Séance en hémicycle du 14 mars 2019 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, je vous informe qu’à la demande du Gouvernement la réunion de la commission des affaires européennes consacrée au débat préalable au Conseil européen, initialement fixée cet après-midi à dix-sept heures, ainsi que l’avait prévu la conférence des présidents, a dû être avancée à seize heures trente. La séance ne pourra pas être levée avant que ne commence le débat.

Cette concomitance tout à fait exceptionnelle est liée à une contrainte d’agenda de la ministre.

Je rappelle au Gouvernement qu’il doit apporter l’attention nécessaire à la bonne organisation de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Napoléon Bonaparte, dont la figure est particulièrement liée à notre institution, …

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Ça commence bien !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… avait pour coutume de dire que la répétition est « la plus puissante des figures de rhétorique ».

Dans cet esprit, il ne vous aura pas échappé que le groupe du RDSE avait déjà organisé un débat similaire voilà maintenant deux ans.

Dans le contexte social que nous connaissons, la question rurale se pose aujourd’hui avec plus d’acuité et d’urgence encore : même dans une région comme l’Île-de-France, que l’on résume abusivement à Paris, elle se pose pour les départements de la grande couronne.

Alors que nous examinerons la semaine prochaine un texte majeur sur les mobilités, il apparaît indispensable de dresser un bilan de l’efficacité des dispositifs existants pour les territoires les plus fragiles, la mobilité n’étant que l’un des facteurs de leur attractivité. Car la diversité rurale est une réalité persistante du territoire français : avec 80 % du territoire et 20 % de la population, les campagnes se caractérisent par de fortes disparités, notamment s’agissant du dynamisme démographique et de l’activité économique. Ces territoires subissent toutefois des phénomènes universels, à commencer par le recul désastreux des services publics, mais aussi l’enclavement et les déficits médicaux ; ces trois blessures se sont aggravées ces dernières années.

Sur le papier, l’État a engagé de nombreux chantiers pour soutenir les territoires ruraux depuis une décennie. Je pense aux pôles d’excellence rurale, mais aussi aux pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, chers à notre collègue Raymond Vall ; ils ont été créés par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi Maptam, de 2014 à la suite des pays. Songeons aussi à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, subvention directe de l’État, qui s’élève à plus d’un milliard d’euros ; elle a été augmentée dans le projet de loi de finances pour 2018. Il faut évidemment également mentionner les zones de revitalisation rurale, les ZRR, créées en 1995 pour favoriser l’implantation d’entreprises dans les territoires les plus fragiles.

Il serait évidemment incorrect d’affirmer, comme certains ont pu le faire, que les pouvoirs publics n’agissent pas en faveur de la ruralité fragile. Le Sénat a notamment beaucoup mis en avant ces questions cruciales. Malheureusement, il faut bien constater que l’effort reste insuffisant. Les outils existants manquent parfois d’efficacité, de lisibilité et de simplicité dans leur gouvernance.

Il est d’abord regrettable que les gouvernements successifs aient fait le choix, à rebours complet de l’esprit de la décentralisation, de diminuer les ressources propres dont disposent les collectivités locales, au bénéfice de dotations étatiques, comme la DETR ou la dotation de solidarité rurale, la DSR, sur lesquelles les collectivités ont moins de visibilité et de capacités de contrôle.

L’exemple de la DETR est, à ce titre, assez éloquent. Comme l’a montré notre collègue Loïc Hervé dans son rapport annexé au projet de loi de finances pour 2019, les commissions départementales d’élus n’ont qu’un droit de regard assez limité sur les décisions d’attribution de subventions prises par le représentant de l’État. En atteste la faiblesse relative du nombre de dossiers qu’elles sont amenées à traiter par rapport au total.

Lors de la Conférence nationale des territoires du mois de juillet 2017, le Président de la République avait à juste titre rappelé la nécessité de mettre en œuvre un véritable « pacte girondin », en rapprochant la décision au plus près des territoires. Dans les territoires ruraux concernés, ce sont d’abord les élus municipaux qui font le lien avec nos concitoyens. Il nous paraît donc justifié de favoriser leur montée en puissance dans la maîtrise des subventions, par exemple en renforçant leur contrôle sur la répartition des dotations d’investissement. Il ne semble toutefois pas que cette option soit une priorité, puisqu’une instruction du 9 mars 2018 indique que la DETR a désormais vocation à financer les priorités du Gouvernement !

Nous pensons qu’il convient de faire preuve de cohérence : si nous voulons mettre en œuvre un nouvel acte de la décentralisation, comme l’a suggéré le chef de l’État, il est indispensable que les moyens législatifs et financiers soient mis à disposition des collectivités, à commencer peut-être par une réduction des écarts de dotation globale de fonctionnement, ou DGF, par habitant. Le contexte actuel et la confiance renouvelée de nos concitoyens envers leur maire le prouvent aisément.

Or les outils existants ont besoin d’être renforcés pour être efficaces. C’est notamment le cas des PETR, qui permettent à plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, à fiscalité propre de s’unir autour d’un projet de territoire partagé par les élus et les acteurs du développement local. Ces territoires structurés offrent une réelle souplesse. Ils sont un outil pertinent pour le développement des territoires, apprécié des élus locaux. Des améliorations pourraient être apportées, afin de renforcer la solidarité entre le rural et l’urbain et d’instaurer un dialogue équilibré avec les métropoles ou les communautés urbaines.

Ne l’oublions pas, lorsqu’il s’agit de soutenir la ruralité fragile, les EPCI doivent être vus comme un outil pour développer les services de proximité. Pourtant, une étude de l’IFOP du mois de novembre dernier intitulée Les Français et leur maire a montré toute la désillusion que pouvaient entretenir les élus municipaux, notamment ruraux, à l’égard d’EPCI considérés comme excessivement centralisateurs au détriment de la commune. Nous pourrions reparler de tout le mal que nous pensons de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, mais ce débat n’y suffirait pas. Injecter de la souplesse dans la gouvernance des structures comme les PETR pour favoriser une verticalité vertueuse nous semble être une priorité absolue, par exemple en les faisant évoluer en syndicats mixtes ouverts.

Cette problématique se pose également pour les fonds européens. C’est le cas du Fonds européen agricole pour le développement rural, le Feader, ou du Fonds européen de développement régional, le Feder, auparavant gérés par l’État, et transférés en 2014 aux régions. Si la force de frappe financière de ces dernières est indéniable, leur rationalisation en 2015 a eu pour effet d’éloigner les centres de décision et la visibilité des élus sur la manière dont ils pourraient en bénéficier. À ce titre, il pourrait être intéressant de réhabiliter le département, indispensable échelon de proximité dans le soutien aux territoires ruraux, tout en favorisant le droit à l’expérimentation.

Dans la continuité de ces considérations, il nous paraît également nécessaire d’obtenir enfin un bilan clair et objectif de dispositifs, comme les zones de revitalisation rurale ou les contrats de ruralité, dont l’existence est évidemment vitale, mais dont l’efficacité est pour le moins contrastée.

Par exemple, le zonage actuel des ZRR, prévu par la loi de finances rectificative pour 2015 et établi par arrêté en 2017 sur une base intercommunale, mérite d’être totalement revu. En l’état, il aboutit à exclure des communes du dispositif non pas parce qu’elles n’ont plus de difficultés, mais simplement parce que leur intercommunalité dans son ensemble ne remplit plus les critères. Voilà une absurdité à laquelle il faudrait mettre fin !

Une autre question fondamentale est celle du nombre de communes. Est-il efficace de diluer le dispositif sur 15 000 d’entre elles, au risque de diluer l’action publique par un effet de saupoudrage ? Ne vaudrait-il pas mieux concentrer les actions sur ce que notre collègue Alain Bertrand appelle très justement l’« hyper-ruralité » dans son précieux rapport de 2014 ?

Oui, l’amélioration de ces mécanismes implique sans doute de réfléchir à l’instauration d’un contrat unique qui éviterait de multiplier les outils de contractualisation avec l’État !

En résumé, les besoins de ces territoires correspondent à trois « plus » : plus de lisibilité des mécanismes, plus de sécurisation des financements et plus de confiance à l’égard des collectivités, en renforçant la décentralisation.

Monsieur le ministre, le groupe du RDSE a toujours porté une attention très particulière à la ruralité, inhérente à notre identité, sans pour autant la résumer.

Outre le rapport de notre collègue Alain Bertrand, mon groupe est à l’origine des propositions de loi adoptées par le Sénat sur le désenclavement des territoires, récemment, la lutte contre la désertification bancaire, chère à Éric Gold, ou encore la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont nous espérons qu’elle sera un vecteur majeur des politiques futures en faveur de la ruralité fragile.

Cela ne nous empêche pas d’être parfaitement conscients que seule une action forte et volontariste de l’État associée à un véritable contrat de confiance avec les collectivités locales permettra de traiter cette problématique fondamentale. C’est tout l’enjeu du débat que le groupe du RDSE a souhaité engager aujourd’hui au Sénat.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux avant toute chose saluer l’initiative du groupe du RDSE, dont le président, Jean-Claude Requier, vient de quitter la tribune.

Nos collègues nous donnent ainsi l’occasion d’exprimer tout l’attachement non seulement du Sénat, mais également des membres de la majorité nationale qui y siègent – j’en fais partie – et, bien entendu, du Gouvernement aux problématiques du monde rural.

Nous le savons, et les derniers soubresauts de notre vie démocratique depuis cet automne l’ont bien montré, le monde rural est soumis à des mutations et tensions spécifiques ; l’ensemble des problèmes y sont particulièrement exacerbés.

D’aucuns pourraient profiter de ce débat pour dresser un constat catastrophiste, déplorer des situations qui perdurent depuis des années – Jean-Claude Requier y faisait référence –, voire céder à la tentation d’instrumentaliser un certain nombre de sujets qui compliquent la vie de nos concitoyens et, bien entendu, des maires dans le monde rural. Je pense aux fermetures d’écoles, aux restructurations de services publics nationaux légitimes, qui ont des conséquences en milieu rural et, bien évidemment, à la question des dotations. Je m’efforcerai de ne pas céder à la facilité de dresser un constat larmoyant. J’essaierai plutôt de me tourner vers l’avenir.

Néanmoins, je veux évoquer les dotations dans le monde rural, dont la baisse depuis 2011 est particulièrement forte. Avec les effets de la perte de population et de la construction intercommunale, il s’agit non pas d’une double peine, mais bien d’une triple peine pour les collectivités. Et cette perte de moyens s’accompagne d’un sentiment de perte de pouvoir chez nos collègues élus locaux.

Allons au-delà de ce constat, et tournons-nous vers l’avenir. Nous pouvons constater qu’un certain nombre de dynamiques fortes sont bien présentes dans l’ensemble des projets du Gouvernement.

Indépendamment du bilan qui vient d’être dressé des DETR, ZRR, FEDER – au demeurant, ce dispositif est peu approprié sur notre territoire – ou autres contrats de ruralité, je souhaite formuler plusieurs observations.

Premièrement, la contractualisation avec les opérateurs téléphoniques répond à l’urgence du déploiement de la 4G dans un certain nombre de nos territoires, avec 5 000 nouveaux équipements d’ici à 2025.

Deuxièmement, le déploiement de la fibre, qui est un levier puissant de revitalisation de nos territoires les plus enclavés, constitue un fort engagement et un programme d’action.

Troisièmement, le programme « Action cœur de ville », même s’il s’adresse aux communes moyennes – ce sont aussi des centralités fortes drainant tout un bassin de vie –, fait l’objet d’une attention et d’une mobilisation particulières.

Quatrièmement, le plan Santé a fait de la revalorisation des soins de proximité une priorité forte de l’évolution du système, avec notamment 500 hôpitaux de proximité et, je crois, 4 000 assistants médicaux supplémentaires.

Cinquièmement, l’enjeu de la ruralité est pris en compte dans les prochains projets de loi qui vont nous être soumis. Je pense notamment au texte sur les mobilités, à la réforme de la fonction publique territoriale, ou encore aux mesures en faveur de l’éducation et de la jeunesse.

M. le ministre évoquera sans doute le soutien continu au numérique éducatif en milieu rural et l’action « écoles numériques innovantes et ruralité », ainsi que l’absence de fermeture non seulement de classes, mais aussi d’écoles.

Nous pourrions également faire référence à la politique en matière d’apprentissage.

Il y a une grande distorsion entre la perception des habitants, qui éprouvent un sentiment de déclassement social et territorial, et la réalité des mesures adoptées, des dynamiques enclenchées et de l’ambition portée.

Tourné vers l’avenir, je veux évoquer quatre points opérationnels.

D’abord, et cela s’inscrit dans la continuité du message de M. Requier, en matière de DETR, si nous intervenons en commission sur les dotations de plus de 100 000 euros, nous ignorons ce qui se passe pour celles qui sont inférieures ; en l’occurrence, la décision appartient aux préfets. La moindre des choses serait que ces derniers nous informent des montants et de l’objet des attributions.

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Ensuite, et ce point me tient particulièrement à cœur, le mouvement des gilets jaunes nous renvoie, me semble-t-il, à la problématique des moyens des très petites collectivités, celles qui sont à 10 000 euros, 15 000 euros ou 20 000 euros près et dans lesquelles les maires doivent supprimer un demi-emploi équivalent temps plein, voire, dans certains cas, tondre eux-mêmes la pelouse. Ne pourrait-on prévoir des aides adéquates ? Certes, cela supposerait des dépenses supplémentaires, de l’ordre peut-être de 400 millions d’euros à 500 millions d’euros. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, évoquait « le miel et le sel » ; il est évidemment toujours plus facile de parler du miel. Pour autant, nous pourrions, je le crois, redonner un plus grand confort de gestion et une plus grande force de frappe aux très petites communes en accomplissant un effort en matière de DSR très ciblé sur ces dernières.

En outre, les réformes à venir, en particulier celle de la fonction publique, sont l’occasion d’améliorer l’efficience des centres de gestion, voire d’affecter à ces derniers un agent public permanent pour le compte de plusieurs collectivités. C’est un moyen très opérationnel de faire revenir les services publics dans le monde rural.

Enfin, je m’en voudrais de conclure sans faire référence à la notion, si chère à la majorité nationale, de « différenciation ». J’espère que cette idée est pleinement partagée. C’est un moyen d’accompagner pour l’avenir de manière beaucoup plus forte et efficiente nos territoires ruraux.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite également saluer en préambule l’initiative des membres du groupe du RDSE, qui nous permet de débattre une nouvelle fois de la ruralité, comme nous avons régulièrement l’occasion de le faire au Sénat, sur l’initiative de l’ensemble des groupes.

À mon sens, le sujet sous-jacent à ce débat intitulé Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles nous conduit à nous interroger sur les moyens mis à la disposition de ceux-ci et sur leur efficacité objective.

Justement, peut-on parler de moyens alors que les dotations aux communes ont baissé drastiquement ces dernières années ?

À l’heure où s’ouvre ce débat sur les dispositifs de soutien aux communes rurales, je souhaite intervenir pour parler de ce que les territoires ruraux n’ont pas ou, plutôt, ont en moins. Attachée à l’égalité républicaine des territoires, je trouve, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, toujours inacceptables les inégalités persistantes dans l’attribution de la DGF.

Les chiffres sont accablants. En 2018, ce sont 16 745 communes, soit 47 % de celles-ci, qui ont vu leur DGF diminuer à l’échelon national. À l’échelle de mon département, ce sont un peu plus de 70 % des communes qui ont été touchées par cette baisse. Selon un rapport récent, pour le seul département de la Loire, le montant de la DGF est passé en cinq ans de 147 millions d’euros à 104 millions d’euros. Dans un département à plus de 80 % rural comme le mien, cette baisse a évidemment des conséquences dramatiques sur les communes, alors que, même si c’est peut-être un paradoxe pour certains, ce sont les communes rurales qui investissent le plus !

Incompréhensibles donc les inégalités créées par la répartition de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités, qui passe du simple au double selon que la commune est considérée comme rurale ou urbaine. Pour citer des chiffres concrets, le montant varie entre 6 euros et 130 euros par habitant. Cette distinction entre secteur rural et urbain ne fait qu’agrandir la fracture territoriale.

Vous le savez, monsieur le ministre, je fais partie des élus qui pensent que le dynamisme et l’avenir des communes rurales reposent avant tout sur une politique d’aménagement territorial volontariste. Il me semble primordial que les pouvoirs publics donnent un peu plus de place aux élus de proximité, qui connaissent au quotidien les besoins de leurs concitoyens et qui sont en mesure d’apporter des réponses locales et appropriées pour rendre le monde rural attractif.

Être attractifs, telle est l’ambition des territoires ruraux. Cela implique des moyens humains et financiers, mais aussi une réelle volonté. Je veux prendre l’exemple du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le Fisac, dont nous ne pouvons pas sous-estimer l’importance. C’est aujourd’hui l’un des outils, de moins en moins nombreux, mais persistants, dont disposent encore les élus locaux pour redynamiser centres-villes et centres-bourgs. Si le Sénat dans sa majorité partage l’idée selon laquelle le Fisac est indispensable – nous l’avons rappelé lors de l’examen du projet de loi de finances –, il est cependant aussi de notre devoir, à nous, représentants des élus locaux, de mener une réflexion plus globale sur la problématique des commerces, du développement des centres commerciaux, alors que nous réaffirmons tous vouloir dynamiser les commerces de proximité.

Nous devons donc être responsables et ne pas tomber dans la facilité conduisant in fine à augmenter le nombre de surfaces commerciales et à réduire celui des commerces de proximité.

Le dispositif relatif aux zones de revitalisation rurale rencontre des problèmes. La loi de finances rectificative pour 2015 avait simplifié les critères de classement des territoires pris en compte. À présent, pour être classées en ZRR, les intercommunalités doivent répondre à des critères à la fois de densité de population et de revenu fiscal par unité de consommation.

À l’heure où l’on ne cesse de constater les difficultés d’installation des jeunes agriculteurs dans les zones fragiles, où l’on constate des difficultés pour attirer de jeunes médecins ou professionnels de santé dans de nombreux territoires déficitaires et où il est nécessaire d’accueillir de nouvelles activités économiques dans ces territoires, il est temps d’arrêter les discours de façade et de répondre par du concret, en fonction des réalités vécues sur nos territoires.

J’aurais également pu évoquer l’accès à internet : plus qu’un facteur d’attractivité pour les territoires ruraux, c’est aujourd’hui une nécessité pour l’ensemble de ces territoires. Nous nous heurtons encore à un certain nombre de problèmes d’infrastructures en la matière, mais parfois aussi d’accès au téléphone et à la téléphonie mobile.

Nous aurons l’occasion de revenir dès la semaine prochaine, lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, sur la mobilité et le devenir des 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Nous pourrons alors expliquer comment la politique relative aux grandes infrastructures se donne finalement comme objectif prioritaire de favoriser l’essor des métropoles, laissant de côté l’amélioration de la desserte des territoires enclavés.

Pour conclure, j’aborderai l’inégalité d’accès aux services publics. Ces derniers sont, à nos yeux, sacrifiés, alors qu’ils doivent être un aspect déterminant de la politique d’aménagement du territoire dans son ensemble. Stoppons le délitement et l’éloignement des services publics, qui constituent le socle de nos territoires et fondent finalement chez chacune et chacun le sentiment d’appartenir à un commun et à la République !

Le regroupement constant à l’échelon supérieur se fait au détriment de la qualité du service rendu. Le service public doit rester un élément déterminant du maillage territorial et d’égalité républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie également le groupe du RDSE d’avoir saisi le Sénat une fois encore sur la thématique de la ruralité, que nous avons traitée précédemment sous un autre angle : « La ruralité, une chance pour la France ».

Effectivement, et nous l’avons démontré à bien des reprises au sein de cet hémicycle, la ruralité représente une véritable richesse pour notre pays ! Toutefois, nous constatons aussi qu’elle nécessite d’être soutenue pour vivre et se développer. Je pense notamment aux territoires ruraux les plus fragiles.

Avant de dresser un bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux, je veux rappeler qu’un tel vocable recouvre plusieurs réalités. Si certains territoires ont connu de véritables mutations sur le plan tant démographique, qu’économique ou territorial, d’autres, qualifiés de « fragiles », et que nous tenons parfois pour périphériques, parce que jugés peu dynamiques et éloignés des services de proximité, sont sources d’inquiétudes. Ce sont d’ailleurs les habitants de ces espaces qui expriment aujourd’hui leurs préoccupations et ressentent un très fort sentiment d’abandon.

Par ailleurs, la diversité territoriale dans sa globalité est aussi confrontée aux grandes problématiques actuelles, qu’il s’agisse de la préservation de l’environnement, de l’aménagement du territoire, de l’alimentation, de la préservation de la biodiversité, ou encore du logement. Nous nous devons d’élaborer des dispositifs d’accompagnement pour relever ces nouveaux défis.

En effet, si certains territoires ruraux ont eu l’occasion de se développer, d’autres accusent un grand retard et souffrent, par conséquent, d’un isolement préoccupant. Ces campagnes les plus fragiles sont généralement caractérisées par un recul économique et démographique important. Avec près de 800 cantons, elles représentent un tiers du territoire national. Souvent habitées par une population vieillissante, elles sont également peu denses, marquées par une dominante agricole, fréquemment elle-même en souffrance.

Les espaces ruraux, ouvriers et traditionnels, au tissu industriel en déclin – c’est le cas dans ma région, la Normandie, et, de manière plus générale, dans le tiers nord de la France –, sont de plus confrontés à un taux de chômage très élevé.

Au vu de ces difficultés accumulées et de ce diagnostic, il revient à l’État, aux élus et aux collectivités locales de s’interroger sur les dispositifs mis en place depuis plusieurs années.

Certes, l’action publique est présente et diverse dans ses modalités ; nous pouvons nous en féliciter. Ainsi, en 2014, les Assises de la ruralité ont permis de dresser une carte des difficultés auxquelles sont confrontées les ruralités, dans leur diversité, et les territoires les plus fragiles, en déprise démographique et économique.

En 2015, la création des maisons de services au public, les MSAP, a permis d’offrir aux habitants des petites communes, en partenariat avec La Poste, une gamme de services et d’accès aux services publics. Avec plus de 1 300 maisons ouvertes et près de 500 projets, ces maisons, qui connaissent un véritable succès, répondent à un besoin fort de désenclavement.

La réforme des zones de revitalisation rurale, en 2015 également, les contrats de ruralité créés en 2016 et qui courent jusqu’en 2022, pilotés par les préfets et dotés d’un fonds de soutien, les dotations d’investissement, telles la DETR, la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, sont autant de dispositifs ciblés vers ces territoires et autant d’engagements pris pour aider à stopper leur désertification, mais aussi pour y engager des projets de redynamisation. Ils méritent sans doute d’être revisités à l’aune des défis que je mentionnais précédemment.

À l’échelon européen, le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Feader, et le programme Leader, liaison entre actions de développement de l’économie rurale, sont conçus également pour venir en appui aux perspectives d’investissement. Néanmoins, la complexité que représente le montage des dossiers, en particulier pour des petites communes qui ne disposent pas des services adaptés, décourage souvent les élus. On doit le regretter, car il s’agit là de leviers qui permettraient précisément d’aider à la relance d’une activité économique en milieu rural. L’actualité, à bien des niveaux, exprime d’ailleurs très clairement que ces difficultés ne sont pas surmontées !

La crise des gilets jaunes est, en partie, symptomatique de ces carences et de ce constat de fractures sociales et territoriales qui se creusent progressivement, mais sûrement, dans notre pays. De même, certains maires ruraux ont exprimé lors des débats avec le Président de la République leur déception, voire leur découragement, devant la disparition accrue de services de proximité. Cela oblige leurs concitoyens, qui ne le comprennent pas, à se déplacer ou à entamer des démarches par internet, alors que leur territoire n’est pas connecté ! Sur ce point, force est de reconnaître que nous ne pouvons pas être satisfaits du peu de progrès effectué au regard des nombreuses zones blanches encore présentes.

Nous constatons donc que des problèmes récurrents demeurent malgré tout lorsque l’action publique affirme un soutien régulier à ces territoires. Comment interpréter alors la suppression du Fisac lors de l’examen du dernier projet de loi de finances ? Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quel dispositif sera amené à s’y substituer, afin de permettre cet indispensable soutien à l’investissement pour la modernisation et la réimplantation d’activités commerciales dans les territoires ruraux ? On ne peut envisager, en effet, qu’il n’y ait pas de disposition de remplacement.

Par ailleurs, nous regrettons, comme nombre de maires, la disparition de la réserve parlementaire, qui était un vrai coup de pouce pour les projets communaux quelquefois modestes, mais essentiels pour la dynamique locale. §, elle a été basculée dans la DETR, mais à hauteur de 80 % seulement…

Il importe, monsieur le ministre, que très rapidement les élus de cette ruralité, qui plus est la plus fragile, puissent enfin constater que les discours sont cohérents avec les actes.

Une action concertée avec les collectivités locales et leurs représentants est indispensable dans la réalisation de ce principe républicain qu’est l’égalité des territoires. Pourquoi, par exemple, ne pas mener une réflexion identique à celle qui a concerné les 222 communes retenues dans le cadre du pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, mais adaptée à la grande ruralité ?

Enfin, à la veille de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités par le Sénat, n’ajoutons pas de la colère à la souffrance en restant sourds aux attentes de nos concitoyens, habitants des territoires que certains qualifient, à tort, de « reculés ». Il ne faudrait pas qu’au nom de la rentabilité on accentue encore le sentiment d’abandon. Si la ruralité est une véritable chance pour la France, ne nous contentons pas de l’affirmer !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, et je m’en félicite, le groupe du RDSE met les territoires ruraux à l’ordre du jour de notre assemblée.

La semaine dernière, j’interrogeai le Gouvernement sur le non-versement de près de 700 millions d’euros d’aides Leader. Ce fut l’occasion de rappeler l’importance de ce fonds pour nos territoires, mais aussi de relever que des barrières encore trop lourdes subsistent pour le versement effectif et efficace des fonds considérés.

Aujourd’hui, force est de constater que dans l’océan des aides, fonds et dotations à destination de nos territoires, trop peu d’entre eux sont versés de manière simple, rapide, lisible et efficace.

À l’instar du président de mon groupe, Jean-Claude Requier, je tiens à saluer les évolutions positives de ces dernières années, comme la création des PETR, qui, avec les contrats de ruralité, ont permis de maintenir le développement de nos territoires.

La hausse de la DETR ou encore la fin de la baisse continue de la DGF pour les collectivités sont à relever certes, mais elles n’arrivent pas à compenser le ressenti d’affaiblissement de nos territoires et le sentiment d’abandon de la ruralité.

Les conséquences sont mesurables sur l’investissement public. Ce recul de l’investissement dans nos territoires est aussi accentué par les efforts demandés aux départements dont les dépenses de fonctionnement supplémentaires ne peuvent excéder 1, 2 % de leur budget, alors même que de nouvelles dépenses sont sollicitées.

À ces limitations de dépenses s’ajoute bien souvent un manque de visibilité pour les budgets de nos collectivités, qui doivent financer de nouvelles compétences avec des effets considérables sur la fiscalité – je pense, par exemple, à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, la Gemapi.

Dernier exemple en date – je profite de mon intervention, monsieur le ministre, pour attirer votre attention sur ce point –, les nouveaux critères qui, en 2020, définiront les nouvelles ZRR. Ainsi, 11 communes de mon département seront exclues de la ZRR à laquelle elles appartiennent actuellement. À cette date elles verront s’envoler les exonérations de cotisation foncière des entreprises qui accompagnent un tel classement. Si un rapport est prévu en juillet 2020 pour répondre à ces situations, ces communes sont pour le moment dans l’embarras et ne disposent d’aucune solution à long terme. Elles restent donc frileuses pour se lancer dans des investissements malgré tout nécessaires.

Face à la multiplicité des dispositifs de soutien aux territoires – DETR, FSIL, LEADER, FISAC, FNADT, etc. – et à la lenteur du versement des aides correspondantes, il nous faut aller vers une simplification de l’ensemble de ces dispositifs.

Cet outil de simplification, nous en disposerons très prochainement : c’est la future agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT.

Plus qu’une officine étatique, la création de cette agence doit être l’occasion de revoir notre système d’attribution, en passant d’une logique d’aide à une logique de guichet, comme l’énonce Serge Morvan dans son rapport sur la cohésion des territoires. Donnons-lui les moyens, dans chaque département, d’être le référent-clé en termes d’attribution des fonds, mais aussi, et surtout pour la mobilisation des compétences en ingénierie.

Cette simplification, pour être une réussite, doit se faire avec la volonté de tous les acteurs politiques, dans un seul but : simplifier le quotidien de milliers d’élus locaux démunis.

Le regroupement de ces aides ne peut et ne devra pas s’accompagner, s’il voit le jour, d’une baisse généralisée des fonds, qu’il s’agisse des territoires ruraux ou des territoires urbains.

Soyons-en conscients, la création de l’ANCT et la simplification des procédures ne suffiront pas pour soutenir ces territoires.

Pour pérenniser durablement nos territoires, la mère des batailles – si je puis dire – concerne deux défis que nous devrons relever : la reconquête démographique et l’attractivité.

La reconquête démographique d’abord, parce qu’elle est la condition sine qua non d’une hausse des dotations. Si nous bénéficions – c’est le sens même de l’équité républicaine – de la péréquation, nous ne pouvons nous reposer sur elle.

L’attractivité enfin, car c’est d’elle que découle la reconquête démographique. Face à un cap fixé parfois morose, je me félicite que mon groupe ait déposé de nombreuses propositions de loi. Je pense à l’initiative de Jacques Mézard sur le désenclavement des territoires, ou encore à la proposition d’Éric Gold sur la désertification bancaire dans les territoires ruraux.

En parlant du soutien à nos territoires, comment ne pas évoquer le big-bang consécutif à la loi NOTRe et à la fusion de nombreuses intercommunalités ? Une vraie réflexion doit être menée sur ses effets. Il faut aussi réfléchir aux coûts de fonctionnement des intercommunalités, mais aussi à la réalité de leurs budgets actuels. Là encore, il faudra accomplir un véritable effort en termes de dotations et d’aides.

Pour conclure, dans cette période de perte de repères démocratiques, il faut à mon sens rapprocher la décision des élus locaux, qui sont les plus à même d’agir au quotidien face aux attentes de plus en plus fortes d’administrés toujours plus exigeants à l’égard de leurs services publics. Cela passe par davantage de décentralisation et par davantage de moyens accordés à nos territoires en matière d’investissement.

Redonner les clés de l’investissement à nos territoires, c’est honorer la libre administration des collectivités territoriales consacrée à l’article 72 de la Constitution !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Paul Émorine applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe du RDSE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour.

Les dispositifs pour la ruralité sont largement insuffisants. Oui, les zones de revitalisation rurale, les contrats de santé, les maisons de services au public ont le mérite d’exister. Mais sont-ils à la hauteur des enjeux pour nos territoires qui connaissent de grandes difficultés ?

Je plaide pour un renforcement des dispositifs existants et plus encore pour la création de nouveaux dispositifs. La ruralité ne doit pas être abandonnée. Elle a besoin de la présence physique des services publics et des aménagements qui contribueront au développement économique.

Parfois, même quand la ruralité a droit à des aides, elle ne les perçoit pas. Quand on sait que les fonds européens du programme Leader n’ont pas pu être versés à cause de certains dysfonctionnements, il y a de quoi bondir et se révolter, d’autant que, comme Maryse Carrère l’a rappelé, près de 700 millions d’euros auraient échappé à la ruralité !

Selon moi, il faut aller plus loin, monsieur le ministre. Une solution doit être trouvée. Comme il existe une politique de la ville, il faudrait une politique du rural et lui allouer des fonds. Des zones franches urbaines ont été créées. Pourquoi ne pas instaurer aujourd’hui des zones franches rurales ?

La vie en milieu rural n’est pas la même que dans les métropoles, nous le savons tous. Il faut consacrer des textes ou des interventions spécifiques à la ruralité.

Inciter les entreprises à s’implanter dans les territoires ruraux vieillissants donnerait à ceux-ci un nouveau dynamisme. Y attirer des jeunes avec des enfants participerait au renouvellement des générations et contribuerait à relancer la vie dans les petites villes et villages. Plutôt que de s’agglutiner en ville, nos concitoyens pourraient trouver une qualité de vie appréciable dans nos campagnes. Mais pour cela, tous les membres du foyer doivent pouvoir y trouver du travail.

Monsieur le ministre, il est nécessaire de nous aider à encourager l’emploi et à renforcer l’attractivité de nos territoires, car c’est de cela qu’il s’agit. Seule une action politique forte, avec des mesures lisibles et des incitations fiscales et sociales, pourrait redonner une nouvelle dynamique à nos territoires. Comme mes collègues l’ont souligné, la ruralité est une chance pour notre pays.

En attendant, le maintien des dispositifs existants – je pense notamment aux ZRR – est essentiel, tout comme le sont la présence des services publics et la création de nouveaux aménagements. En tout état de cause, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour mettre en œuvre ces zones franches rurales indispensables à la renaissance de nos territoires ruraux.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Paul Émorine applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui, afin de dresser un bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles, à la suite d’une demande tout à fait pertinente du groupe du RDSE.

Le premier constat que nous pouvons partager est qu’il existe non pas une ruralité, mais des ruralités. D’une part, il existe une ruralité périurbaine, avec des zones en expansion. Les élus doivent continuer de promouvoir le foncier là où les activités économiques et culturelles se développent. Il convient également de promouvoir les services publics. C’est un challenge souvent difficile, mais enthousiasmant. D’autre part, il existe une ruralité profonde, plus éloignée. Cette ruralité, c’est celle où les élus se battent chaque jour pour maintenir la vie et la création d’emplois dans leurs territoires.

Cette hyper-ruralité a besoin d’un soutien spécifique, et c’est donc d’elle que je vous parlerai dans le cadre de ce débat. Il y va de l’avenir de notre cohésion territoriale : le principe constitutionnel d’égalité des territoires est en jeu !

À en croire les élus locaux de ces territoires, nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Les dispositifs mis en place n’ont pas tous été à la hauteur de l’enjeu.

Je pense d’abord aux zones de revitalisation rurale. S’il s’agit bien d’un projet initialement ambitieux, le dispositif se révèle aujourd’hui fragile, avec des aides diminuées, et peu efficace sur le plan opérationnel. Malgré les évolutions annoncées par le président François Hollande en 2015 et en 2016 lors des comités interministériels aux ruralités de Vesoul et de Privas, rien n’a changé. Les ZRR n’ont pas répondu aux attentes des territoires ruraux les plus fragiles.

Je pense ensuite aux contrats de ruralité. Ils sont censés coordonner les actions et les moyens pour faciliter le financement des PETR, avec l’accessibilité des populations aux services et aux soins. Ces contrats vont dans le bon sens, mais leur concrétisation n’est pas à la hauteur des attentes.

Concernant les éléments financiers, le bilan est plus positif : la DGF des communes se stabilise en 2018, mais reste deux fois moindre par habitant que pour les villes. La DETR et la DSIL augmentent légèrement.

Le développement des maisons de santé, du plan Santé et des maisons de services au public se poursuit. Voilà des dispositifs qui peuvent contribuer à renforcer l’offre de santé dans ces territoires, de même que la suppression du numerus clausus ou les aides à l’installation des médecins. C’est indispensable pour le maintien de la médecine en zone rurale. Il faudra également, comme en ville, mieux prendre en charge la dépendance à domicile et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad.

Certains dispositifs récemment mis en place apportent des réponses concrètes au sentiment d’abandon de ces territoires. C’est notamment le cas du déploiement accéléré du haut débit et de la résorption des zones blanches pour la téléphonie mobile.

Par exemple, en Corrèze, qui a courageusement été maître d’ouvrage, les gouvernements successifs et la région se sont engagés pour permettre l’accès de tous les foyers à la fibre en 2021, afin que les entreprises continuent de s’y implanter, que les touristes s’y rendent et que les particuliers puissent y mener une vie semblable à celle de leurs concitoyens sur le reste du territoire. C’est la base indispensable.

Toutes les dispositions que je viens d’énumérer ont une utilité et doivent être poursuivies. Mais l’État doit aussi s’engager dans une stratégie ambitieuse et cohérente pour la ruralité, afin d’y maintenir la vie par des créations d’emplois. Il faut consacrer de l’ingénierie aux territoires les plus fragiles, en prévoyant des moyens pour accompagner les communes et les EPCI, mais surtout en ayant une vision et une ambition pour les ruralités profondes.

Cela doit être une grande cause du ministère de la cohésion des territoires pour maintenir la vie dans nos départements les plus fragiles. Cette politique doit être relayée dans les territoires par des « préfets développeurs », aux côtés des élus locaux, des chambres consulaires, des départements, des régions et des fonds européens.

Seule une politique volontariste de création d’emplois pourra encourager l’installation de jeunes actifs en aidant les artisans et les TPE à maintenir et à développer l’activité économique.

Les dispositifs des zones franches, évoqués par Jean-Claude Luche, paraissent à cet égard pertinents. Pour les EPCI d’une densité inférieure à 15 habitants au kilomètre carré, par exemple, il faudrait également prévoir des ZRR nouvelle formule, avec des aides importantes, non diluées dans le cadre des PETR ruraux ou hyper-ruraux.

En effet, les EPCI de ces zones hypo-denses n’ont pas, seuls, les moyens de soutenir les entreprises, d’autant que les nouvelles régions n’aident plus l’immobilier d’entreprise. Cet effort doit désormais être réalisé avec le concours de l’État.

Cela passe aussi par une poursuite des mesures contenues dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, dont les agriculteurs attendent les premiers effets.

Dans un secteur où trois quarts des emplois ont été perdus depuis trente ans, l’application de la loi et le débat européen qui s’ouvre seront suivis avec beaucoup d’intérêt…

Tout comme les communes retenues au programme « Action cœur de ville », les bourgs-centres doivent bénéficier du Fisac. Ils doivent également bénéficier d’accompagnement pour la réhabilitation des logements. La DGF par habitant doit aussi être égale dans les campagnes et dans les villes.

La mobilité constitue également un enjeu essentiel pour la ruralité profonde. Je pense notamment aux actifs qui n’ont d’autre choix que de prendre leur voiture et de parcourir quotidiennement de longues distances pour aller travailler. L’État doit trouver une solution pour compenser ces frais qui ne peuvent pas seulement être pris en charge par l’entreprise. La taxe carbone ne doit pas être augmentée.

Enfin, le potentiel touristique de ces zones rurales pourrait être amélioré par le financement de la réhabilitation de logements touristiques et des hôtels-restaurants.

Au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, nous pensons qu’il faut réinventer les ruralités avec une présence forte de l’État. Il importe d’engager des actions volontaires dans l’hyper-ruralité et d’y soutenir les créations d’emplois.

Nous sommes prêts à accompagner les réflexions du Gouvernement en ce sens pour améliorer enfin réellement l’attractivité de nos territoires ruraux et afin d’y maintenir la vie par une action déterminée et collective. Il est absolument nécessaire de repenser les dispositifs spécifiques de soutien de l’État aux territoires ruraux les plus fragiles. Ils doivent être plus souples, plus simples, mais surtout s’inscrire dans le cadre d’une véritable politique d’aménagement du territoire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Paul Émorine applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositifs de soutien aux territoires appellent sans aucun doute une évaluation et une refondation. La situation actuelle des ZRR et les modifications erratiques dont elles ont fait l’objet en sont une illustration. Je remercie donc le groupe du RDSE de l’opportunité qu’il nous offre aujourd’hui d’avoir un tel débat.

Si la réforme du zonage ZRR votée à partir du rapport d’information Calmette-Vigier partait d’un bon sentiment, consistant à évaluer le système de 1995 au regard de l’aggravation des inégalités territoriales et à l’adapter au phénomène de l’intercommunalité, la réforme adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2015 n’en constitue pas moins une catastrophe pour bon nombre de territoires ruraux en déclin.

Ce texte a provoqué tout d’abord une modification exceptionnelle en faveur des territoires de montagne, dont la vigilance n’est plus à démontrer, puis un report des effets du dispositif à l’été 2020 lors de la discussion de la loi de finances pour 2017.

C’est une réaction normale, nous dirons les habitués de la fiscalité locale, car toute réforme est susceptible de créer des perdants et donc des mécontents. Mais encore faut-il qu’elle mette en œuvre un dispositif plus équitable.

Je souscris, à cet égard, à la nouvelle approche territoriale qui a permis d’instaurer un zonage nouveau au niveau des EPCI, car on ne pouvait plus longtemps raisonner en termes de ressources économiques, à l’échelon communal, surtout en milieu rural. En revanche, les critères retenus sont incohérents.

On a substitué aux critères précédents de la faible démographie et du déclin de la population deux critères cumulatifs qui relèvent, par leur association mathématique, du pâté de cheval et d’alouette !

En effet, on a posé comme base nouvelle la nécessité cumulative d’une démographie inférieure ou égale à la densité nationale médiane, soit 63 habitants au kilomètre carré, et d’un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à la médiane des revenus moyens des EPCI de l’Hexagone.

Lorsque l’on sait que le premier critère varie de 1 à 1 500, et le second de plus ou moins 15 %, on imagine les effets pervers d’une telle combinaison, qui substitue et privilégie la typologie sociale à la notion de déclin !

D’ailleurs, la cartographie résultant de cette opération est tout aussi choquante que lumineuse. §En effet, une grande partie des territoires ruraux de la diagonale aride à très faible démographie sort du zonage, au bénéfice d’une large partie ouest et sud-est de l’Hexagone.

J’ai certes tenté de corriger par voie d’amendement et par deux fois cette anomalie en proposant de maintenir les EPCI de moins de quinze habitants au kilomètre carré – il n’y en a que cinq en France –, dont le revenu médian par habitant « tangente » défavorablement le seuil, voire ceux de moins de vingt habitants, qui ne sont que vingt.

Le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, m’a opposé, par le biais du rapporteur général de l’Assemblée nationale, Joël Giraud, plus écouté, que de telles modifications, certes pertinentes, devraient s’intégrer dans une refondation globale de la politique en faveur des territoires ruraux : c’était en octobre 2018 !

Je ne conteste pas que sept régimes zonés coexistent actuellement – nous pourrions y ajouter les parcs nationaux –, dont la superposition fréquente rend peu lisible le régime précis.

Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de leur prétendue non-visibilité je puis vous dire, pour avoir aidé dans une autre vie à leur mise en œuvre auprès d’un certain nombre d’entreprises, l’intérêt des dispositions relatives aux ZRR !

Même si le coût avoisine 300 millions, en mesures tant sociales que fiscales, elles ne sont pas les chimères décrites par le second rapport Louwagie-Blanc, toujours de l’Assemblée nationale. Surtout, je vous en conjure, ne nous proposez pas, comme le prescrit ce rapport, d’en transférer le montant dans la DETR. Outre le fait que nous ne nous adresserions pas aux mêmes bénéficiaires, le précédent du sort de la réserve parlementaire et de son devenir au fil du temps nous laisse dubitatifs…

Pour conclure, il faut effectivement refonder les aides aux territoires, qui vont d’ailleurs toutes s’achever en 2020. Mais il faut dès maintenant, et en urgence, que nous puissions en définir les stratégies précises pour véritablement revitaliser la ruralité à l’écart des dynamiques et qui se meurt.

Si nouveau zonage il y a, les critères doivent être absolument rediscutés sur des bases qui relèvent non pas d’une mathématique abstraite, mais de la réalité des déficits des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le Sénat est prêt à travailler sur l’audit complet d’une évaluation des politiques menées, et à reconstruire une stratégie adaptée à notre époque et à la diversité des territoires.

Monsieur le ministre, n’ajoutez pas au désarroi actuel la psychose du vide d’une période transitoire sans dispositif. Il y a urgence et, à cet égard, la loi de finances rectificative exceptionnelle prévue cette année pourrait en être le cadre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Jean-Claude Requier l’a rappelé, de nombreux mécanismes de solidarité ont été mis en place pour soutenir les territoires ruraux les plus fragiles.

Pourtant, quand on fait le bilan, on constate que les fragilités se sont accentuées pour bon nombre d’entre eux. Comment en est-on arrivé là ?

Les raisons sont évidemment multiples. Je reviendrai néanmoins sur deux d’entre elles, qui doivent nous éclairer pour l’avenir.

D’abord, les effets induits de la décentralisation qui a transféré de nouvelles responsabilités aux collectivités locales sans accompagner ces transferts de mesures efficaces de régulation des richesses. Je pourrais illustrer mon propos avec l’exemple du département du Cantal, dont l’épargne nette est aujourd’hui réduite à zéro, sous le poids des dépenses sociales qui se sont accumulées au fil du temps.

Ensuite, l’ouverture au marché de services essentiels à la vitalité des territoires. Il ne s’agit pas ici de juger de l’opportunité de cette décision. Néanmoins, faute de l’avoir accompagnée de mesures suffisamment contraignantes pour imposer aux opérateurs le même traitement dans tous les territoires de France, nous avons en réalité créé de nouvelles fractures territoriales. Les exemples de la téléphonie mobile et du numérique illustrent parfaitement cette réalité.

La question que nous devons nous poser est simple : face aux enjeux du XXIe siècle et dans un pays dont la population pourrait croître de 7 millions d’habitants d’ici à trente ans, n’avons-nous pas intérêt à engager dès aujourd’hui une politique volontariste de rééquilibrage des populations sur le territoire national ? C’est à mon sens une nécessité si nous voulons préserver la cohésion sociale dans la France de demain.

Comment sortir de cette spirale ? Nous le savons, notre société est en mutation. La qualité de vie, les nouvelles technologies sont des marqueurs de cette transformation. Mais ces évolutions sont autant de chances à saisir pour investir dans les territoires.

Nous devons tirer les leçons du passé, sortir de critères purement comptables qui nous amènent, par exemple, à lier les décisions au nombre d’habitants, alors qu’elles devraient au contraire s’inscrire dans une vision de long terme.

Autrement dit, monsieur le ministre, nous devons investir plutôt qu’assister. Réfléchissons à une stratégie de reconquête de l’espace rural visant à faire émerger des territoires exemplaires en matière de santé, d’éducation, de mobilités, de nouvelles technologies, de transition écologique, et, par là, à créer un cercle vertueux et à renforcer durablement l’attractivité de ces territoires.

À cette fin, nous devons investir : investir dans les infrastructures, investir dans les services, investir dans la matière grise. Par exemple, décidons que, désormais, tous les territoires bénéficieront des avancées technologiques au même rythme, quelle que soit leur densité de population. Ce pourrait être, monsieur le ministre, le marqueur d’une ambition d’aménagement du territoire plus visionnaire.

Ne nous y trompons pas : investir dans la ruralité aujourd’hui, c’est investir dans l’intérêt du pays pour demain. Monsieur le ministre, afin que nous avancions sur ce chemin, je vous propose que la future Agence nationale de la cohésion des territoires se voie confier la mission de garant de l’équité territoriale et de la mise en œuvre d’une politique de rééquilibrage. J’appelle vraiment de mes vœux une telle politique, tant elle conditionne la cohésion sociale dans notre pays, cohésion sociale – vous le savez – malmenée dans la période que nous traversons depuis des mois.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour engager résolument notre pays sur la voie d’une politique d’aménagement du territoire dynamique, offensive, efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Bertrand

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France ne se résume pas à Paris. Avec 80 % de la population vivant sur 20 % du territoire et 20 % de la population vivant sur 80 % du territoire, la France est constituée de villages, du village touristique au village agricole, en passant par le village-dortoir.

Dans le cadre de nos fonctions, nous entendons souvent que les nouveaux ruraux souhaitent les mêmes services que leurs concitoyens citadins. N’est-ce pas normal ? Vous l’aurez compris : je ne suis pas en train de parler de ceux qui souhaiteraient que les coqs se réveillent plus tard ou que nos clochers cessent de rythmer la vie de nos villages, mais bien de ceux de nos concitoyens qui ne comprennent pas pourquoi leur lieu de vie est devenu, malgré leurs impôts, une seconde zone, pour ne pas dire une seconde France.

J’entends ceux qui balaient cette question en répondant que, en vivant à la campagne, ils ont, d’une certaine manière, renoncé aux transports en commun, à l’accès aux soins à proximité, aux services de gendarmerie ou encore au haut débit. Ce raisonnement est faux en tout point.

Si certains s’installent à la campagne, c’est pour partie parce que les centres-villes sont devenus trop chers, et non par choix. Quant à ceux qui ont choisi d’y vivre, devraient-ils se contenter de remercier l’État de leur avoir fourni l’accès à l’eau et à l’électricité ? Je ne le crois pas.

Pour tâcher de remédier à cette situation, nous avons mis en place de nombreux fonds, qui, au fil des années, ont fondu.

De plus, le financement des dotations de solidarité urbaine et rurale par écrêtement interne de la DGF revient à dénaturer l’objectif de la péréquation verticale, émanation du principe de solidarité nationale garanti par notre Constitution. Les mécanismes actuels de péréquation ne permettent pas de réduire les inégalités territoriales, qui ont été considérablement accrues en raison de ces baisses de dotations.

À grand renfort de discours sur la « synergie » et la « mutualisation », on nous avait présenté les intercommunalités comme des remparts permettant aux communes rurales de s’en sortir. Force est pourtant de constater que, très souvent, dans les faits, ce sont les communes rurales qui financent les communes urbaines.

Bien sûr – il faut le noter –, certains investissements d’envergure rayonnent sur l’ensemble du bassin de vie, mais – notons-le également – les fonds que j’évoquais précédemment sont progressivement vidés de leur sens.

Par exemple, lorsque les régions votent des subventions, il faut que le projet soit porté par une intercommunalité ; lorsque le préfet dresse la liste des projets susceptibles de recevoir la DETR, les intercommunalités sont systématiquement mises en avant.

À l’heure de la vente par internet, où nos centres-villes sont en pleine mutation, à l’heure où l’on promeut – je pense à nos agriculteurs – les circuits courts et le made in France, notre ruralité peut être une chance. Nos granges peuvent devenir des ateliers d’excellence, si tant est que l’on donne à notre ruralité les moyens d’innover.

Monsieur le ministre, comprenez qu’une ruralité forte, c’est une France forte !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous débattons sur l’avenir de nos territoires ruraux, je vous rappelle que le Sénat s’est beaucoup intéressé à la ruralité, comme l’avait fait, en 2005, le gouvernement alors en exercice.

Mon collègue Jean-Claude Luche a évoqué les zones franches urbaines. C’est en 2005 – j’étais le rapporteur du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux – que nous avons voté pour la première fois une loi spécifiquement consacrée à la ruralité. Nous avions beaucoup travaillé avec la Datar, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, et notamment sur ses chiffres et ses cartes, pour créer des dispositifs financiers.

Nous avions pris en compte la densité de population pour déterminer le périmètre des communes ou des arrondissements éligibles aux différents dispositifs – il en a été question auparavant –, en fixant un seuil à 35 habitants par kilomètre carré. Lorsque nous avons instauré ces dispositifs financiers, à destination des professionnels de santé, des vétérinaires ou des entreprises, l’Inspection générale des finances a bien sûr réagi par des rapports, attirant notre attention sur le fait que les montants financiers en jeu n’étaient pas importants, de l’ordre de 300 millions d’euros par an – Charles Guené l’a rappelé. Mais il faut expliquer à nos éminents inspecteurs des finances, qui voient les choses depuis Paris, que 300 millions d’euros dans la ruralité représentent parfois autant que 3 milliards d’euros en ville, dans les zones franches urbaines.

Des collègues députés ont eux aussi remis un rapport, en 2014, soulignant la pertinence des actions que nous avions engagées, avant d’introduire, dans la loi de finances rectificative pour 2017, une modification du seuil, le faisant passer de 35 à 63 habitants par kilomètre carré. Ce nouveau seuil permettait d’intégrer les nouvelles intercommunalités, pour un revenu médian de 19 111 euros par habitant.

Charles Guené l’a également souligné : malheureusement, cette modification écarte certaines communes du dispositif.

J’ai lu le dernier rapport des députées Anne Blanc et Véronique Louwagie, qui conclut à l’inefficacité de ces politiques. Je pense au contraire que, si nous souhaitons agir à destination de la ruralité, nous devons nous appuyer sur les cartes de référence et les dispositifs déjà existants.

Nous ne pouvons pas sans cesse parler des déserts médicaux et refuser en même temps d’en passer par des aides en direction des professionnels de santé. Même les vétérinaires – nous en avons rencontré, au salon de l’agriculture, avec le président Larcher – vont bientôt hésiter à s’installer dans le monde rural.

Tous ces dispositifs destinés aux professionnels de santé et aux entreprises doivent certainement être adaptés ; je vous suggère par exemple, monsieur le ministre – j’ai participé à la conférence de la ruralité –, de relancer les pôles d’excellence rurale : ce serait une bonne chose à faire.

Voilà le témoignage que je souhaitais apporter. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire en sorte que la ruralité soit vivante – elle fait partie de notre patrimoine national et elle couvre 80 % de notre territoire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où, pour 81 % des Français, vivre à la campagne représente la vie idéale, qu’ils y travaillent ou non, rarement nos territoires ruraux auront été aussi mal traités, rarement la fracture territoriale aura été si prégnante dans notre pays.

Qui n’a pas entendu, ces derniers mois, dans les manifestations, de nombreux ruraux exprimer leur sentiment d’être abandonnés par l’État et méprisés par les grandes métropoles ? Comment pourrait-il en être autrement quand 27 % seulement de la population vit dans les treize plus grandes métropoles françaises, qui concentrent pourtant à elles seules près de la moitié des offres d’emploi ?

Le sujet sur lequel nous débattons ce matin est symptomatique de ce fossé.

À étudier les dispositifs de soutien aux territoires ruraux, une conclusion incontestable se dégage, ces dernières années : la baisse des dotations.

Quelques exemples, que nous pourrions multiplier, me semblent emblématiques du désinvestissement de l’État : la disparition programmée du Fisac, qui a été actée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 ; la suppression de la réserve parlementaire, qui, sans être d’un montant énorme, permettait à des députés et à des sénateurs d’aider de nombreuses collectivités à boucler financièrement leurs projets ; le dispositif des pôles d’excellence rurale, qui touche à sa fin ; l’effondrement de l’enveloppe allouée à la prime d’aménagement du territoire, la PAT, qui est pourtant très utile à de nombreuses entreprises rurales.

Je ne cesserai de dénoncer, tant qu’elle perdurera, l’iniquité du traitement réservé aux communes de moins de 3 500 habitants, dont la DGF par habitant varie de 64 à 88 euros, alors que, pour les villes de plus de 200 000 habitants, la même dotation s’élève à 128 euros.

Au-delà de cette diminution des concours financiers, toutes les études sérieuses démontrent que, depuis le début des années 2000, nous assistons, en France, à un repli massif des services publics. Ce repli touche l’ensemble de notre territoire et frappe en particulier les communes rurales.

Monsieur le ministre, les hasards du calendrier sont parfois troublants. Il y a environ une semaine, nous apprenions que, sur 687 millions d’euros de fonds européens destinés en 2014 aux 340 territoires ruraux français – il s’agit du programme européen Leader –, 4 % seulement ont été versés aux régions.

Je n’entrerai pas dans les détails techniques qui ont conduit à cette situation incroyable, mais celle-ci a pénalisé, ou va pénaliser, des milliers de projets ruraux.

Ce dossier me paraît bien résumer, à lui seul, le manque de soutien de nos gouvernants à l’égard des territoires ruraux les plus fragiles.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en seulement dix minutes, il me sera difficile de répondre à l’ensemble de vos interventions. Pour commencer, je tenais à remercier à mon tour le groupe du RDSE et son président, Jean-Claude Requier, d’avoir proposé ce débat sur le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles.

Ce débat constitue en quelque sorte le prolongement de celui qui s’est tenu ici même, dans l’hémicycle de la Haute Assemblée, le 21 novembre dernier, sur « la ruralité, une chance pour la France », sur l’initiative, déjà, du groupe du RDSE.

Cela témoigne de l’attachement de votre groupe, mais aussi, plus largement, de celui du Sénat dans son ensemble, aux enjeux des ruralités. Je partage cet attachement ; comme vous le savez, en effet, j’ai eu la chance d’exercer le mandat de maire et surtout les fonctions de président de conseil départemental dans un territoire rural où les enjeux étaient fort nombreux.

En tant que coorganisateur du grand débat national, j’accompagne, depuis la mi-janvier, le Président de la République dans sa grande consultation des maires, dans toutes les régions de France. Je peux vous dire que le soutien au développement des territoires ruraux fait partie des thématiques les plus largement évoquées par les élus locaux, qui ressentent parfois une forme d’éloignement, voire d’abandon. Monsieur le sénateur Fournier, ce ressenti est effectivement très ancien, et va en s’aggravant.

À chacun de ses déplacements, le Président de la République a eu des paroles fortes pour la ruralité, refusant – commençons par là ! –, toute forme de défaitisme, sentiment qui s’exprime parfois, il faut bien le dire, lorsqu’il s’agit des territoires ruraux.

Il a d’ailleurs avancé l’idée d’un « agenda rural » – nous y reviendrons –, qui permettrait de répondre aux enjeux spécifiques des ruralités. Nous sommes face, en effet, à une multiplicité de situations, qui appellent des réponses adaptées. C’est tout l’enjeu du droit à la différenciation – M. de Belenet l’a rappelé –, qui est au cœur de la révision constitutionnelle et est déjà en partie expérimenté, avec la création de la collectivité européenne d’Alsace. Sur ce dernier sujet, le projet de loi porté par Jacqueline Gourault arrive d’ailleurs dans quelques jours au Sénat, vous le savez.

Depuis près de dix-huit mois, le Gouvernement s’est pleinement mobilisé en faveur des territoires ruraux, selon plusieurs axes que je vais maintenant détailler.

Sur le plan financier, d’abord, il faut commencer par noter que, pour la deuxième année consécutive, l’enveloppe globale des dotations de fonctionnement ne baisse pas. Et nous maintenons au plus haut niveau les dotations de soutien à l’investissement en faveur des territoires ruraux.

Là aussi, les chiffres sont têtus : la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, a augmenté de 400 millions d’euros par rapport à 2014, pour atteindre plus de 1 milliard d’euros en 2019.

Monsieur Requier, j’entends vos remarques sur les commissions départementales d’élus. Néanmoins, la DETR finance bien des projets de collectivités dont la sélection résulte de priorités définies dans ces commissions, et donc, en principe, à l’échelle locale, et non par le Gouvernement. J’ai d’ailleurs signé lundi dernier, avec Jacqueline Gourault, une circulaire pour rappeler aux préfets les règles de bon fonctionnement de ces commissions. Ce texte tient compte des débats que nous avons eus ici même, dans l’hémicycle. Hervé Maurey, président de votre commission de l’aménagement du territoire, avait déposé un certain nombre d’amendements que je m’étais engagé à reprendre dans la circulaire ; c’est chose faite.

Parallèlement, nous avons pérennisé la DSIL, ou dotation de soutien à l’investissement local, qui est notamment mobilisable dans le cadre des contrats de ruralité ; son montant atteindra cette année 570 millions d’euros, alors qu’elle était au départ conçue comme exceptionnelle – vous le savez : elle avait uniquement vocation à compenser la baisse de la DGF décidée par le gouvernement précédent.

Je vous rappelle aussi que la loi de finances pour 2019 a renforcé les mécanismes de péréquation en faveur des territoires les plus fragiles. La DSR a ainsi augmenté de 90 millions d’euros cette année, pour atteindre 1, 5 milliard d’euros en 2019 contre 421 millions d’euros en 2004.

Cette même loi de finances a également prévu, en cas de perte d’éligibilité à la DSR « cible », un mécanisme de rattrapage : aucune collectivité ne pourra percevoir moins de la moitié du montant perçu l’année précédente. Il s’agit d’une avancée importante pour ces territoires ; grâce à cette garantie de sortie, il n’y a donc pas moins de visibilité.

Dans la même perspective, vous avez vous-mêmes voté, il y a quelques semaines, la création d’une dotation budgétaire en faveur des communes de moins de 10 000 habitants dont une part importante du territoire est classée en zone Natura 2000 – ce rappel vaut réponse à certaines interpellations. Pour la première fois, la notion de densité est incluse dans le calcul des dotations de l’État ; c’est une nouveauté, dont nous avons décidé tous ensemble il y a quelques semaines.

Toutes ces avancées, nous les avons élaborées notamment avec le rapporteur spécial Charles Guené, que je tiens à remercier publiquement pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est jamais assez, pour le sénateur Guené !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

Ce débat me permet aussi de revenir sur une idée souvent avancée par les maires, et que certains d’entre vous ont reprise : dans la répartition de la DGF, un urbain vaudrait deux ruraux. Ceux qui soutiennent cette thèse confondent la dotation forfaitaire et la DGF, laquelle est constituée – vous le savez, mais il faut le rappeler – de plusieurs composantes différentes. Grâce à la péréquation, le Gouvernement a significativement augmenté cet effort de solidarité depuis 2017 !

Monsieur Requier, permettez-moi de vous livrer un cas pratique en vous donnant un exemple tiré de votre département. La commune de Saint-Cirgues, qui est celle du président des maires ruraux du Lot, compte 429 habitants ; elle a bénéficié en 2018 d’une dotation forfaitaire de 250 euros par habitant, et de dotations de péréquation de 64 euros par habitant, soit une DGF globale de 314 euros par habitant.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

Dans le même temps, la ville de Cahors, ville-préfecture, 21 008 habitants, recevait une dotation forfaitaire de 72 euros par habitant et une dotation de péréquation de 40 euros, soit une DGF globale de 112 euros par habitant. On est bien loin du schéma où l’habitant des villes recevrait une DGF deux fois supérieure à celle perçue par l’habitant d’une commune rurale : en l’occurrence, c’est la DGF par habitant de la commune rurale qui est près de trois fois supérieure à celle de son chef-lieu de département.

Je me tiens à votre disposition pour faire cette démonstration pour tous les départements, ou presque. Tenir compte de la seule dotation forfaitaire n’a aucun sens ; ce qui compte, c’est ce que le maire touche effectivement en recettes de fonctionnement. Merci au sénateur Arnaud de Belenet d’avoir fait cet exercice dans son intervention.

Je vous rejoins toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le constat suivant : la DGF est très complexe et ses critères sont pléthoriques, accumulés, d’ailleurs, au gré des débats parlementaires. Le Président de la République l’a indiqué : il n’est pas fermé à une réflexion sur la DGF. Je note néanmoins que le mouvement Territoires unis n’a pas mentionné ce chantier dans sa contribution, remise hier.

L’accompagnement financier, s’il est indispensable, ne suffit pas. C’est pourquoi le Gouvernement actionne l’ensemble des leviers de l’action publique.

Le Gouvernement agit, par ailleurs, via la définition et la mise en œuvre de programmes spécifiques de soutien aux territoires fragiles, et notamment en renforçant les pôles de centralité que sont les petites et les moyennes villes.

La présence d’une ville dynamique, même de petite taille, est en effet toujours porteuse d’un effet d’entraînement et d’irrigation. Ainsi, quand le Gouvernement engage le programme « Action cœur de ville », qui mobilise 5 milliards d’euros sur cinq ans au profit de 222 villes pour réhabiliter des logements, réimplanter des commerces et rénover les espaces publics, c’est pour les territoires ruraux, et notamment les plus fragiles, qu’il se mobilise.

De la même manière, lorsque le Gouvernement lance, avec Régions de France et l’AdCF, l’Assemblée des communautés de France, le programme « Territoires d’industrie », il agit aussi en faveur des territoires ruraux les plus frappés par la désindustrialisation ou par une perte d’attractivité économique. À ce jour, 136 territoires d’industrie sont labellisés et les contrats de 29 territoires « pilotes » sont en cours d’élaboration, la signature étant prévue d’ici à la fin du mois.

Pour les territoires qui connaissent des difficultés plus importantes, le Gouvernement met en œuvre des contrats particuliers. C’est le cas notamment avec la Nièvre, la Creuse ou encore les Ardennes – je signerai demain, en présence de MM. les sénateurs Huré et Laménie, le pacte Ardennes.

Nous agissons également au travers des différents zonages – vous êtes nombreux à y avoir fait référence. Je pense notamment aux zones de revitalisation rurale ; une commune sur deux en bénéficie aujourd’hui. M. le sénateur Requier a proposé de revoir le zonage actuel, qui n’est pas toujours compris.

Le Gouvernement se nourrit en ce moment même des travaux parlementaires et des évaluations que nous conduisons sur ce dispositif. Nous sommes preneurs, avec Jacqueline Gourault, de toutes vos propositions précises en la matière. Merci à Jean-Paul Émorine d’avoir cité le cas des cabinets médicaux ; il faudra explorer les pistes qu’il a évoquées.

Un mot seulement – je manque de temps – sur les PETR, les pôles d’équilibre territorial rural…

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le ministre, dans ce débat, votre temps de parole n’est pas limité.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

Je m’en réjouis ; je vais pouvoir ralentir mon débit…

Un mot, donc, sur les PETR, pour redire notre soutien et notre attachement à cet outil plébiscité par l’ensemble de nos collègues maires.

Soutenir les territoires ruraux les plus fragiles, c’est également garantir la présence des services publics dans ces territoires – là encore, cela a été dit à de nombreuses reprises.

Tel est le sens des 1 300 maisons de services au public, les MSAP, qui ont été lancées sous la précédente législature et que le Gouvernement continue à déployer, avec un maillage territorial de plus en plus fin – 85 % des MSAP sont aujourd’hui situées dans des communes de moins de 5 000 habitants. On note l’émergence de structures itinérantes, au nombre de 126 actuellement, qu’il faut encourager. Certains défendent d’ailleurs l’idée selon laquelle les sous-préfectures pourraient elles-mêmes, à l’avenir, porter ces dispositifs de MSAP. Il conviendra d’étudier de telles propositions avec beaucoup de bienveillance dans le cadre des différentes programmations à venir.

Parmi les services essentiels à la vie de nos concitoyens, je sais que l’accès aux soins constitue un enjeu particulièrement sensible, dans un contexte de baisse, parfois très marquée, de la démographie médicale. C’est probablement, d’ailleurs, le premier sujet évoqué par les maires et par nos concitoyens dans le cadre du grand débat national. C’est pourquoi le chef de l’État et la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, ont d’ores et déjà pris un certain nombre d’engagements forts en proposant de réfléchir collectivement à une réorganisation de l’offre de soins, l’idée étant notamment d’attirer davantage de médecins sur nos territoires, mais aussi d’augmenter le temps médical disponible des médecins déjà installés sur nos territoires, notamment ruraux.

Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui a été récemment présenté, apporte les premières réponses, avec la fin du numerus clausus – ses effets ne se feront sentir que plus tard, certes, mais cette mesure était attendue –, le déploiement de 400 médecins salariés dans les déserts médicaux, ou encore le déploiement de communautés professionnelles de santé.

Par ailleurs, s’agissant de l’accès aux services publics, la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, issue, là aussi, d’une proposition de loi du groupe du RDSE, permettra de soutenir efficacement les territoires les plus en difficulté, qu’ils soient ruraux ou urbains.

En réponse à quelques interpellations qui m’ont été adressées, je vous signale, mesdames, messieurs les sénateurs, que deux amendements dont les dispositions répondent à vos préoccupations ont été adoptés mardi dernier par l’Assemblée nationale, avec un avis favorable de Mme Gourault.

Le premier vise à renforcer la solidarité entre les métropoles et les communautés urbaines, d’un côté, et, de l’autre, les territoires environnants ; le second crée les contrats de cohésion, équivalents du contrat unique que vous appelez de vos vœux – par leur entremise, la richesse irriguera mieux les territoires autour des métropoles et des grands centres urbains.

Conserver le lien avec les territoires ruraux passe aussi par l’accès au numérique – vous l’avez mentionné, madame la sénatrice Cukierman. On ne peut pas accepter que des pans entiers de nos territoires soient coupés du monde, dans des « zones blanches ». Pour cette raison, le Gouvernement a lancé, au début de 2018, le « New Deal mobile », voué à garantir une couverture mobile de qualité d’ici à la fin de 2020, et le plan France très haut débit, qui permettra à 100 % des Français d’être équipés en très haut débit d’ici à 2022.

Ces politiques représentent un investissement sans précédent de 3, 3 milliards d’euros directement injectés sur les territoires pour développer des réseaux d’initiative publique portés par les collectivités ; et le déploiement se passe conformément au plan prévu. Il y a même des territoires en « surchauffe », dans lesquels les entreprises chargées du déploiement font face à une pénurie de main-d’œuvre.

Dans le cadre du grand débat national, la question du très haut débit est toujours présente, mais peut-être avec moins de force qu’il y a un, deux ou trois ans, puisque, tout simplement, les choses commencent à se faire. On pourra aussi noter que les zones relevant des réseaux d’initiative publique avancent parfois plus vite que les zones dites AMII, qui sont concernées par des appels à manifestations d’intentions d’investissement – qui l’eût cru il y a quelques années ?

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ce que nous avons déjà engagé depuis le début du quinquennat, en lien avec les collectivités territoriales.

La tournée des maires engagée par le Président de la République, qui se terminera dans quelques semaines, a montré une nouvelle fois le besoin impérieux de proximité. Sans dévoiler les chantiers de ces prochains mois ou de ces prochaines semaines, il faudra notamment revoir la loi NOTRe, que j’ai personnellement toujours combattue, en tant que maire et en tant que président de conseil départemental. Il faudra la revoir, donc, non pas pour la détricoter, mais pour l’adapter là où c’est nécessaire, avec pragmatisme.

Dans un contexte où ont été créées de très très grandes régions, il nous faut réhabiliter les échelons de proximité – les maires l’ont dit avec beaucoup de force dans le cadre du grand débat –, donc l’échelle de la commune et l’échelle du département, qui sont des échelles historiques de l’histoire française.

Debut de section - Permalien
Sébastien Lecornu

À ce titre, je remercie l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’ADF, l’Assemblée des départements de France, et Régions de France pour leur contribution au grand débat national dans le cadre de Territoires unis. Je ne peux qu’appuyer le principe proposé, à savoir « qui paie décide ». Toutefois – je le dis en tant qu’élu local et en tant que ministre, et c’est l’une des principales demandes de nos concitoyens –, ce principe ne saurait fonctionner sans son corollaire : « qui décide assume ».

Comme je vous le disais, le chef de l’État s’est également engagé à travailler sur un « agenda rural », proposition portée par l’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, que vous connaissez bien. Cet agenda détaillera une feuille de route jusqu’à la fin du quinquennat pour l’ensemble des ruralités dans leur diversité, avec une attention particulière pour les territoires les plus fragiles.

Plus globalement, le Président de la République annoncera au mois d’avril, à l’issue du grand débat national, un certain nombre de mesures fortes, comme il s’y est engagé dans sa lettre du 13 janvier dernier, pour apporter des réponses aux attentes exprimées par nos concitoyens. Nous serons amenés non seulement à en reparler, mais à travailler en lien permanent avec le Sénat, comme je l’ai fait depuis mon entrée au Gouvernement, et par exemple, récemment, avec Mme Gatel sur sa proposition de loi relative aux communes nouvelles.

Je profite de cette tribune pour redire à quel point je suis attaché aux dispositifs qui ont été votés par le Sénat à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, et qui seront débattus par l’Assemblée nationale, mais dans le cadre des conclusions du grand débat national.

Merci, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos contributions pour les ruralités françaises.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles. »

L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.