Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 14 mars 2019 à 10h30
Bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite également saluer en préambule l’initiative des membres du groupe du RDSE, qui nous permet de débattre une nouvelle fois de la ruralité, comme nous avons régulièrement l’occasion de le faire au Sénat, sur l’initiative de l’ensemble des groupes.

À mon sens, le sujet sous-jacent à ce débat intitulé Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles nous conduit à nous interroger sur les moyens mis à la disposition de ceux-ci et sur leur efficacité objective.

Justement, peut-on parler de moyens alors que les dotations aux communes ont baissé drastiquement ces dernières années ?

À l’heure où s’ouvre ce débat sur les dispositifs de soutien aux communes rurales, je souhaite intervenir pour parler de ce que les territoires ruraux n’ont pas ou, plutôt, ont en moins. Attachée à l’égalité républicaine des territoires, je trouve, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, toujours inacceptables les inégalités persistantes dans l’attribution de la DGF.

Les chiffres sont accablants. En 2018, ce sont 16 745 communes, soit 47 % de celles-ci, qui ont vu leur DGF diminuer à l’échelon national. À l’échelle de mon département, ce sont un peu plus de 70 % des communes qui ont été touchées par cette baisse. Selon un rapport récent, pour le seul département de la Loire, le montant de la DGF est passé en cinq ans de 147 millions d’euros à 104 millions d’euros. Dans un département à plus de 80 % rural comme le mien, cette baisse a évidemment des conséquences dramatiques sur les communes, alors que, même si c’est peut-être un paradoxe pour certains, ce sont les communes rurales qui investissent le plus !

Incompréhensibles donc les inégalités créées par la répartition de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités, qui passe du simple au double selon que la commune est considérée comme rurale ou urbaine. Pour citer des chiffres concrets, le montant varie entre 6 euros et 130 euros par habitant. Cette distinction entre secteur rural et urbain ne fait qu’agrandir la fracture territoriale.

Vous le savez, monsieur le ministre, je fais partie des élus qui pensent que le dynamisme et l’avenir des communes rurales reposent avant tout sur une politique d’aménagement territorial volontariste. Il me semble primordial que les pouvoirs publics donnent un peu plus de place aux élus de proximité, qui connaissent au quotidien les besoins de leurs concitoyens et qui sont en mesure d’apporter des réponses locales et appropriées pour rendre le monde rural attractif.

Être attractifs, telle est l’ambition des territoires ruraux. Cela implique des moyens humains et financiers, mais aussi une réelle volonté. Je veux prendre l’exemple du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le Fisac, dont nous ne pouvons pas sous-estimer l’importance. C’est aujourd’hui l’un des outils, de moins en moins nombreux, mais persistants, dont disposent encore les élus locaux pour redynamiser centres-villes et centres-bourgs. Si le Sénat dans sa majorité partage l’idée selon laquelle le Fisac est indispensable – nous l’avons rappelé lors de l’examen du projet de loi de finances –, il est cependant aussi de notre devoir, à nous, représentants des élus locaux, de mener une réflexion plus globale sur la problématique des commerces, du développement des centres commerciaux, alors que nous réaffirmons tous vouloir dynamiser les commerces de proximité.

Nous devons donc être responsables et ne pas tomber dans la facilité conduisant in fine à augmenter le nombre de surfaces commerciales et à réduire celui des commerces de proximité.

Le dispositif relatif aux zones de revitalisation rurale rencontre des problèmes. La loi de finances rectificative pour 2015 avait simplifié les critères de classement des territoires pris en compte. À présent, pour être classées en ZRR, les intercommunalités doivent répondre à des critères à la fois de densité de population et de revenu fiscal par unité de consommation.

À l’heure où l’on ne cesse de constater les difficultés d’installation des jeunes agriculteurs dans les zones fragiles, où l’on constate des difficultés pour attirer de jeunes médecins ou professionnels de santé dans de nombreux territoires déficitaires et où il est nécessaire d’accueillir de nouvelles activités économiques dans ces territoires, il est temps d’arrêter les discours de façade et de répondre par du concret, en fonction des réalités vécues sur nos territoires.

J’aurais également pu évoquer l’accès à internet : plus qu’un facteur d’attractivité pour les territoires ruraux, c’est aujourd’hui une nécessité pour l’ensemble de ces territoires. Nous nous heurtons encore à un certain nombre de problèmes d’infrastructures en la matière, mais parfois aussi d’accès au téléphone et à la téléphonie mobile.

Nous aurons l’occasion de revenir dès la semaine prochaine, lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, sur la mobilité et le devenir des 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Nous pourrons alors expliquer comment la politique relative aux grandes infrastructures se donne finalement comme objectif prioritaire de favoriser l’essor des métropoles, laissant de côté l’amélioration de la desserte des territoires enclavés.

Pour conclure, j’aborderai l’inégalité d’accès aux services publics. Ces derniers sont, à nos yeux, sacrifiés, alors qu’ils doivent être un aspect déterminant de la politique d’aménagement du territoire dans son ensemble. Stoppons le délitement et l’éloignement des services publics, qui constituent le socle de nos territoires et fondent finalement chez chacune et chacun le sentiment d’appartenir à un commun et à la République !

Le regroupement constant à l’échelon supérieur se fait au détriment de la qualité du service rendu. Le service public doit rester un élément déterminant du maillage territorial et d’égalité républicaine.

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