Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, à la faveur de l’examen de la proposition de loi de Mme Éliane Assassi et des autres membres du groupe CRCE, le Sénat est conduit à se prononcer sur un sujet qui, depuis quelques semaines, divise dans le débat public : l’usage des lanceurs de balles de défense dans les opérations de maintien de l’ordre.
Notre débat s’inscrit dans un contexte de fortes tensions, que nous ne saurions ignorer dans le cadre de nos échanges. En effet, voilà maintenant seize semaines que nous assistons, sur l’ensemble du territoire, à des manifestations hebdomadaires qui s’accompagnent d’actes de violence et de dégradations sans précédent. Outre des dégâts matériels d’une ampleur inédite, un nombre malheureusement important de blessés est à déplorer, du côté des manifestants comme des forces de l’ordre.
Dans ce contexte pour le moins inédit, beaucoup s’interrogent, légitimement, sur l’adéquation de la doctrine française de maintien de l’ordre.
Il est certain que les événements récents appelleront des évolutions. C’est d’ailleurs dans cette optique que le Sénat a adopté, dès le mois d’octobre dernier, une proposition de loi visant à prévenir et sanctionner les violences lors des manifestations, proposition qui reviendra en discussion dans notre hémicycle la semaine prochaine.
La proposition de loi soumise à notre examen s’inscrit assurément dans ce débat, mais elle adopte un angle précis, en mettant l’accent uniquement sur la réduction de l’usage de la force par les forces de l’ordre. Comme vient de l’expliquer Mme Assassi, l’objet de ce texte est triple.
Il s’agit d’abord d’interdire l’utilisation des lanceurs de balles de défense dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre.
La proposition de loi vise ensuite à renforcer la transparence sur l’usage des armes par les forces de l’ordre, en ouvrant au public le traitement relatif à l’usage des armes, qui recense l’ensemble des cas d’usage par les agents de police.
Enfin, elle prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen et sur les alternatives à mettre en œuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations.
S’il soulève un débat essentiel, ce texte n’en présente pas moins d’importantes limites, qui ont conduit la commission des lois à ne pas l’adopter. Avant même de se pencher sur l’opportunité des dispositifs proposés, notre commission a relevé que le texte soulevait des difficultés d’ordre juridique. En effet, la plupart de ses dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. Ainsi en est-il de la liste des armes susceptibles d’être utilisées dans le cadre du maintien de l’ordre, ainsi que des conditions d’accès au fichier relatif à l’usage des armes. Surtout, il est apparu à notre commission que les dispositifs proposés présentaient des difficultés importantes sur le fond.
Avant tout, il me semble nécessaire de s’attarder quelques instants sur le cadre juridique d’usage du LBD, qui fait trop souvent l’objet d’approximations.
Le LBD ne constitue pas, contrairement aux idées reçues, une arme en libre-service, utilisée à la légère. Bien au contraire, comme l’a rappelé récemment le Conseil d’État, son emploi dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre est strictement encadré.