Intervention de Stéphane Piednoir

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 mars 2019 à 9h00
Frais différenciés d'inscription à l'université pour les étrangers extra-communautaires — Communication de mm. stéphane piednoir et claude kern

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir, rapporteur :

La France avait tendance à s'endormir sur ses lauriers. Il devenait urgent de définir une vraie politique d'attractivité globale, pour accueillir plus, mieux, et au-delà de notre clientèle traditionnelle, notamment en direction de l'Asie - un étudiant sur deux dans le monde vient de ce continent. Le discours du Président de la République du 20 mars 2018 a posé les jalons d'une nouvelle approche avec le plan « Bienvenue en France » et l'objectif des 500 000 étudiants accueillis en 2027.

Ce plan se décline en six axes et s'appuie sur un fonds d'amorçage doté de 10 millions d'euros en 2019. Le premier axe concerne la politique de visas, avec une priorité aux étudiants internationaux et la poursuite du développement des guichets uniques, qui fonctionnent particulièrement bien sur les sites des universités. Deuxième axe : développer les cursus en anglais et les cours de français langue étrangère pour les non francophones. À l'heure actuelle, 237 établissements proposent des modules en anglais, ce qui représente près de 1 300 programmes ; le Gouvernement veut aller plus loin encore. Le troisième axe prévoit la création d'un label qualité d'accueil des étudiants internationaux, délivré par Campus France ; 200 établissements sont déjà intéressés. Le quatrième axe, celui qui a suscité le plus de commentaires, concerne l'augmentation des frais d'inscription ainsi que les bourses et exonérations qui en sont le corollaire. Le cinquième axe consiste en la poursuite du développement de formations françaises à l'étranger - c'est une tendance longue, qui s'amplifie ; le ministère des affaires étrangères prévoit un fonds d'amorçage de 5 millions d'euros pour 2019, qui sera complété par l'Agence française de développement, sur les cinq années suivantes, à hauteur de 20 millions d'euros. Sixième et dernier axe : une campagne mondiale de promotion des études en France, qui sera conduite par Campus France à compter de septembre prochain pour un montant de 300 000 euros ; les cibles seront l'Afrique francophone, les grands pays émergents et l'Afrique anglophone, avec une priorité donnée aux mobilités en master et en doctorat.

La première mesure du quatrième volet prévoit donc la différenciation des frais d'inscription pour les étudiants extracommunautaires, applicable dès septembre prochain. Ne seront concernés que les nouveaux arrivants - soit un tiers des 343 000 étudiants étrangers - en mobilité individuelle - près de 25 % sont en mobilité organisée dans le cadre d'une convention entre établissements. Les montants retenus pour les nouveaux droits sont de 2 770 euros en licence, et 3 770 euros pour les autres cycles, soit environ un tiers du coût réel moyen d'une année d'enseignement supérieur public en France - qui coûte environ 10 000 euros -, tout en restant en deçà du coût réel des formations les moins coûteuses. C'est une vraie rupture dans notre modèle théorique de quasi-gratuité des études supérieures en France pour tous les étudiants. De très nombreux pays pratiquent déjà des frais différenciés : la Belgique - qui réclame 3 000 euros en licence, 6 000 euros en master -, l'Allemagne dans certains Länder, les Pays-Bas, le Sénégal, ou encore l'Afrique du sud. Les pays qui se rapprochent le plus du cas de figure français sont le Danemark et la Suède, qui sont passés d'une quasi-gratuité universelle à une différenciation des droits pour les étudiants étrangers.

Les raisons qui peuvent justifier cette différenciation sont multiples. D'abord, les étudiants étrangers ne sont pas redevables de l'impôt en France, alors que les universités sont financées à 75 % ou 80 % par de l'argent public. Ensuite, cela permet de faire participer les étudiants qui en ont les moyens au vrai coût de la formation. En outre, des frais plus proches du coût réel de la formation envoient un signal prix indicatif de la qualité des formations à un certain public étudiant, notamment l'asiatique. Enfin, ces droits constituent une ressource propre pour des établissements en quête de nouvelles sources de financement. En régime plein, c'est-à-dire dans trois ou quatre ans, à nombre d'inscrits inchangé, et sans prise en compte d'éventuelles exonérations supplémentaires décidées par les établissements, nous l'évaluons à 350 millions d'euros. L'an dernier, los de l'examen de la loi ORE, le Sénat avait voté l'amendement de M. Paccaud permettant aux établissements de fixer librement leur politique de droits d'inscription à l'égard des étudiants extracommunautaires. Sur le fond, nous demeurons favorables à la différenciation des droits.

Pour éviter un trop fort effet d'éviction des étudiants étrangers n'ayant pas les ressources suffisantes pour s'acquitter de ces nouveaux droits, le Gouvernement a annoncé le triplement des bourses offertes aux étudiants étrangers. Le Premier ministre a comptabilisé dans son calcul les 7 000 bourses du Gouvernement français distribuées par le ministère des affaires étrangères, les 8 000 bourses d'exonération créées dans le cadre de la réforme, portées à 14 000 et également portées par le ministère des affaires étrangères, et enfin 6 000 exonérations qui seraient octroyées par les établissements. Le budget de l'État destiné aux bourses n'augmentant pas pour autant, la réforme devra se faire à coût constant.

Les établissements pourront exonérer certains étudiants de leur propre chef, dans la limite de 10 % de leurs effectifs, ce qui ne devrait pas être bloquant pour l'année 2019-2020 si tous les étudiants extracommunautaires devaient être exonérés. En revanche, en 2020, une dizaine d'établissements devraient être empêchés de décider une exonération totale. À ce jour, 17 universités ont déjà annoncé leur volonté d'exonérer tous leurs étudiants extracommunautaires dès 2019.

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