelle. Et les aidants sont en majorité des femmes.
L'amendement COM-7, repoussé par le rapporteur et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 demeure supprimé.
Article 4 (supprimé)
De même, avec l'amendement COM-8, conformément au vote unanime du Sénat en première lecture, nous rétablissons le droit à l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général pour tous les proches aidants. L'article 4 harmonisait les conditions d'ouverture de l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse de tous les proches aidants sur celle des salariés bénéficiant du congé de proche aidant. L'objectif est d'élargir cette affiliation au-delà des aidants du cercle familial.
L'amendement COM-8, repoussé par le rapporteur et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 demeure supprimé.
Article 5 bis (supprimé)
Mon amendement COM-3, identique à l'amendement COM-9 rectifié bis, intègre le soutien aux actions d'accompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte d'autonomie, du programme coordonné de financement des conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées, dans le champ de la section 5 du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), consacré au financement des dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes.
Cet amendement réintroduit l'article 5 en le réécrivant. Il prévoit que la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées affecte à des actions d'accompagnement des proches aidants une partie des recettes qui lui sont allouées par la CNSA. Ces actions peuvent déjà être financées dans le cadre du programme d'action de la conférence des financeurs. Toutefois, elles ne peuvent pas l'être par le concours CNSA. Votre proposition répond à une demande de la conférence des financeurs, qui souhaite un élargissement du périmètre d'affectation des concours CNSA. Du reste, l'atelier « aidants » de la concertation sur le grand âge et autonomie tend à faire de la conférence des financeurs un véritable acteur local, au plus près des besoins des proches aidants, et non plus uniquement des personnes dépendantes. Les travaux menés ont donc confirmé l'intérêt de cet amendement : avis favorable.
J'ai été étonnée par cette proposition car, dans beaucoup de nos départements, nous finançons déjà ainsi, par la conférence des financeurs, un certain nombre d'actions pour les aidants. J'entends bien qu'il s'agit d'ouvrir les financements de la CNSA. Mais, pour les aidants, cela n'apportera pas grand-chose.
Je suis moi aussi très étonné : actuellement les présidents de département réunissent l'ensemble des financeurs pour définir le programme de financement des actions en faveur des personnes âgées, dont le soutien aux aidants. Ce que vous approuvez, madame la ministre, existe déjà ! En outre, s'agissant d'un fonds fermé, tout élargissement du périmètre se traduira par une diminution sur d'autres postes. Autrement dit, c'est de la poudre aux yeux. Je suis stupéfait que l'on invente dans la loi ce qui fonctionne déjà sur le terrain.
Ce n'est pas la première fois que la loi entérine ce qui se pratique. Les auditions ont montré que tous les départements n'appliquent pas le système que vous décrivez, et les représentants des aidants nous ont demandé d'intégrer dans le texte cette mesure, afin de la généraliser. Une telle harmonisation sera une avancée.
Les amendements COM-3 et COM-9 rectifié bis sont adoptés.
L'article 5 bis est rétabli dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
En octobre dernier, Mme Doineau avait déjà évoqué la question du DMP. Mon amendement COM-4 vise à inclure l'identification du proche aidant dans le dossier, avec toutes les garanties de protection et de confidentialité pour l'aidant et l'aidé.
Mon amendement COM-10 est différent : il vise à intégrer sur la carte vitale des informations sur le proche aidant ou la personne de confiance. Nous prévoyons également un guide pour le proche aidant et un site internet destiné à sa bonne information, car il méconnaît trop souvent ses droits et les ressources disponibles.
La solution du DMP est satisfaisante : je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi j'y serai défavorable.
Avis défavorable à l'amendement COM-10 : il rétablit l'article 6 dans sa rédaction initiale, sur lequel j'avais exprimé mes réserves en première lecture, la carte vitale n'étant pas le bon support. Je suis en revanche favorable à l'amendement COM-10 qui contribue à faire du DMP, comme l'a rappelé Mme Buzyn, « un outil au service de nos concitoyens, emblématique du virage numérique et de la stratégie de transformation du système de santé ».
L'amendement COM-10 est adopté.
L'amendement COM-4 devient sans objet.
L'article 6 est rétabli dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7 (supprimé)
Le COM-11 est un amendement de cohérence avec les amendements que j'ai défendus : il rétablit le gage de la proposition de loi.
Même avis.
L'amendement COM-11n'est pas adopté.
L'article 7 demeure supprimé.
Nous venons d'assister à une parodie de discussion parlementaire. Le Gouvernement accepte ce qui ne change rien et refuse les dispositions positives. « Circulez, le Gouvernement veille », nous dit-il en substance. Il y a eu des rencontres entre le ministère et le Sénat afin de dégager un accord majoritaire, des amendements du rapporteur sont donc acceptés : mais ils sont de la roupie de sansonnet au regard de l'attente exprimée par les aidants ! Il est bon de mener la concertation avec les partenaires sociaux, ce ne sont pas les communistes qui la critiqueront ; mais je vous enjoins, madame la ministre, d'accorder plus de considération au Parlement et au Sénat. Nous menons des auditions, travaillons et disposons d'une expertise, d'une « technicité », pour reprendre votre terme, qui n'a rien à envier à celle de vos services.
Nous allons voter un texte quasiment vidé de sa substance. Lorsque j'étais président de la commission des affaires sociales du conseil général du Loiret, il y a fort longtemps, nous discutions déjà des problèmes rencontrés par les aidants !
La commission est unanime face à l'attitude peu compréhensible du Gouvernement. Je suggère par conséquent que notre président publie au nom de la commission un communiqué pour commenter la façon dont les choses se sont déroulées. Il y a un parallèle à faire entre l'efficacité du travail parlementaire et l'inefficacité de ce grand débat, dont on ignore totalement comment il se conclura et sur quoi il débouchera.
Jocelyne Guidez nous avait fait une promesse, inspirée par une situation familiale qu'elle avait vécue. Elle a beaucoup travaillé. Sa promesse aboutit à un texte qui provoque en moi beaucoup d'amertume. Je comprends le désespoir des gens, qui sont souvent dans la rue actuellement : ils se disent que la classe politique n'a pas été capable d'enrichir la proposition de loi qu'ils attendaient. Ils nous traitent de lointains pédants.
C'est effectivement une grande déception de voir ce texte vidé d'articles importants. Nous espérons que les promesses seront tenues. DMP, soutien par la conférence des financeurs : cela ne suffit pas et j'approuve donc l'idée d'un communiqué. Il y va de la considération portée au travail parlementaire. Nous gardons espoir cependant et voterons la proposition de loi.
Je partage ces propos. Mme la ministre était il y a peu encore parlementaire, elle doit comprendre notre frustration. J'attendais autre chose de ce Gouvernement. Pourquoi ce besoin constant des gouvernements de récupérer à leur profit les travaux des parlementaires ? Nous vivons tout de même sous une Constitution parlementaire ! Il y a ici autant de compétences que dans votre cabinet, madame la ministre, et sans doute beaucoup plus d'expérience.
Faudra-t-il revêtir un gilet jaune pour se faire entendre ?
Je salue l'initiative de Jocelyne Guidez, dont les raisons ont été rappelées par Élisabeth Doineau. Il faut avancer. Je me réjouis du travail qui est fait sur la dépendance actuellement. Il faudra en débattre : le plus tôt sera le mieux. Il faudra également trouver des financements : cela sera plus compliqué... Considérant le verre à moitié plein, je voterai tout de même la proposition de loi.
Nous avons voté le texte sur la santé visuelle des personnes âgées, qui en dépit d'un titre ronflant se bornait à autoriser les opticiens à se rendre dans les Ehpad pour faire de la réfraction : c'était un tout petit progrès, mais c'était au moins cela. Nous avons estimé insuffisant le texte sur les cancers pédiatriques mais l'avons voté conforme, afin d'engranger de petites avancées. Nous allons procéder ainsi une fois encore. Mais pourquoi n'y a-t-il jamais de la part des députés d'effort réciproque ? Parce qu'ils ne votent pas : ils obéissent au Gouvernement. C'est ainsi que notre travail ne reçoit jamais d'écho. C'est injuste et antidémocratique.
J'approuve les grandes déclarations guerrières qui ont été prononcées ce matin sur le mépris à l'égard du Parlement, sur la nécessité pour notre Haute Assemblée de décider souverainement. Ensuite sont venues les propositions pour rétablir les articles supprimés, je les approuvais encore. Hélas, ceux qui s'indignaient se sont alignés... Par cette attitude, nous signons notre arrêt de mort. Nous faisons ce que veut l'Assemblée nationale et nous démontrons par ces complaisances incessantes qu'il n'est pas forcément utile de conserver une seconde assemblée...
Nous devrions nous montrer plus sourcilleux dans la protection de notre souveraineté. Le Sénat doit exprimer ses particularités, sa conscience et sa connaissance du terrain, sans quoi son avenir ne sera pas rose.
Avant de penser à supprimer le Sénat, pensons à la raison pour laquelle il a été créé, au lendemain de la Terreur...
S'il cherche à récupérer cette proposition de loi, que le Gouvernement le sache : il ne l'aura pas, car elle appartient aux aidants. Le Gouvernement va-t-il mettre en place une rémunération pour le congé du proche aidant ? Il ne pourra s'en glorifier, la mesure ne lui appartient pas, le Sénat l'a déjà votée à l'unanimité.
Et comment la financera-t-il ? Par la sécurité sociale ? Comment parviendra-t-il à cela ? S'il est amené à reprendre dans quelques mois notre proposition, ne ferait-il pas mieux de l'accepter aujourd'hui ?
Quoi qu'il en soit, les articles qui demeurent sont importants ; c'est un petit pas qui est franchi, et nous avons l'habitude d'avancer à petits pas. Merci à ceux qui vont voter ce texte. Si nous choisissions d'inclure d'autres éléments, il ne serait pas adopté à l'Assemblée nationale. Avançons donc à petits pas...
Nous opérons un arbitrage et choisissons la lucidité. Rétablir notre texte serait utile, pour l'affichage. Mais au-delà ?
Je sais que le Gouvernement a le souci des proches aidants. Sa position ne signifie pas qu'il ne veut rien faire. Mais il semble surtout préoccupé de pouvoir afficher une antériorité dans les mesures décidées en faveur des aidants. C'est le désagréable sentiment que j'ai eu dans mes échanges avec le ministère. C'est tellement dérisoire... Nous sommes au service du peuple !
Ne nous laissons pas envahir par l'amertume, qui rend malade : il vaut mieux nous projeter dans l'avenir. Mais freiner un progrès parce que le Sénat, le Parlement sont en avance, et songer avant tout au bénéfice politique, c'est dérisoire. Cette obsession moderne de la communication, plus forte que les causes défendues, est dommageable. Néanmoins, nous avons entendu les promesses du Gouvernement et suivrons leur application de façon sourcilleuse.
C'est le premier texte qu'avait à traiter Mme la ministre. Elle n'avait pas une position facile, puisque la proposition de loi, fruit de trop bonnes idées, ne plaisait pas au Gouvernement. J'espère que celui-ci aura plus de considération pour nous la prochaine fois.
Je rappelle que le vote en séance publique interviendra le 13 mars prochain.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir ce matin M. Stéphane Oustric, médecin généraliste et professeur des universités, que nous entendons pour la présentation des conclusions du rapport, remis au premier ministre le 20 février dernier, établi avec Jean-Luc Bérard, DRH du groupe Safran et Stéphane Seiller, conseiller maître à la Cour des comptes et intitulé « plus de prévention, d'efficacité, d'équité et de maitrise des arrêts de travail ».
Les arrêts de travail, qui augmentent depuis 2014 à un rythme moyen supérieur à 4 %, ont représenté un coût supérieur à 10 milliards d'euros en 2017. La progression des indemnités journalières a conduit le Gouvernement à vous solliciter pour en identifier les causes et formuler des propositions afin de contenir, voire infléchir cette évolution.
Les conclusions de ce rapport intéressent notre commission à plus d'un titre car, comme vous le soulignez « aucun intervenant ne peut être tenu, aux yeux des autres, comme seul responsable des défauts de fonctionnement du système ». C'est donc un sujet pour les médecins prescripteurs, l'assurance maladie, les entreprises mais aussi les services de santé au travail. Je rappelle que sur ce dernier point, nos collègues Stéphane Artano et Pascale Gruny sont chargés d'une mission d'information sur l'organisation de la santé au travail.
Dans la lutte contre l'absentéisme de courte durée, vous soulignez l'importance du niveau d'engagement de l'entreprise dans la prévention des risques psychosociaux. Que pensez-vous, en revanche, des systèmes incitatifs comme les primes modulées en fonction du nombre d'absences ? Certains hôpitaux publics pratiquent, par exemple, l'abattement pour absentéisme sur la prime de service de leurs agents : cette mesure est-elle réellement efficace et justifiée dans des environnements où le niveau de stress professionnel est très important, comme c'est le cas aujourd'hui dans les hôpitaux ?
Je vous laisse la parole pour présenter les constats et propositions de votre rapport, avant que nos rapporteurs et nos autres collègues ne vous adressent leurs questions.
J'indique à nos collègues que je dois clore notre réunion impérativement à 10 h 45, pour que puisse se tenir une autre réunion de législation en commission.
J'invite donc chaque intervenant à la concision, afin que chacun puisse s'exprimer et obtenir des réponses à ses interrogations.
Merci monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de vous présenter les travaux que nous avons menés avec Jean-Luc Bérard, qui est DRH du groupe Safran et qui a auparavant présidé l'Unédic, et Stéphane Seiller, membre de la Cour des comptes et qui a dirigé le Régime social des indépendants (RSI). Nous avons eu l'honneur de réaliser cette mission qui n'a pas été simple, en raison des effets d'annonce publiés par la presse l'été dernier avant que nous commencions nos travaux. On a laissé croire que les personnes en arrêts maladie pouvaient en réalité être en congés et que certains médecins faisaient des abus de prescription. J'ai accepté cette mission car bien entendu ce n'est ni ma position ni ma façon de travailler.
Nous avons entendu l'ensemble des institutions concernées, des personnalités, les partenaires sociaux, les acteurs assurantiels complémentaires et les médecins. Nous les avons reçus à quatre reprises, pour des échanges en auditions plénières et des rencontres individuelles, et ils nous ont également communiqué des contributions écrites. Notre souhait était de recréer du lien et assurer un continuum des acteurs dans le traitement de cette problématique.
Comme nous le disons dans le rapport, le sujet ne peut pas être traité sous un angle parcellaire, purement porté par l'intérêt des syndicats, des médecins ou des assurances. C'est une problématique globale et tous les acteurs sont liés par le chainage qui commence par une prescription médicale. Un arsenal thérapeutique est mis à disposition des médecins mais le choix a été fait dans notre droit social de la prescription.
Il n'y a pas de dérives. La liquidation des indemnités journalières correspond à des prestations en salaire. Quand la masse salariale augmente dans notre pays, les prestations versées augmentent mathématiquement. Par ailleurs, l'âge légal du départ à la retraite a été porté à 62 ans. Un schéma figurant dans notre rapport montre que les personnes de plus de 60 ans ont une durée de 24 jours d'arrêts maladie supplémentaire par rapport à la moyenne, qui est de 35 jours. Par conséquent, le vieillissement de la population au travail et le report de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, associés à l'augmentation de la masse salariale expliquent la hausse mécanique des prestations.
Ensuite, nous avons étudié la façon dont fonctionne notre système et il est très complexe. Nous nous sommes d'abord heurtés à un manque de données flagrant, que nous avons dû collecter avec l'aide de l'Assurance maladie et de la direction de la sécurité sociale. Je rappelle que nous avons commencé nos travaux le 26 septembre et nous devions rendre notre rapport le 30 décembre.
Nous avons également effectué des comparaisons avec d'autres pays de l'Union européenne. On se rend compte que dans le système assurantiel de protection, il n'y a que la France et le Portugal qui ont des durées qui s'étalent sur trois ans. Les autres pays ont une médiane qui descend bien en dessous de 18 mois voire 12 mois. Ces pays disposent d'un système proactif pour maintenir la personne dans son emploi et prévenir fortement la désinsertion professionnelle.
Nous avons donc réfléchi à de nouvelles modélisations pour lever les biais que comporte notre système. En tant que médecin, j'ai formulé des recommandations pratiques, comme le changement du modèle de formulaire Cerfa de déclaration de l'arrêt de travail, la suppression des éléments sans fondement scientifique tels que les horaires de sortie, et la création de rapprochements entre médecin généraliste, médecin du travail et médecin conseil de l'Assurance maladie. Les logiques et les temporalités de ces acteurs ne sont pas les mêmes. Le médecin conseil de l'Assurance maladie se saisit d'un dossier à partir de six mois pour un arrêt de longue durée.
Au bout de six mois d'arrêt maladie, 50 % des personnes ne reviennent pas à leur poste ou à un poste. Au bout d'un an, ce taux atteint presque 80 %. Dès lors, l'enjeu se situe bien en amont des trois mois voire au-delà de six semaines.
La plupart des arrêts sont de courte durée : 75 % d'entre eux sont inférieurs à un mois et représentent une petite dépense. Les 25 % restant représentent 80 % des dépenses. Néanmoins, les arrêts de courte durée constituent aussi un enjeu important car ils ont un coût non négligeable pour l'entreprise. Ils déstructurent le fonctionnement de l'entreprise et engendrent de la perte d'activité et du retard dans la production. L'absentéisme est aussi source de problématiques sociales au sein de l'entreprise.
Concernant les arrêts longs, le délai maximal est de trois ans. Sauf que pour certaines maladies chroniques, ce délai ne correspond à rien. Il n'y aucun référentiel auprès de la HAS qui correspond à ce délai. Aujourd'hui il y a des immunothérapies qui durent 7 ans, 10 ans voire 15 ans. Au bout des trois ans, la personne n'a plus le temps de suivre son traitement. Il faut donc revoir ces délais qui sont datés, pour les adapter aux pathologies et aux traitements.
Concernant les autres sujets sur lesquels se sont davantage penchés Stéphane Seiller et Jean-Louis Bérard, nous nous sommes interrogés sur les moyens de mieux faire fonctionner le système. En particulier, comment motiver les entreprises face à l'absentéisme ? Nous avons fait faire une étude à une entreprise qui a révélé que l'absentéisme augmentait lorsque les salariés étaient en contrat à durée indéterminée (CDI), recevaient une formation continue, bénéficiaient d'une assurance complémentaire et travaillaient sur un seul site. Plus le salarié est dans une position stable, moins il est responsabilisé, ce qui interroge.
Par ailleurs, 9 millions de salariés, en dehors de la prise en charge par l'Assurance maladie, n'ont ni assurance complémentaire, ni prévoyance, ni accord de branche. Ce fut une surprise pour nous et le fait qu'on puisse se pencher sur cette problématique a été bien accueilli par l'ensemble des acteurs, notamment les organisations syndicales. Comment peut-on laisser ces salariés en dehors d'une prise en charge plus complète ? Nous faisons donc des préconisations, notamment sur le jour de carence d'ordre public, qui existe dans la fonction publique. J'indique à cet égard que nous avons reçu l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et la mairie de Paris et nous nous sommes rendu compte que le système était aussi très inégalitaire dans la fonction publique.
La mise en oeuvre du jour de carence d'ordre public permettrait de donner un volant financier acceptable pour les entreprises et il apporterait une simplification du système. Le délai de liquidation des indemnités par l'Assurance maladie est en moyenne de trois mois. C'est difficilement acceptable, notamment pour les salariés aux revenus modestes. Pour ces personnes aux faibles revenus, pendant trois mois, ils reçoivent uniquement la moitié de leur salaire jusqu'à 1,8 Smic, ce qui est problématique. Cette mesure d'ordre public que nous proposons constituerait donc une aide non négligeable. Elle serait un élément de simplification pour l'entreprise, pour l'employé et, à marge constante, pour l'Assurance maladie. Lors de l'arrêt maladie, l'employeur paie le premier mois au salarié et est subrogé totalement dans le versement des indemnités. La liquidation de l'Assurance maladie à l'employeur se fait en général dans le mois. Ce circuit permet donc une certaine équité. Malgré les démarches de simplification, notamment grâce à la déclaration sociale nominative, la gestion du système reste très complexe. C'est ce que nous avons constaté lors d'un déplacement à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Il faut dont poursuivre les démarches de simplification qui faciliteront également la gestion du système.
Enfin, j'excuse Jean-Luc Bérard et Stéphane Seiller qui n'ont pas pu venir devant votre commission aujourd'hui mais je vais tâcher en leur absence de répondre à l'ensemble de vos questions.
Vous rappeliez le poids des arrêts de travail des séniors dans la dépense globale d'indemnisation. L'information des salariés sur les dispositifs de réduction d'activité vous semble-t-elle satisfaisante ? Est-elle fournie par les services de médecine du travail ?
Votre rapport examine la prescription du travail à domicile comme alternative à un arrêt de travail à temps complet. Disposez-vous d'exemples étrangers susceptibles de nous inspirer dans ce domaine ?
La reprise d'activité peut être compromise en cas d'arrêt prolongé et la réinsertion ou la réorientation du salarié peut requérir des actions de formation. Ne faudrait-il pas, dans ce cas, majorer les crédits de formation de l'intéressé ?
Au sein de certaines grandes entreprises, des accords permettent au salarié de poursuivre son activité à mi-temps, avec des cotisations retraite de l'employeur supérieures à la quotité travaillée et le bénéfice de compléments de retraite qui lui garantiront une retraite à taux plein. Ces dispositifs ne sont certainement pas toujours connus des salariés et déclinés partout.
Peut-on exercer de la même manière jusqu'à la fin de sa carrière une activité qu'on a débutée à 25 ou 30 ans ? Si un urgentiste peut se consacrer à l'action et la gestion de situations aiguës et compliquées à 35 ans, ne devrait-il pas songer à s'orienter, dans la dernière partie de sa carrière, vers la régulation médicale et la transmission à des plus jeunes ? Si certaines grandes entreprises peuvent prendre en compte cette problématique, il n'en est pas de même pour les très petites entreprises (TPE) qui auront plus de difficulté à sacrifier l'opérationnalité et l'expérience d'une personne sur un poste pour qu'elle se consacre à de la transmission, via du compagnonnage ou de l'apprentissage.
Pour les 55-59 ans, la durée moyenne des arrêts de travail est de 51 jours, sachant qu'elle est d'environ 30 jours pour les catégories d'âge inférieures. Au-delà de 60 ans, elle passe à 75 jours. Par ailleurs, à partir d'un certain âge, le fait d'être en arrêt maladie ne permet pas de basculer en invalidité. Par exemple, une personne qui a intégré le dispositif de retraite active, une fois qu'elle est arrêtée et que son retour en activité est compromis, est maintenue en arrêt maladie alors qu'il serait plus logique de l'extraire du dispositif de retraite active. Le système est pernicieux. Beaucoup de dispositions réglementaires du code du travail méritent d'être dépoussiérées.
Certains états européens ne versent pas d'indemnités journalières au titre de la maladie. Ils privilégient, au terme d'un délai très rapide de six semaines ou trois mois, le versement d'indemnités de formation ou de reclassement.
Ne nous leurrons pas : quand on renouvelle un arrêt maladie, on sait dans 80 % des cas si on s'oriente vers un arrêt long. Or un arrêt long ne se cantonne pas à la constatation d'une incapacité physique : il découle d'une atteinte « bio-psycho-sociale ». Le médecin généraliste doit adopter une approche globale qui intègre, au-delà de l'atteinte physique et fonctionnelle, les problématiques psychologiques, environnementales et sociales propres à la personne.
Nous n'appréhendons pas, en France, l'atteinte du point de vue fonctionnel. L'arrêt se résume encore à une incapacité. Un médecin généraliste ne dispose pas de la fiche de poste de son patient. L'intervention du médecin du travail se cantonne, quant à elle, trop souvent à des visites à l'embauche, renouvelées tous les ans ou les deux ans : cela n'a aucun effet sur la prévention des pathologies, en termes de morbidité ou de mortalité. En revanche, le médecin du travail est un éminent spécialiste en mesure d'identifier la problématique fonctionnelle d'un poste. Il est temps de revaloriser cette profession. À l'internat, les seuls postes non pris concernent la médecine du travail. Nous comptons aujourd'hui 4 000 médecins du travail dont 2 000 partiront dans les cinq années à venir. Mettre en oeuvre nos grands plans nationaux avec 2 000 médecins du travail est irréaliste.
La priorité n'est pas de leur permettre d'accéder à la prescription, mais d'enrichir nos effectifs en médecins compétents en biomécanique et dans l'analyse des troubles psychosociaux. Les médecins du travail connaissent l'entreprise. Nous proposons qu'ils puissent alimenter le dossier médical partagé (DMP) en y saisissant la fiche de poste de l'intéressé qui éclairera le médecin prescripteur sur les contraintes professionnelles de son patient.
Le télétravail est une possibilité d'aménagement du travail du salarié mais n'est pas autorisé en cas d'arrêt. Un patient qui fait le choix de poursuivre son activité dans le cadre du télétravail ne peut voir son traumatisme déclaré. À l'heure actuelle, un accident du travail peut être déclaré sans pour autant donner lieu à un arrêt de travail : pourquoi ne peut-on pas le faire en cas d'atteinte non liée au travail, lorsqu'on sait que 80 % des arrêts ne sont pas le fait du travail ? Il en va de même pour le temps partiel thérapeutique qui n'est autorisé que pour les personnes en affection de longue durée (ALD).
La situation est encore plus absurde pour la fonction publique hospitalière : l'arrêt doit être suffisamment long, d'au moins deux ou trois mois, et donne lieu à de nombreuses formalités administratives auprès de la commission médicale d'établissement (CME) qui ne peut accorder que trois mois de temps partiel thérapeutique. Cette embolie administrative ne correspond pas à la réalité des agents. Il faut, dans le dialogue entre le patient et son médecin et l'identification de la solution la plus adaptée, une intelligence de vie réelle.
En l'absence de visites d'aptitude obligatoires, comment suivre autrement l'évolution de la santé du salarié ? Vous sembliez suggérer que ce type de suivi puisse être réalisé non plus par le médecin du travail mais par le médecin généraliste. Mais, s'il manque de médecins du travail, il manque également de généralistes.
Les déserts médicaux existent. Peut-être que les effectifs sont mal répartis. Quoi qu'il en soit, comment peut-on reporter la responsabilité de ce suivi sur les généralistes dont un grand nombre partira en retraite très prochainement ?
Depuis les ordonnances « travail » de 2017, le télétravail peut se développer assez librement dans le cadre de chartes d'entreprise ou de gré à gré dans la négociation entre le salarié et son employeur. Comment s'assurer néanmoins que le salarié ne fait pas l'objet de pression pour recourir au télétravail alors que son état de santé justifierait un repos total ou partiel ? Certes le télétravail est présenté comme un choix du salarié, mais au fond y consent-il toujours librement ?
Vous évoquez la possibilité du versement des indemnités journalières sous forme de forfait, identique pour tous quel que soit le niveau de salaire. N'y a-t-il là pas un risque de baisse de la prise en charge, d'autant qu'il n'est pas précisé que les entreprises seraient amenées à compenser le manque à gagner éventuel pour le salarié ?
Votre rapport part du constat qu'une part minoritaire des arrêts de travail est liée aux conditions de travail. Quels sont les critères que vous avez retenus pour analyser ce lien ? S'agit-il de critères d'identification d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ou bien avez-vous tenu compte d'éléments psychosociaux déclaratifs pour arriver à ce constat ?
Vous êtes-vous penchés sur la nature et les causes des arrêts de travail ? Disposez-vous de données statistiques de genre en matière d'arrêts de travail, comme vous l'avez fait pour tenir compte de l'âge ?
Votre proposition consistant à instituer un jour de carence d'ordre public risque de cristalliser les débats sur cette question et d'occulter le reste de votre travail. Selon votre rapport, neuf millions de salariés ne sont pas bénéficiaires de la non-application du délai de carence dans le secteur privé puisque les accords de mensualisation, qui de mémoire datent de 1978, donnent la possibilité aux entreprises de prendre en charge les jours de carence. Vous y voyez une injustice si bien que vous en concluez qu'un jour de carence d'ordre public devrait s'imposer à tous. Est-ce bien là le sens de votre analyse ? Par ailleurs, la loi peut-elle modifier ce que la négociation a acté, à l'heure où notre pays cherche à revaloriser la négociation collective ?
Vous préconisez davantage de pertinence dans les arrêts de travail et dans la définition de leurs modalités, notamment leur forme et leur durée. Est-il encore bien utile de préserver la journée de carence qui reste une punition de celui qui est malade et peut avoir des conséquences assez graves pour les petits salaires ?
Le fondement de cette étude reste l'identification de sources d'économies. C'est trop juste comme base de réflexion. Vous êtes-vous interrogé sur le lien entre les conditions de travail et les arrêts ? Il eût été bienvenu d'examiner les moyens d'améliorer ces conditions de travail, en se penchant sur le cas d'entreprises présentant un fort absentéisme en raison d'une dégradation de l'environnement de travail.
La plus grande implication des services de santé au travail (SST) dans la réinsertion professionnelle des personnes en arrêt passe par un meilleur partage de l'information entre médecine de ville et médecine du travail, en particulier au niveau du DMP. Pourriez-vous préciser la nature des données de santé au travail qui pourraient être renseignées par le médecin du travail si l'accès au DMP lui était ouvert ?
À la fin de votre rapport, vous appelez à mettre en place une gouvernance du système d'indemnisation des arrêts de travail autour de l'assurance maladie. Pourriez-vous préciser les contours possibles de cette gouvernance ? Comment s'articulerait-elle avec la gouvernance actuelle de la santé au travail liée à la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) ?
J'ai été gestionnaire d'entreprises privées et publiques avec des effectifs allant jusqu'à 5 300 salariés. Dans les grosses structures, nous sommes passés d'un management de type militariste à un management bienveillant qui se préoccupe de la motivation du salarié. Pour autant, nous n'avons jamais connu autant de burn-outs et de maladies d'ordre psychique qui ne découlent pas forcément du travail mais résultent d'une multitude de facteurs liés aux difficultés qu'ils rencontrent dans la vie, à leur orientation ou encore à leurs problèmes familiaux.
Par ailleurs, les relations de travail ont été fortement déshumanisées par nos systèmes informatiques. Les échanges se résument à des mails qui ont remplacé les visites que l'on pouvait faire autrefois. Si un responsable de l'entreprise se rend chez le salarié arrêté pour l'interroger sur son état et le délai dans lequel il compte reprendre son activité, il risque une procédure pour harcèlement.
Ma question porte sur le temps partiel thérapeutique. Est-ce un outil à mobiliser davantage, notamment dans le cas des salariés en fin de carrière, atteints de maladies chroniques ? Il faudrait alors peut-être revoir les règles en vigueur pour les assouplir.
Quel est votre avis sur une éventuelle harmonisation des règles relatives aux jours de carence dans le public et le privé ?
Disposez-vous de données chiffrées sur l'augmentation des cas de burn-out ?
Enfin, quelles conclusions peut-on tirer de l'expérimentation consistant à fournir à la sécurité sociale les motifs des arrêts maladie ?
Avez-vous évalué le nombre de personnes pour lesquelles le télétravail prescrit par le médecin pourrait constituer une alternative à un arrêt de travail ?
Avez-vous des observations concernant spécifiquement les agents et salariés des collectivités territoriales et notamment des petites communes ?
Vous semblerait-il pertinent de rétablir une visite médicale annuelle, dans une logique de prévention ?
Avez-vous mené une réflexion sur les arrêts maladie consécutifs à un accident survenu à l'occasion d'une activité sportive, notamment le week-end ?
Ne faudrait-il pas généraliser la mise en place d'une commission de santé et de sécurité au travail dans l'ensemble des entreprises disposant d'un comité économique et social ?
S'agissant de la visite d'embauche, je rappelle que cette visite pouvait être réalisée par tout médecin jusqu'à ce que la réforme de l'internat fasse de la médecine du travail une spécialité à part entière. Le rôle de médecin du travail est particulier et nécessite une spécialisation. Pour autant, il me semble qu'un médecin qui n'est pas médecin du travail est à même d'effectuer la visite médicale d'embauche. Compte tenu de la démographie médicale, il me semble d'ailleurs qu'il ne serait pas pertinent de surcharger les trop rares médecins du travail en leur confiant cette tâche de manière exclusive. Dans la fonction publique, les médecins agréés pour ces visites médicales ne sont au demeurant pas des médecins du travail.
Je ne sais pas s'il est nécessaire pour tous les salariés de bénéficier d'une visite annuelle. Il serait par contre pertinent de mieux identifier les risques, en actualisant les fiches de poste, de manière à pouvoir adapter et cibler la prévention. La même réflexion vaut pour les commissions de sécurité et de santé au travail.
S'agissant du DMP, les éditeurs de logiciel ont fait des gros progrès, et le système fonctionne aujourd'hui très bien. Encore faut-il que l'utilisation du DMP devienne une habitude.
Le DMP doit permettre d'améliorer la communication entre le médecin du travail et les médecins libéraux, dans le respect du secret médical. Cette communication est aujourd'hui impossible. Je rappelle que si le médecin du travail est salarié, il dispose d'une indépendance vis-à-vis de l'employeur.
Le retour au travail est valorisant pour le salarié. Or, les petites entreprises n'ont pas nécessairement les moyens d'adapter le poste de travail pour permettre ce retour. En Autriche, au bout de trois mois d'arrêt de travail, une formation est prévue. Il faudrait aller dans ce sens également en France.
Le contrôle revient à l'assurance maladie. Il pourrait être intéressant d'étendre au privé les convocations qui sont prévues dans la fonction publique. Il faut aussi donner aux médecins les moyens d'objectiver leurs pratiques en matière de prescription d'arrêts maladie. Les référentiels existant, qui viennent de l'étranger, ne sont pas adaptés.
Il est très important que l'assurance maladie informe les entreprises pour qu'elles sachent comment elles se positionnent au sein de leur secteur d'activité en termes d'arrêts de travail.
Il faut aussi que les médecins soient informés afin qu'ils aient connaissance de la qualité de leurs prescriptions. Or aujourd'hui les seuls médecins qui disposent d'informations sont ceux qui font l'objet d'une surveillance en raison de leur volumétrie importante.
En matière de gouvernance, le pilotage du système doit être confié à l'assurance maladie tout en associant l'ensemble des acteurs.
S'agissant des jours de carence, les accords de branche sont une bonne chose mais près de 9 millions de personnes ne sont pas couvertes.
On peut aussi s'interroger sur les conditions d'ouverture des droits et notamment penser à un rapprochement entre les règles applicables aux arrêts de travail, aux congés maladie et aux accidents de travail-maladies professionnelles.
Sur la question des accidents sportifs, le choix collectif est qu'un arrêt de travail est pris en charge par l'assurance maladie quelle qu'en soit la cause.
Le temps partiel thérapeutique est difficile à mettre en place dans les collectivités pour des raisons administratives.
La mairie de Paris a fait un gros travail sur la question des arrêts maladie et il s'avère que la plupart des arrêts maladie son bel et bien justifiés. Il ne faut pas opposer le public et le privé.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission désigne Mme Élisabeth Doineau, rapporteure sur la proposition de loi n° 331 (2017-2018) relative à l'interdiction de la vente des drapeaux des associations d'anciens combattants et à leur protection.
La réunion est close à 10 h 50.