Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en guise d’introduction, permettez-moi de citer celui qui fit entrer le mot « solidarité » dans le langage courant, Léon Bourgeois : « L’association, c’est l’apprentissage de la vie sociale, c’est faire sur un petit espace, dans un petit domaine, l’image réduite, visible pour quelques-uns, de ce que doit être la grande société humaine. »
Le débat qui nous est proposé aujourd’hui par le groupe Union Centriste porte sur cette manière de participer aux activités de la cité. L’association a l’intérêt collectif pour matière et le civisme pour manière.
Réjouissons-nous alors de ce que notre pays compte des centaines de milliers d’associations : 1, 3 million d’entre elles proposent une autre raison de se rassembler et d’agir et 25 % de Français participent à ces associations, ce qui est nettement supérieur à la moyenne européenne.
Exprimons notre bienveillance à ces millions de bénévoles qui s’associent pour ce qu’ils aiment. Ces bénévoles se retrouvent dans ce que Léon Bourgeois appelait « ce petit espace », « ce petit domaine », où les formes de rassemblement ne sont ni contraintes ni fortuites, mais reposent sur des collectifs de volontés.
Cette belle communauté de manière ne doit pas masquer la grande diversité des forces qui la composent : il existe autant de bénévoles que de raisons de s’engager. Qu’il s’agisse de la Croix-Rouge française, d’une association de judo ou d’une fédération de parents d’élèves, on ne s’engage certainement pas de la même manière ni pour les mêmes raisons.
Toutefois, alors que nombre de nos concitoyens se détournent des sphères syndicales et politiques, soupçonnées d’immobilisme, le secteur associatif apparaît comme l’ultime garant des valeurs de générosité et d’altruisme.
Cette image de noblesse dont jouit ce secteur, si elle ne peut être parfaitement exacte, dit quelque chose des modes d’action publique que nos concitoyens plébiscitent.
On n’a généralement jamais de mots assez durs pour condamner l’individualisme de l’époque que nous vivons. Pourtant, le regard vers l’autre, les valeurs de gratuité, de don de soi et de désintéressement sont massivement affirmés par l’activité des bénévoles.
Le projet de la majorité présidentielle se retrouve pleinement dans ces forces vives qui participent d’une société de la confiance, de l’engagement et de l’entraide.
Notre mission, en tant que parlementaires, consiste non à répéter à l’identique cette représentation du secteur associatif, mais à observer les valeurs que nos concitoyens affirment en même temps qu’ils s’engagent.
Par conséquent, notre regard de parlementaires sur le phénomène bénévole et associatif doit être celui d’un observateur attentif. Il s’agit non d’être les acteurs de ce dynamisme, mais de se montrer bienveillants à son égard, d’accompagner la place des bénévoles dans notre société et de s’interroger à ce sujet.
C’est la logique qui structure la feuille de route sur la vie associative du Gouvernement : favoriser le financement des associations, réduire le poids de leurs coûts et faciliter l’engagement des bénévoles.
Ce dernier point est fondamental, puisque le recrutement est une difficulté récurrente pour le secteur. Les associations sont très nombreuses, les raisons de s’engager ne manquent donc pas, au point qu’il peut parfois être difficile de recruter ou de pérenniser ces effectifs.
C’était ce à quoi répondait la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif que nous avons examinée et c’est pour cela que nous l’avons soutenue.
Mes chers collègues, vous l’avez compris : le bénévolat fait l’objet d’un enthousiasme certain – et à raison. Le monde associatif participe pleinement au maillage territorial : que ce soit en métropole ou dans les territoires les plus ruraux, il y aura toujours une association prête à accueillir cet enthousiasme citoyen.
Notre sagesse consiste à nous réjouir de cet enthousiasme, tout en restant lucides sur la bonne place qui est la nôtre. Notre engouement ne doit pas nous conduire à dénaturer ce qu’est le bénévolat : un engagement libre et désintéressé.
Dans la mesure où l’État est le garant institutionnel de l’intérêt général, sa place ne peut être écartée de la réflexion autour du bénévolat, qui bien souvent concourt à la poursuite du même intérêt général. Le législateur est à sa place lorsqu’il met en œuvre la protection que peut offrir la loi, mais seulement lorsque c’est utile. Il ne peut y avoir d’autre philosophie à l’endroit du secteur associatif, car un engagement bénévole est nécessairement libre, gratuit et désintéressé.
Aux associations, toute la liberté qui peut leur être laissée pour s’emparer des sujets au cœur des préoccupations citoyennes ; à l’État, les devoirs et missions d’intérêt général qui lui incombent.
Si l’on s’accorde sur ce constat préalable, l’association peut être un mode de gouvernance utile pour l’État, dès lors que son échelle et son regard sont plus adaptés. C’est notamment pour cela que les secteurs « Égalité des territoires et logement », « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Travail et emploi » sont les plus subventionnés par l’État.
Ainsi, lorsque c’est utile, l’État stimule cette forme d’action publique, par exemple en augmentant les crédits alloués au secteur associatif en 2018. De même, le Gouvernement continue de faciliter la vie des associations en allégeant les coûts qu’elles doivent supporter, notamment par le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires qui a été maintenu en 2019.
Si l’association peut donc être un mode d’action publique utile pour l’État, en aucun cas elle ne peut assumer à elle seule des prérogatives de l’État. En effet, elle ne peut assurer la continuité et l’égalité devant les services publics que seul l’État peut offrir.
Les situations de « bénévolat contraint », où des proches sont contraints de s’occuper d’un membre de leur famille, au détriment de leur vie personnelle, nous rappellent l’importance de cette répartition des rôles. Voir que, faute d’alternative, certains de nos concitoyens peuvent être astreints à ce rôle nous préoccupe.
Voilà une drôle de forme de bénévolat que ce bénévolat contraint. Faire en sorte que ce sombre oxymore ne désigne plus la réalité des proches aidants, tel peut être le rôle du législateur et du Gouvernement. Ainsi, nous espérons que l’effort déployé par Agnès Buzyn en faveur des Ehpad, qui recevront 360 millions d’euros supplémentaires de 2019 à 2021 pour recruter des personnels soignants, permettra de répondre à cette préoccupation.
La juste place du bénévolat dans notre société, c’est l’État qui la lui donne. L’association peut compter sur les forces vives de la Nation, dès lors que l’on protège ce petit domaine où les citoyens se grandissent. La juste place du bénévolat, c’est la liberté. Le bénévolat est libre lorsque l’État assume l’entièreté de ses responsabilités et poursuit sa mission émancipatrice avec toute sa ferveur.