Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 7 mars 2019 à 15h00
Interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Le lanceur de balles de défense est une arme de force intermédiaire nécessaire à la mise en œuvre d’une réponse graduée et d’un usage proportionné de la force. En interdire l’usage reviendrait à supprimer un échelon dans l’arsenal des moyens à la disposition de nos forces de l’ordre, avec deux risques : inciter au contact direct entre manifestants et forces de l’ordre, qui n’est pas de nature à réduire le nombre de blessés, et induire un recours plus fréquent à l’arme létale.

Pour ces mêmes raisons, la Cour européenne des droits de l’homme exige la mise en œuvre d’une réponse graduée et d’un usage proportionné de la force dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Dans un arrêt de 1998, elle a ainsi condamné la Turquie pour n’avoir pas doté ses forces de police d’autres armes que les armes à feu et, ainsi, ne pas leur avoir laissé d’autre choix que d’utiliser leurs armes létales à l’occasion d’une manifestation.

Si ces arguments plaident pour le maintien de l’usage du LBD, il demeure toutefois essentiel de s’assurer de la bonne utilisation de celui-ci et du strict respect du cadre juridique. À cet égard, je tire de mes auditions le constat de quelques marges d’amélioration possibles pour perfectionner l’usage du LBD.

Tout d’abord, nombreux sont ceux qui appellent à une amélioration de la formation à l’usage de cette arme : l’obligation d’entraînement tous les trois ans est jugée insuffisante par de nombreux policiers et gendarmes.

Par ailleurs, si la mise en place de caméras mobiles pour documenter l’usage de cette arme constitue une avancée importante, il m’a été indiqué que des améliorations techniques mériteraient d’y être apportées pour les rendre complètement opérationnelles.

Monsieur le secrétaire d’État, ces éléments nous paraissent essentiels : nous sommes intéressés de vous entendre sur les réflexions envisagées par vos services sur le sujet.

Pour finir, je résumerai en quelques mots la position de notre commission sur les deux autres articles du texte.

Comme l’interdiction du LBD, l’ouverture au public du traitement relatif à l’usage des armes est porteuse de risques pour les forces de l’ordre. Outre les difficultés qu’elle soulève en termes de protection des données personnelles, elle pourrait conduire à rendre publiques des données relatives aux conditions d’intervention des forces de l’ordre, ce qui risquerait de fragiliser leur action. De plus, ouvrir ce traitement ne donnerait qu’une vision partielle de l’usage des armes, car il ne concerne que la police nationale.

Enfin, par le biais d’une demande de rapport au Parlement, les auteurs de la proposition de loi invitent à repenser la doctrine française du maintien de l’ordre, en s’inspirant des modèles mis en œuvre dans d’autres pays européens. Le débat mérite d’être posé. Toutefois, les pistes esquissées par la proposition de loi ne paraissent pas de nature à répondre aux défis auxquels le dispositif français de maintien de l’ordre est aujourd’hui confronté. Contrairement à la conception communément admise, les doctrines fondées sur le principe de désescalade ne sont pas, en pratique, exemptes de tensions avec les forces de l’ordre. Un rapport de 2014 des inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales révèle ainsi que la doctrine allemande, souvent citée en exemple, est en réalité fondée sur une entrée en contact rapide avec les manifestants et s’accompagne d’un nombre élevé de blessés.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des lois, à ne pas adopter cette proposition de loi.

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