Au sein de certaines grandes entreprises, des accords permettent au salarié de poursuivre son activité à mi-temps, avec des cotisations retraite de l'employeur supérieures à la quotité travaillée et le bénéfice de compléments de retraite qui lui garantiront une retraite à taux plein. Ces dispositifs ne sont certainement pas toujours connus des salariés et déclinés partout.
Peut-on exercer de la même manière jusqu'à la fin de sa carrière une activité qu'on a débutée à 25 ou 30 ans ? Si un urgentiste peut se consacrer à l'action et la gestion de situations aiguës et compliquées à 35 ans, ne devrait-il pas songer à s'orienter, dans la dernière partie de sa carrière, vers la régulation médicale et la transmission à des plus jeunes ? Si certaines grandes entreprises peuvent prendre en compte cette problématique, il n'en est pas de même pour les très petites entreprises (TPE) qui auront plus de difficulté à sacrifier l'opérationnalité et l'expérience d'une personne sur un poste pour qu'elle se consacre à de la transmission, via du compagnonnage ou de l'apprentissage.
Pour les 55-59 ans, la durée moyenne des arrêts de travail est de 51 jours, sachant qu'elle est d'environ 30 jours pour les catégories d'âge inférieures. Au-delà de 60 ans, elle passe à 75 jours. Par ailleurs, à partir d'un certain âge, le fait d'être en arrêt maladie ne permet pas de basculer en invalidité. Par exemple, une personne qui a intégré le dispositif de retraite active, une fois qu'elle est arrêtée et que son retour en activité est compromis, est maintenue en arrêt maladie alors qu'il serait plus logique de l'extraire du dispositif de retraite active. Le système est pernicieux. Beaucoup de dispositions réglementaires du code du travail méritent d'être dépoussiérées.
Certains états européens ne versent pas d'indemnités journalières au titre de la maladie. Ils privilégient, au terme d'un délai très rapide de six semaines ou trois mois, le versement d'indemnités de formation ou de reclassement.
Ne nous leurrons pas : quand on renouvelle un arrêt maladie, on sait dans 80 % des cas si on s'oriente vers un arrêt long. Or un arrêt long ne se cantonne pas à la constatation d'une incapacité physique : il découle d'une atteinte « bio-psycho-sociale ». Le médecin généraliste doit adopter une approche globale qui intègre, au-delà de l'atteinte physique et fonctionnelle, les problématiques psychologiques, environnementales et sociales propres à la personne.
Nous n'appréhendons pas, en France, l'atteinte du point de vue fonctionnel. L'arrêt se résume encore à une incapacité. Un médecin généraliste ne dispose pas de la fiche de poste de son patient. L'intervention du médecin du travail se cantonne, quant à elle, trop souvent à des visites à l'embauche, renouvelées tous les ans ou les deux ans : cela n'a aucun effet sur la prévention des pathologies, en termes de morbidité ou de mortalité. En revanche, le médecin du travail est un éminent spécialiste en mesure d'identifier la problématique fonctionnelle d'un poste. Il est temps de revaloriser cette profession. À l'internat, les seuls postes non pris concernent la médecine du travail. Nous comptons aujourd'hui 4 000 médecins du travail dont 2 000 partiront dans les cinq années à venir. Mettre en oeuvre nos grands plans nationaux avec 2 000 médecins du travail est irréaliste.
La priorité n'est pas de leur permettre d'accéder à la prescription, mais d'enrichir nos effectifs en médecins compétents en biomécanique et dans l'analyse des troubles psychosociaux. Les médecins du travail connaissent l'entreprise. Nous proposons qu'ils puissent alimenter le dossier médical partagé (DMP) en y saisissant la fiche de poste de l'intéressé qui éclairera le médecin prescripteur sur les contraintes professionnelles de son patient.
Le télétravail est une possibilité d'aménagement du travail du salarié mais n'est pas autorisé en cas d'arrêt. Un patient qui fait le choix de poursuivre son activité dans le cadre du télétravail ne peut voir son traumatisme déclaré. À l'heure actuelle, un accident du travail peut être déclaré sans pour autant donner lieu à un arrêt de travail : pourquoi ne peut-on pas le faire en cas d'atteinte non liée au travail, lorsqu'on sait que 80 % des arrêts ne sont pas le fait du travail ? Il en va de même pour le temps partiel thérapeutique qui n'est autorisé que pour les personnes en affection de longue durée (ALD).
La situation est encore plus absurde pour la fonction publique hospitalière : l'arrêt doit être suffisamment long, d'au moins deux ou trois mois, et donne lieu à de nombreuses formalités administratives auprès de la commission médicale d'établissement (CME) qui ne peut accorder que trois mois de temps partiel thérapeutique. Cette embolie administrative ne correspond pas à la réalité des agents. Il faut, dans le dialogue entre le patient et son médecin et l'identification de la solution la plus adaptée, une intelligence de vie réelle.