Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 7 mars 2019 à 15h00
Interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Je salue, sans ironie aucune, l’initiative de nos collègues du groupe CRCE visant à évoquer la dérive de manifestations en affrontements que notre pays – vous avez raison, madame la présidente Assassi – ne peut plus supporter. Je crains toutefois de vous déplaire en exposant l’avis que je formulerai tout à l’heure.

Le texte proposé comprend deux volets principaux : la réflexion sur la mise en œuvre de mesures alternatives à l’usage de la force dans les opérations de maintien de l’ordre et l’interdiction des lanceurs de balles de défense dans ce même cadre.

Depuis quelque temps, dans le sillage des manifestations liées à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, à la loi Travail et, plus récemment, du mouvement dit des « gilets jaunes », l’État est confronté à une augmentation significative des violences. Parfois très agressives, ces violences visant les biens, voire les symboles de la République, mais aussi les forces de l’ordre sont devenues récurrentes et, par moments, très provocatrices. Elles sont souvent le fait d’individus qui instrumentalisent dangereusement le droit à manifester et qui nuisent, par leurs actes, à l’image de ceux et celles qui expriment très légitimement, en manifestant, leurs revendications et opinions.

Cette situation préoccupante conduit à s’interroger sur l’adéquation entre les pratiques actuelles du maintien de l’ordre pour prévenir les débordements et la nécessaire garantie du libre exercice du droit de manifester, eu égard à ce que je définirai comme la professionnalisation de l’affrontement violent et qui s’apparente à une forme de guérilla urbaine. Cette réflexion sur l’organisation des opérations doit naturellement intégrer une attention particulière aux conditions de l’octroi de l’habilitation à user de cette arme, notamment en termes de formation initiale, mais aussi quant à l’exigence de tirs d’entraînement par la suite, qui paraissent aujourd’hui assez insuffisants. Cependant, une telle réflexion nécessite du temps, et les conclusions ne peuvent être déduites avant l’aboutissement de cette évaluation. Je ne doute d’ailleurs pas, monsieur le secrétaire d’État, que face à la récurrence, à l’évolution de ces affrontements violents et de leurs formes, le Gouvernement n’ait déjà engagé une démarche d’évaluation.

Le deuxième volet de cette proposition de loi porte sur l’interdiction de l’usage des lanceurs de balles de défense. Il convient de rappeler que les lanceurs de balles de défense constituent une arme de force intermédiaire à l’usage strictement encadré. Ils visent non le manifestant que je qualifierai « d’ordinaire », mais celui que j’appellerai le « fauteur de troubles ».

L’usage de cette arme est conditionné à une absolue nécessité et à un déploiement proportionné. Ainsi, l’utilisation de ces armes, faut-il le rappeler, n’intervient que lors d’une situation extrêmement dégradée. Elle obéit à une procédure très spécifique.

Il s’agit d’une arme de riposte et de défense qui ne peut être employée que pour disperser un attroupement, après des sommations prononcées par des autorités habilitées ou, à titre dérogatoire, lors de situations d’urgence ou d’agressions violentes qu’il n’est pas besoin ici de décrire, compte tenu des nombreuses images et scènes d’agressions violentes des agents des forces de l’ordre.

Prévoir une interdiction de cette arme intermédiaire sans prévoir d’alternative est de nature à déstabiliser brutalement, soudainement et dangereusement l’organisation des opérations de maintien de l’ordre telles qu’elles existent aujourd’hui. En effet, retirer un échelon intermédiaire dans la palette des armes autorisées ferait forcément défaut dans la nécessaire gradation de la réponse que les forces de l’ordre se doivent d’apporter. On encourrait alors vraisemblablement deux écueils, qui sont le contraire de votre intention, madame la présidente Assassi : un risque de recours plus fréquent à une arme létale et une difficulté renforcée – et très sérieuse – à éviter le contact direct, souvent source de violences, entre forces de l’ordre et manifestants.

Enfin, il apparaît que la plupart des dispositions proposées, en particulier l’article 1er, relèvent non du domaine de la loi mais du domaine réglementaire.

Il nous semble que cette proposition de loi n’est pas de nature à répondre à l’objectif annoncé : l’apaisement de l’organisation du maintien de l’ordre. Elle ne saurait davantage répondre aux formes d’agressions violentes très organisées auxquelles nos forces de l’ordre doivent faire face. Je citerai l’exemple des stages de formation à la guérilla urbaine, organisés à Notre-Dame-des-Landes par des zadistes, et qui posent question.

Je voudrais redire ici le profond attachement des centristes au respect des libertés individuelles et, donc, du droit à manifester et, en même temps, notre soutien sans faille aux forces de l’ordre qui protègent nos libertés et les manifestants. Ces forces de l’ordre doivent, elles aussi, être protégées et disposer des moyens nécessaires à l’exercice de leur mission au service de la démocratie.

Vous l’aurez deviné, le groupe Union Centriste ne votera pas cette proposition de loi.

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