Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 7 mars 2019 à 15h00
Interdiction de l'usage des lanceurs de balles de défense — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation sociale particulière dans laquelle se trouve notre pays ainsi que la multiplication des violences et des exactions en marge des manifestations des « gilets jaunes » ont occasionné depuis plusieurs mois un usage plus important des lanceurs de balles de défense dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. La médiatisation de certains cas de blessures attribuées à l’utilisation de lanceurs de balles de défense, blessures que l’on ne peut que regretter, a conduit à une remise en cause de cette arme de force intermédiaire. Dès lors, s’interroger sur l’adéquation des dispositifs de maintien de l’ordre peut apparaître pertinent dans un contexte social et sécuritaire difficile.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise à interdire immédiatement l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre. Elle tend également à permettre une plus grande transparence des données relatives à l’usage des armes par les policiers : le lendemain de chaque manifestation durant laquelle les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes, le traitement relatif au suivi de l’usage des armes serait ainsi rendu accessible au public. Enfin, elle demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement qui serait « détaillé et documenté sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en œuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations ».

Ce texte appelle toutefois un certain nombre de remarques.

En premier lieu, il présente des difficultés d’ordre juridique. La plupart des dispositions de la proposition de loi ne relèvent pas du domaine de la loi. Les conditions d’emploi des armes dans le cadre des opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre et la description des armes pouvant être employées sont définies par voie réglementaire. La liste des armes susceptibles d’être utilisées est ainsi fixée par décret.

En deuxième lieu, l’article 2, qui ouvre au public le traitement relatif à l’usage des armes, présente un danger. En effet, non seulement cette disposition soulève des difficultés en termes de protection des données personnelles, mais elle pourrait également conduire à divulguer des données relatives aux conditions d’intervention des forces de l’ordre, risquant alors de fragiliser leur action.

En dernier lieu, l’application de l’article 3, qui vise à repenser la doctrine française du maintien de l’ordre en s’inspirant des modèles mis en œuvre par d’autres pays européens nécessite des travaux d’une certaine ampleur. Aussi, le délai de deux mois ne semble pas raisonnablement suffisant. En outre, notre doctrine française n’a rien à envier à celles qui sont mises en œuvre au sein des autres pays européens. Pour preuve, nos agents de police et de gendarmerie nationales sont régulièrement sollicités par d’autres États de l’Union européenne afin de former leurs propres forces de maintien de l’ordre. Enfin, certaines pistes apparaissent plus pertinentes pour guider la révision de la doctrine française de maintien de l’ordre. Ainsi, renforcer la judiciarisation a posteriori des actes de violence et de dégradation pourrait être privilégié.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la doctrine française de maintien de l’ordre repose sur un maintien à distance des individus commettant des exactions.

Depuis plusieurs années, les lanceurs de balles de défense font partie intégrante de l’arsenal de maintien de l’ordre et leur usage est strictement encadré. Certes, l’utilisation de ces armes de force intermédiaire a récemment progressé dans de fortes proportions, mais cette augmentation s’explique par les violences sans précédent perpétrées à l’encontre des forces de sécurité intérieure dans le cadre des manifestations. Dès lors, pourquoi priver nos forces de l’ordre de l’usage d’une arme circonscrite à des finalités défensives et supprimer un échelon dans l’arsenal des moyens mis à leur disposition ? Pourquoi interdire l’usage de cette arme sans prévoir de la substituer par un autre équipement et prendre ainsi le double risque d’inciter au contact direct entre les manifestants et les forces de l’ordre et d’induire un recours plus fréquent à l’arme létale ?

Pour toutes ces raisons, l’ensemble du groupe Les Indépendants ne votera pas en faveur de ce texte.

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