Intervention de André Reichardt

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 mars 2019 à 9h35
Institutions européennes — Réunion conjointe avec une délégation du sénat des pays-bas

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, président :

Monsieur le président de la commission des affaires européenne du Sénat des Pays-Bas, le président de notre commission, M. Bizet, est malheureusement retenu aujourd'hui en raison de la visite du Premier ministre dans son département. Il vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a confié le soin d'accueillir en son nom votre délégation, ce que je fais avec grand plaisir, d'autant que nous vous recevons dans l'une des plus belles salles du Sénat.

Nous gardons un excellent souvenir de l'accueil que vous avez réservé à plusieurs de nos collègues au Senat néerlandais il y a tout juste un an. Nous en étions revenus avec la conviction qu'il était précieux de poursuivre le dialogue entre nos deux pays par la voie parlementaire.

Nos pays respectifs, tous deux fondateurs de la Communauté européenne, se trouvent en effet confrontés aujourd'hui à un contexte inédit, marqué par les nouveaux défis que doit relever l'Union européenne et par la montée des populismes à la veille des élections européennes, tandis que le Royaume-Uni envisage de quitter l'Union et que les États-Unis s'éloignent du multilatéralisme.

Le départ du Royaume-Uni représenterait naturellement un choc important pour l'Union européenne, et particulièrement pour votre pays dont il est le deuxième partenaire commercial. Il amputerait aussi mécaniquement la capacité budgétaire de l'Union, alors même qu'elle doit se donner les moyens de répondre à la vague migratoire, à la montée du terrorisme ou à l'enjeu climatique, mais aussi préparer son avenir en investissant dans le numérique, la recherche et l'intelligence artificielle. Je ne doute pas que votre pays, comme le nôtre, est particulièrement attentif à ces défis.

Nous partageons ces priorités avec vous, mais elles ne doivent pas nous amener à sacrifier les politiques fondatrices de l'Union, notamment la politique agricole commune (PAC) qui représente un outil d'investissement stratégique : à l'heure où nos grands concurrents agricoles investissent massivement dans leur agriculture, pouvons-nous envisager de déconstruire la PAC ? La souveraineté alimentaire de l'Union européenne est en jeu, ainsi que la qualité de l'agriculture européenne qui lui donne précisément sa plus-value par rapport à ses concurrentes.

Si nous plaidons pour garder une PAC à moyens constants, nous avons parfaitement conscience que nous devons faire plus dans beaucoup d'autres domaines, que je viens d'évoquer et qui sont également décisifs pour l'avenir de l'Union européenne. C'est pourquoi nous voudrions vous convaincre de la nécessité d'élargir la capacité d'action de l'Union et donc d'accroître son budget, ne serait-ce que de 0,1 point de PIB.

Cela ne peut se faire sans ressources nouvelles. Celles-ci peuvent notamment venir de la taxation des géants du numérique, dont la mise en oeuvre au sein de l'OCDE tarde décidément trop à nos yeux, ou des contributions nationales. Nous savons que les habitants de votre pays sont ceux qui contribuent le plus au budget européen. Nous n'ignorons pas qu'il est de la responsabilité de la France de redresser ses finances publiques, à l'image du vôtre, pour dégager de nouvelles marges d'action au profit des politiques européennes qui apportent une réelle plus-value.

Nous avons également la conviction que l'Union européenne a besoin d'asseoir sa puissance économique sur une monnaie solide pour garantir la stabilité et la croissance. À cet égard, le renforcement de la zone euro est un enjeu dont nous sommes prêts à discuter ensemble : comment trouver le moyen de stabiliser les États membres de la zone euro en cas de choc économique ? À nos yeux, la récente proposition franco-allemande de créer un instrument budgétaire pour la zone euro doit pouvoir être conciliée avec votre exigence légitime de voir respectés les critères de Maastricht par tous les États de la zone. La responsabilité doit bien sûr se conjuguer avec la solidarité.

Il est normal que, sur ces sujets, nous ne partagions pas les mêmes points de vue, chacun étant façonné par sa culture, son histoire et sa position géographique. Mais nous savons que vous n'avez pas peur du dialogue et je suis certain que nos échanges seront francs et constructifs et nous permettront de mieux nous comprendre, ce qui est le meilleur moyen de nous rapprocher au sein d'une Union européenne que nous souhaitons aussi efficace que possible.

La présence devant vous de nombre de nos collègues du Sénat français, au début d'une journée entièrement consacrée à l'Europe, puisque nous allons tenir cet après-midi avec la ministre Nathalie Loiseau un débat préalable au prochain Conseil européen, est un gage de notre intérêt. Monsieur le président, nous sommes très heureux de votre présence parmi vous et très désireux d'échanger.

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