Par rapport au nombre de textes adoptés depuis que Montaigne, dans ses Essais, avait parlé du nombre de lois en France par rapport au reste du monde, notre législation n’a, c’est vrai, cessé de s’alourdir, de se complexifier, voire de s’obscurcir.
Notre démarche a commencé par ce constat : notre arsenal législatif est aujourd’hui un tel mastodonte que l’affirmation selon laquelle nous serions progressivement passés d’un État de droit à un État de paralysie par le droit ne serait pas excessive !
En effet, l’ampleur de notre législation est telle qu’il est impossible de dénombrer avec exactitude le nombre de lois en vigueur dans notre pays. Pour preuve, le Conseil d’État estime à 10 500 ce nombre quand Légifrance comptabilise 2 707 textes législatifs. Quant à l’exécutif, monsieur le secrétaire d’État, il n’a jamais été en mesure d’indiquer clairement ce nombre, si ce n’est a minima et par des voies détournées, en décomptant le nombre de pages du Journal officiel.
Cette situation résulte de notre histoire politique et juridique. Elle n’a véritablement connu que la nuit du 4 août 1789 comme moment d’abrogation de normes devenues désuètes et injustifiées !
Depuis cette nuit glorieuse, la République est retombée dans une certaine logique corporatiste, visant à normer toutes les activités, à légiférer sur tout et tout le temps ! Si bien que si les régimes passent, les lois, elles, demeurent !
Par exemple, parmi les lois que cette proposition de loi a dénombrées, il en est certaines dont l’origine peut en effet remonter jusqu’à 1819. C’est dire si la longévité de lois inutiles est, en France, inversement proportionnelle à la lisibilité de notre bloc législatif !
Ces dernières années, le législateur n’a pas été avare de lois dites de simplification. Depuis 2004, plus de dix lois de simplification du droit ont vu le jour. Si celles-ci étaient, bien évidemment, profitables, il n’en demeure pas moins que leurs auteurs ont souvent omis de réaliser le travail préalable d’allégement de la loi avant de la simplifier. Or ce travail préliminaire est indispensable afin de permettre au citoyen d’appréhender la réalité de la loi qu’il n’est pas censé ignorer.
Un stock trop élevé de lois est de nature à rendre leur accès plus ardu et leur compréhension plus épineuse en ne permettant pas de séparer les lois réellement effectives de celles qui n’ont plus qu’un intérêt quasi archéologique.
Certes, la présente proposition de loi ne vise que la suppression de quarante-neuf lois quand d’innombrables normes s’ajoutent chaque année à notre arsenal législatif. Certains diront qu’il s’agit d’une goutte de simplification dans un océan de normes. Néanmoins, elle doit être la goutte qui fera déborder le vase de l’allégement législatif.
Nous abrogeons aujourd’hui des lois aussi désuètes que celle qui organisait la chasse au sanglier en 1904, celles qui étaient relatives au Mont-de-piété, devenu depuis bien longtemps le Crédit municipal de Paris, aux bureaux de bienfaisance, devenus CCAS, les centres communaux d’action sociale, aux sociétés de patronage, devenues les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ou encore celle qui réprimait le trafic des monnaies nationales, alors que nous sommes passés à l’euro depuis près de vingt ans !
En votant pour cette première proposition de loi, qui est notre point de départ, nous confirmons un travail qui associe le Parlement, le monde du droit, ainsi que le Conseil d’État et, bientôt la Cour de cassation. Un cap est fixé. La prochaine étape sera d’abroger les lois manifestement obsolètes, postérieures à 1940. Ensuite, nous nous emploierons à identifier les dispositions législatives inconventionnelles. Il nous restera, enfin, à débusquer les malfaçons législatives, à savoir les textes contradictoires insuffisamment précis.
Par ailleurs, je propose que le Gouvernement se fixe comme règle de bonne conduite de supprimer deux anciennes lois dès lors qu’une nouvelle est adoptée. Ainsi, nous combattrons durablement l’excès de normes.
Vous l’aurez compris, la tâche que nous commençons aujourd’hui, en votant cette proposition de loi, sera longue, mais exaltante. Ensemble, rédacteurs, protecteurs, techniciens de la loi, nous comptons bien redonner à celle-ci sa pleine force par davantage de lisibilité. N’oublions que si une société a besoin de normes, il en va des normes comme du poivre et du sel : leur absence comme leur excès rend le tout inconsommable ! Il nous faut retrouver, là comme ailleurs, le juste sens des proportions !